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18/01/2023 | FRANCE | N°17/04781

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre sociale, 18 janvier 2023, 17/04781


Grosse + copie

délivrées le

à



































3e chambre sociale



ARRÊT DU 18 Janvier 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/04781 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NJ2U



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 AOUT 2017 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE D'AVEYRON

N° RG21200029





APPELANTE :



Madam

e [Z] [N]

Hôtel restaurant des Causses

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentant : Me Jean philippe GALTIER de la SCP REY GALTIER, avocat au barreau de NIMES





INTIMEE :



URSSAF MIDI PYRENEES

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentant : Me Christiane RANDAVEL...

Grosse + copie

délivrées le

à

3e chambre sociale

ARRÊT DU 18 Janvier 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/04781 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NJ2U

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 AOUT 2017 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE D'AVEYRON

N° RG21200029

APPELANTE :

Madame [Z] [N]

Hôtel restaurant des Causses

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentant : Me Jean philippe GALTIER de la SCP REY GALTIER, avocat au barreau de NIMES

INTIMEE :

URSSAF MIDI PYRENEES

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentant : Me Christiane RANDAVEL, avocat au barreau D'AVEYRON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 NOVEMBRE 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRÊT :

- Contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Madame [Z] [N] est gérante de l'Hôtel-Restaurant des Causses, sis à [Localité 7] dans l'Aveyron.

Le 28 juillet 2009, elle a fait l'objet d'un procès-verbal relevant l'infraction de travail dissimulé n°2008/00411, dressé par la Gendarmerie de [Localité 5], lequel a été transmis à l'Urssaf de l'Aveyron en application de l'article L 8271-8-1 du code du travail.

Le 7 mai 2010, l'Urssaf de l'Aveyron, selon la procédure prévue à l'article R 133-8 du code de la sécurité sociale, a informé Madame [Z] [N] des chefs de redressement suivants, envisagés à son encontre pour la période du 1er janvier 2005 au 28 juillet 2009 et consécutifs au constat de travail dissimulé :

1/ travail dissimulé avec verbalisation - dissimulation d'emploi salarié: minoration des heures de travail-redressement forfaitaire (139 455 euros de cotisations) ;

2/ travail dissimulé avec verbalisation - dissimulation d'emploi salarié : minoration des heures de travail - Mme [K] [H] (23 059 euros de cotisations) ;

3/ travail dissimulé avec verbalisation - dissimulation d'emploi salarié et minoration des heures de travail : M. [M] [D] (53 097 euros de cotisations) ;

4/ annulation des réductions Fillon suite au constat de travail dissimulé (45 000 euros de cotisations).

Le 16 septembre 2010, l'Urssaf de l'Aveyron a ramené le montant du redressement relatif aux annulations des réductions Fillon à hauteur de 41 566 euros.

Le 24 septembre 2010, l'Urssaf de l'Aveyron a émis une mise en demeure portant sur le redressement des cotisations précitées, invitant Madame [Z] [N] à régler la somme de 303 104 euros (257 177 euros de cotisations et 45 927 euros de majorations de retard) dans le mois de sa réception.

Cette mise en demeure a été notifiée à Madame [Z] [N] le 27 septembre 2010 par courrier recommandé avec avis de réception.

Le 26 octobre 2010, Madame [Z] [N] a contesté cette mise en demeure devant la commission de recours amiable de l'Urssaf de l'Aveyron.

Le 14 octobre 2011, la commission de recours amiable a confirmé le redressement opéré à l'encontre de Madame [Z] [N], réduisant néanmoins le chef de redressement relatif à l'annulation des réductions 'Fillon' à la somme de 37 839 euros pour la période allant du mois d'août 2006 au mois de décembre 2009. Cette décision a été notifiée à Madame [Z] [N] le 29 décembre 2011, par courrier recommandé avec avis de réception.

Le 23 février 2012, Madame [Z] [N] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Aveyron en contestation de la décision de la commission de recours amiable.

