Grosse + copie
délivrée le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre sociale
ARRET DU 23 NOVEMBRE 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/05553 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NLU6
ARRET n°
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 SEPTEMBRE 2017
TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE PERPIGNAN
N° RG21600433
APPELANT :
Monsieur [Z] [P]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentant : Me DOMME substituant Me Cécile PARAYRE-ARPAILLANGE, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2017/016120 du 13/12/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
INTIME :
CPAM DES PYRÉNÉES ORIENTALES
[Adresse 5]
[Localité 2]
Mme [M] [B] (Représentante de la CPAM) en vertu d'un pouvoir du 11/10/22
En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 OCTOBRE 2022,en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet , chargé du rapport.
Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet
Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON
ARRET :
- Contradictoire.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour ;
- signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet , et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 13 octobre 2015 à 17h00, Monsieur [Z] [P], salarié de la société (S.A.S.U.) [4] en qualité de conducteur-convoyeur de fonds, a déclaré avoir été victime d'un accident survenu dans les circonstances suivantes : 'Le salarié déclare avoir reçu des menaces de mort, à son encontre ainsi qu'à celle de sa famille, lors du verdict rendu par la Cour d'assises des PO condamnant les auteurs du braquage donc M. [P] a été victime le 29-06-12", Maître [T] [J] étant cité comme témoin.
Le 14 octobre 2015, le Docteur [N] [E] a établi un certificat médical initial avec arrêt de travail prescrit au bénéfice de Monsieur [Z] [P], diagnostiquant un 'épisode anxio-dépressif réactionnel suite à menaces de mort au dernier jour du procès en tant que victime de vol à main armée lié à sa profession de convoyeur de fonds'.
Le 26 octobre 2015, la société [4] a émis des réserves portant sur le caractère professionnel de l'accident.
A réception de l'ensemble de ces éléments, la caisse d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales a procédé à une enquête administrative.
Le 22 janvier 2016, la caisse d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales a refusé de prendre en charge l'accident susvisé au titre de la législation relative aux risques professionnels, au motif que:
'le lien de subordination à l'employeur n'est pas établi au moment de l'accident, en effet celui-ci est survenu au cours d'activités personnelles n'ayant pas de relation avec le travail'.
Le 4 mars 2016, Monsieur [Z] [P] a contesté ce refus de prise en charge devant la commission de recours amiable, laquelle n'a pas répondu dans les délais qui lui étaient impartis.
Le 21 avril 2016, Monsieur [Z] [P] a alors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Pyrénées-Orientales en contestation d'une décision de rejet implicite de la commission de recours amiable.
Suivant jugement du 13 septembre 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Pyrénées-Orientales 'Constate que [P] [Z] ne soutient pas son recours ; L'en déboute ; Dit que la décision entreprise doit être confirmée'.
Le 25 octobre 2017, Monsieur [Z] [P] a interjeté appel du jugement.
La cause, enregistrée sous le numéro RG 17/05553, a été appelée à l'audience des plaidoiries du 13 octobre 2022.
Monsieur [Z] [P] a sollicité l'infirmation du jugement, en demandant à la cour : de reconnaître que l'accident dont il a été victime le 13 octobre 2015 constitue un accident du travail au sens de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale ; de lui accorder des dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros ; de prendre acte de ce qu'il bénéficie de l'aide juridictionnelle à hauteur de 25%.
La caisse d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales a sollicité la confirmation du jugement, en demandant à la cour de débouter Monsieur [Z] [P] de ses demandes.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I.- Sur la demande en reconnaissance de l'accident du travail
L'article L 411-1 du code de la sécurité sociale dispose qu' 'est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise'.
Il est constant que l'accident du travail est constitué par un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle (d'ordre physique ou psychologique) quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.
L'accident se distingue ainsi de la maladie, d'apparition lente et progressive. Il n'est toutefois pas nécessaire que l'accident ait été causé par l'action violente et brutale d'une cause extérieure. Il suffit, en effet, que soit constatée l'apparition soudaine d'une lésion en relation avec le fait accidentel.
Les dispositions de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale consacrent donc une présomption d'imputabilité de l'accident au travail, dès lors que la lésion est survenue au temps et au lieu de travail.
La charge de la preuve de ce que cet accident est bien survenu au temps et au lieu de travail pèse sur le salarié qui invoque cette présomption d'imputabilité.
S'agissant toutefois d'une présomption simple susceptible de preuve contraire, l'employeur ou la caisse qui veut la combattre doit établir que l'accident a une cause totalement étrangère au travail.
En outre, lorsque la présomption d'imputabilité ne peut pas jouer, à défaut, pour celui qui s'en prévaut, de caractériser la matérialité de l'accident ou la réalité de la lésion, ou de démontrer que cet accident s'est produit au temps et au lieu de travail, il appartient à l'intéressé, à savoir la victime ou ses ayants droit, d'établir le lien de causalité direct et certain entre le fait accidentel et le travail.
En l'espèce, il convient de rappeler que le 29 juin 2012 à 15h22, Monsieur [Z] [P] a été victime d'un braquage à main armée alors qu'il conduisait un véhicule banalisé (Renault Kangoo) et transportait des fonds (24 000 euros) pour le compte de son employeur, la société [4].
