Grosse + copie
délivrée le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre sociale
ARRET DU 23 NOVEMBRE 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/03482 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NG3F
ARRET n°
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 MARS 2017
TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE RODEZ
N° RG
APPELANTE :
MSA MIDI-PYRENEES NORD (TARN ET GARONNE)
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Yann LE DOUCEN de la SCP LE DOUCEN AVOCATS, avocat au barreau d'AVEYRON
INTIMEE :
Madame [D] [E]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentant : Me GILLES ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 OCTOBRE 2022,en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet , chargé du rapport.
Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet
Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON
ARRET :
- Contradictoire.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour ;
- signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet , et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.
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EXPOSE DU LITIGE, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 16 août 2014, Madame [D] [E] a sollicité, auprès de la caisse de Mutualité Sociale Agricole des Midi-Pyrénées Nord, le versement d'un capital-décès du chef des droits de son époux, chef d'exploitation agricole, décédé le 25 février 2008.
Le 27 octobre 2014, la caisse de Mutualité Sociale Agricole des Midi-Pyrénées Nord a rejeté sa demande, au motif que celle-ci lui était parvenue 'après le délai légal de 2 ans suivant le décès'.
Le 25 novembre 2014, Madame [D] [E] a saisi la commission de recours amiable, en sollicitant la levée de la prescription biennale, au motif que la caisse aurait manqué à son obligation générale d'information.
Le 15 avril 2015, la commission de recours amiable a rejeté sa contestation, pour le même motif.
Le 3 juin 2015, Madame [D] [E] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Aveyron en contestation de la décision de rejet de la commission de recours amiable.
Suivant jugement contradictoire du 22 mars 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Aveyron 'Dit que la Mutualité Sociale Agricole Midi-Pyrénées Nord a manqué à son devoir de conseil et d'information à l'égard de Mme [D] [E] ; Condamne la Mutualité Sociale Agricole Midi-Pyrénées Nord à verser à Mme [D] [E], à titre de dommages et intérêts, une somme équivalente à la moitié du capital décès auquel elle aurait été en droit de prétendre.'
Le 22 juin 2017, la caisse de Mutualité Sociale Agricole des Midi-Pyrénées Nord a interjeté appel du jugement.
La cause, enregistrée sous le numéro RG 17/03482, a été appelée à l'audience des plaidoiries du 13 octobre 2022.
La caisse de Mutualité Sociale Agricole des Midi-Pyrénées Nord a sollicité l'infirmation du jugement, et demandé à la cour de condamner Madame [D] [E] au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Madame [D] [E] a sollicité la confirmation du jugement, en demandant à la cour de condamner la caisse de Mutualité Sociale Agricole des Midi-Pyrénées Nord au paiement de dommages et intérêts équivalents à la moitié du capital décès auquel elle pouvait prétendre, et de condamner cette caisse au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'obligation générale d'information dont sont débiteurs les organismes de sécurité sociale envers les assurés en application de l'article R 112-2 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, leur impose seulement de répondre aux demandes qui leurs sont soumises et ne leur impose nullement, à défaut de demande de ceux-ci, de prendre l'initiative de les renseigner sur leurs droits éventuels ni de porter à leur connaissance des textes publiés au Journal officiel de la République française.
En tant qu'organismes privés, tous les organismes de sécurité sociale relèvent du droit commun de la responsabilité pour faute, sur le fondement de l'article 1382 devenu 1240 du code civil.
Ainsi, dès lors qu'elle entraîne un préjudice pour l'employeur ou l'assuré, la faute commise par un organisme de sécurité sociale est de nature à engager sa responsabilité civile, peu important que la faute soit grossière ou non, et que le préjudice soit ou non anormal.
A ce titre, lorsque l'employeur ou l'assuré recherche la responsabilité civile d'un organisme de sécurité sociale, il lui incombe de démontrer la faute qu'il lui impute ainsi que le préjudice qu'il prétend avoir subi et dont il réclame l'indemnisation, outre le lien entre cette faute et ce préjudice.
En l'espèce, Madame [D] [E], sur le fondement des dispositions combinées des articles L 361-1 du code de la sécurité sociale et R 742-17 du code rural et de la pêche maritime, estime remplir les conditions pour pouvoir prétendre au versement d'un capital décès. Elle reproche à la caisse de Mutualité Sociale Agricole des Midi-Pyrénées Nord de ne pas l'avoir dûment informée de son droit à percevoir ce capital suite au décès de son époux, Monsieur [P] [E], chef d'exploitation agricole, ce manquement ayant eu pour effet de voir sa demande en ce sens prescrite. Elle sollicite dès lors, en réparation de ce préjudice, des dommages et intérêts.
