La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/2022 | FRANCE | N°20/05038

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre commerciale, 13 décembre 2022, 20/05038


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



Chambre commerciale



ARRET DU 13 DECEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/05038 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OYAY





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 15 OCTOBRE 2020

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PERPIGNAN

N° RG 19/01074





APPELANTE :

>
L'ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES, poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône qui élit domicile en ses bureaux,

[Adresse 11],

[Adresse 10]

[Localité 3]

Représentée pa...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 13 DECEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/05038 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OYAY

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 15 OCTOBRE 2020

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PERPIGNAN

N° RG 19/01074

APPELANTE :

L'ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES, poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône qui élit domicile en ses bureaux,

[Adresse 11],

[Adresse 10]

[Localité 3]

Représentée par Me Marjorie AGIER, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Raymond ESCALE avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

INTIMEE :

Madame [N] [V] épouse [E]

née le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 8] (PAYS-BAS)

de nationalité Néerlandaise

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Magali LLOUQUET, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant

Représentée par Me Rostom BENSETTI, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 27 Septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 OCTOBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller

M. Thibault GRAFFIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Dominique IVARA

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière.

*

* *

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:

[K] [V] et [P] [D] son épouse étaient propriétaires, ensemble, de 1468 actions de la SAS camping la Roseraie, exploitant un camping situé à [Localité 9] (Pyrénées orientales) ; par acte notarié du 3 novembre 2005, ils ont cédé la nue-propriété de ces actions à la SARL HCP loisirs investissement, détenue par les membres de leur famille, moyennant le prix de 394 892 euros.

M. et Mme [V] sont décédés, respectivement, les [Date décès 4] 2013 et [Date décès 6] 2017, laissant pour leur succéder leurs deux filles, [N] [V] épouse [E] et [H] [V].

Le 16 octobre 2017, l'administration fiscale a sollicité d'[N] [V] épouse [E], en sa qualité d'ayant droit de ses parents décédés, le dépôt des déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre des années 2012 à 2017 ; après diverses relances, celle-ci a fait parvenir à l'administration, les 19 février et 16 mars 2018, les déclarations ISF de 2012 à 2015 mentionnant la valeur des actions de M. et Mme [V] dans la société camping la Roseraie pour l'usufruit seulement, soit 513 287 euros.

Par lettre du 30 mai 2018, l'administration a adressé à Mme [E] une proposition de rectification n° 2120 proposant un rehaussement de 2 053 148 euros au titre de chacune des trois années considérées, correspondant à la valeur en pleine propriété des actions de la société camping la Roseraie au motif que l'article 885 G du code général des impôts pose le principe de l'imposition dans le patrimoine de l'usufruitier de la valeur en pleine propriété des actions, ce texte ne réservant au contribuable assujetti à l'ISF la possibilité de déclarer les titres sociaux démembrés pour leur seule valeur d'usufruit à condition que les nu-propriétaires ne soient pas ses héritiers présomptifs, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ; en réponse aux observations de Mme [E], l'administration a maintenu sa position par lettre du 10 septembre 2018.

Un avis de mise en recouvrement n° 6600201 2 06929 a été émis le 30 novembre 2018 pour la somme de 38 479 euros en droits, majorations et intérêts de retard au titre de l'ISF pour les années 2012 à 2015 et de la contribution exceptionnelle sur la fortune pour l'année 2012 ; Mme [E] a adressé, par lettre recommandée du 27 décembre 2018, une réclamation contentieuse auprès de la direction générale des finances publiques, qui a fait l'objet d'une décision de rejet notifiée par courrier du 8 janvier 2019.

Par exploit du 4 mars 2019, [N] [V] épouse [E] et [H] [V] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Perpignan le directeur régional des finances publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône en vue d'obtenir, dans le dernier état de leurs prétentions, l'annulation de la procédure de redressement et, subsidiairement, le dégrèvement de l'ISF au titre des années 2012 à 2015 et de la contribution exceptionnelle sur la fortune de l'année 2012.

