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délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 10 JANVIER 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 21/00391 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O22C
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 23 DECEMBRE 2020
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 2019 09996
APPELANT :
Monsieur [Y] [L]
né le 19 Mai 1955 à [Localité 14] (51)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES-SENMARTIN ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Eric DE BERAIL de la SELARL KAIROS AVOCATS, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant
INTIMEE :
S.A.S. DEDIENNE SANTE, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MONTPELLIER sous le numéro 339 138 638, exerçant sous le nom commercial DEDIENNE SANTE - TRANSYSTEME SN, ayant son siège social
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Aude DARDAILLON, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Karine DARNAJOU-POUHAUT, avocta au barreau de LYON, avocat plaidant
Ordonnance de clôture du 13 Octobre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 NOVEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Jean-Luc PROUZAT, président de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, conseiller
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Hélène ALBESA
ARRET :
- ccntradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :
La SARL JMT implants avait pour activités l'étude, la conception, la fabrication, l'adaptation, le développement et la commercialisation de matériels, de produits ou de services médicaux à usage humain ou vétérinaire autres que les produits pharmaceutiques ou laboratoires d'analyses médicales.
Elle a conclu, par acte sous seing privé du 2 janvier 2005, un contrat d'agent commercial avec [Y] [L] pour la commercialisation de divers dispositifs médicaux définis à l'article 3 du contrat (prothèse de genou ROCC, prothèse de hanche VECTRA, ELLISTRA, gamme TRANSYSTEME, gamme BIOMET, gamme DEPUY), moyennant le paiement d'une commission de 20 % sur le montant net des factures hors-taxes ; par avenant du 1er juillet 2011, le taux de commissionnement sur les produits de la gamme KHEOPS (anciennement TRANSYSTEME) a été porté à 40 %.
Le 13 juillet 2011, la société JMT implants a fusionné avec la société Transystème, la SA Transystème-JMT implants étant issue de cette fusion.
Par jugement du 17 août 2014, le tribunal de commerce de Nîmes a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Transystème-JMT implants et par un nouveau jugement du 9 décembre 2014, ce tribunal a prononcé la cession des actifs de la société au profit de la société Menix Group à laquelle s'est substituée la SAS Transytème SN.
La société Transystème SN a alors conclu, le 15 décembre 2014, avec M. [L] un nouveau contrat d'agent commercial pour la commercialisation d'une gamme complète de prothèses orthopédiques implantables sur un territoire défini à l'annexe 1 du contrat correspondant à six établissements de santé (clinique [10] [Localité 9], clinique de [12] [Localité 6], clinique [11] [Localité 3], clinique du [16] [Localité 15], polyclinique de [13] [Localité 7], Reha Team Bretagne [Localité 8]) et pour la commercialisation d'une gamme précise de produits définie à l'annexe 2, qui inclut une gamme de produits « fabricant » (gamme de prothèses de genou KHEOPS, gamme de prothèses de genou KHEPHREN Révision) avec un taux de commissionnement de 20 % et une gamme de produits « négoce » caractérisée par le fait que le mandant n'en est pas le fabricant et ne détient pas les marquages CE des produits, dans divers domaines (accessoires, attelles, ciment, épaule, ligamentoplastie, ostéosynthèse), les taux de commission de cette gamme étant convenus au coup par coup entre l'agent et le mandant en fonction des prix d'achat et de l'évolution des conditions contractuelles avec les fabricants fournisseurs des produits (sic).
En plus des commissions, l'agent devait percevoir une rémunération fixée forfaitairement à 500 euros par mois par établissement disposant d'au moins un dépôt (implants + ancillaires) pour la gestion des dépôts et à 400 euros par demi-journée nécessitant sa présence pour l'assistance technique, les parties devant chaque mois établir un relevé d'activité détaillé ; un avenant signé le 5 février 2015 prévoit que le montant des rémunérations des prestations pour services sera fixé mensuellement et de façon provisionnelle à 20 % du montant hors-taxes des ventes de produits sur le territoire.
Par un nouvel avenant du 4 janvier 2016, la SAS Dedienne santé, filiale de la société Menix Group, s'est substituée à la société Transytème SN dans l'exécution du contrat d'agence conclu le 15 décembre 2014 pour l'ensemble des produits des gammes « fabricant » puis pour l'ensemble des produits à la suite de la dissolution sans liquidation de la société Transystème SN à effet du 10 novembre 2016.
Par courrier du 25 juillet 2018, la société Dedienne santé a informé M. [L] que, compte tenu d'un faible volume de ventes, elle stoppait la commercialisation de la gamme KHEPHREN, invitant son agent à développer les produits d'autres gammes, KHEOPS, TRI CCC et SHIVA.
Le 23 janvier 2019, l'organisme de certification GMED a, par ailleurs, refusé de renouveler le certificat de marquage CE pour le produit « prothèse totale de genou KHEOPS », ce dont la société Dedienne santé a informé M. [L] par message téléphonique.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 11 mars 2019, M. [L], rappelant la teneur du message téléphonique dont il avait été destinataire selon lequel les ancillaires nécessaires à la pose des prothèses seraient récupérés auprès des praticiens dès le 1er avril 2019, faute de disposer eux-mêmes d'un nouveau marquage CE, a indiqué à la société Dedienne santé que : « Depuis lors, il ne m'a été communiqué aucune indication sur cette reprise des ancillaires annoncée comme imminente, alors qu'elle rendrait impossible la pose de prothèses des gammes KHEOPS, et empêcherait le chirurgien orthopédique qui me gratifie de sa confiance, d'honorer les engagements pris envers de nombreux patients pour des créneaux opératoires déjà mobilisés. Pour ce qui me concerne, ce retrait des ancillaires m'interdirait de continuer mon activité de promotion, et entraînerait de facto une rupture de mon contrat d'agent commercial. Au regard de la gravité du préjudice qui me serait ainsi occasionné, je vous invite à me communiquer les dispositions que vous entendez prendre pour assurer la pérennité de nos relations contractuelles. Si celles-ci devaient malheureusement prendre fin de votre fait, vous pouvez d'ores et déjà considérer que la présente vaut demande de réparation du lourd préjudice qui serait subi, conformément à l'article L. 134-12 du code de commerce ».
En réponse, la société Dedienne santé a, par courrier du 20 mars 2019, annoncé à M. [L] qu'elle allait mettre à sa disposition « un produit de proche équivalence permettant de traiter les mêmes indications chirurgicales », en l'occurrence, un produit de la gamme TRI CC « 1ère intention » comprenant un plateau rotatoire, genou postéro stabilisé et une gamme large de tailles.
Par lettre du 9 avril 2019, M. [L] a notifié à la société Dedienne santé la rupture des relations contractuelles, dans les termes suivants : « (...) L'arrêt de la gamme KHEOPS et le retrait des ancillaires consomme de facto la rupture du contrat de mandat qui nous liait. Celle-ci m'occasionnant un lourd préjudice, j'ai tenté d'orienter le docteur [Z] [F] vers la gamme TRI CC. Dans l'exercice d'une prérogative qui demeure propre à sa pratique médicale, ce praticien a exprimé un refus définitif de poser des prothèses TRI CC. Par-delà des considérations médicales qui s'imposent à tous, le docteur [Z] [F] éprouve une perte de confiance envers la société Dedienne santé, pour s'être vu imposer dans l'urgence de changer d'implant pour des patients programmés. Je ne peux donc que déplorer au plus haut point l'opacité et la brutalité avec lesquelles la société Dedienne santé a délaissé la gamme KHEOPS. La rupture de nos relations contractuelles lui étant exclusivement imputable, je demande le versement des indemnités de rupture et de préavis prévues respectivement aux articles L. 134-12 et L. 134-11 du code de commerce. Sur la base des sommes qui m'ont été versées au cours de l'année 2018 en exécution du contrat de mandat pour montant total de 164 643,57 euros hors-taxes, il m'est dû une indemnité de rupture de 329 287,14 euros et une indemnité de préavis de 41 160,89 euros hors-taxes, soit 49 393,07 euros TTC. ».
La société Dedienne santé a, par lettre du 23 avril 2019, contesté que la rupture du contrat d'agent puisse lui être imputable et a reproché à M. [L] divers manquements, comme le fait de n'avoir pas mené une démarche de promotion commerciale active sur l'intégralité du territoire contractuel et de ne pas s'être intéressé à des prothèses autres que celles de la gamme KHEOPS.
Par exploit du 10 juillet 2019, M. [L] a fait assigner la société Dedienne santé devant le tribunal de commerce de Montpellier pour que la rupture du contrat d'agent commercial lui soit déclarée imputable et qu'elle soit condamnée à lui verser la somme de 401 459,16 euros à titre d'indemnité de rupture et celle de 56 567,10 euros TTC à titre d'indemnité de préavis.
Le tribunal, par jugement du 23 décembre 2020, a notamment :
'confirmé le bien fondé de la demande de M. [L] à revendiquer la qualité d'agent commercial à l'égard de la société Dedienne santé,
'débouté M. [L] de ses prétentions formulées à l'encontre de la société Dedienne santé de lui allouer une indemnité de cessation du contrat, ainsi qu'une indemnité de préavis, la rupture du contrat lui étant imputable,
'débouté M. [L] de ses prétentions formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
'dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire,
'condamné M. [L] à payer à la société Dedienne santé la somme de 2500 euros en application de l'article sept cents du code de procédure civile.
M. [L] a régulièrement relevé appel, le 20 janvier 2021, de ce jugement en vue de son infirmation.
Il demande la cour, dans ses conclusions n° 2 déposées le 4 octobre 2021 via le RPVA, de :
'confirmer le jugement rendu le 23 décembre 2020 par le tribunal de commerce de Montpellier en ce qu'il lui a reconnu le bénéfice du statut d'agent commercial,
'réformer le jugement en ce qu'il a considéré que la rupture des relations contractuelles opérée le 9 avril 2019 lui serait imputable, ce en méconnaissance de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction alors applicable,
'en conséquence, réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté de tous ses chefs de prétentions et l'a condamné au paiement de la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
'condamner la société Dedienne santé au paiement de la somme de 401 459,16 euros à titre d'indemnité de rupture prévue par l'article L. 134-12, alinéa 1, du code de commerce, outre intérêts légaux à compter de l'assignation, et avec capitalisation par année entière, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
'condamner la société Dedienne santé au paiement de la somme de 56 567,10 euros TTC à titre d'indemnité de préavis prévue par l'article L. 134-11, alinéas 2 et 3, du code de commerce, outre intérêts légaux à compter de l'assignation, et avec capitalisation par année entière, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
'à titre subsidiaire, dire et juger que la société Dedienne santé, comme venant aux droits et obligations de la société Transystème SN, a commis des man'uvres dolosives au sens de l'article 1116 du code civil dans sa rédaction alors applicable, en visant à de multiples reprises le statut d'agent commercial pour le convaincre de conclure le contrat du 15 décembre 2014,
'en conséquence, condamner la société Dedienne santé, comme venant aux droits et obligations de la société Transystème SN en vertu de l'avenant de transfert du 4 janvier 2016, au paiement de la somme de 451 641,55 euros à titre de dommages et intérêts,
'à titre encore plus subsidiaire et dans tous les cas, condamner la société Dedienne santé au paiement d'une indemnité contractuelle de rupture de 99 966,67 euros,
'en toute hypothèse, rejeter comme mal fondé l'appel incident formé par la société Dedienne santé et la débouter de ses prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel,
'condamner la société Dedienne santé au paiement d'une indemnité de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel, il fait essentiellement valoir que c'est à juste titre que le premier juge a retenu qu'il bénéficiait du statut d'agent commercial au regard tant des stipulations du contrat que du pouvoir de négociation dont il disposait, que la rupture du contrat est imputable à la société Dedienne santé ayant cessé la commercialisation de la gamme de prothèses KHEPHREN à compter de septembre 2018 et interrompu de manière brutale et définitive la distribution de la gamme de prothèses KHEOPS à effet du 15 avril 2019, que l'arrêt de la commercialisation des produits contractuels a vidé le contrat de sa substance et rendu impossible la poursuite de son exécution et qu'il ne peut lui être reproché d'avoir refusé la représentation d'une autre gamme de prothèses, alors qu'en vertu de l'article 3, alinéa 2, du contrat, il avait la faculté de refuser, de manière discrétionnaire, une telle proposition et qu'au surplus, les prothèses orthopédiques de la gamme TRI CCC ne constituaient pas des produits interchangeables.