Suivant jugement contradictoire du 4 août 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Aveyron 'Déboute Mme [N] de ses demandes tendant à voir déclarer nulle la procédure de redressement ; Valide le chef de redressement opéré par l'URSSAF au titre du travail dissimulé concernant 38 salariés pour son entiers montant, soit 139 455 euros ; Annule le chef de redressement opéré au titre du travail dissimulé de Mme [H] [K] ; Valide le chef de redressement opéré par l'URSSAF au titre du travail dissimulé de M. [D] [M] pour son montant ramené à la somme de 23 637 euros ; Valide le chef de redressement opéré par l'URSSAF au titre de l'annulation des exonérations de cotisations pour son montant ramené à la somme de 37 839 euros ; Condamne Mme [N] au paiement de ces sommes, ainsi qu'aux majorations de retard principales et complémentaires, calculée en application de l'article R 243-18 du code de la sécurité sociale ; Rejette les autres demandes des parties ; Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile'.

Le 29 août 2017, Madame [Z] [N] a interjeté appel du jugement.

La cause, enregistrée sous le numéro RG 17/04781, a été appelée à l'audience des plaidoiries du 3 novembre 2022.

Madame [Z] [N] a sollicité l'infirmation du jugement sauf en ce qu'il a annulé le chef de redressement opéré au titre du travail dissimulé de Madame [H] [K]. Elle a, en conséquence, demandé à la cour, à titre principal, de déclarer irrégulière et nulle la procédure de redressement opérée à son encontre et d'annuler en conséquence l'entier redressement dont elle a fait l'objet, et débouter l'Urssaf des Midi-Pyrénées de ses demandes ; à titre subsidiaire, de débouter l'Urssaf des Midi-Pyrénées de ses demandes et d'annuler l'entier redressement ; en tout état de cause, de condamner l'Urssaf des Midi-Pyrénées au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'Urssaf des Midi-Pyrénées, intervenant volontairement en lieu et place de l'Urssaf de l'Aveyron, a sollicité, à titre principal, d'une part, la confirmation partielle du jugement en ce qu'il a déclaré la procédure de redressement régulière et validé le chef de redressement au titre du travail dissimulé concernant 38 salariés en son entier montant de 139 455 euros ainsi que le chef de redressement relatif à l'annulation des exonérations de cotisations à hauteur de 37 839 euros, et d'autre part, l'infirmation du jugement sur le surplus, en demandant à la cour de valider le chef de redressement au titre du travail dissimulé de Madame [H] [K] pour son montant de 23 637 euros, de valider le chef de redressement au titre du travail dissimulé de Monsieur [D] [M] pour son montant de 53 097 euros, de rejeter toutes demandes contraires et de condamner Madame [Z] [N] au paiement de l'ensemble de ces sommes ainsi qu'aux majorations de retard principales et complémentaires, soit la somme de 302 439 euros. A titre subsidiaire, l'Urssaf des Midi-Pyrénées a sollicité la confirmation du jugement. En tout état de cause, l'organisme de recouvrement a demandé à la cour de condamner Madame [Z] [N] au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I.- Sur la régularité du redressement

Madame [Z] [N] entend soulever l'illégalité de la perquisition opérée au sein de son Hôtel-Restaurant par la Gendarmerie de [Localité 5] le 26 janvier 2009, à l'issue de laquelle a été dressé le procès-verbal n°2008/00411 relevant l'infraction de travail dissimulé, par la suite transmis à l'Urssaf de l'Aveyron en application de l'article L 8271-8-1 du code du travail et ayant servi de fondement au redressement litigieux. A ce titre, elle soutient essentiellement que l'enquête préliminaire dans le cadre de laquelle cette perquisition a eu lieu 'n'a jamais concerné la recherche et la constatation des infractions aux interdictions de travail dissimulé', en sorte que ladite perquisition aurait dû être diligentée sur réquisitions du procureur de la République ou sur ordonnance du président du tribunal de grande instance, en application combinée des articles 78-2-1 du code de procédure pénale et L 8271-13 du code du travail. Madame [Z] [N] prétend ainsi que les actes de procédure subséquents, ayant in fine abouti sur le redressement, sont entachés de nullité.

