Grosse + copie
délivrée le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre sociale
ARRET DU 01 FEVRIER 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/05190 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NKWF
ARRET n°
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 SEPTEMBRE 2017
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE
N° RG21500005
APPELANT :
Monsieur [N] [O]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentant : Me VILELLA substituant Me Robert MARY de la SCP GOUIRY/MARY/CALVET/BENET, avocat au barreau de NARBONNE
INTIMEE :
CARSAT MIDI-PYRENEES
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Me Pierre-Emmanuel VISTE de la SCP AURAN-VISTE & ASSOCIES, avocat au barreau de BEZIERS
En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 DECEMBRE 2022,en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère, chargé du rapport.
Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet
Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON
ARRET :
- Contradictoire.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour ;
- signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet , et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.
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EXPOSE DU LITIGE, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Madame [L] [C] [X] (ci-après 'la défunte') a bénéficié, de son vivant, d'une pension de vieillesse qui lui a été versée par la Carsat des Midi-Pyrénées (ci-après 'la caisse') à compter du 1er août 1984.
Elle est décédée le 31 mars 2000, laissant derrière elle sa fille unique, Madame [H] [O] (née [G] [X]), décédée le 29 novembre 2009.
En mars 2011, la Carsat des Midi-Pyrénées a suspendu le versement de la pension de vieillesse.
Les 25 mai 2012 et 5 juillet 2012, la Carsat des Midi-Pyrénées a sollicité, auprès du [6], le remboursement des arrérages de la pension de vieillesse versée postérieurement au décès de Madame [L] [C] [X], du 1er avril 2000 au 28 février 2011, sur le compte bancaire n°[XXXXXXXXXX02] ouvert au sein de cette banque au nom de la défunte, à hauteur de 81 492,41 euros.
Le 26 octobre 2012, le [6] a refusé de procéder à un tel remboursement, invitant la Carsat des Midi-Pyrénées à se rapprocher des héritiers de la défunte.
Le 27 novembre 2012, suivant acte de notoriété, les quatre enfants de Madame [H] [O] ([N], [F], [K] et [V] [O]), petits-enfants de Madame [L] [C] [X], ont déclaré accepter la succession de leur grand-mère pour le tout, à concurrence d'un quart chacun.
Le 7 janvier 2014, par courrier recommandé avec avis de réception, la Carsat des Midi-Pyrénées a sollicité, auprès de Monsieur [N] [O], en sa qualité de cohéritier, le remboursement de la somme de 20 373,11 euros correspondant à sa quote-part au titre des arrérages de la pension de vieillesse trop perçue.
Le 1er juillet 2014, par courrier recommandé avec avis de réception, la Carsat des Midi-Pyrénées a mis en demeure Monsieur [N] [O] de procéder au remboursement de la somme de 20 373,10 euros.
Le 1er septembre 2014, la Carsat des Midi-Pyrénées a à nouveau sollicité, auprès de Monsieur [N] [O], le remboursement de sa quote-part.
Le 5 janvier 2015, la Carsat des Midi-Pyrénées a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Aude d'une action en répétition d'un indu de 20 373,11 euros à l'encontre de Monsieur [N] [O], en sa qualité de cohéritier de Madame [L] [C] [X].
Suivant jugement contradictoire du 5 septembre 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Aude 'Dit non prescrite l'action engagée par la Carsat Midi-Pyrénées à l'encontre de M.[N] [O] ; Condamne M.[N] [O] à payer à la Carsat Midi-Pyrénées la somme de 20 373,10 euros en paiement de sa quote-part de la dette de la succession de Mme [L] [C] [X] à l'égard de cette caisse ; Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ; Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ; Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ; Rappelle qu'il n'existe pas de dépens devant la présente juridiction'.
Le 2 octobre 2017, Monsieur [N] [O] a interjeté appel du jugement.
La cause, enregistrée sous le numéro RG 17/05190, a été appelée à l'audience des plaidoiries du 8 décembre 2022.