La société Dedienne santé, dont les dernières conclusions ont été déposées le 17 mars 2022 par le RPVA, sollicite de voir :
(...)
A titre principal :
'réformer le jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 23 décembre 2020 en ce qu'il a reconnu « bien fondée la demande de M. [L] à revendiquer la qualité d'agent commercial » en retenant notamment qu'il exerçait son activité de façon indépendante et qu'il disposait d'une grande liberté dans l'organisation de son entreprise et d'une large initiative pour développer la commercialisation des produits dont il avait la charge,
'confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [L] de ses prétentions formulées à son encontre de lui allouer une indemnité de cessation du contrat, ainsi qu'une indemnité de préavis, en retenant notamment que la rupture du contrat lui est imputable,
'confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [L] de ses prétentions formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné à lui payer la somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
'en conséquence, débouter M. [L] de l'ensemble de ses fins et prétentions (...),
'ainsi et de plus fort, débouter M. [L] de ses prétentions formulées à son encontre au titre du statut d'agent commercial dont il se prévaut à tort, aux motifs qu'il ne démontre pas avoir agi en pratique en qualité d'agent commercial et qu'il ne saurait revendiquer utilement la qualité d'agent commercial à son égard,
A titre subsidiaire et si par extraordinaire la qualité d'agent commercial était
néanmoins retenue au profit de M. [L] :
'débouter M. [L] de sa demande de condamnation à lui verser une indemnité de cessation du contrat, ainsi qu'une indemnité de préavis, la rupture du contrat lui étant imputable,
Enfin et si par extraordinaire une indemnité devait cependant lui être allouée :
'débouter M. [L] de sa demande visant à la condamner au paiement de la somme de 401 459,16 euros à titre d'indemnité de rupture prévue par l'article L. 134-12, alinéa 1, du code de commerce, outre intérêts légaux à compter de l'assignation, et avec capitalisation par année entière, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
'fixer le montant de l'indemnité de cessation du contrat à de plus justes proportions, eu égard aux éléments de contexte entourant la « rupture »,
'débouter M. [L] de sa demande visant à la condamner au paiement de la somme de 56 567,10 euros TTC à titre d'indemnité de préavis prévue par l'article L. 134-11, alinéas 2 et 3, du code de commerce, outre intérêts légaux à compter de l'assignation, et avec capitalisation par année entière, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
'fixer le montant de l'indemnité éventuellement due au titre du préavis qui serait estimé nécessaire et en tout état de cause, le ramener à de plus justes proportions, en imputant le délai d'ores et déjà effectué,
Au titre des demandes formulées par M. [L] à titre subsidiaire :
'débouter M. [L] de sa demande visant à dire et juger qu'elle a, comme venant aux droits et obligations de la société Transystème SN, commis des man'uvres dolosives au sens de l'article 1116 du code civil dans sa rédaction alors applicable, en visant à de multiples reprises le statut d'agent commercial pour le convaincre de conclure le contrat du 15 décembre 2014 et, en conséquence, à la condamner au paiement de la somme de 451 641,55 euros à titre de dommages et intérêts, aux motifs qu'elle n'a commis aucune man'uvre dolosive à l'encontre de M. [L] et que celui-ci ne rapporte pas la preuve du dol,
A titre infiniment subsidiaire, sur l'indemnité de rupture sollicitée par M. [L] au titre d'une rémunération sur prestations de services :
'débouter M. [L] de sa demande visant à sa condamnation au paiement d'une indemnité contractuelle de rupture de 99 966,67 euros, les stipulations contractuelles renvoyant aux articles L. 134-1 et suivants du code de commerce étant inapplicables au cas d'espèce,
