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15/11/2022 | FRANCE | N°20/03805

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre commerciale, 15 novembre 2022, 20/03805


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



Chambre commerciale



ARRET DU 15 NOVEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/03805 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OVZC



ARRET N°



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 07 SEPTEMBRE 2020

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN

N° RG 2019J00364





APPELANTE :



S.A.S. BRASSERIE MILLES prise en la p

ersonne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au dit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Mathilde SEBASTIAN, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL E...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 15 NOVEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/03805 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OVZC

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 07 SEPTEMBRE 2020

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN

N° RG 2019J00364

APPELANTE :

S.A.S. BRASSERIE MILLES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au dit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Mathilde SEBASTIAN, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représntée par Me Patrick DAHAN, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant

INTIMEE :

S.A.S L'ETAPE prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 30 Août 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 SEPTEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller

M. Thibault GRAFFIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Audrey VALERO

ARRET :

- Contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière.

*

* *

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:

La SAS l'Etape, qui exploite un fonds de commerce de bar, restaurant et gîte situé [Adresse 2] à [Localité 4] (Pyrénées orientales), a conclu, le 9 décembre 2014, avec la SAS Brasserie Milles une convention de mise à disposition de divers matériels destinés à débiter les produits livrés (bière, café'), d'une valeur de 9351,36 euros.

La convention ainsi conclue prévoit expressément : « Le client aura la garde et l'usage des matériels mis à disposition. Il en assurera l'entretien et la maintenance et il respectera les réglementations administratives et légales relatives à ces matériels. Si la mise à disposition concerne du matériel de tirage pression ou de machine à café, il est bien précisé qu'il ne peut être utilisé qu'à débiter des produits (bières en fûts et café) qui lui seront livrés en exclusivité par la Brasserie. Il est convenu que toute intervention ou démontage de ce matériel ne pourront être effectués que par du personnel ou tiers habilité par la Brasserie. Cette mise à disposition qui représente un avantage économique doit également permettre, pendant toute sa durée, au client de développer son activité et par là-même la vente des produits qui lui seront livrés par la brasserie (bières fûts et bouteilles, limonades, sodas, colas jus de fruits, eaux de source et minérales, sirops, café, vins, spiritueux) ».

Il est également convenu que « dans le cas où le client désirerait mettre un terme à la présente mise à disposition, il devra en informer la brasserie par lettre LRAR en respectant un préavis de 2 mois ».

Enfin, il est stipulé que : « Toutes les conditions du présent engagement sont réputées essentielles et constituent un tout indivisible. En cas de non-respect d'une des stipulations par le client, le présent engagement sera résilié de plein droit sans mise en demeure préalable, et la brasserie demandera, à sa convenance, la restitution des matériels mis à disposition ou bien le paiement à valeur d'origine (à titre d'indemnité et ou de restitution en valeur). En cas de restitution, les frais de démontage, reprise, remise en état et manquants éventuels, seront à la charge du client. Étant précisé que la Brasserie pourra prendre des options différentes pour chaque matériel. »

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 14 juin 2019, non réclamée par son destinataire, la société Brasserie Milles, au motif que la société l'Etape n'effectuait plus aucun approvisionnement auprès d'elle, l'a mise en demeure de lui régler la somme de 8251,36 euros représentative de la valeur du matériel mis à sa disposition.

N'obtenant pas satisfaction la société Brasserie Milles a présenté, le 2 août 2019, une requête auprès du président du tribunal de commerce de Perpignan en vue d'obtenir le paiement de ladite somme de 8251,36 euros ; une ordonnance portant injonction de payer a été rendue le 21 août 2019 par le président du tribunal de commerce, qui a été signifiée le 29 août suivant à la société l'Etape laquelle a formé opposition le 3 septembre 2019.

Le tribunal, par jugement du 7 septembre 2020, a déclaré l'opposition recevable, a débouté la société Brasserie Milles de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société l'Etape la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer comme il l'a fait, le tribunal a considéré que la société Brasserie Milles ne rapportait pas la preuve que l'arrêt de l'approvisionnement en fûts de bière pression, qu'elle date d'août 2018, est la conséquence d'un approvisionnement externe auprès d'un ou plusieurs concurrents, ce dont il a déduit qu'elle ne pouvait valablement invoquer la clause de remboursement insérée dans la convention.

La société Brasserie Milles a régulièrement relevé appel, le 14 septembre 2020, de ce jugement en vue de sa réformation.

Par ordonnance du 2 mars 2022, le conseiller de la mise en état, qu'elle avait saisi, a ordonné à la société l'Etape de lui communiquer sous astreinte les pièces suivantes, certifiées par son expert-comptable :

' grand livre comptable avec les comptes fournisseurs de bière pour l'exercice 2017,

' grand livre comptable avec les comptes fournisseurs de bière pour l'exercice 2018,

' grand livre comptable avec les comptes fournisseurs de bière pour l'exercice 2019.

Dans ses dernières conclusions déposées le 24 juin 2021 via le RPVA, la société Brasserie Milles demande la cour de condamner la société l'Etape à lui payer la somme de 8410,35 euros en principal, outre la somme accessoire de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, elle fait valoir pour l'essentiel que :

' la société l'Etape a cessé de s'approvisionner auprès d'elle pour tous les produits de sa gamme, y compris les bières en fûts, sans formaliser la rupture de la convention avec notification d'un préavis, conformément aux termes de la convention,

' elle a conservé le matériel mis à sa disposition pour débiter de la marchandise forcément achetée auprès de la concurrence,

' pour la bière en fûts, il n'est pas d'ailleurs concevable, au regard de son approvisionnement passé et du type de commerce qu'elle exploite, qu'elle ait cessé tout débit de ce produit, alors qu'elle s'est refusée d'en justifier par la production de sa comptabilité.

Formant appel incident, la société l'Etape, dont les dernières conclusions ont été déposées le 4 juillet 2022 par le RPVA, sollicite de voir prononcer la nullité de la convention de mise à disposition et rejeter l'intégralité des demandes de la société Brasserie Milles, outre sa condamnation à lui payer la somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient en substance ce que :

' l'obligation d'approvisionnement exclusif ne concerne que la bière en fûts selon la convention de mise à disposition, qui n'associe l'exclusivité d'approvisionnement qu'au matériel de tirage pression à bière, sans prévoir d'ailleurs de volume d'approvisionnement minimum,

' seul un approvisionnement en fûts de bière auprès d'un concurrent est de nature à justifier la résiliation de la convention et la société Brasserie Milles ne justifie toujours pas l'existence d'une violation de sa part de l'obligation d'exclusivité,

' la convention est nulle pour absence de cause au regard des dispositions de l'article 1163 du code civil, dès lors qu'elle ne prévoit aucune durée pour l'exclusivité d'approvisionnement, ni aucune quantité d'approvisionnement,

' une obligation d'approvisionnement qui n'est ni déterminée, ni déterminable, est en effet nulle pour absence de cause.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 30 août 2022.

MOTIFS de la DECISION :

Aux termes de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi » ; ces dispositions sont reprises aux articles 1103 et 1104 du même code, dans leur rédaction issue de ladite ordonnance, selon lesquels, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

En l'occurrence, la convention de mise à disposition du 9 décembre 2014 oblige la société l'Etape, tenue de l'exécuter de bonne foi, à s'approvisionner en boissons (bière en fûts et bouteilles, limonades, sodas, colas, jus de fruits, eaux de source et minérales, sirops, café, vins, spiritueux) auprès de la société Brasserie Milles pendant toute la durée de la convention, sachant qu'une exclusivité d'approvisionnement n'est stipulée que pour les bières en fûts puisqu'il est précisé que le matériel de tirage pression, mis à la disposition du client, ne peut être utilisé qu'à débiter des produits qui lui seront livrés en exclusivité par la brasserie.

La mise à disposition par le brasseur de matériels (matériel de tirage pression, vitrines réfrigérées...) au client, débitant de boissons, a pour contrepartie l'obligation d'approvisionnement que celui-ci a contracté, cette mise à disposition procurant ainsi au client, qui n'a pas à effectuer de mise de fonds pour s'équiper, un avantage économique.

C'est vainement que la société l'Etape prétend, en se fondant sur les dispositions de l'article 1163 du code civil dans sa rédaction de l'ordonnance du 10 février 2016 inapplicable en la cause, que la convention de mise à disposition est nulle pour absence de cause en l'absence d'une durée convenue pour l'exclusivité d'approvisionnement et d'un volume d'approvisionnement minimum ; en effet, si la convention conclue l'a été sans détermination de durée, elle pouvait être résiliée par le débitant de boissons à tout moment sous réserve du respect du préavis fixé contractuellement à deux mois, l'absence d'indication d'une durée d'approvisionnement exclusif n'étant pas en soi une cause de nullité de la convention ; il ne peut, par ailleurs, être déduit du fait qu'aucune quantité d'approvisionnement ait été stipulée dans la convention, que l'objet de l'obligation d'approvisionnement pesant sur le débitant n'était pas déterminable, alors que celui-ci, dans le cadre de l'exercice de son activité de bar, restaurant et gîte, était tenue, en fonction des besoins de son activité, de se fournir auprès de la brasserie en produits, dont la nature était précisée (bière en fûts et bouteilles, limonades, sodas, colas, jus de fruits, eaux de source et minérales, sirops, café, vins, spiritueux), et en exclusivité en ce qui concerne les fûts de bière.

La société l'Etape ne conteste pas avoir été rendue destinataire de diverses relances avant que la société Brasserie Milles l'ait mise en demeure, par lettre recommandée du 14 juin 2019, de lui payer la somme de 8251,36 euros représentative de la valeur du matériel mis à sa disposition ; il est en effet prévu contractuellement, qu'en cas de non-respect d'une de ses stipulations par le client, la convention sera résiliée de plein droit sans mise en demeure préalable et que la brasserie demandera, à sa convenance, la restitution des matériels mis à disposition ou bien le paiement desdits matériels à valeur d'origine.

L'inexécution par la société l'Etape de son obligation d'approvisionnement est caractérisée, puisqu'il résulte du relevé des ventes, produit aux débats, que la dernière livraison faite à celle-ci par la société Brasserie Milles remonte au 9 août 2018, date à laquelle lui ont été notamment livrés 20 fûts de 30 l de bière Pelforh blonde ; malgré la sommation qui lui a été faite et l'ordonnance rendue le 2 mars 2022 par le conseiller de la mise en état, elle s'est abstenue de communiquer le grand livre des comptes fournisseurs de bière pour les années complètes 2017, 2018 et 2019, se bornant à communiquer le grand livre du compte fournisseur de la société Brasserie Milles sur la seule période du 1er janvier 2017 au 31 août 2018.

À compter du second semestre de l'année 2018, la société l'Etape a donc interrompu ses approvisionnements auprès de la brasserie, alors qu'elle était tenue de se fournir auprès d'elle en boissons, que son établissement débitait nécessairement auprès de sa clientèle ; elle ne prétend d'ailleurs pas avoir cessé d'exercer son activité principale de bar et restaurant.

C'est donc à tort que le premier juge, pour débouter la société Brasserie Milles de sa demande en paiement des matériels mis à disposition, a retenu que celle-ci ne rapportait pas la preuve que l'arrêt de l'approvisionnement en fûts de bière était dû au fait que la société l'Etape s'était approvisionnée auprès de concurrents à compter d'août 2018 ; débitrice d'une obligation d'approvisionnement, la société l'Etape se devait, en effet, de rapporter elle-même la preuve du fait ayant produit l'extinction de son obligation et si elle estimait ne pas devoir poursuivre l'exécution de la convention, il lui appartenait alors de prendre l'initiative de sa résiliation dans le respect du préavis contractuel de deux mois.

Le jugement entrepris doit en conséquence être réformé, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer, et la société l'Etape doit être condamnée au paiement de la somme de 8251,36 euros (et non 8410,35 euros) représentative de la valeur des matériels mis à sa disposition.

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, la société l'Etape doit également être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à la société Brasserie Milles la somme de 2000 euros en remboursement des frais non taxables que celle-ci a dû exposer, sur le fondement de l'article sept cents du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Perpignan en date du 7 septembre 2020 mais seulement en ce qu'il a déclaré recevable l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer,

Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,

Condamne la SAS l'Etape à payer à la SAS Brasserie Milles la somme de 8251,36 euros représentative de la valeur des matériels mis à sa disposition par la convention du 9 décembre 2014,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société l'Etape aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à la société Brasserie Milles la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

le greffier, le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20/03805
Date de la décision : 15/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-15;20.03805 ?
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