A ce titre, Monsieur [Z] [P] a déposé plainte contre les auteurs du braquage en qualité de victime d'un vol, et a reconnu l'un d'entre eux dans le cadre de l'enquête pénale. Il n'a, en revanche, déclaré aucun accident du travail pour ces faits, et ne s'est vu prescrire aucun certificat médical.
Le procès s'est tenu devant la Cour d'assises des Pyrénées-Orientales du 5 au 13 octobre 2015, et Monsieur [Z] [P] s'est constitué partie civile. Il a, à ce titre, été cité à comparaître en personne par exploit d'huissier du 20 juillet 2015 à la requête de Monsieur le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Perpignan, pour y faire ses dépositions dans les formes prescrites par la Loi sur les faits et circonstances contenues en l'acte d'accusation dressé contre les personnes poursuivies.
Le 13 octobre 2015 à 17h00, au prononcé de la sanction pénale, Monsieur [Z] [P] a été pris à partie par des membres de la famille des personnes déclarées coupables et condamnées, et a été menacé de mort. Monsieur le Procureur de la République adjoint, pris en sa qualité d'Avocat Général, a rédigé une fiche d'incidents corroborant ces faits.
Le 15 octobre 2015, Monsieur [Z] [P] a déposé une plainte 'contre x' pour les faits dont il a été victime deux jours plus tôt et qui ont provoqué chez lui une lésion psychique. Il entend solliciter la prise en charge de cet accident au titre de la législation professionnelle.
Or, il est acquis que les faits du 13 octobre 2015 se sont déroulés en dehors du temps et du lieu du travail, en sorte qu'ils ne peuvent bénéficier de la présomption d'imputabilité consacrée par l'article L 411-1 du code du travail, le fait que par mail du 20 juillet 2015 l'assistante de direction de la société [4] ait indiqué au salarié qu'il recevrait une convocation pour le procès en précisant 'vous n'avez pas l'obligation d'être présent mais c'est mieux' ne valant pas ordre de mission de l'employeur dans l'intérêt de l'entreprise, et ne pouvant donc conférer aux faits litigieux la protection prévue par les dispositions susvisées.
Il appartient donc à Monsieur [Z] [P], qui entend obtenir la prise en charge de son traumatisme psychologique au titre de la législation professionnelle, d'établir que son travail était à l'origine de l'accident allégué.
A ce titre, il est avéré que la lésion médicalement constatée le 14 octobre 2015 trouve son origine dans un fait précis, à savoir les menaces proférées à l'encontre de Monsieur [Z] [P] le 13 octobre 2015.
Cependant, la cour relève que la présence de Monsieur [Z] [P] ce jour-là n'était pas directement liée à son activité professionnelle, l'intéressé ayant effectivement comparu à titre personnel, en qualité de victime d'un vol, après s'être constitué partie civile. Il ne représentait nullement les intérêts de la société [4], laquelle s'était également constituée partie civile.
Monsieur [Z] [P] ne démontre pas, non plus, s'être trouvé sous l'autorité et le contrôle de son employeur lors des faits litigieux.
En outre, aux termes du procès-verbal de dépôt de plainte du 15 octobre 2015, à la question 'ces individus ont-ils fait référence au verdict et au rôle que vous avez eu dans cette procédure '', Monsieur [Z] [P] répond par la négative. Il n'est donc pas établi que les menaces de mort proférées à l'encontre de l'intéressé l'aient été au titre de son activité professionnelle.
Enfin, ni la constitution de partie civile de la société [4] à l'audience de la Cour d'assises du 13 octobre 2015, ni le fait que celle-ci soit représentée par le même avocat que celui de son salarié et qu'elle ait pris en charge les frais d'avocat de ce dernier, n'établissent davantage le lien de causalité entre les faits litigieux et le travail de Monsieur [Z] [P].
En conséquence, à défaut de tout élément probant quant à la survenance d'un fait accidentel par le fait ou à l'occasion du travail, Monsieur [Z] [P] doit être débouté de sa demande de prise en charge de l'accident du 13 octobre 2015 au titre de la législation professionnelle.
Le jugement querellé sera donc confirmé, par les motifs précédents qui s'y substituent.
II.- Sur la demande de dommages et intérêts
Monsieur [Z] [P] entend obtenir la réparation de son préjudice moral en lien avec les menaces proférées à son encontre le 13 octobre 2015, lesquelles ont altéré son humeur et participé à la dégradation de ses relations familiales, jusqu'à la mise en oeuvre d'une procédure de divorce qu'il indique subir.
Cependant, en l'état du rejet du caractère professionnel de l'accident du 13 octobre 2015 et à défaut de toute faute caractérisée de la caisse d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales ayant directement engendré le préjudice ci-dessus allégué, cette caisse ne pouvant au demeurant être tenue pour responsable des menaces proférées à l'encontre de Monsieur [Z] [P], celui-ci sera débouté de sa demande.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Confirme le jugement rendu le 13 septembre 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Pyrénées-Orientales ;
Y ajoutant ;
Déboute Monsieur [Z] [P] de sa demande de prise en charge de l'accident dont il a été victime le 13 octobre 2015 au titre de la législation professionnelle ;
Déboute Monsieur [Z] [P] de sa demande de dommages et intérêts ;
Condamne Monsieur [Z] [P] aux dépens en application combinée des articles 695 et 696 du code de procédure civile, et de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la juridiction le 23 novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT