COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
N° RG 23/00022 - N° Portalis DBVK-V-B7H-PVQR
O R D O N N A N C E N° 2022 - 22
du 09 Janvier 2023
SUR LE CONTROLE DE LA REGULARITE D'UNE DECISION DE PLACEMENT EN RETENTION ET SUR LA PROLONGATION D'UNE MESURE DE RETENTION ADMINISTRATIVE
ET
SUR REQUÊTE DE L'ETRANGER EN CONTESTATION DU PLACEMENT EN RETENTION ADMINISTRATIVE
dans l'affaire entre,
D'UNE PART :
Monsieur X SE DISANT [Z] [W]
né le 04 Mai 1988 à [Localité 3] (TUNISIE)
de nationalité Tunisienne
retenu au centre de rétention de Sète dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,
Comparant, assisté par Maître Jacques LONGUEBRAY, avocat commis d'office,
Appelant,
D'AUTRE PART :
1°) Monsieur LE PREFET DU VAR
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Monsieur [P] [J] dûment habilité,
2°) MINISTERE PUBLIC :
Non représenté
Nous, Myriam BOUZAT conseillère à la cour d'appel de Montpellier, déléguée par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assistée de Sophie SPINELLA, greffier,
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu les dispositions des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté du 19 décembre 2022 notifié le 3 janvier 2023 à 9 heures 09, de Monsieur LE PREFET DU VAR portant obligation de quitter le territoire national sans délai avec IRTF de Monsieur [Z] [W] ;
Vu la décision de placement en rétention administrative du 2 janvier 2022 notifié le 3 janvier 2023 à 9 heures 10 à Monsieur [Z] [W], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Vu l'arrêté du 5 septembre 2022 notifié, de Monsieur LE PREFET DU VAR :
- article 1er expulsion de Monsieur [Z] [W] né le 4 mai 1988 a [Localité 3] en Tunisie, de nationalité tunisienne,
- article 2 : Cette mesure d'expulsion sera mise à exécution à destination du pays dont M. [Z] [W] a ia nationalité, ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité, ou encore à destination de tout autre pays dans lequel il établit qu'il est légalement admissible.
-article 3: Le présent arrêté abroge et remplace tout document de titre de séjour, ou récépissé de demande datitre de séjour en la possessionde M. [Z] [W].'
Vu la décision de Monsieur le PREFET DU VAR de placement en rétention administrative du 4 janvier 2022 notifié à 12 heures 35 à Monsieur [Z] [W], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire du 3 au 5 janvier 2023, annulant et remplaçant l'arrêté du 2 janvier 2023 notifié le 3 janvier 2023;
Vu la requête de Monsieur LE PREFET DU VAR en date du 4 janvier 2023 à 15 heures 54 tendant à la prolongation de la rétention de Monsieur [Z] [W] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée vingt-huit jours ;
Vu la requête de Monsieur [Z] [W] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 5 janvier 2023 à 17 heures 10 ;
Vu l'ordonnance du 06 Janvier 2023 à 12h16 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Montpellier qui a :
- rejeté la requête en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative formée par Monsieur [Z] [W],
- ordonné la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [Z] [W] , pour une durée de vingt-huit jours à compter du 5 janvier 2023 à 9 heures 10,
Vu la déclaration d'appel faite le 06 Janvier 2023 par Monsieur [Z] [W] , du centre de rétention administrative de [Localité 4], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour à 17h36,
Vu les télécopies adressées le 06 Janvier 2023 à Monsieur LE PREFET DU VAR, à l'intéressé et à son conseil, et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 09 Janvier 2023 à 14 heures 30,
L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans le box dédié de l'accueil de la cour d'appel de Montpellier, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète , et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier
L'audience publique initialement fixée à 14 heures 30 a commencé à 15h22.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur [Z] [W] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : ' Je suis [Z] [W]. Je suis né le 04 mai 1988 à [Localité 3] en Tunisie. Je ne suis pas marié. J'ai trois enfants, 10 ans, 7 ans et 9 mois. Ils vivent avec leurs mères. Je n'ai plus de famille en Tunisie. Je suis boulanger, serveur, maçon. J'ai fait une crise cardiaque il y a six mois et du coup j'ai un stent. Je suis entré en France en 2009. Je suis entré directement en France. J'avais un passeport et un visa, valide 1 an. Je suis en situation irrégulière. J'ai eu plusieurs titres de séjour. La dernière fois, je suis entré en France en 2009 avec un visa. Après j'ai eu des titres de séjours, on m'a refusé la carte de séjour en septembre 2022. Je n'ai pas fait de demande d'asile. Je ne suis pas d'accord pour quitter le territoire, j'ai des enfants et je me suis convertis au christiannisme. Je ne suis pas d'accord avec la mesure d'éloignement, je ne repartirai pas dans mon pays.'
L'avocat, Me Jacques LONGUEBRAY développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.
Monsieur le représentant, de Monsieur LE PREFET DU VAR, demande la confirmation de l'ordonnance déférée et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : ' au moment de l'édition de l'arrêté, les problèmes cardiaques étaient portés à la connaissance de la préfécture qui a prescrit un suivi médical renforcé. Il a un service médical au CRA. Monsieur [W] n'est pas documenté, n'a pas de passeport, son placement en assignation à résidence est impossible. '
Monsieur [Z] [W] a eu la parole en dernier et et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : ' J'ai pris conscience de mes actes, je suis désolé. Mes enfants me manquent, j'ai envie de rentrer chez moi. Si une décision m'oblige à quitter le territoire, je quitterai.'
La conseillère indique que la décision et la voie de recours seront notifiées sur place, après délibéré.
SUR QUOI
Sur la recevabilité de l'appel :
Le 06 Janvier 2023, à 17h36, Monsieur [Z] [W] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Montpellier du 06 Janvier 2023 notifiée à 12h16, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R743-11 du CESEDA.
Sur l'appel :
Sur la recevabilité de la contestion de l'arrêté de placement en rétention administrative.
Le placement en rétention administrative de l'intéressé a commencé le 3 janvier 2023 à 9 heures 10 selon l'arrêté du jour annulé et remplacé le 4 janvier 2023 au motif que la mesure d'éloignement à prendre en considération est une mesure d'expulsion notifiée le 5 septembre 2022 .
En conséquence, ainsi que le mentionne le nouvel arrêté de placement en rétention administrative du 4 janvier 2023, le placement de 48 heures a commencé le 3 janvier 2023 à 9 heures 10 et se terminera le 5 janvier 2023 à 9 heures 10 de manière régulière.
En l'absence d'irrégularité, aucune atteinte aux droits de l'appelant n'est justifiée.
En application de l'article L 741-10 du CESEDA, 'L'étranger qui fait l'objet d'une décision de placement en rétention peut la contester devant le juge des libertés et de la détention, dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification.
Il est statué suivant la procédure prévue aux articles L. 743-3 à L. 743-18.'
En conséquence, contrairement au jugement de la juge des libertés et de la détention de Montpellier, la requête de l'étranger en constestation de l'arrêté de placement en rétention administrative déposée le 5 janvier 2023 à 17 heures 10 est irrecevable car formée hors le délai des 48 heures du placement en rétention administrative qui s'est achevé le 5 janvier 2023 à 9 heures 10.
Etant irrecevable en première instance, la contestation de l'arrêté de placement en rétention administrative l'est tout autant en appel.
L'avocat de l'appelant soutient l'irrecevabilité de la requête préfectorale pour défaut de pièce utile à savoir la grille d'évaluation de l'état de vulnérabilité.
La cour de cassation a d'une part rappelé que la définition d'une pièce utile au regard de chaque dossier relève du pouvoir souverain du juge du fond et d'autre part dans son arrêt de principe du 15 décembre 2021 , pourvoi n° 20-17.283, précise l'obligation faite à l'autorité administrative d'examiner l'état de vulnérabilité et d'handicap de l'étranger au visa de l'article L 741-4 du CESEDA avant toute décision de placement en rétention administrative, l'examen médical postérieur par les agents de l'OFII ne l'en exonérant pas.
Toutefois par un arrêt du 5 octobre 2022, n° 721 FD la première chambre de la cour de cassation a jugé que la prise en compte de l'état de vulnérabilité n'a pas pour conséquence de soumettre la régularité de la décision de placement en rétention administrative à l'établissement d'une grille de vulnérabilité, celle-ci n'étant pas prévue par la loi.
En conséquence, la motivation de l'arrêté de placement en rétention administrative mentionnant l'appréciation de l'état de vulnérabilité de l'étranger ( Considérant qu'il ne ressort ni des déclarations de l'intéressé, ni des éléments qu'il a remis, que son état de vulnérabilité, à savoir un suivi en prison pour des problèmes cardiaques s'opposeraient à un placement en rétention; que cependant, des mesures de surveillance seront mises en place), la fin de non recevoir sera rejetée.
SUR LE FOND
L'article L742-3 du ceseda : 'Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court pour une période de vingt-huit jours à compter de l'expiration du délai de quarante-huit heures mentionné à l'article L. 741-1.'
En application des dispositions de l'article L612-2 du ceseda: 'Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants :
1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ;
2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ;
3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet.'
Et selon l'article L 612-3 du ceseda: 'Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;
6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;
7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;
8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.'
En l'espèce, l'intéressé ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de soustraction à la mesure qui est considéré comme établi au visa de l' article L 612-3, 1°, 4° et 8° du ceseda puisqu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français et ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité et en conséquence au visa de l'article L 743-13 du CESEDA, le juge judiciaire ne peut l'assigner à résidence .
Le juge des libertés et de la détention de Montpellier a contrôlé la procédure préalable à la rétention adminsitrative, la procédure de placement en rétention administrative, la recevabiltié, régularité et bienfondée de la requête préfectorale du 4 janvier 2023 et la réalité des diligences en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement dans un délai raisonnable tel que jugé par la cour de cassation à savoir trois jours fins de semaine comprise à compter du placement en rétention administrative.
Il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
Déclarons l'appel recevable,
Déclarons irrecevable la contestation de l'arrêté de placement en rétention administrative comme déposée hors délai devant le juge des libertés et de la détention de Montpellier.
Rejetons la fin de non recevoir de la requête préfectorale du 4 janvier 2023.
Confirmons la décision déférée sur le surplus,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,
Fait à Montpellier, au palais de justice, le 09 Janvier 2023 à 15 heures 40.
Le greffier, Le magistrat délégué,