Il n'appartient pas à la cour de céans de statuer sur la régularité de la perquisition et des actes de la procédure pénale, mais de vérifier la régularité de la procédure de redressement subséquente, mise en oeuvre par l'Urssaf des Midi-Pyrénées à réception du procès-verbal n°2008/00411 relevant l'infraction de travail dissimulé dressé par la Gendarmerie de [Localité 5], l'organisme de recouvrement n'étant intervenu que pour un chiffrage et non pour la constatation d'une infraction.

Néanmoins, ce procès-verbal, dressé après la perquisition en cause et ayant fondé le redressement litigieux matérialisé par l'envoi du courrier administratif du 7 mai 2010 prévu par les dispositions de l'article R 133-8 du code de la sécurité sociale, constitue un élément de preuve de cette procédure de redressement, dont la cour entend examiner la licéité en application de l'article 9 du code de procédure civile.

A ce titre, la cour observe, d'une part, que la perquisition ainsi que le procès-verbal n°2008/00411 relevant l'infraction de travail dissimulé à l'encontre de Madame [Z] [N] n'ont pas été annulés par une juridiction pénale.

D'autre part, si une enquête de flagrance a été ouverte dans un premier temps à l'encontre de Monsieur [D] [M] (compagnon de Madame [Z] [N] travaillant au sein de l'Hôtel Restaurant) pour des faits de harcèlement moral et d'agressions sexuelles, il apparaît à l'examen des éléments versés aux débats, que suite aux déclarations des salariés de l'Hôtel Restaurant recueillies dans le cadre de cette enquête de flagrance, une enquête préliminaire a ensuite été ouverte par les officiers de police judiciaire en application de l'article 75 du code de procédure pénale, à l'encontre de Madame [Z] [N] pour des faits de travail illégal, l'intéressée ayant été placée en garde à vue à ce titre le 26 janvier 2009 à 9h00, tel qu'il en ressort du procès-verbal de garde à vue y afférent.

C'est donc dans le cadre de cette enquête préliminaire ouverte à l'encontre de Madame [Z] [N] que la perquisition en cause a été diligentée le jour-même au sein de son Hôtel Restaurant, étant observé que l'intéressée y a expressément consenti par écrit, et y a assisté, le tout en application de l'article 76 du code de procédure pénale, tel qu'il en ressort du procès-verbal de garde à vue et du procès-verbal de perquisition auxquels a été annexé l' 'autorisation de perquisition et saisies au cours d'une enquête préliminaire' donnée par Madame [Z] [N].

Il convient alors de préciser que les dispositions dont entend faire état Madame [Z] [N], à savoir l'article 78-2-1 du code de procédure pénale et l'article L 8271-13 du code du travail de la combinaison desquels il ressort notamment que des perquisitions peuvent être organisées dans les lieux à usage professionnel sur réquisitions du procureur de la République ou sur ordonnance du président du tribunal de grande instance dans le cadre d'enquêtes préliminaires pour la recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé, ne dérogent pas aux règles de droit commun relatives à la constatation des infractions par les officiers et agents de police judiciaire, et n'excluent pas l'application de l'article 76 du code de procédure pénale ; au surplus, la présentation, à la personne disposant des lieux ou à son représentant, des réquisitions écrites du procureur de la République délivrées en application de l'article 78-2-1 du code de procédure pénale n'est pas prévue à peine de nullité.

