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29/11/2022 | FRANCE | N°20/05057

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre commerciale, 29 novembre 2022, 20/05057


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



Chambre commerciale



ARRET DU 29 NOVEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/05057 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OYB7





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 27 OCTOBRE 2020

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN

N° RG 2020j48





APPELANTE :

>
S.A.R.L. PMC

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Olivier REDON de la SCP DONNADIEU-BRIHI-REDON-CLARET-ARIES-ANDRE, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES







INTIMEE :



S.A.S. BRASSERIE MILLES prise en la personne de son représentant légal en exercice do...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 29 NOVEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/05057 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OYB7

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 27 OCTOBRE 2020

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN

N° RG 2020j48

APPELANTE :

S.A.R.L. PMC

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Olivier REDON de la SCP DONNADIEU-BRIHI-REDON-CLARET-ARIES-ANDRE, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

INTIMEE :

S.A.S. BRASSERIE MILLES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audsiège

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Mathilde SEBASTIAN, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Patrick DAHAN, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 15 Septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 OCTOBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Jean-Luc PROUZAT, président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, conseiller

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Hélène ALBESA

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

La S.A.R.L. PMC exploite un bar dénommé Bar de l'île des pêcheurs ou bar australien situé sur la commune du Barcarès.

Elle a signé avec la SAS Brasserie Milles les 3 et 24 juin 2015, 8 septembre 2016 et 28 mars 2018, quatre conventions de mise à disposition de matériels (fauteuils, tables, matériel de pression à bière).

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er avril 2019, le gérant de la société PMC a indiqué à la société Brasserie Milles qu'il mettait fin à sa collaboration avec cette dernière lui demandant de venir récupérer le matériel mis à sa disposition.

Alléguant d'une rupture brutale de leurs relations contractuelles, la société Brasserie Milles a sollicité le 11 avril 2019 le paiement d'une somme de 17 334,34 euros au titre de la valeur du matériel.

*****

À la suite de l'assignation délivrée le 12 février 2020 par la société Brasserie Milles à la société PMC, le tribunal de commerce de Perpignan a :

- constaté la validité des conventions signées, au vu des dispositions de l'article 1108 du code civil,

- constaté que la société PMC a manqué à ses obligations contractuelles d'approvisionnement auprès de la société Brasserie Milles,

- dit que la société PMC n'a pas respecté le préavis de deux mois prévu au contrat,

- dit que les conventions signées par la société PMC ne sont pas dépourvues d'objet et de cause, et respectent donc les conditions de validité, au sens des dispositions de l'article 1108 du code civil,

- condamné la société PMC à payer à la société Brasserie Milles, la somme de 17 334,24 euros, au titre de la restitution en valeur du matériel mis à disposition,

- alloué à la société Brasserie Milles la somme de 1 000 euros, qui lui sera versée par la société PMC au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société PMC aux dépens de l'instance dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférents et notamment ceux du greffe liquidés selon tarif en vigueur.

Le 16 novembre 2020, la société PMC a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Elle demande à la cour, dans ses dernières conclusions déposées via le RPVA le 30 juin 2022, de :

À titre principal :

Dire et juger que les conventions de mise à disposition des 28 mars 2018, 8 septembre 2016, 24 juin et 3 juin 2015 n'imposent aucun engagement d'approvisionnement exclusif pour elle,

Dire et juger que le délai de préavis de deux mois est stipulé au profit du dépositaire et qu'en tout état de cause il ne présente aucun intérêt pour la société Brasserie Milles,

Constater que la société Brasserie Milles n'a pas demandé à solliciter l'application de ce délai de préavis de deux ou trois mois et qu'elle ne peut en conséquence en tirer la violation par la société PMC de ses obligations contractuelles,

Dire et juger que la société PMC a résilié à bon droit les conventions de mise à disposition,

Débouter en conséquence la société Brasserie Milles de sa demande de restitution en valeur des matériels,

A titre subsidiaire,

Si le tribunal considère que les conventions de mise à disposition stipulent un engagement d'exclusivité d'achat au profit de la société Brasserie Milles,

Prononcer la nullité des conventions pour défaut d'objet et défaut de cause,

Débouter en conséquence la société Brasserie milles de ses demandes,

A titre plus subsidiaire encore,

Déclarer non écrite la clause imposant la restitution du matériel à sa valeur d'origine comme créant un déséquilibre manifeste entre les droits et les obligations des parties et ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie,

Débouter en conséquence la société Brasserie Milles de ses demandes.

Dans tous les cas,

Déduire de la créance de la société Brasserie Milles la somme de 200 euros versée au titre du contrat du 28 mars 2018,

Condamner la société Brasserie Milles à payer à la société PMC la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société Brasserie Milles aux dépens de première instance et d'appel dont distraction, pour ces derniers, aux profit de l'AIARPI ELEOM AVOCATS représentée par la SCP DONNADIEU BRIHI [N] CLARET ARIES ANDRE, société d'avocats inscrite aux barreaux des Pyrénées-Orientales et de Paris, agissant par Maître [F] [N], en vertu des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, elle fait valoir pour l'essentiel que :

la convention du 28 mars 2018, qui a été conclue après la réforme du droit des obligations, doit être interprétée en sa faveur par application de l'article 1190 du code civil, et n'impose aucune obligation approvisionnement exclusif,

le délai de préavis de trois mois est inopérant,

les trois autres conventions n'imposent pas non plus d'obligation d'approvisionnement exclusif,

les conventions encourent la nullité pour défaut d'objet et défaut de cause,

la clause imposant au client la restitution du matériel à sa valeur d'origine induit un déséquilibre manifestement excessif au profit du cocontractant, de sorte qu'elle doit être réputée non écrite.

Dans ses dernières conclusions déposées via le RPVA le 13 septembre 2022, la société Brasserie Milles demande à la cour de :

Confirmer en son entier le jugement déféré qui a condamné la société PMC à porter et payer à la société Brasserie milles les sommes de :

17 334,24 euros correspondant à la valeur du matériel mis à disposition,

7 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Les entiers dépens.

Débouter la société PMC de l'intégralité de ses demandes,

Y ajoutant,

Condamner l'appelante à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

La société PMC n'a pas respecté le délai de préavis de deux mois,

Elle n'a procédé à aucune commande à la suite de son courrier du 1er avril 2019,

Les conventions de mise à disposition de matériel de débit (bière ou café) énoncent clairement une obligation d'approvisionnement exclusif, contrairement aux conventions de mise à disposition de matériel qui impliquent un approvisionnement non exclusif,

L'approvisionnement non exclusif doit être loyal dans le cadre du développement des relations commerciales, et à tout le moins doit exister,

Les conventions litigieuses de mise à disposition ont des causes et des objets parfaitement licites ainsi qu'il a été jugé à plusieurs reprises par les tribunaux de commerce et la cour d'appel de Montpellier,

La clause de restitution du matériel à sa valeur d'origine n'est nullement abusive en l'absence de tout déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 15 septembre 2022.

MOTIFS de la DECISION :

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'invocation des dispositions de l'article L 442-1 du code de commerce :

La société PMC invoque dans ses écritures les dispositions de l'article L 442-1 du code de commerce relatives à un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionnée au regard de la contrepartie consentie.

Or, par la combinaison des dispositions des articles L 442-4 et D 442-2 du code de commerce, ces demandes sont irrecevables devant la présente cour.

Le moyen a été relevé d'office à l'audience par la cour et les parties ont été autorisées à produire une note en délibéré pour y répondre, ce qu'aucune d'elles n'a fait.

Sur les demandes de la société Brasserie Milles :

Compte tenu des dates de signature des conventions litigieuses, antérieures pour trois d'entre elles et postérieure pour la quatrième, le présent litige est soumis en partie aux dispositions antérieures à la réforme du droit des contrats pour les contrats souscrits avant le 1er octobre 2016, et pour l'autre partie aux dispositions postérieures.

Selon les dispositions de l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ('). Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Selon les articles 1103 et 1104 nouveaux du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Par ailleurs l'article 1217 du code civil dispose que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;

- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;

- obtenir une réduction du prix ;

- provoquer la résolution du contrat ;

- demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Il est constant que par courrier recommandé daté du 1er avril 2019, reçu par la société Brasserie Milles le 4 avril suivant, la société PMC a rompu sa relation contractuelle avec cette dernière sans invoquer le respect des délais de préavis de deux ou trois mois mentionnés aux conventions de mise à disposition.

Or en 2019, donc même pendant la période de préavis, la société PMC n'a procédé à aucune commande.

Il résulte des pièces versées au dossier et des débats que la société PMC a une activité saisonnière, que selon les affirmations non contestées de la société Brasserie Milles et le relevé de ses ventes de l'année 2018, la société PMC s'approvisionnait pour une année civile auprès de la société Brasserie Milles à compter du mois de mars et jusqu'au mois de septembre suivant.

La société Brasserie Milles reproche à la société PMC de ne pas s'être approvisionnée durant la période de préavis.

En effet, selon les dispositions claires énoncées aux quatre conventions, la société PMC aurait dû s'approvisionner avant et durant la période de préavis exclusivement en bière, et partiellement pour les autres boissons.

En premier lieu, les périodes de préavis sont clairement indiquées aux conventions, et la société Brasserie Milles peut s'en prévaloir dans son intérêt, contrairement à ce que soutient la société PMC.

En second lieu, les conventions contestées par la société PMC ne sont nullement dépourvues d'objet ou de cause, tenant à la mise à la disposition par la société Brasserie Milles à son co-contractant de matériel de terrasse neuf ou de matériel de tirage de bière en contrepartie d'un approvisionnement exclusif ou partiel de boissons auprès d'elle, permettant ainsi aux cafetiers de ne pas investir dans des matériels pouvant être onéreux.

En troisième lieu, il convient de considérer que la clause laissant au brasseur, et à lui seul, le choix de solliciter, lorsque le débitant décide de cesser de s'approvisionner auprès de lui, soit la restitution du matériel donné en dépôt, soit son paiement en valeur d'origine, n'est pas abusive dans la mesure où cette mise à disposition de matériel neuf permet au débitant de s'installer en limitant ses frais et de jouir de ce matériel le temps qu'il désire.

Par ailleurs, la valeur d'origine qui peut lui être réclamée, d'une part est inférieure à sa valeur actualisée et, d'autre part, représente l'amortissement dont a été privé le brasseur durant le temps de la mise à disposition.

Il sera enfin constaté que l'appelante n'invoque nullement à son profit les dispositions de l'article 1171 du code civil.

En conséquence, le jugement sera intégralement confirmé en toutes ses dispositions critiquées.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

La société PMC qui succombe dans ses demandes en cause d'appel sera condamnée aux dépens.

Il n'est pas inéquitable de condamner la société PMC à payer à la société Brasserie Milles la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions critiquées,

Condamne la société PMC aux dépens de l'instance d'appel,

Condamne la société PMC à payer à la société Brasserie Milles la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

le greffier, le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20/05057
Date de la décision : 29/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-29;20.05057 ?
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