En tout état de cause :
'débouter M. [L] de ses prétentions formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
'condamner M. [L] à lui payer la somme de 5000 euros au titre l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Elle soutient en particulier, pour dénier à M. [L] le statut d'agent commercial, que celui-ci n'a pas véritablement développé la clientèle commune, ni effectué de démarches de promotion active de vente des produits, concentrant son activité sur une seule clinique, la clinique du [16], et sur un seul praticien, le docteur [F], et délaissant la commercialisation des produits de la gamme « négoce » ; elle ajoute, au cas où la qualité d'agent commercial serait reconnue à l'intéressé, que la rupture du contrat lui est imputable puisque, du fait de la perte du marquage CE des produits de la gamme KHEOPS, elle a été contrainte d'en abandonner la commercialisation et que M. [L] a refusé d'assurer la promotion active des produits de la gamme TRI CCC ou de tout autre gamme de produits de substitution.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 13 octobre 2022.
MOTIFS de la DECISION :
1-la contestation du statut d'agent commercial :
Aux termes de l'article L. 134-1 du code de commerce : « L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestations de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux . Il peut être une personne physique ou une personne morale. Ne relèvent pas des dispositions du présent chapitre les agents dont la mission de représentation s'exerce dans le cadre d'activités économiques qui font l'objet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions législatives particulières. »
Il est de principe que l'application du statut d'agent commercial dépend des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée et que pour bénéficier du statut, celui qui le revendique doit établir qu'il exerce son activité de manière indépendante et qu'il a le pouvoir de négocier, voire de conclure, au nom et pour le compte d'un mandant, des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestations de services ; le pouvoir de négocier de l'agent commercial est suffisamment caractérisé lorsque celui-ci démarche la clientèle en vue de lui présenter les produits commercialisés par son mandant et les prix pratiqués et d'orienter son choix en fonction de ses besoins, sans pour autant qu'il soit également exigé de lui qu'il soit en mesure de discuter avec la clientèle les conditions essentielles des contrats à conclure.
En l'occurrence, le contrat du 15 décembre 2014 liant les parties reconnaît expressément à M. [L] le statut d'agent commercial régi par les articles L. 134-1 et suivants du code de commerce, les stipulations dudit contrat conférant à l'intéressé un véritable pouvoir de négociation et de conclusion des contrats relativement aux produits qui en sont l'objet.
Ainsi, l'article 2 du contrat prévoit que l'agent exerce librement et en toute indépendance son activité de représentation et de prestation de services après-vente, sans aucun lien de subordination à l'égard du mandant, qu'il a pour mandat de conclure les ventes des produits figurant à l'annexe 2 au nom et pour le compte du mandant, aux prix et selon les conditions fixées par celui-ci, et qu'il participera activement à la gestion, à l'optimisation et aux procédures d'entretien des dépôts d'implants et d'ancillaires mis à la disposition des établissements de santé utilisateurs des produits, tout en assurant une assistance technique ; de même, l'article 7 dispose que l'agent organise librement et indépendamment son activité de représentation, qu'il assurera la promotion des produits en respectant les prix et conditions générales de vente précisés par le mandant et que ce dernier devra lui fournir toute la documentation commerciale et technique relative aux produits ainsi qu'un jeu d'implants de démonstration, nécessaires à l'agent dans l'exercice de son activité de représentation.
L'objet du contrat tend à la commercialisation d'une gamme de produits « fabricant » englobant la gamme de prothèses du genou KHEOPS et la gamme de prothèses de genou KHEPHREN Révision et une gamme de produits « négoce » pour lesquels le mandant ne détient pas les marquages CE
(accessoires, attelles, ciment, épaule, ligamentoplastie, ostéosynthèse) précisément définies à l'annexe 2, outre l'exécution de prestations de services comprenant la gestion des dépôts et l'assistance technique, sur un territoire contractuel visé à l'annexe 1 et correspondant à six établissements de santé (clinique [10] [Localité 9], clinique de [12] [Localité 6], clinique [11] [Localité 3], clinique du [16] [Localité 15], polyclinique de [13] [Localité 7], Reha Team Bretagne [Localité 8]) ; il est alloué contractuellement à l'agent des commissions, celles relatives à la gamme « fabricant » étant fixées à 20 % du prix hors-taxes des produits, et par avenant au contrat du 5 février 2015, le montant des rémunérations des prestations pour services a été fixé mensuellement et de façon provisionnelle à 20 % du montant hors-taxes des ventes de produits sur le territoire contractuel, avec cette précision qu'en cas de rupture du contrat, les indemnités devant être versées à l'agent au titre des articles L. 134-1 et suivants du code de commerce seront calculées en prenant pour base le montant total des commissions et des prestations de services.
C'est vainement que la société Dedienne santé, venant aux droits de la société Transystème SN, prétend dénier à M. [L] la qualité d'agent commercial au motif qu'en pratique, celui-ci n'aurait pas développé le champ d'affaires de son mandant et qu'il ne serait pas intervenu seul pour négocier et conclure en son nom des contrats ; ainsi, le fait que celui-ci n'a, durant la relation contractuelle, concentré son activité qu'auprès d'une seule clinique (la clinique du [16] située à [Localité 15]) et d'un seul chirurgien (le docteur [F]), s'il peut traduire une insuffisance de démarchage commercial, n'est pas en soi révélateur d'un défaut de pouvoir de représentation relativement à la négociation et à la vente des produits de la gamme « fabricant » ou de la gamme « négoce » ; de même, les courriels des 20 septembre 2017 et 9 août 2018 adressés par la société Dedienne santé à M. [L] concernant la fourniture des ancillaires KHEOPS à la clinique du [16] sont insuffisants à établir que les commandes passées l'étaient systématiquement en dehors de toute intervention active de ce dernier ou que les services après-vente étaient fournis, en réalité, par le mandant lui-même.
À cet égard, il est constant que la société Transystème NS, aux droits de laquelle vient la société Dedienne santé, a collaboré avec le docteur [F], exerçant dans l'une des cliniques comprises dans le territoire contractuel de M. [L], à la conception des ancillaires de la gamme KHEOPS, conduisant au dépôt d'un brevet d'invention relativement à un système de « coupes fémorales ou tibiales mini invasif à fentes » et à l'obtention d'un certificat d'utilité visant une gamme de « guides de coupes à fentes » enregistré sous le numéro 1552564, objet d'un règlement de copropriété établi le 2 avril 2015 entre la société Transystème NS et le docteur [F] garantissant à ce dernier, en contrepartie de l'exclusivité d'exploitation réservée à la première, une redevance fixe d'un montant de 5000 euros hors-taxes par mois.
La vente des prothèses de la gamme KHEOPS se trouvait dès lors étroitement liée à la fourniture des divers ancillaires ou instruments chirurgicaux utilisés pour la pose des prothèses, la gestion des dépôts d'implants et d'ancillaires étant assurée par M. [L], chargé contractuellement d'assister les chirurgiens utilisateurs et leurs équipes dans l'utilisation des ancillaires, de réaliser les inventaires des prêts et dépôts dans les établissements de santé, d'intervenir lors de la détection et du suivi des appels d'offres et de relayer l'information et la formation à l'utilisation des produits auprès des chirurgiens utilisateurs ; la vente des produits de la gamme « fabricant » dépendait de la qualité des prestations après-vente effectuées par M. [L] qui intervenait ainsi directement dans la décision du client d'utiliser les produits de la gamme, son rôle dans la conclusion des contrats de vente étant alors déterminant.
Comme indiqué plus haut, il importe peu que M. [L] n'ait pas démarché les établissements de santé autres que la clinique du [16], d'autant qu'aucun reproche à cet égard ne lui a été adressé par son mandant durant la relation contractuelle, alors que celui-ci bénéficiait depuis avril 2015 d'une exclusivité pour l'exploitation des ancillaires de la gamme KHEOPS ; il ne peut, non plus, être déduit du faible chiffre d'affaires réalisé dans le cadre de la commercialisation de la gamme de produits « négoce » (3316 euros en 2017 ; 1460 euros en 2018 ; 1026 euros en 2019), principalement auprès de l'établissement Reha Team Bretagne, une absence de tout pouvoir de représentation de l'intéressé ; le premier juge a donc justement retenu que celui-ci pouvait prétendre au statut d'agent commercial, ce qui rend sans objet les demandes subsidiaires présentées par celui-ci en paiement de la somme de 451 641,55 euros à titre de dommages et intérêts compensatoires de prétendues man'uvres dolosives et de la somme de 99 966,67 euros à titre d'indemnité de rupture sur la part de sa rémunération versée en contrepartie des prestations de services.
2-l'imputabilité de la rupture du contrat d'agence :
Il résulte du premier alinéa de l'article L. 134-12 du code de commerce qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; l'article L. 134-13 du même code dispose que la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial, lorsque la cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ou lorsque selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence.
Dans le cas présent, M. [L] a, par lettre du 9 avril 2019, pris acte de la rupture du contrat, imputant celle-ci à la société Dedienne santé au motif que l'arrêt de la gamme KHEOPS et le retrait des ancillaires consommait de fait la rupture du contrat de mandat et que le docteur [F], dans l'exercice de sa pratique médicale, refusait de poser des prothèses de la gamme TRICC proposées en remplacement ; dans un courrier postérieur du 2 mai 2019, il a évoqué l'arrêt de la commercialisation de la gamme KHEPHREN intervenu en septembre 2018 au regard de sa faible diffusion et affirmé que la mesure de retrait des ancillaires KHEOPS rendait impossible la pose des prothèses de cette gamme, qui constituait l'objet du contrat, ajoutant qu'en vertu de l'article 3, alinéa 2, du contrat, il ne pouvait lui être imposé de substituer à la gamme KHEOPS la gamme TRICC.
Il est constant, en effet, que par courrier du 25 juillet 2018, la société Dedienne santé a informé M. [L] qu'elle stoppait la commercialisation de la gamme KHEPHREN compte tenu d'un faible volume de ventes (sic) et que par lettre recommandée du 23 janvier 2019, l'organisme de certification GMED a notifié à la société Dedienne santé un refus de renouvellement du certificat de marquage CE pour le produit « prothèse totale de genou KHEOPS », ce qui a conduit celle-ci à procéder, à compter du 15 avril 2019, à un rappel des ancillaires de la gamme KHEOPS, après avoir expliqué à son agent, par courrier du 20 mars 2019, que le contexte réglementaire actuel fait que les ancillaires de la gamme KHEOPS ne répondent plus aux normes réglementaires nouvelles.
Aux termes de l'article 3 du contrat liant les parties : « Le présent contrat porte exclusivement sur les produits commercialisés par le mandant tels qu'exhaustivement visés à l'annexe 2 et à l'exclusion de tous autres. Si le mandant décidait de mettre en vente de nouveaux produits ou de nouvelles gammes de produits, ou de nouveaux services, il se réserve le droit d'en confier ou non la représentation à l'agent qui, lui, demeurera libre d'accepter ou de refuser » ; ces stipulations contractuelles doivent être analysées à la lumière de l'article L. 134-4 du code de commerce, qui dispose que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties et que les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information.
En l'espèce, l'annexe 2 du contrat définit la liste des produits commercialisés comme correspondant à la gamme de prothèses de genou KHEOPS et à la gamme de prothèses de genou KHEPHREN Révision, exclusivement ; pour autant, M. [L] n'a élevé aucune protestation à l'annonce, en septembre 2018, de l'arrêt de la commercialisation de la gamme KHEPHREN eu égard à l'insuffisance des ventes, alors qu'il retirait l'essentiel de ses commissions de la vente des produits de la gamme KHEOPS à la clinique du [16] (535 772 euros en 2017 ; 427 170 euros en 2018) ; par ailleurs, si le renouvellement du certificat de marquage CE des ancillaires de la gamme KHEOPS a été refusé, en janvier 2019, par l'organisme de certification, provoquant, de fait, l'arrêt de de la commercialisation des prothèses de la gamme, rien ne permet d'affirmer que ce refus de renouvellement incombe à la société Dedienne santé ou, comme le prétend M. [L] dans son courrier du 11 mars 2019, qu'un tel obstacle a été depuis lors surmonté.
Surtout, la société Dedienne santé a proposé à son agent commercial, notamment par courrier du 20 mars 2019, de substituer à la gamme de prothèses de genou KHEOPS, la gamme TRICC 1ère intention, présentant des caractéristiques similaires au genou KHEOPS (à savoir un plateau rotatoire, un genou postéro stabilisé et une gamme large de tailles pour répondre à toutes les indications) et donnant également la possibilité de gérer la tension ligamentaire et la rotation externe du condyle fémorale ; il n'est pas établi, ni même allégué, que cette gamme de prothèses ne constitue pas, comme l'affirme la société Dedienne santé, une gamme de produits de proche équivalence, permettant de traiter les mêmes indications chirurgicales ; le refus du docteur [F] d'utiliser la prothèse TRICC, notamment exprimé dans un courriel du 7 avril 2019 adressé au directeur général de la société Dedienne santé, n'est autrement motivé que par le fait que la prothèse KHEOPS donne entière satisfaction aux patients qui en sont porteurs (sic), sauf à rappeler que ce chirurgien orthopédique est le concepteur des ancillaires de la gamme KHEOPS pour l'exploitation desquels il percevait des redevances.
L'arrêt de la commercialisation des produits de la gamme KHEPHREN Révision et de la gamme KHEOPS, faisant l'objet du contrat d'agence, ne rend pas en elle-même, eu égard aux circonstances, la rupture du contrat imputable à la société Dedienne santé, alors que celle-ci a proposé à M. [L] un produit de substitution aux caractéristiques comparables, produit que ce dernier ne pouvait, sans raison valable, refuser de commercialiser dans le cadre de l'exécution de son contrat, conclu dans l'intérêt commun des parties.
C'est donc à juste titre que le premier juge, pour débouter M. [L] de ses demandes en paiement d'une indemnité de préavis de 56 567,10 euros et d'une indemnité de cessation de contrat de 401 459,16 euros, a considéré que la rupture n'était pas imputable au mandant.
3-les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Succombant sur son appel, M. [L] doit être condamné aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Dedienne santé la somme de 3000 euros au titre des frais non taxables que celle-ci a dû exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 23 décembre 2020,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne M. [L] aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société Dedienne santé la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
le greffier, le président,