Dès lors, en l'espèce, en l'état de l'assentiment exprès écrit de Madame [Z] [N] à la perquisition, conformément aux dispositions de l'article 76 du code de procédure pénale, organisée dans le cadre de l'enquête préliminaire ouverte à son encontre notamment en application de l'article 75 du code de procédure pénale pour des faits de travail illégal, il n'est constaté aucune violation manifeste, par les officiers de police judiciaire, de la procédure pénale dont a fait l'objet l'intéressée, susceptible d'entraîner la nullité des actes et des constatations ayant ensuite fondé le redressement litigieux.

Par ailleurs, la cour observe que Madame [Z] [N] a à nouveau été placée en garde à vue puis auditionnée le 20 juillet 2009 par la Gendarmerie de [Localité 5], dans le cadre de l'enquête préliminaire ouverte à son encontre pour les faits de travail illégal, et qu'aucun élément ne permet de remettre en cause les conditions dans lesquelles ont été recueillies ses déclarations, lesquelles sont de nature à établir l'existence d'un travail dissimulé.

C'est sur la base de l'ensemble des éléments susvisés que le procès-verbal n°2008/00411 relevant l'infraction de travail dissimulé à l'encontre de Madame [Z] [N] a été dressé par les officiers de police judiciaire puis transmis à l'Urssaf de l'Aveyron en application de l'article L 8271-8-1 du code du travail, et que le courrier administratif du 7 mai 2010 prévu par les dispositions de l'article R 133-8 du code de la sécurité sociale a dès lors été établi par l'organisme de recouvrement et notifié à l'intéressée, la cour rappelant à ce titre que le procès-verbal constatant le délit de travail dissimulé à l'origine du redressement opéré ensuite par l'Urssaf n'a pas à figurer dans les documents communiqués à l'employeur par l'organisme de recouvrement, l'absence d'une telle communication ne constituant nullement une violation des droits de la défense.

Au surplus, le courrier administratif du 7 mai 2010, rappelant les références du procès-verbal pour travail dissimulé établi par les officiers de police judiciaire compétents en application de l'article L 8271-7 du code de la sécurité sociale (procès-verbal exploité par l'Urssaf et sur la base duquel est fondé le redressement opéré par cet organisme), contient toutes les mentions et informations requises par les dispositions de l'article R 133-8 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, et a été notifié à Madame [Z] [N] conformément à ces dispositions.

Il s'ensuit, d'une part, en l'absence de caractère illicite et déloyal des éléments de preuve ayant servi de base au redressement litigieux notifié par l'Urssaf des Midi-Pyrénées, et d'autre part, en l'état de la notification du redressement dans les conditions prévues par l'article R 133-8 du code de la sécurité sociale, que la procédure de redressement dont a fait l'objet Madame [Z] [N] a été régulièrement mise en oeuvre.

Le fait que le Ministère public, après avoir été renvoyé à mieux se pourvoir par jugement du tribunal correctionnel de Rodez du 7 septembre 2011 qui ne s'estimait pas valablement saisi en raison de l'imprécision de la convocation de Madame [Z] [N] par l'officier de police judiciaire, n'ait pas donné de suite aux poursuites engagées à l'encontre de l'intéressée, n'est pas assimilé à une décision de relaxe ayant autorité de la chose jugée, et l'absence, dans ces conditions, de toute condamnation pénale de Madame [Z] [N] pour des faits de travail dissimulé, ne font pas obstacle à la mise en oeuvre du redressement, ni ne constituent un motif d'annulation de celui-ci.

Le premier juge a donc à bon droit déclaré le redressement litigieux régulier, et rejeté la demande en nullité formée par Madame [Z] [N].

II.- Sur le redressement pour travail dissimulé

Aux termes de l'article L 8221-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, 'Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.'

Il n'est pas nécessaire d'établir l'intention frauduleuse de l'employeur, le contrôle n'ayant, en effet, pas pour finalité de poursuivre une sanction mais de recouvrer les cotisations dues.

En outre, selon la combinaison des articles L 8271-7, L 8271-8 et L 8271-8-1 du code du travail, dans leur version applicable au litige, les procès verbaux établis en matière de travail dissimulé par les agents mentionnés au premier de ces articles, lesquels sont communiqués aux organismes de recouvrement, font foi jusqu'à preuve du contraire.

1.- Sur le premier chef de redressement : travail dissimulé avec verbalisation - dissimulation d'emploi salarié - minoration des heures de travail - redressement forfaitaire

Il résulte des constatations de l'inspecteur en charge du recouvrement, issues de l'exploitation du procès-verbal n°2008/00411 de travail dissimulé dressé par la Gendarmerie de [Localité 5] puis transmis à l'Urssaf, et des pièces annexées à la procédure pénale, que 'le paiement en espèces et sans déclaration des heures supplémentaires est institutionnalisé dans l'entreprise'.

Madame [Z] [N] a elle-même déclaré, au cours de ses auditions des 26 janvier 2009 et 20 juillet 2009, que les heures effectuées par ses salariés 'n'apparaissent pas obligatoirement sur les bulletins de salaire' et que les heures concernées sont 'payées en numéraire', l'intéressée 'prenant dans la caisse' pour ce faire. Elle a reconnu que les bulletins de paie ne mentionnaient jamais plus de 169 heures mensuelles, le surplus étant systématiquement réglé en espèces ou récupéré officieusement. Elle ajoutait, à ce titre, ne pas être 'une bonne gestionnaire. Je n'ai pas le temps matériel de me pencher sur toute la législation en vigueur et il est vrai que par confort si l'on peut dire, afin de m'éviter de faire des papiers supplémentaires, nous payons parfois des heures en numéraire'.

En outre, les déclarations de Madame [Z] [N] ont été corroborées par celles des salariés auditionnés par les officiers de police judiciaire, ainsi que par l'exploitation des documents mis sous scellés lors de la perquisition.

Madame [Z] [N] conteste ce chef de redressement en arguant de la fragilité de son état de santé psychique qui aurait eu une influence sur ses déclarations, et de ses faibles revenus qui ne lui permettraient pas de régler les cotisations redressées.

Ces arguments sont inopérants, Madame [Z] [N] ayant subi un examen médical lors de sa garde à vue à l'issue duquel le médecin a conclu à la compatibilité de son état de santé avec la mesure. En tout état de cause, ni la dépression invoquée par l'intéressée, ni le montant de ses revenus ne sont susceptibles de l'exonérer de ses obligations déclaratives découlant de la législation du droit du travail, et ne peuvent avoir pour effet de limiter l'étendue de sa responsabilité en matière de sécurité sociale.

Madame [Z] [N] prétend ensuite que l'Urssaf des Midi-Pyrénées ne justifie pas du redressement forfaitaire appliqué.

Or, la cour rappelle qu'il appartient à Madame [Z] [N] de démontrer l'absence de toute infraction de travail dissimulé en l'état des constatations de l'inspecteur en charge du recouvrement issues de l'exploitation du procès-verbal de travail dissimulé qui font foi jusqu'à preuve du contraire.

Cependant, alors que les faits de travail dissimulé par minoration des heures mentionnées sur les bulletins de paie sont parfaitement établis, Madame [Z] [N] ne produit aucun élément concret et probant susceptible de remettre en cause ce constat. De même, les éléments qu'elle verse aux débats ne permettent pas de faire obstacle à l'évaluation forfaitaire du redressement effectuée par l'Urssaf en application des dispositions combinées des articles L 242-1-2 et R 242-5 du code de la sécurité sociale, Madame [Z] [N] n'étant pas en mesure de prouver non seulement la durée réelle d'emploi des 38 salariés concernés par le redressement, ni le montant exact de la rémunération qui leur a été versée pendant la période redressée du 1er janvier 2005 au 28 juillet 2009.

Ainsi, les conditions de l'évaluation forfaitaire prévue par les dispositions susvisées étant réunies, l'inspecteur en charge du recouvrement a à bon droit procédé au redressement forfaitaire des cotisations à hauteur de 139 455 euros, après avoir calculé ces dernières sur la base de six fois la rémunération mensuelle minimale relative à la durée légale de travail (151,67 heures mensuelles), ce qu'a justement considéré le premier juge.

2.- Sur le deuxième chef de redressement : travail dissimulé avec verbalisation - dissimulation d'emploi salarié - minoration des heures de travail - Madame [H] [K]

Les parties s'accordent pour dire que Madame [H] [K] était embauchée sur la base d'un contrat de travail à temps complet, à hauteur de 169 heures mensuelles.

Il est, en outre, acquis, selon les déclarations de Madame [Z] [N], que les bulletins de paie ne mentionnaient jamais plus de 169 heures mensuelles, le surplus étant systématiquement réglé en espèces ou récupéré officieusement.

A l'examen du procès-verbal de l'audition de la salariée du 28 juillet 2008, il apparaît que celle-ci a déclaré avoir été amenée à réaliser à plusieurs reprises 280 heures de travail par mois, précisant notamment avoir travaillé tous les jours sans aucun repos sur la période estivale. Elle a également confirmé que les heures supplémentaires lui étaient réglées en espèces.

Il résulte en outre des différents procès-verbaux d'investigations dressés par les officiers de police judiciaire que Madame [H] [K] a réalisé 292h40 de travail sur le mois d'août 2007, mais également plus de 240 heures de travail mensuel sur d'autres périodes, les bulletins de paie y afférents ne mentionnant que 169 heures de travail. Les officiers de police judiciaire constataient également que l'intéressée avait travaillé a minima entre 50 heures et 66 heures par semaine entre les mois de juin à décembre 2006 et les mois d'avril à septembre 2007.

Par ailleurs, d'autres salariées auditionnées, dont Madame [J] [I], Madame [B] [I] et Madame [G] [C], ont notamment indiqué que Madame [H] [K] 'était exploitée', qu'elle 'était une esclave' et qu'elle 'aurait fait 300 heures de travail par mois'.

De surcroît, Monsieur [D] [M] a confirmé, dans le cadre de ses auditions, que les heures supplémentaires effectuées par Madame [H] [K] n'étaient pas toutes rémunérées.

Dès lors, au regard de l'ensemble de ces constatations et à défaut, pour Madame [Z] [N], de produire le moindre élément probant susceptible de remettre en cause ces dernières ou de déterminer la durée réelle d'emploi de la salariée concernée ou encore le montant exact de la rémunération qui lui a été versée, l'inspecteur en charge du recouvrement a à bon droit opéré un redressement sur la base de 280 heures de travail mensuel, entre le mois de janvier 2005 et le mois de septembre 2007, pour un montant de 23 059 euros de cotisations, et ce conformément aux dispositions de l'article R 242-5 du code de la sécurité sociale qui dispose que 'La durée de l'emploi est déterminée d'après les déclarations des intéressés ou par tout autre moyen de preuve'.

Le jugement querellé sera donc infirmé en ce qu'il a annulé ce chef de redressement au motif que l'Urssaf des Midi-Pyrénées ne justifiait pas des bases de son redressement, alors, d'une part, que l'ensemble des pièces de la procédure pénale est versé aux débats, et que d'autre part, il appartient à Madame [Z] [N] de démontrer l'absence de toute infraction de travail dissimulé en l'état des constatations de l'inspecteur en charge du recouvrement issues de l'exploitation du procès-verbal de travail dissimulé qui font foi jusqu'à preuve du contraire.

3.- Sur le troisième chef de redressement : travail dissimulé avec verbalisation - dissimulation d'emploi salarié et minoration des heures de travail - Monsieur [D] [M]

Monsieur [D] [M] était le compagnon de Madame [Z] [N].

Il a été déclaré salarié à temps partiel (60,67 heures mensuelles) de l'Hôtel Restaurant des Causses à compter du 18 juillet 2007.

Toutefois, il résulte des constatations de l'inspecteur en charge du recouvrement et de l'examen des pièces de la procédure pénale, que Monsieur [D] [M] a commencé à travailler au sein de l'Hôtel Restaurant de Madame [Z] [N] à compter de l'année 1997, date à laquelle il démissionnait du groupe [6].

Il apparaît également que Monsieur [D] [M] était notamment amené à passer des commandes et à superviser les salariés, se comportant ainsi comme leur supérieur hiérarchique. Il assistait également Madame [Z] [N], les salariés auditionnés qualifiant expressément cette dernière de 'patronne' alors que Monsieur [D] [M] intervenait pour elle. Il n'est, d'ailleurs, nullement démontré par Madame [Z] [N] que son compagnon disposait de la moindre autonomie et latitude dans son travail, les éléments versés aux débats démontrant au surplus que l'intéressé travaillait dans un lieu déterminé (l'Hôtel Restaurant de Madame [Z] [N]) et qu'il utilisait les moyens matériels fournis par l'Hôtel.

En outre, Monsieur [D] [M] a manifestement continué d'exercer les mêmes missions et à occuper les mêmes fonctions lorsqu'il finissait par être déclaré salarié de l'Hôtel Restaurant de Madame [Z] [N] le 18 juillet 2007.

Dès lors, au regard de l'ensemble de ces éléments, l'inspecteur en charge du recouvrement a à bon droit reconnu l'existence d'une relation de subordination entre Monsieur [D] [M] et Madame [Z] [N], et donc d'un contrat de travail les liant entre le mois de janvier 2005 et le mois de décembre 2009, Madame [Z] [N] ne pouvant valablement se prévaloir d'une entraide familiale alors d'une part que son compagnon était présent en permanence dans l'Hôtel, et que d'autre part, l'intervention de ce dernier s'inscrivait dans un cadre organisé et s'avérait indispensable au fonctionnement de l'Hôtel, dépassant manifestement le cadre de l'entraide familiale.

Par ailleurs, il résulte des déclarations de l'ensemble des salariés auditionnés que Monsieur [D] [M] était présent en permanence au sein de l'Hôtel, les salariés embauchés sur la base de 169 heures mensuelles ayant également constaté la présence de l'intéressé pendant l'intégralité de leur temps de travail.

Les procès-verbaux des auditions de Madame [Z] [N] le confirment, celle-ci ayant plus particulièrement déclaré le 20 juillet 2009, que Monsieur [D] [M] était 'très serviable', qu'il 'ne compte pas le temps qu'il passe pour être au service du client', qu'il 'se donne à fond complètement corps et âme pour cette entreprise', et qu'il était coutume de 'prendre le travail quand il est là et il est certain que nous nous mettons alors parfois en infraction si l'on veut gagner notre vie et faire face aux différentes charges'.

Il est donc établi que Monsieur [D] [M] effectuait a minima 169 heures mensuelles de travail, alors que les bulletins de paie édités les minoraient à raison de 60,67 heures mensuelles.

Il s'ensuit que le travail dissimulé est manifestement caractérisé, l'inspecteur en charge du recouvrement ayant à bon droit réintégré dans l'assiette des cotisations les salaires de Monsieur [D] [M] calculés sur la base d'un temps complet outre les heures supplémentaires incontestablement réalisées, soit 169 heures mensuelles, le montant du redressement s'élevant ainsi régulièrement à la somme de 53 097 euros.

Le jugement querellé sera donc infirmé en ce qu'il a ramené le montant de ce chef de redressement à la somme de 23 637 euros.

4.- Sur le quatrième chef de redressement : annulation des réductions Fillon suite au constat de travail dissimulé

Il résulte des dispositions de l'article L 133-4-2 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige, que le bénéfice de toute mesure de réduction et d'exonération de sécurité sociale ou de contributions est subordonnée au respect par l'employeur ou le travailleur indépendants, des dispositions du code du travail interdisant le travail dissimulé.

Ainsi, lorsque l'infraction de travail dissimulé est constatée par procès-verbal, l'organisme de recouvrement procède, dans la limite de la prescription applicable en matière de travail dissimulé, à l'annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions susmentionnées.

Avant le 1er janvier 2012, l'annulation des réductions était plafonnée à 45 000 euros.

En l'espèce, sur la période comprise entre le mois de juillet 2006 et le mois de décembre 2009 au cours de laquelle l'infraction de travail dissimulé était constatée, Madame [Z] [N] a bénéficié de réductions Fillon à hauteur de 52 950 euros, l'inspecteur en charge du recouvrement ayant alors procédé à l'annulation de ces réductions Fillon à hauteur 45 000 euros puis finalement à hauteur de 41 566 euros.

La commission de recours amiable de l'Urssaf a toutefois réduit le montant de l'annulation des réductions Fillon à la somme de 37 839 euros, après avoir précisé que le dispositif d'annulation des réductions ne devait s'appliquer qu'à compter du mois d'août 2006 et qu'il ne devait pas concerner les exonérations salariales dans le cadre de la loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat (dite loi TEPA), somme à hauteur de laquelle le premier juge a validé ce chef de redressement.

En cause d'appel, Madame [Z] [N] conteste ce chef de redressement en arguant simplement du fait que 'le tribunal n'explique pas à ce jour quels sont les motifs qui lui permettent de valider le redressement opéré'.

Ce moyen, totalement inopérant, ne mérite que rejet en l'état du procès-verbal de travail dissimulé n°2008/00411 dressé par la Gendarmerie de [Localité 5] à l'encontre de Madame [Z] [N], lequel n'a fait l'objet d'aucune annulation, aucune relaxe n'ayant été prononcée par ailleurs.

Le jugement querellé sera donc confirmé en ce qu'il a validé ce chef de redressement à hauteur de 37 839 euros, l'Urssaf des Midi-Pyrénées ayant à bon droit décidé de l'annulation des réductions Fillon pendant la période au cours de laquelle le travail dissimulé a été constaté.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

Rejette le moyen de nullité des éléments de la procédure pénale ayant fondé le redressement pour travail dissimulé dont a fait l'objet Madame [Z] [N] ;

Déclare régulier le redressement opéré par l'Urssaf des Midi-Pyrénées à l'encontre de Madame [Z] [N] ;

Confirme le jugement rendu le 4 août 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Aveyron sauf en ce qu'il a annulé le chef de redressement relatif au travail dissimulé de Madame [H] [K] et en ce qu'il a réduit le chef de redressement relatif au travail dissimulé de Monsieur [D] [M] à la somme de 23 637 euros ;

Statuant à nouveau sur les chefs de dispositions infirmés et y ajoutant ;

Valide l'entier redressement opéré à l'encontre de Madame [Z] [N] à hauteur de :

- 139 455 euros de cotisations au titre du premier chef de redressement (travail dissimulé et redressement forfaitaire des 38 salariés) ;

- 23 059 euros de cotisations au titre du deuxième chef de redressement (travail dissimulé de Madame [H] [K]) ;

- 53 097 euros de cotisations au titre du troisième chef de redressement (travail dissimulé de Monsieur [D] [M]) ;

- 37 839 euros de cotisations au titre du quatrième chef de redressement (annulation des réductions Fillon suite au constat de travail dissimulé) ;

Condamne Madame [Z] [N] au paiement des sommes susvisées, ainsi qu'au paiement des majorations de retard principales et complémentaires appliquées et restant à courir jusqu'au complet paiement de sa dette en application de l'article R 243-18 du code de la sécurité sociale ;

Condamne Madame [Z] [N] à payer à l'Urssaf des Midi-Pyrénées la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Madame [Z] [N] aux dépens ;

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la juridiction le 18 janvier 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17/04781
Date de la décision : 18/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-18;17.04781 ?
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