Monsieur [N] [O] a sollicité l'infirmation du jugement, en demandant à la cour, à titre principal, de déclarer prescrite l'action en répétition introduite par la Carsat des Midi-Pyrénées. A titre subsidiaire, il a sollicité le rejet de la demande en paiement formée par la Carsat des Midi-Pyrénées, et a demandé à la cour, en tout état de cause, de condamner cette caisse au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
La Carsat des Midi-Pyrénées a sollicité la confirmation du jugement, en demandant à la cour de déclarer son action en répétition non prescrite, et de condamner en conséquence Monsieur [N] [O] au paiement de la somme de 20 373,11 euros correspondant à sa quote-part de sa dette successorale, ainsi qu'aux dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I.- Sur la recevabilité de l'action en répétition de la Carsat des Midi-Pyrénées
Monsieur [N] [O] prétend que l'action en répétition de la Carsat des Midi-Pyrénées est prescrite, sans s'expliquer davantage.
La cour rappelle que l'action en répétition des arrérages d'une pension de vieillesse perçus par un tiers, héritier ou non, postérieurement au décès de l'assuré, revêt le caractère d'une action personnelle ou mobilière au sens de l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008. Comme telle, elle se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Elle n'est pas soumise à la prescription abrégée (biennale) de l'article L 355-3 du code de la sécurité sociale.
En outre, en application des articles 2241 et 2244 du code civil, le délai de prescription est interrompu la demande en justice, mais également par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée.
En l'espèce, au décès de Madame [L] [C] [X] survenu le 31 mars 2000 sous l'empire de l'ancien article 2262 du code civil, la prescription de droit commun était trentenaire. Cette prescription n'était donc pas acquise au jour de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, en sorte qu'un nouveau délai de prescription de cinq ans doit s'appliquer à compter du jour où la Carsat des Midi-Pyrénées a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance du décès de l'assurée.
A ce titre, il apparaît que la Carsat des Midi-Pyrénées a, dès le 7 mars 2011, présumé que Madame [L] [C] [X] était décédée, la date de son décès lui étant effectivement parvenue le 5 décembre 2011 à réception du registre d'état civil de [Localité 7]. Le délai de prescription quinquennal de l'action en répétition d'indu de la caisse a donc couru à compter du 7 mars 2011, en application de l'article 2224 du code civil.
Il s'ensuit que l'action en répétition de l'indu introduite le 5 janvier 2015 par la Carsat des Midi-Pyrénées devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Aude n'est manifestement pas prescrite, étant observé que cette prescription a été au surplus interrompue par la réclamation de la Carsat des Midi-Pyrénées du 1er juillet 2014, adressée le 3 juillet 2014 à Monsieur [N] [O] par lettre recommandée avec avis de réception retourné signé, le mettant en demeure de rembourser sa quote-part au titre des arrérages de la pension de vieillesse versée postérieurement au décès de Madame [L] [C] [X], cette invitation impérative valant commandement interruptif de prescription au sens des dispositions de l'article 2244 du code civil.
Le jugement querellé sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré non prescrite l'action de la Carsat des Midi-Pyrénées introduite à l'encontre de Monsieur [N] [O].
II.- Sur le bien fondé de l'action en répétition de la Carsat des Midi-Pyrénées
Monsieur [N] [O] conteste être redevable des arrérages de pension de vieillesse litigieux au motif qu'ils ne constituent nullement une dette de succession mais un paiement indu dont la restitution ne peut être demandée qu'à la personne qui l'a effectivement reçu, et qu'à ce titre, il n'est pas démontré que les sommes réclamées aient été versées sur un compte bancaire particulier, ni sur celui de Madame [L] [C] [X], ni qu'il les ait lui-même perçues.
Aux termes des anciens articles 1376 et 1377 du code civil (devenus les articles 1302 à 1302-3 du code civil), celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu, et lorsqu'une personne qui, par erreur, se croyait débitrice, a acquitté une dette, elle a le droit de répétition contre le créancier. Ainsi une caisse de sécurité sociale peut obtenir, sur le fondement de la répétition de l'indu, le remboursement des sommes qu'elle a versées à tort.
Selon l'article 724 du code civil, les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt.
Il résulte ainsi de la combinaison de ces textes qu'il incombe au titulaire du compte sur lequel ont été indûment versés les fonds et, après son décès, à sa succession, de les restituer.
En l'espèce, il est constant que n'ayant pas été informée du décès de Madame [L] [C] [X] survenu le 31 mars 2000, la Carsat des Midi-Pyrénées a continué à verser indûment jusqu'en mars 2011 les arrérages de sa pension de vieillesse sur un compte bancaire dont elle était titulaire. La Carsat des Midi-Pyrénées sollicite ainsi auprès de Monsieur [N] [O] le remboursement des arrérages de la pension de vieillesse versée à la défunte sur la période du 1er avril 2000 au 28 février 2011, à concurrence de sa quote-part dans la succession de sa grand-mère.
A ce titre, en application de l'article 1315 du code civil (devenu l'article 1353 du même code) qui dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, l'attestation de créancier et l'attestation de paiement de l'agent comptable de la Carsat des Midi-Pyrénées du 5 août 2016, outre les échanges entre la caisse et l'établissement [6], suffisent à démontrer le versement effectif des mensualités de pension de vieillesse sur la période considérée, pour un montant total de 81492,41 euros, sur le compte bancaire n°[XXXXXXXXXX02] ouvert auprès du [6] au nom de la défunte.
Ainsi, les sommes versées sur ce compte bancaire après le décès de Madame [L] [C] [X] étant indues, l'obligation de leur restitution incombe à sa succession.
Il convient alors de préciser qu'en application combinée des articles 870 et 873 du même code, les cohéritiers contribuent entre eux au paiement des dettes et charges de la succession, chacun dans la proportion de ce qu'il y prend, et ils sont tenus des dettes et charges de cette succession personnellement pour leur part et portion virile.
En l'espèce, la cour rappelle que Madame [L] [C] [X] a laissé derrière elle une fille unique, Madame [H] [O], elle-même décédée le 29 novembre 2009 avant la fin de la liquidation de la succession de la première.
La renonciation, par Monsieur [N] [O], à la succession de Madame [H] [O], sa mère, n'emporte pas renonciation à la succession de Madame [L] [C] [X], sa grand-mère, qu'il a 'purement et simplement' acceptée et pour laquelle sa qualité de cohéritier pour un quart apparaît clairement au sein de l'acte de notoriété dressé le 27 novembre 2012.
De surcroît, le seul fait que sa grand-mère et sa mère aient eu la même adresse postale ne suffit pas à démontrer que les arrérages de la pension de vieillesse de versés sur le compte bancaire de la première aient été perçues par la seconde, au demeurant décédée avant que la Carsat des Midi-Pyrénées ne suspende le versement de cette pension en mars 2011 et avant la liquidation de la succession de Madame [L] [C] [X].
En tout état de cause, il ne ressort d'aucun élément du dossier que Madame [H] [O] (la mère de l'appelant) ait eu effectivement la succession du compte bancaire de Madame [L] [C] [X] (la grand-mère de l'appelant). Il apparaît donc que l'obligation de restitution, à hauteur de sa quote-part, incombe à Monsieur [N] [O] en sa qualité d'héritier.
Par conséquent, en application des dispositions susvisées, Monsieur [N] [O], en sa qualité de cohéritier de sa grand-mère, a justement été condamné à rembourser l'indu de 20 373,10 euros correspondant au quart de la somme totale indûment versée après le décès de Madame [L] [C] [X].
Le jugement querellé mérite donc entière confirmation.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 septembre 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Aude ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [N] [O] aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la juridiction le 1er février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT