Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 12 JANVIER 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 20/00894 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OQOU
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 13 JANVIER 2020 TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE MONTPELLIER N° RG 18/03143
APPELANTE :
Madame [Z] [G]
née le 26 Juillet 1978 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 4]
Représentée par Me Thibault GANDILLON de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Aurélia DONADONI, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEES :
SA CNP Assurances
représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 3]
Représentée par Me Catherine GUILLEMAIN de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Marine BUIRETTE, avocat au barreau de MONTPELLIER
SA Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon
représentée par le Président de son Directoire en exercice
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Véronique NOY de la SCP VPNG, avocat au barreau de MONTPELLIER substtitué par Me Hélène ARENDT, avocat au barreau de MONTPELLIER
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 NOVEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
Madame Marianne FEBVRE, Conseillère
M. Frédéric DENJEAN, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Hélène ALBESA
lors de la mise à disposition : Madame Henriane MILOT
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
*
* *
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [Z] [G] a accepté le 05 novembre 2009 de la société Caisse d'Epargne Languedoc Roussillon, l'offre de prêt immobilier amortissable sans différé d'un montant de 125.000 €, assuré auprès de société CNP Assurances;
Le 17 juin 2013, il a été diagnostiqué à Mme [G] une sclérose en plaques.
A compter du 4 mai 2015, Mme [G] a été placée en incapacité temporaire de travail qu'elle a déclarée auprès de la société CNP Assurances. Le remboursement du prêt immobilier a été pris en charge par la société CNP Assurances après expiration du délai de franchise contractuellement prévu, soit à compter du 1er septembre 2015.
A compter du 17 mars 2017, Mme [G] a fait l'objet d'une incapacité totale et définitive.
La prise en charge du remboursement du prêt par la société CNP Assurances a cessé le 18 juillet 2017, suite au rapport d'expertise du 29 août 2017 issu d'un second contrôle médical qui a conclu que l'assurée était partiellement apte à l'exercice de son activité professionnelle, ou d'une activité professionnelle autre.
Par acte en date du 19 et 21 juin 2018, Mme [G] a fait assigner les sociétés CNP Assurances et Caisse d'épargne du Languedoc Roussillon afin de les voir condamner à prendre en charge le capital restant dû du tableau d'amortissement à compter du 17 mars 2017, et à lui rembourser les sommes versées par elle postérieurement à cette date, au titre de la garantie ITD (incapacité Totale et Définitive).
Par jugement en date du 13 janvier 2020, le Tribunal Judiciaire de Montpellier a rejeté l'intégralité des demandes de Mme [G] tant à l'encontre de la société CNP Assurances que de la société Caisse d'épargne et prévoyance du Languedoc Roussillon.
Par déclaration en date du 13 février 2020, Mme [G] a relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance du 15 septembre 2021, le conseiller de la mise en état a ordonné la délivrance du rapport médical du docteur [X] suite à un contrôle médical le 27 avril 2017.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions déposées par voie électronique le 27 octobre 2022, Mme [G] demande à la cour, au visa des articles L.312-9, L.313-10 et L.313-11 du code de la consommation, de l'article 1134 ancien et 1147 ancien du code civil ainsi que des articles L.112-4, L.113-1, L.141-4 et L.520-1 du code des assurances, de réformer et le jugement, et statuant à nouveau, de :
Sur le plan de la procédure et sur le moyen d'irrecevabilité soulevé par la CNP Assurances :
- révoquer l'ordonnance de clôture en date du 25 octobre 2022
- rejeter le moyen d'irrecevabilité soulevé par la CNP Assurances au titre de l'inopposabilité de la clause d'exclusion de garantie ITD
A titre principal,
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions des sociétés CNP Assurances et Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon,
- condamner la société CNP Assurances à prendre en charge le capital restant dû au tableau d'amortissement à compter de la date de l'incapacité totale et définitive, soit à compter du 17 mars 2017,
- condamner la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon à rembourser à Mme [G] le montant correspondant aux sommes que cette dernière a continué à verser postérieurement à la date de l'incapacité totale et définitive,
A titre subsidiaire,
- condamner la société CNP Assurances à indemniser Mme [G] en lui versant des dommages et intérêts dont le montant sera équivalent au capital restant dû au tableau d'amortissement à compter de la date de l'incapacité totale de travail, soit à compter du 17 mars 2017,
- condamner la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc-Roussillon à indemniser Mme [G] en lui versant des dommages et intérêts donc le montant sera équivalent au capital restant dû tel que mentionné au tableau d'amortissement à compter du 17 mars 2017,
En tout état de cause,
- condamner in solidum la société CNP Assurances et la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon à porter et à payer à Mme [G] la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral généré par leur mauvaise foi,
- condamner in solidum la société CNP Assurances et la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon aux entiers dépens et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Thibault Gandillon pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Par dernières conclusions déposées par voie électronique le 20 octobre 2022, la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon demande à la cour, au visa des articles 1134 ancien et 1103 du code civil, de confirmer le jugement et de :
- débouter Mme [G] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner Mme [G] à payer à la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance,
Par dernières conclusions déposées par voie électronique le 14 octobre 2022, la société CNP Assurances demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants du code civil ainsi que de l'article 564 du code de procédure civile, de confirmer le jugement et de :
sur le plan de la procédure,
- déclarer irrecevables les demandes de Mme [G] relatives à l'inopposabilité de la clause d'exclusion de la garantie ITD,
à titre principal,
- débouter Mme [G] de toutes ses demandes,
à titre subsidiaire,
- débouter Mme [G] de sa demande d'expertise judiciaire,
si l'expertise est ordonnée,
- ordonner qu'elle soit faite aux frais avancées de Mme [G], et que l'expert devra établir son rapport au regard des conditions contractuelles de garantie acceptées par Mme [G], avec dépôt d'un pré-rapport qui sera adressé aux parties,
à titre très subsidiaire,
- limiter la condamnation à l'encontre de la société CNP Assurances conformément aux termes et limites contractuels au profit de l'organisme prêteur,
en tout état de cause,
- débouter Mme [G] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
- débouter Mme [G] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [G] au paiement d'une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture du 25 octobre 2022, révoquée par nouvelle ordonnance du 15 novembre 2022, fixant la nouvelle clôture à cette date.
MOTIFS
Sur l'irrecevabilité pour demande nouvelle
Mme [G] demande pour la première fois en cause d'appel de lui déclarer inopposable une clause d'exclusion de garantie au titre de l'ITD, ce à quoi la CNP s'oppose au titre de la fin de non-recevoir tirée de la nouveauté de la demande en cause d'appel au visa de l'article 564 du code de procédure civile.
Cette demande n'est autre qu'un moyen (que la CNP qualifie d'ailleurs d'argumentation) au soutien de son action tendant à la prise en charge par l'assureur au titre de la garantie ITD. Il ne s'agit pas d'une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile.
Sur la garantie au titre de l'ITD
Mme [G] poursuit la garantie de l'assureur au titre de la garantie ITD en ce qu'elle découle de la prise en charge d'une ITT et en ce qu'elle n'est pas exclue pour le prêt par elle souscrit.
Elle se fonde sur la stipulation de l'article 14-3 de la notice d'information selon laquelle :
'Pour les prêts in fine, la prestation versée est égale à 50% de la prestation prévue à l'article 14.1 en cas de décès.
Pour tous les autres types de prêts, la prestation versée est identique à celle prévue à l'article 14-1 en cas de décès.
L'assuré déjà pris en charge au titre de la garantie ITT définie à l'article 14-4 peut bénéficier d'une prise en charge du capital au titre de L'ITD s'il vient à remplir les conditions.'
Prise en charge au titre de l'ITT, elle estime qu'elle n'avait pas en tant que tel à souscrire à la garantie ITD pour pouvoir bénéficier de cette garantie qui lui était offerte par l'assureur.
De cette même clause, elle déduit que la garantie ITD est prévue pour tous les types de prêts et n'est exclue dans aucun type d'emprunt.
Elle poursuit en considérant que l'exclusion de la garantie ITD est irrecevable et lui est inopposable car l'assureur ne prouve pas lui avoir remis la notice d'information ; que l'exclusion n'est pas claire, explicite, formelle et rédigée en termes très apparents.
Toutefois, l'assureur fait valoir à juste titre que la question n'est pas celle d'une exclusion de garantie mais d'une absence de souscription à la garantie ITD.
Etant observé qu'il appartient au seul souscripteur (la banque) de justifier de la remise de la notice d'information à l'assuré, qui en l'état de la législation applicable à la date de souscription n'avait pas à être signée, les éléments de l'espèce sont les suivants :
- le bulletin individuel de demande d'adhésion à l'assurance est signé le 22 octobre 2009 ; seul le titre vise de manière générale 'décès-perte totale et irréversible d'autonomie invalidité totale et définitive incapacité totale de travail'.
Sous le cartouche 'conditions d'admission', Mme [Z] [G] déclare accepter d'être assurée pour le prêt ci-dessus pour les garanties indiquées ci-dessous, suivant les modalités du contrat d'assurance collective dont un exemplaire m'a été remis par le prêteur... Les garanties précisées à ce titre sont DC-PTIA-ITT, non l'ITD.
Les mêmes garanties sont portées à l'avenant du même jour, figurant en page 2 dont l'objet était le montant du financement.
Ce document clair, explicite sur les garanties souscrites, compréhensible par l'assurée, énonce lisiblement et intelligiblement les seules garanties souscrites et ne souffre pas d'interprétation. Il ne pouvait en être autrement au regard des documents suivants ;
- la notice d'information définit en son article 2 les prêts assurables : dans le tableau intégré, seuls sont assurables au titre de L'ITD les prêts amortissables (hors prêts 0%) souscrits par les investisseurs locatifs et les prêts in fine souscrits par tous emprunteurs. Le prêt souscrit par Mme [G] n'entrant pas dans une de ces deux catégories, s'agissant d'un prêt amortissable sans différé souscrit pour le financement de sa résidence principale, aucune garantie ITD ne pouvait être souscrite.
Elle donne ensuite en son article 14 la définition précise de chaque garantie, vulgarisant dans des termes compréhensibles les notions plus absconses lorsqu'elles sont présentées uniquement sous forme de sigles.
- la fiche standardisée d'information valant avis de conseil relatif à un produit d'assurance mentionne en page 2 'garanties souhaitées : 'vous souhaitez être couvert pour le risque de décès, perte totale et irréversible d'autonomie, incapacité totale de travail.'
- enfin, le contrat de prêt porte mention de la souscription auprès de la CNP des garanties DC-PERTE TOTALE AUTONOMIE-IT.
Dès lors, la conjonction de l'ensemble de ses documents démontre que la garantie ITD n'a pas été souscrite par Mme [G] qui ne peut prétendre qu'elle lui a été offerte par l'assureur, la clause 14-3 de la notice d'information relative à l'ITD ne trouvant application que pour autant que le prêt entre dans la catégorie des prêts assurables.
Au demeurant, dans l'exposé des faits, elle indique 'l'assurance souscrite couvre le décès, la perte totale et irréversible d'autonomie (PTIA) et l'incapacité temporaire de travail (ITT), révélant de manière flagrante qu'elle a bien compris qu'elle n'était pas assurée au titre de l'ITD.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes de Mme [G] dirigées contre l'assureur, y compris la demande subsidiaire d'expertise dépourvue d'objet.
Sur la responsabilité de l'assureur et du banquier
S'agissant de l'assureur, il a été ci-dessus considéré que le contrat est rédigé de manière précise, transparente et accessible au consommateur profane, Mme [G] ne pouvant avoir le moindre doute quant aux garanties par elle souscrites, à sa demande, aucun risque de confusion n'existant entre la garantie ITT et la garantie ITD, distinctes et clairement identifiées tant dans leur champ d'application que dans leur objet. Les garanties souscrites étaient parfaitement adaptées à la situation de Mme [G] qui a bénéficié d'une prise en charge au titre de L'ITT et qui en toute connaissance de cause, ne pouvait souscrire à la garantie ITD compte tenu de la nature du prêt par elle souscrit.
S'agissant du prêteur, la Caisse d'Epargne a satisfait à ses obligations en remettant la notice, ce dont Mme [G] a attesté le 22 octobre 2009 et la fiche standardisée d'information valant avis de conseil relatif à un produit d'assurance, également signée par Mme [G] le 22 octobre 2009, le conseil étant adapté aux besoins de l'assurée.
Le jugement sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions.
Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, Mme [G] supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe
Ecarte la fin de non-recevoir opposée par la société CNP Assurances
Confirme le jugement en toutes ses dispositions
Y ajoutant,
Condamne Mme [Z] [G] à payer tant à la société CNP Assurances qu'à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc-Roussillon la somme de 1500€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Mme [Z] [G] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT