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délivrées le
à
Chambre commerciale
ARRÊT DU 03 Janvier 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/03337 - N° Portalis DBVK-V-B7G-POYU
Décision déférée à la Cour :
Arrêt du 26 NOVEMBRE 2019 COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
N° RG18/01058
APPELANT :
Monsieur [B] [T] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Comparant et assisté de Me Manon NEDELEC, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Laurent MAURIN, avocat au barreau de MONTPELLIER
En présence du Ministère Public
Représenté par M. André DUTIL, avocat général
En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 OCTOBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller
M. Thibault GRAFFIN, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Audrey VALERO
ARRÊT :
- Contradictoire;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière.
FAITS, PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par requête reçue le 8 juin 2022, [B] [Y] a saisi la cour d'une requête en 'réhabilitation' tendant à le relever de toute interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale (...) et toute personne morale (...).
Il expose avoir été condamné à une interdiction de gérer par cette cour par un arrêt en date du 26 novembre 2019, confirmant en cela un jugement du tribunal de commerce de Béziers en date du 29 janvier 2018 et en réduisant la durée à huit années.
Il indique qu'il a retrouvé, après avoir dû quitter en mars 2016, compte tenu des poursuites à son encontre, un premier emploi auprès de la société Ufifrance, une vie active au sein du groupe Gan patrimoine en juin 2017 en tant que mandataire d'intermédiaire en assurance (conseiller clientèle), mais que l'interdiction prononcée s'oppose à l'exercice de cette activité de mandataire alors que ce mandat exclut qu'il développe une clientèle personnelle et que cette activité ne contrevient pas à l'interdiction de diriger en elle-même.
Il précise qu'il donne entièrement satisfaction à son employeur actuel, qu'il souhaite répondre aux propositions d'embauche qui lui ont été faites, mais auxquelles les mentions figurant sur son casier judiciaire font obstacle alors que ses revenus ne lui permettent pas de pourvoir aux besoins de sa famille (cinq personnes).
Il ajoute avoir parfaitement intégré la sanction prononcée et que les restrictions professionnelles imposées ont produit leurs effets.
Dans ses réquisitions notifiées le 2 septembre 2022, le procureur général près la cour d'appel conclut au rejet de la requête en 'réhabilitation' considérant que celle-ci semble avoir pour but de contourner l'arrêt du 14 décembre 2021 rejetant une précédente requête similaire et que M. [Y] peut assurer sa réinsertion en étant salarié, tandis que compte tenu des condamnations tant commerciale que pénale, dont il a fait l'objet, il importe de maintenir l'interdiction de gérer.
MOTIFS de la DECISION :
Selon l'article L.653-11 du code de commerce, le débiteur, personne physique, frappé d'une interdiction, peut demander au tribunal de le relever, en tout ou partie, des déchéances et interdictions s'il a apporté une contribution suffisante au paiement du passif. Lorsqu'il a fait l'objet de l'interdiction prévue à l'article L.653-8, il peut en être relevé s'il présente toutes garanties démontrant sa capacité à diriger ou contrôler une ou plusieurs des entreprises ou personnes visées par le même article.
L'article R.653-4 du même code précise que toute demande en relevé des déchéances, interdictions et incapacités est adressée par requête à la juridiction qui les a prononcées. Sont joints à la requête tous documents justifiant de la contribution au paiement du passif ou lorsque l'intéressé a fait l'objet de l'interdiction prévue à l'article L.653-8, des garanties démontrant sa capacité à diriger ou contrôler l'une ou plusieurs des entreprises ou personnes visées par cet article. Ces garanties peuvent consister en une formation professionnelle. La juridiction statue après avoir entendu le demandeur et recueilli l'avis du ministère public.
Si l'article R.653-4 ne mentionne le respect d'aucun délai (contrairement aux dispositions applicables en matière pénale) pour déposer une nouvelle requête en relèvement, M. [Y] ne soutient nullement que la présente requête est fondée sur de nouveaux éléments que ceux présentés à l'occasion de la précédente requête, rejetée par un arrêt de cette cour en date du 14 décembre 2021.
Le relèvement, prévu par l'article L. 653-11 du code de commerce, ne fait pas de la privation d'un emploi un critère de relèvement de la mesure d'interdiction de gérer, celui-ci étant possible en cas de contribution suffisante au paiement du passif, hypothèse qui ne concerne pas M. [Y] et en cas de présentation par ce dernier de toutes les garanties démontrant sa capacité à diriger ou contrôler l'une ou plusieurs des entreprises ou personnes visées par l'article L. 653-8.
Il appartient à M. [Y] de démontrer qu'il présente lesdites garanties. Il dispose, comme précédemment, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée auprès d'un agent d'assurances (Gan patrimoine), d'un emploi en qualité d'employé polyvalent et ce depuis le 1er juillet 2021. Il ne justifie pas avoir suivi quelque formation que ce soit en matière de gestion d'entreprise, puisqu'il expose lui-même que les fonctions auxquelles il aspire auprès du Gan (ou d'autres entreprises telle que Domitys) ne le mettront pas en contact avec la clientèle et que seule la mention de l'interdiction de diriger, figurant au bulletin n°2 de son casier judiciaire, y fait obstacle eu égard aux conditions d'honorabilité, définies par l'organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance (ORIAS), qu'il ne remplit pas.
Ainsi, il ne démontre pas présenter toutes garanties démontrant sa capacité à diriger ou contrôler l'une ou plusieurs entreprises.
Ni son souhait, au demeurant parfaitement légitime, d'évoluer dans sa situation professionnelle, sachant que l'activité d'intermédiation qu'il a choisie est soumise, par des règles propres, à des conditions d'honorabilité, ni la satisfaction exprimée par son actuel employeur ne peuvent suffire pour constituer une garantie de sa capacité à diriger ou contrôler une entreprise ; les motifs ayant présidé au prononcé de l'interdiction, fondés sur une omission de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai requis et une absence de comptabilité dans un contexte de poursuite d'une activité de vente de véhicules automobiles en qualité de gérant de fait, compte tenu d'une précédente liquidation judiciaire, et qui tenaient compte de condamnations pénales dans le cadre de ces activités professionnelles, demeurent d'actualité.
En conséquence, la requête en relèvement de M. [Y], qui n'est pas privé de toute activité professionnelle et ne conteste pas avoir, également, fait l'objet d'une sanction d'interdiction de gérer sur le fondement de l'article 131-27 du code pénal pendant cinq années par un arrêt de la chambre correctionnelle de cette cour, en date du 12 novembre 2018, devenu irrévocable, sera rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Rejette la requête en relèvement déposée le 8 juin 2022 par [B] [Y],
Laisse les dépens à sa charge.
le greffier, le président,