Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 12 JANVIER 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 19/07717 - N° Portalis DBVK-V-B7D-ONI2
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 08 OCTOBRE 2019
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 16/04574
APPELANT :
Monsieur [T] [B]
né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 11]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 15]
Représenté par Me Christel DAUDE de la SCP SCP D'AVOCATS COSTE, DAUDE, VALLET, LAMBERT, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Monsieur [N] [M] [S]
né le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 12] (IRAN)
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 5]
Assigné à étude le 18/02/2020
Madame [R] [M] [S]
née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 14]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 5]
Assigné à étude le 18/02/2020
Monsieur [U] [L]
né le [Date naissance 4] 1968 à [Localité 18]
de nationalité Française
[Adresse 17]
[Localité 15]
Assigné par procès-verbal de recherches infructueuses le 19/02/2020
Banque Populaire du Sud
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 6]
[Localité 8]
Représentée par Me Willy LEMOINE substituant Me Pascale CALAUDI de la SCP CALAUDI/ BEAUREGARD /MOLINIER/LEMOINE, avocat au barreau de MONTPELLIER
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 NOVEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
Madame Marianne FEBVRE, Conseillère
M. Frédéric DENJEAN, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Hélène ALBESA
et lors de la mise à disposition : Madame Henriane MILOT
ARRET :
- Rendu par défaut
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
*
* *
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Dans le cadre d'un contrat de vente passé par acte authentique le 29 avril 2010, la Banque Populaire du Sud (la BPS, ci-après) a consenti à la SCI FW Batis un prêt de 400.000 € pour financer l'acquisition d'un bâtiment à usage commercial et le terrain sur lequel il est édifié à [Localité 5].
Le 8 décembre 2009, Monsieur [T] [B] et Monsieur [U] [L], - gérants et associés au sein de cette SCI - s'étaient chacun portés caution solidaire et indivisible à l'égard de la BPS, avec renonciation au bénéfice de discussion, et ce à concurrence de 520.000 €.
Ces derniers ont cédé leurs parts sociales pour 3 € symboliques à Monsieur [N] [M] [S] et Madame [R] [C], son épouse, par un acte en date du 13 décembre 2012 mentionnant :
- que les cessionnaires prenaient en compte le passif estimé à 400.000 € (dont le solde de l'emprunt souscrit par la SCI en 2010, les échéances des mois d'octobre et novembre 2012, le découvert en compte et les comptes courants associés des cédants), lequel était financé par le biais d'un nouveau prêt de 400.000 € accordé par la BPS,
- que les parties s'étaient rapprochées de la banque pour obtenir une substitution des garanties consenties par les cédants et qu'en cas de refus, 'les cessionnaires s'engage(aient) irrévocablement à subroger et relever Messieurs [B] [T] et [L] [U] dans l'ensemble des obligations consenties au profit de la (BPS) et plus précisément à couvrir tous paiements dans le cadre de la mise en jeu de la caution'.
Le 15 décembre 2015, la BPS a prononcé la déchéance du terme du prêt et son exigibilité anticipée en raison d'échéances impayées depuis le 23 août 2015. Le même jour, la banque a mis les cautions en demeure de payer une somme de 333.701,79 €.
C'est dans ce contexte, par acte du 1er juillet 2016, que Monsieur [B] et Monsieur [L] ont été assignés en qualité de cautions et en paiement d'une somme de 329.398,18 € en principal. Le premier a alors fait appeler Monsieur et Madame [M] [S] en garantie.
Vu le jugement expressément assorti de l'exécution provisoire en date du 8 octobre 2019, par lequel le tribunal de grande instance de Montpellier a :
- rejeté la demande de sursis à statuer au regard de la procédure de saisie immobilière alors en cours,
- condamné solidairement les cautions à payer à la BPS la somme de 329.398,18 € en principal, outre les intérêts au taux de 4,47 % à compter du 10 juin 2016 et ce, avec capitalisation de ces intérêts dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil,
- débouté Monsieur [B] et Monsieur [L] de leur demande visant à être relevés et garantis par Monsieur et Madame [M] [S] des condamnations prononcées à leur encontre ainsi que de leur demande de délais de paiement,
- condamné solidairement ces derniers à payer à la BPS la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens,
Vu la déclaration d'appel de Monsieur [B] en date du 29 novembre 2019,
Vu ses dernières conclusions du 6 octobre 2022, par lesquelles il demande à la cour de réformer le jugement et, en substance, de :
- à titre principal, prononcer la nullité de l'acte de cautionnement le concernant et débouter la BPS de toutes ses demandes à son encontre,
- à titre subsidiaire, débouter la BPS de ses demandes au vu du caractère disproportionné de son engagement de caution,
- à titre très subsidiaire, ordonner la déchéance des intérêts, accessoires et pénalités du prêt pour défaut d'information annuelle de la caution en application de l'article 2293 du code civil à son égard et débouter la Banque populaire du sud de sa demande en paiement ayant été désintéressée du principal,
- à titre infiniement subsidiaire, condamner Monsieur et Madame [M] [S] à le relever et garantir de toutes condamnations en principal frais et intérêts pouvant être prononcées à son encontre,
Vu les dernières conclusions déposées par voie électronique le 4 octobre 2022 pour le compte de la BPS, aux fins de :
- confirmation du jugement (sauf en ce qui concerne le montant de sa créance, réduit à la somme de 91.436,21 €, avec intérêts au taux contractuel à compter du 30 août 2022),
- et condamnation solidaire des cautions à lui payer une indemnité de 3.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
Vu l'absence de constitution pour Monsieur et Madame [M] [S] ou pour Monsieur [L], tous trois ayant pourtant été régulièrement assignés par un acte du 18 février 2020 remis à domicile pour les premiers et un acte du 19 février 2020 transformé en procès verbal de recherches infructueuses pour le dernier,
Vu l'ordonnance de clôture du 25 octobre 2022,
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère au jugement ainsi qu'aux conclusions écrites susvisées.
MOTIFS
Monsieur et Madame [M] [S] et Monsieur [L] ont régulièrement été assignés à domicile pour les premiers et suivant procès verbal de recherches infructueuses pour le dernier, c'est-à-dire par des actes remplissant les conditions des articles 657,658 et 659 du code de procédure civile.
Ces intimés n'ayant pas constitué avocat, l'arrêt sera rendu par défaut conformément aux dispositions de l'article 473 du même code.
L'article 472 précise que si le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et fondée, au seul vu des pièces fournies par le demandeur.
En l'espèce, les demandes qui sont régulières en la forme et recevables, peuvent être examinées au fond. A ce stade, il convient également de rappeler qu'en vertu de l'article 1315 du code civil, il appartient à celui qui réclame exécution d'une obligation de la prouver conformément aux règles de preuve légalement admissibles, étant précisé que l'insuffisance de preuve est toujours retenue au détriment de celui qui a la charge de la preuve.
Sur la nullité de l'acte de cautionnement
Au soutien de son appel, Monsieur [B] réitère sa demande principale tendant à voire prononcer la nullité de l'acte qu'il a signé le 29 décembre 2009, en faisant état de l'oubli du mot 'cas' lorsqu'il a recopié la formule sacramentelle alors prévue à l'article L.341-2 devenu entre-temps L.331-1 du code de la consommation et aujourd'hui abrogé, dans la partie indiquant ceci: 'le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard'.
Cependant et avant que ces dispositions n'aient été abrogées par l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 réformant le droit des sûretés à compter du 1er janvier 2022, pour être remplacé par les dispositions assouplies du nouvel article 2297 du code civil, il avait été jugé à maintes reprises que la nullité d'un engagement de caution n'était pas encourue lorsque le défaut d'identité entre la mention manuscrite et celles prescrites par le code de la consommation résultait d'une erreur matérielle.
Or, tel est bien le cas en l'espèce de la formule recopiée par Monsieur [B], dont l'engagement est par ailleurs dépourvu de toute équivoque comme l'avait justement constaté le tribunal et ce, par des motifs qui répondent parfaitement au moyen de Monsieur [B] et qu'il convient d'adopter.
Sur la validité de l'engagement de caution
Invoquant les dispositions de l'article L.341-4 ancien du code de la consommation, reprises par l'article L.332-1 nouveau du même code, selon lequel 'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, à l'époque manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à ses obligations', Monsieur [B] se prévaut du caractère manifestement disproportionné de l'engagement qu'il a souscrit et demande à la cour d'infirmer le jugement qui a rejeté ses prétentions à ce sujet après avoir constaté:
- que son engagement à hauteur de 520.000 € était disproportionné à ses bien et revenus à l'époque où il l'avait souscrit,
- mais que cet engagement ne l'était plus au regard de la somme réclamée (329.398 € en principal), des éléments fournis par la banque et de l'absence d'élément d'information récent versé par lui aux débats sur la valeur actuelle de son patrimoine mobilier et immobilier ainsi que sur ses ressources.
Il appartient à la caution qui se prévaut du caractère disproportionné de son engagement, de démontrer l'existence de la disproportion manifeste entre le montant de la somme garantie et la valeur de ses biens et revenus au moment de la souscription du cautionnement.
Il est également admis que lorqu'elle a déclaré des éléments sur sa situation financière à la banque, en l'absence d'anomalies apparentes cette dernière peut se fier à de tels éléments et n'a pas à en vérifier l'exactitude. Dans ce cas, la caution ne sera pas admise à établir devant le juge que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'elle avait déclarée à la banque, sauf à démontrer que la banque avait connaissance de l'existence de charges ou de dettes qu'elle n'avait pas déclarée. Ces éléments doivent alors être pris en compte en sus des éléments figurant sur la déclaration de la caution.
En cas de disproportion au jour de la conclusion du cautionnement, la caution ne peut être déchargée de son engagement s'il est démontré - par le prêteur - que son patrimoine lui permet de l'honorer au jour où elle est appelée.
En l'espèce, comme constaté à bon droit par le premier juge, l'engagement de Monsieur [B] à hauteur de 520.00 € était - à l'époque de sa souscription - disproportionné à ses biens et revenus, que les parties s'accordent à évaluer à la somme globale de 347.500 € au vu des éléments qu'il avait fournis dans la fiche d'information, compte tenu également de sa situation personnelle et familiale.
Pour ce qui concerne sa situation au moment où son engagement a été appelé, la BPS affirme que son patrimoine lui permettait de l'honorer, en faisant état :
- d'un patrimoine immobilier de 420.000 € composé de l'appartement de 110 m2 et du terrain de 800 m2 situés à [Localité 11] en Syrie que l'intéressé avait évalué à 80.000 et 100.000 € lors de la souscription de son engagement, ainsi que de l'appartement de [Localité 15] qu'il avait estimé à l'époque à 240.000 € en valeur nette et qui était désormais intégralement payé,
- du fait que Monsieur [B] s'est vu attribuer - avec Monsieur [L] - un bien immobilier situé à [Localité 5] et estimé 185.000 € dans le cadre d'une opération d'augmentation et de réduction du capital social de la SCI FW Batis,
- de l'ouverture d'un compte épargne le 3 septembre 2010 sur lequel il avait placé 75.000 €,
- et d'un revenu annuel d'activité de 51.180 € au jour où il a été appelé en paiement.
Monsieur [B] objecte cependant que depuis 2011, la Syrie est en conflit armé et que les biens qu'il avait déclaré posséder dans ce pays ne peuvent plus être pris en considération. Il justifie à cet égard, par un article de presse paru le 23 mars 2007 faisant état de 'prix rivalisant parfois avec ceux de [Localité 13] ou [Localité 16]', que la Syrie avait connu une flambée des prix de l'immobilier à partir de 2001 et surtout 2006 et, par d'autres articles de presse plus récents, que le pays était détruit par la guerre et que le gouvernement syrien avait pris des mesures pour réquisitionner les biens inoccupés - notamment par les syriens contraints à l'exode - si bien qu'il n'avait pas même la possibilité de savoir si son appartement existait toujours.
Même si ces éléments s'avèrent peu précis, ils établissement suffisamment que les biens de Monsieur [B] situés en Syrie ne pouvaient être utilement mobilisés en décembre 2015 pour faire face aux engagements qu'il avait souscrit en sa qualité de caution.
L'appelant justifie par ailleurs avoir vendu l'appartement situé [Adresse 10] le 31 août 2010 au prix de 240.000 € et perçu 158.467 € après remboursement de son crédit, somme qu'il déclare avoir réemployée dans divers investissements qui se sont avérés infructueux. Il établit à cet égard avoir effectivement procédé en 2011 à d'importants virements à partir de son compte en direction de sociétés qui ont été soit vendues soit liquidées entretemps et ce, pour un total de plus de 144.000 €. Il rapporte également la preuve de l'achat d'un véhicule de 14.000€ en octobre 2010 et de ce que les 75.000 € évoqués par la BPS comme ayant servi à l'ouverture d'un compte à terme, n'ont fait que transiter pendant un mois sur ce compte juste après la réception des fonds provenant de la vente de l'appartement en septembre 2010, et retirés dans le début du mois d'octobre suivant. Pource qui concerne les investissements effectués par les société FW Batis et Regency [Localité 5], ils ne lui profitent plus suite à la vente de ces sociétés aux époux [M].
Quant à ses revenus, ayant déclaré avoir perçu 9.502 € au cours de l'année 2014 et 10.372 € au cours de l'année 2015, ils ne pouvaient être pris en compte comme source d'amélioration de sa situation patrimoniale. En 2016, il n'a d'ailleurs perçu que 3.929€ au titre de l'indemnisation du Pôle Emploi. Et si ses revenus se sont quelque peu améliorés en 2017 (avec 31.539 € de bénéfices industriels et commerciaux) et en 2018 (avec 51.180 € de BIC), la BPS n'est pas fondée à soutenir que l'évolution de son patrimoine lui aurait permis d'honorer son engagement lorsqu'il a été mis en demeure le 15 décembre 2015 en sa qualité de caution de payer la somme de 333.701,79 €.
Au vu des éléments communiqués de part et d'autre en cause d'appel, le jugement sera donc infirmé et la BPS déboutée de sa demande de paiement fondée sur le contrat de cautionnement litigieux, peu important la réduction de la dette à la somme de 91.463,21 € suite à la vente intervenue depuis lors - à l'initiative de la SCI FW Batis - du bien immobilier concerné.
Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la BPS supportera les dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à payer à Monsieur [D] une indemnité au titre des frais par lui exposés dans le cadre de la présente procédure.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt rendu par défaut, et mis à la disposition des parties au greffe,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute la Banque Populaire du Sud de sa demande en paiement;
Condamne la Banque Populaire du Sud à payer à Monsieur [T] [B] la somme de 3.500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la Banque Populaire du Sud aux entiers dépens de première instance et d'appel
LE GREFFIER LE PRESIDENT