C'est ainsi qu'il convient de rappeler qu'aux termes de l'article L 361-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, 'Sans préjudice de l'application de l'article L. 313-1, l'assurance décès garantit aux ayants droit de l'assuré le paiement d'un capital égal à un multiple du gain journalier de base tel qu'il est défini à l'article L. 323-4 lorsque l'assuré, moins de trois mois avant son décès, exerçait une activité salariée, percevait l'une des allocations mentionnées au premier alinéa de l'article L. 311-5, était titulaire d'une pension d'invalidité mentionnée à l'article L. 341-1 ou d'une rente allouée en vertu de la législation sur les accidents du travail et maladies professionnelles mentionnée à l'article L. 371-1, ou lorsqu'il bénéficiait, au moment de son décès, du maintien de ses droits à l'assurance décès au titre de l'article L. 161-8.'
En application de l'article L 332-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, l'action des ayants droit de l'assuré pour le paiement du capital prévu à l'article L. 361-1 se prescrit par deux ans à partir du jour du décès.
L'article R 742-17 du code rural et de la pêche maritime dispose, quant à lui, que 'Le décès du titulaire d'une pension d'invalidité liquidée au titre des assurances sociales agricoles ouvre droit sans autres conditions au capital décès, même dans le cas où la pension est suspendue'.
Toutefois, en l'espèce, la cour rappelle que le défunt époux de Madame [D] [E], bien que bénéficiaire d'une pension d'invalidité depuis 2006, était chef d'une exploitation agricole, et relevait, à ce titre, du régime des non-salariés agricoles.
Or, les dispositions susvisées, dont se prévaut Madame [D] [E], ne sont applicables qu'aux salariés des professions agricoles ou à ceux relevant du régime général de la sécurité sociale.
En tout état de cause, avant l'entrée en vigueur de la loi n°2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement pour la sécurité sociale 2022, le capital décès ne pouvait nullement être proposé par les caisses de mutualité sociale agricole lorsque le défunt était exploitant agricole. En effet, conformément à l'article L732-9-1 du code rural et de la pêche maritime inséré par l'article 98-I-7° et III de la loi susvisée, le nouveau dispositif de versement du capital décès aux ayants droit des exploitants agricoles relevant du régime des non-salariés agricoles n'est applicable qu'aux décès survenus à compter du 1er janvier 2022, étant surabondamment observé à ce titre que seuls les assurés non-salariés agricoles décédés actifs ouvrent droit au versement d'un capital décès pour leurs ayants droit, en sorte que les assurés non-salariés agricoles bénéficiaires d'une pension d'invalidité et inactifs à la date de leur décès n'ouvrent pas droit au versement du capital décès.
Il s'ensuit qu'en l'état du décès de son époux survenu le 25 février 2008, Madame [D] [E] ne remplit pas les conditions pour pouvoir prétendre au versement d'un capital décès, et ne justifie donc nullement avoir subi un préjudice.
Il ne saurait, par ailleurs, être reproché à la caisse de Mutualité Sociale Agricole des Midi-Pyrénées Nord d'avoir commis une faute en ne renseignant pas Madame [D] [E] sur les possibilités de versement d'un capital décès auquel elle ne pouvait nullement prétendre.
Au surplus, à l'examen des pièces versées aux débats, la cour ne caractérise aucun manquement de la caisse de Mutualité Sociale Agricole des Midi-Pyrénées Nord à son obligation générale d'information, à défaut, pour Madame [D] [E], de justifier avoir formulé une demande particulière auprès de l'organisme à laquelle elle n'aurait eu aucune réponse, ce que n'avait pourtant pas manqué de relever le premier juge en ces termes : 'attendu que si Mme [E] ne démontre pas avoir interrogé précisément la caisse sur l'existence et les conditions de versement d'un capital décès...'.
Ces éléments justifient l'infirmation du jugement querellé, et Madame [D] [E] sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 mars 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Aveyron ;
Statuant à nouveau ;
Déboute Madame [D] [E] de sa demande de dommages et intérêts ;
Condamne Madame [D] [E] à payer à la caisse de Mutualité Sociale Agricole des Midi-Pyrénées Nord la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Madame [D] [E] aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la juridiction le 23 novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT