COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
N° RG 23/00011 - N° Portalis DBVK-V-B7H-PVOY
O R D O N N A N C E N° 2023 - 11
du 06 Janvier 2023
SUR SECONDE PROLONGATION DE RETENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE
dans l'affaire entre,
D'UNE PART :
Monsieur [N] [E]
né le 21 Août 1989 à [Localité 6]
de nationalité Tunisienne
retenu au centre de rétention de [Localité 4] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,
Comparant, assisté de Maître Sanoussy CISSE, avocat commis d'office .
Appelant,
D'AUTRE PART :
1°) Monsieur LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Monsieur [H] [S] dûment habilité,
2°) MINISTERE PUBLIC :
Non représenté
Nous, Myriam BOUZAT conseillère à la cour d'appel de Montpellier, déléguée par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assistée de Sophie SPINELLA, greffière,
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu l'arrêté 16 février 2022 notifié le 17 février 2022 à 11 heures de Monsieur LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE portant obligation de quitter le territoire national sans délai pris à l'encontre de Monsieur [N] [E],
Vu la décision de placement en rétention administrative du 5 décembre 2022 notifié à 9 heures 20 à Monsieur [N] [E], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,
Vu l'ordonnance du 7 décembre 2022 notifiée le même jour, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de MARSEILLE qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours, confirmée par le premier président de cour d'appel d'Aix en Provence le 9 décembre 2022,
Vu la saisine de Monsieur LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE en date du 3 janvier 2023 à 15 heures 12 pour obtenir une seconde prolongation de la rétention de cet étranger,
Vu l'ordonnance du 4 janvier 2023 à 11 heure 01 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de MONTPELLIER qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de trente jours,
Vu la déclaration d'appel faite le 04 Janvier 2023, par Maître Sanoussy CISSE, avocat, agissant pour le compte de Monsieur [N] [E], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour, à 23 heure 50,
Vu les télécopies et courriels adressés le 05 Janvier 2023 à Monsieur LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE, à l'intéressé, à son conseil, et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 06 Janvier 2023 à 14 heures,
L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans le box dédié de l'accueil de la cour d'appel de Montpellier, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète , et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier.
L'audience publique initialement fixée à 14 heures a commencé à 14h52.
PRETENTIONS DES PARTIES
Monsieur [N] [E] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : ' Je ne souhaite pas un interprète. Je parle et je comprends bien le français. Je m'appelle [N] [E]. Je suis né le 21 août 1989 à [Localité 6]. Je n'accepte pas de quitter le territoire français. Je n'accepte pas d'exécuter la mesure d'éloignement.'
L'avocat, Me [C] [X] développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.
Monsieur le représentant, de Monsieur LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE, demande la confirmation de l'ordonnance déférée a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : ' Les éléments concernant la vulnérabilité et le placement sous curatelle de M. [E] relève d'un recours contre l'arrêté de placement qui doit être effectué dans les 48h de la notification. M. [E] a déposé une demande de mainlevée le 06 décembre, rejetée par le juge des libertés et de la détention de Marseille le 07 décembre. Monsieur [E] a recours à un service médical au CRA qui peut l'adresser à un spécialiste. Pour les avis du transfert de Monsieur [E] de Marseille à [Adresse 5], on trouve au dossier les avis de réception des parquets et du JLD de Marseille comme de [Localité 3]. Pour les diligences, la préfecture a saisi le consulat le jour même du placement en rétention de Monsieur [E] et la préfecture a effectué une relance le 03 janvier, ce à quoi elle n'était pas tenue. '
Monsieur [N] [E] a eu la parole en dernier et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : ' Depuis 2008, j'ai la MDPH, j'ai des problèmes de santé, c'est pas clair, je me retrouve ici devant vous. Mon titre de séjour est périmé. Normalement, il va être renouvellé.'
La conseillère indique que la décision et la voie de recours seront notifiées sur place, après délibéré.
SUR QUOI
Sur la recevabilité de l'appel :
Le 04 Janvier 2023, à 23 heure 50, Maître Sanoussy CISSE, avocat, agissant pour le compte de Monsieur [N] [E] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de MONTPELLIER du 4 janvier 2023 notifiée à 11 heure 01, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R 743-11 du CESEDA.
Sur l'appel :
L'avocat de l'appelant soutient d'une part l'irrecevabilité de la requête préfectorale du 6 décembre 2022 pour défaut de motivation sur l'évaluation de l'état de vulnérabilité du retenu, la nullité de la procédure devant le juge des libertés et de la détention de Marseille pour absence d'information du curateur du retenu de son placement en rétention administrative, l'annulation de l'ordonnnance du juge des libertés et de la détention de Marseille du 7 décembre 2022 pour défaut de motivation.
Ainsi que le juge des libertés et de la détention de Montpellier l'a relevé, le CESEDA ne prévoit pas l'information du curateur du placement en rétention administrative de son protégé et qu'en tout état de cause en application de l'article L 743-11 du CESEDA: ' A peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité antérieure à une audience à l'issue de laquelle le juge des libertés et de la détention a prolongé la mesure ne peut être soulevée lors d'une audience ultérieure.'
En conséquence l'appelant est irrecevable à prétendre à des irrégularités purgées par la décision du juge des libertés et de la détention de Marseille du 7 décembre 2022 confirmée en appel le 9 décembre 2022.
D'autre part, le juge des libertés et de la détention de Montpellier a fait une lecture exhaustive des éléments de la procédure et contrôlé la recevabilité, la régularité , le bienfondé de la requête préfectorale du 3 janvier 2023.
L'avocat de l'appelant soutient le défaut de diligences de l'autorité administrative.
Ainsi que l'appelant le mentionne, l'autorité administrative après avoir saisi la Tunisie d'une demande justifiée aux débats, de laissez passer consulaire le 5 décembre 2022 , l'a relancée le 3 janvier 2023, sans que la loi ne l'y oblige en raison du principe de souveraineté des Etats.
En conséquence, d'une part au visa de l'article L 743-11 du CESEDA et d'autre part selon le principe que l'autorité administrative française n'est pas comptable des décisions d'un pays étranger, il convient de rejeter ce moyen de nullité.
SUR LE FOND
Selon l'article L742-4 du CESEDA': «'Le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :
1° En cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public ;
2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;
3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;
b) de l'absence de moyens de transport.
L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.'»
La requête préfectorale du 3 janvier 2023 est d'une part recevable, régulière et d'autre part, bien fondée en l'état de l'alinéa 3 de l'article susdit: 3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement.
Il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
Déclarons l'appel recevable,
Déclarons irrecevable l'appelant à soulever des fins de non recevoir antérieures à la première prolongation du 7 décembre 2022, confirmée en appel le 9 décembre 2022.
Rejetons le moyen de nullité,
Confirmons la décision déférée,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R 743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,
Fait à Montpellier, au palais de justice, le 06 Janvier 2023 à 15 heures 09.
Le greffier, Le magistrat délégué,