Par jugement du 15 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Perpignan a notamment :

' fait droit à la fin de non-recevoir soulevée par l'administration fiscale et déclaré irrecevable l'action de [H] [V],

' constaté l'absence de signature de l'agent rédacteur sur l'exemplaire de la proposition de redressement adressé à [N] [V] épouse [E],

' prononcé la nullité de la procédure de redressement engagée à l'encontre de celle-ci,

' condamné la direction générale des finances publiques à payer à [N] [V] épouse [E] la somme de 1000 euros au titre l'article 700 du code de procédure civile,

' dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de ce texte au bénéfice de [H] [V].

L'administration des finances publiques représentée par le directeur régional des finances publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône a régulièrement relevé appel, le 13 novembre 2020, de ce jugement.

Elle demande la cour, dans ses conclusions déposées le 27 mai 2021 via le RPVA, de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de [H] [V], mais de le réformer en ce qu'il a prononcé la nullité de la procédure de redressement engagée à l'encontre d'[N] [V] épouse [E] et prononcé à son encontre une condamnation en paiement d'une indemnité de procédure et, statuant à nouveau, de constater que la proposition adressée à [N] [V] épouse [E], le 30 mai 2018, était bien signée et que dès lors, la procédure est régulière, de confirmer la décision de rejet du 8 janvier 2019 et de condamner l'intimée au paiement d'une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :

' la proposition de rectification envoyée à Mme [E], qui lui a été présentée le 7 juin 2018 et distribuée le 11 juin suivant, n'est pas dépourvue de signature manuscrite,

' la commission départementale de conciliation, qui n'est compétente que pour l'évaluation des biens visés au 2 de l'article 667 du code général des impôts, ne pouvait être saisie, alors que la valeur en pleine propriété des actions de la société camping la Roseraie n'a été déterminée, dans la proposition de rectification, que par référence à la valeur de l'usufruit déclarée,

' l'agent, signataire de la décision de rejet, n'a pas excédé les limites de sa délégation de compétence de 60 000 euros,

' le montant des droits et pénalités fixé à 38 479 euros ne représente que la quote-part de la dette successorale incombant à Mme [E], qui ne constitue donc pas une dette solidaire en application de l'article 1709 du code général des impôts,

' l'exception prévue au b de l'article 885 G du code général des impôts à la règle de l'imposition de l'usufruit au titre de l'ISF sur la valeur en pleine propriété du bien, n'est pas applicable en l'espèce, dès lors que la société HCP loisirs investissement détenue par les héritiers présomptifs des époux [V] n'est qu'une personne interposée au sens de l'article 751 du code général des impôts.

[N] [V] épouse [E], dont les conclusions ont été déposées le 4 mars 2021 par le RPVA, sollicite de voir confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 15 octobre 2020 et, en conséquence, débouter la direction régionale des finances publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône de toutes ses demandes, fins et conclusions, outre la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient pour sa part que :

' la proposition de rectification du 30 mai 2018, qu'elle a reçue, ne comporte pas la signature de l'agent chargé de sa rédaction en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et de la doctrine administrative publiée le 4 octobre 2017 au BOFIP (BOI-CF-IOR-10-40, n° 240), ce dont il résulte qu'elle ne peut constituer une proposition de rectification, interruptive de prescription,

' l'administration, qui a refusé sa demande de saisine de la commission départementale de conciliation, l'a privée d'une garantie légale, alors qu'elle avait retenu une valeur de 2 053 148 euros pour une valeur déclarée de 513 287 euros,

' la décision de rejet du 8 janvier 2019 a été signée par un inspecteur divisionnaire des finances publiques, disposant d'une délégation de signature dans la limite de 60 000 euros, alors que la réclamation contentieuse du 27 décembre 2018 portait sur une demande de dégrèvement d'un montant de 76 964 euros,

' la procédure n'a pas été contradictoire à l'égard de [H] [V], qui n'a pas été rendue destinataire des éléments de la procédure avant comme après la réception de l'avis de mise en recouvrement, ce dont il résulte que la procédure d'imposition est irrégulière,

' l'administration ne pouvait écarter l'application du b de l'article 885 G du code général des impôts, dès lors que la vente de la nue-propriété a eu lieu à titre onéreux à une personne morale qui n'est pas un héritier présomptif, ni une personne interposée au sens de l'alinéa 2 de l'article 911 du code civil, ce dont il se déduit que les actions de la société camping la Roseraie devaient être évaluées pour leur seule valeur en usufruit dans le foyer fiscal des époux [V] lesquels n'étaient donc pas redevables de l'ISF sur la période 2012-2015.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 27 septembre 2022.

MOTIFS de la DECISION :

L'article L. 57 du livre des procédures fiscales dispose que l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ; la doctrine administrative publiée le 4 octobre 2017 au bulletin officiel des impôts (BOI-CF-IOR-10-40, n° 240) énonce à cet égard que la proposition de rectification doit être datée et porter la signature de l'agent chargé de sa rédaction ainsi que l'indication de son nom et de son grade ; il est de principe que la signature manuscrite est une garantie substantielle pour le contribuable et que son absence entache la procédure d'irrégularité, la doctrine administrative publiée au Bofip rappelant d'ailleurs l'arrêt du Conseil d'État du 12 décembre 1990 (n° 57 510) selon lequel la proposition qui ne comporte pas la signature manuscrite de son auteur mais seulement l'indication dactylographiée du nom d'un agent et de son titre ne peut constituer une proposition de rectification au sens de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales et n'est pas en conséquence interruptive de prescription.

Dans le cas présent, Mme [E] communique l'original de la proposition de rectification, lui ayant été adressée le 30 mai 2018 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (RA 4764 9783 3R), et qui lui a été remise le 11 juin suivant ; ce document de huit pages est communiqué avec l'enveloppe tamponnée de la direction générale des finances publiques (Pôle de contrôles revenus patrimoniaux [Adresse 5]) revêtue du cachet de la poste apposé le 6 juin 2018 ; il est mentionné sur la proposition de rectification, en page 1, le nom de l'agent rédacteur de ladite proposition et son grade ([F] [R], inspecteur des finances publiques), mais ce document n'est pas revêtu de la signature manuscrite de l'agent.

C'est vainement que l'administration des finances publiques, qui communique la copie d'une proposition de rectification signée de l'inspecteur des finances publiques l'ayant rédigé, prétend que la proposition de rectification effectivement adressée à Mme [E] était signée de l'agent, alors qu'à l'évidence, le document communiqué par cette dernière, comportant, en bas de page, des inscriptions manuscrites au stylo bleu visant à la numérotation des pages (1/8, 2/8, 3/8, 4/8, 5/8, 6/8, 7/8, 8/8), est bien celui qui lui a été adressé.

La signature manuscrite de l'agent chargé de la rédaction de la proposition de rectification constituant une formalité substantielle, son omission affecte la régularité de la procédure ; c'est donc à juste titre que le premier juge, après avoir relevé que la proposition de rectification du 30 mai 2018 n'était pas revêtue de la signature de l'agent, a prononcé l'annulation de la procédure de rectification engagée à l'encontre de Mme [E] ; le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en toutes ses dispositions, les autres moyens développés étant surabondants.

Succombant sur son appel, l'administration des finances publiques représentée par le directeur régional des finances publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, doit être condamné aux dépens, ainsi qu'à payer à Mme [E] la somme de 2000 euros en remboursement des frais non taxables que celle-ci a dû exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Perpignan en date du 15 octobre 2020,

Condamne l'administration des finances publiques représentée par le directeur régional des finances publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à Mme [E] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

le greffier, le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20/05038
Date de la décision : 13/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-13;20.05038 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award