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délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 15 NOVEMBRE 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 20/04799 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OXSW
ARRET N°
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 07 SEPTEMBRE 2020
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN
N° RG 2019j00447
APPELANT :
Monsieur [J] [D]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Véronique PELISSIER, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Marie Camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/012249 du 02/11/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
INTIMEE :
S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC ROU SSILLON Banque Coopérative régie par les articles L. 512-85 et suivants du Code monétaire et financier, Société Anonyme à Directoire et Conseil d'Orientation et de Surveillance, au capital de 295.600.000 €, immatriculée au rcs de Montpellier sous le n° 383 451 267, mandataire d'assurance et d'intermédiaire d'assurance immatriculé à l'Orias sous le n° 07 005 729, dont le siège social est [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié es qualités audit siège social.
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Sophie MONESTIER, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant non plaidant
Ordonnance de clôture du 30 Août 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 SEPTEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller
M. Thibault GRAFFIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Audrey VALERO
ARRET :
- Contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière.
*
* *
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:
Par acte sous-seing privé du 13 décembre 2013, la Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon (la Caisse d'épargne) a consenti à la SARL Taliouine Center un prêt destiné à financer des travaux de rénovation, d'un montant de 35 200 euros à 3,87 % sur 84 mois ; par acte séparé du 13 décembre 2013, [J] [D] s'est rendu caution solidaire des engagements de la société, dont il était le gérant, dans la limite de la somme de 45 760 euros et pour une durée de 138 mois.
La société Taliouine Center a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire selon jugement du tribunal de commerce de Perpignan en date du 10 avril 2019 et la Caisse d'épargne a déclaré sa créance au titre du prêt à hauteur de 7809,89 euros.
Après qu'une mise en demeure eut été adressée, en vain, à M. [D] par lettre recommandée du 15 mai 2019, la Caisse d'épargne a fait assigner celui-ci, par exploit du 14 novembre 2019, devant le tribunal de commerce de Perpignan lequel, par jugement du 7 septembre 2020, a notamment :
' condamné M. [D] à payer à la Caisse d'épargne la somme de 8063,25 euros, assortie des intérêts contractuels à compter de la date de première mise en demeure, jusqu'à parfait paiement,
' ordonné l'exécution provisoire de la décision,
' alloué à la Caisse d'épargne la somme de 750 euros, qui lui sera versée par M. [D] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [D] a régulièrement relevé appel, le 2 novembre 2020, de ce jugement en vue de sa réformation.
Il demande la cour, dans ses conclusions déposées le 2 février 2021 via le RPVA, de :
A titre principal,
' procéder à la vérification d'écriture,
' constater que l'engagement écrit de caution ne peut avoir été écrit par lui,
' par conséquent, déclarer nul l'engagement de caution,
' débouter la Caisse d'épargne de sa demande de condamnation formée à son encontre en sa qualité de caution,
A titre subsidiaire,
Vu le montant de l'engagement de caution, ses revenus et charges et le caractère manifestement disproportionné de l'engagement,
' débouter la Caisse d'épargne de sa demande de condamnation formée à son encontre en sa qualité de caution,
En tout état de cause,
' condamner Caisse d'épargne à 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel, il fait valoir pour l'essentiel que :
' ne sachant ni lire, ni écrire le français, il n'a pu rédiger l'engagement manuscrit de caution communiqué par la banque et même s'il est dans l'incapacité d'indiquer s'il est ou pas l'auteur de la signature apposée sur l'acte, il n'en a pas, en toute hypothèse, compris la portée,
' son engagement de caution est manifestement disproportionné à ses biens et revenus au sens de l'article L. 341-4 du code de la consommation, alors qu'au moment de la souscription de l'acte, ses revenus avec ceux de son épouse n'étaient que de 10 226 euros par an, soit 850 euros par mois.
La Caisse d'épargne, dont les conclusions ont été déposées le 13 avril 2021 par le RPVA, sollicite de voir confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [D] au paiement de la somme de 8063,25 euros en principal avec intérêts au taux contractuel jusqu'à parfait paiement, mais formant appel incident, demande que celui-ci soit condamné à lui payer la somme de 2000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles exposés en première instance; elle réclame enfin l'allocation de la somme de 2000 euros au titre l'article 700 du code de procédure civile en appel.
Elle soutient que M. [D] a signé divers actes depuis 2001 (bail commercial, procès-verbal d'assemblée générale') en tant que gérant de la société Taliouine Center, exploitant une boutique d'alimentation, et qu'il est également propriétaire d'un bien immobilier depuis 2007, acquis au moyen d'un prêt souscrit auprès du Crédit foncier de France, lequel n'a pas alors relevé son illettrisme ; elle en déduit que son engagement de caution est valable, l'intéressé ne pouvant prétendre n'avoir pas eu la possibilité de connaître la réalité et la portée de son engagement ; par ailleurs, elle indique que dans le questionnaire confidentiel, établi lors de la souscription du cautionnement, l'intéressé a déclaré être propriétaire avec son épouse d'un bien immobilier estimé à 99 000 euros, dont le capital restant dû s'élevait en décembre 2013 à 77 403 euros, ce dont il résulte que son engagement n'était pas, lors de sa souscription, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 30 août 2022.
MOTIFS de la DECISION :
M. [D] conteste avoir écrit de sa main la mention apposée sur l'acte de caution du 13 décembre 2013 en application des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, devenus les articles L. 331-1et L. 331-2 du même code, et produit aux débats diverses attestations de tiers affirmant qu'il ne sait ni lire, ni écrire le français.
Il résulte des articles 1373 du code civil, 287 et 288 du code de procédure civile que lorsque la partie, à qui on oppose un acte sous-seing privé, déclare ne pas reconnaître l'écriture qui est attribuée à son auteur, il appartient au juge de vérifier l'acte contesté et de procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer.
Dans le cas présent, l'écriture figurant sur l'acte de cautionnement litigieux, attribuée à M. [D], est identique à celle du contrat de prêt signé le jour même, sur lequel l'intéressé, en sa qualité de gérant de la société Taliouine Center, a mentionné de sa main « Fait à [Localité 4] le 13/12/2012 - bon pour acceptation », avant d'apposer sa signature ; divers documents ont été remis à la banque, lors de la conclusion du contrat de prêt et de la souscription du cautionnement, comme un procès-verbal de l'assemblée générale des associés de la société Taliouine Center du 17 octobre 2012 nommant M. [D] aux fonctions de gérant, une copie du bail commercial signé par ce dernier et un avis d'imposition au titre des taxes foncières 2013 comportant diverses annotations manuscrites.
L'écriture figurant sur le contrat de prêt servant d'élément de comparaison est identique à celle de l'acte de cautionnement, ce dont il se déduit que la mention litigieuse de l'acte de cautionnement a bien été écrite par M. [D] ; si celui-ci affirme, attestations à l'appui, qu'il ne sait ni lire, ni écrire le français, il apparaît néanmoins comme l'auteur de l'écrit contesté et rien ne permet d'affirmer que, lors de la souscription du cautionnement, la Caisse d'épargne a eu connaissance de son illettrisme qui l'aurait amené à ne pas comprendre le sens et la portée de l'acte qu'il signait, alors que les documents ayant été remis à la banque attestaient de l'accomplissement par M. [D] d'actes de gestion pour le compte de la société dont il était le gérant.
Dans ses conclusions d'appel, M. [D] se dit incapable d'indiquer s'il est l'auteur ou non de la signature apposée sur l'acte de cautionnement (sic) ; il ne conteste pas dès lors formellement sa signature, sachant que les spécimens de sa signature figurant en particulier sur le contrat de prêt du 13 décembre 2013, le bail commercial du 5 janvier 2001, le procès-verbal de l'assemblée générale du 17 octobre 2012 et son titre de séjour délivré le 2 octobre 2015 démontrent que la signature figurant sur l'acte de cautionnement est bien la sienne.
Il résulte, par ailleurs, de l'article L. 341-4, devenu l'article L. 332-1, du code de la consommation, qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; la disproportion manifeste du cautionnement doit être évaluée lors de la conclusion du contrat, au regard du montant de l'engagement et en fonction des revenus et du patrimoine de la caution, en prenant également en considération l'endettement global de celle-ci, dont le créancier avait ou pouvait avoir connaissance, y compris l'endettement résultant d'autres engagements de caution souscrits antérieurement ; il est de principe que la charge de la preuve de la disproportion manifeste au jour de la souscription de l'engagement incombe à la caution, tandis que le créancier, qui entend se prévaloir d'un cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, doit établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son engagement.
Dans la fiche de renseignements établie le 8 octobre 2013 peu avant la souscription de son engagement, M. [D] a déclaré un patrimoine immobilier d'une valeur de 99 000 euros (une villa située à [Localité 4]) et un salaire mensuel de 1250 euros ; il n'a pas précisé l'encours restant dû sur le prêt immobilier contracté en août 2006 en vue de l'acquisition de ce bien (l'encours mentionné de 99 000 euros correspondant au montant du crédit consenti), mais la Caisse d'épargne, qui a eu communication du tableau d'amortissement du prêt immobilier, indique que le capital restant dû s'élevait, en décembre 2013, à 77 403 euros ; il était alors marié et père de quatre enfants, dont un enfant à charge âgé de 14 ans ; son épouse, mère au foyer, n'a déclaré aucun revenu dans la fiche de renseignements, qu'elle a cosignée, et a elle-même consenti, par acte du 13 décembre 2013, un cautionnement au profit de la Caisse d'épargne du même montant de 45 760 euros ; M. [D] verse aux débats ses bulletins de salaire, couvrant la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013, ainsi que son avis d'impôt au titre des revenus de l'année 2012.
M. [D] ne communique pas son avis d'impôt au titre des revenus de l'année 2013 mais son bulletin de salaire du mois de novembre 2013 enseigne que le montant net imposable de sa rémunération (salaires et avantages en nature) depuis le 1er janvier 2013 s'est élevé à 21 875 euros, soit un montant net imposable, projeté sur douze mois, de 23 863 euros.
Il apparaît dès lors qu'avec un patrimoine immobilier net de 21 597 euros (99 000 euros -77 403 euros) et une rémunération annuelle de 23 863 euros, soit 45 460 euros au total, le cautionnement consenti à hauteur de 45 760 euros ne peut être considéré comme manifestement disproportionné aux biens et revenus de M. [D] lorsqu'il a été conclu et il n'y a pas lieu de rechercher si le patrimoine de l'intéressé, au moment où il a été appelé, lui permet d'y faire face ; le jugement entrepris ne peut en conséquence qu'être confirmé dans toutes ses dispositions.
Succombant sur son appel, M. [D] doit être condamné aux dépens, ainsi qu'à payer à la Caisse d'épargne la somme de 1500 euros en remboursement des frais non taxables que celle-ci a dû exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Perpignan en date du 7 septembre 2020,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne [J] [D] aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés conformément aux textes en vigueur sur l'aide juridique, ainsi qu'à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
le greffier, le président,