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03/11/2022 | FRANCE | N°20/00221

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 03 novembre 2022, 20/00221


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRET DU 03 NOVEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/00221 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OPET





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 17 OCTOBRE 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 17/02439





APPELANTE :
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EPIC OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DES PYRENEES ORIENTALES

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Yann MERIC, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES substitué par Me Mathilde SEBASTIAN, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIMES :



Monsieur [Y] [B]

né ...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 03 NOVEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/00221 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OPET

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 17 OCTOBRE 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 17/02439

APPELANTE :

EPIC OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DES PYRENEES ORIENTALES

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Yann MERIC, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES substitué par Me Mathilde SEBASTIAN, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Monsieur [Y] [B]

né le 28 Janvier 1952 à [Localité 5] (66)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représenté par Me Bruno FITA de la SCP FITA-BRUZI, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES substitué par Me Jean Pierre BERTHOMIEU, avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur [Z] [N] [T]

né le 16 Juin 1977 à [Localité 6] - BRESIL

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représenté par Me Bruno FITA de la SCP FITA-BRUZI, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES substitué par Me Jean Pierre BERTHOMIEU, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 30 Août 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 SEPTEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, président de chambre

M. Frédéric DENJEAN, conseiller

Mme Marianne FEBVRE, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Hélène ALBESA

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, président de chambre, et par Mme Hélène ALBESA, greffier.

*

**

EXPOSE DU LITIGE

M. [Y] [B] ' qui était employé au sein de l'office public de l'habitat (l'OPH ci-après) des Pyrénées Orientales depuis le 15 novembre 2011 et qui bénéficiait en sa qualité de directeur de la communication d'un logement de fonctions dans l'une des deux maisons appartenant à l'office -, a acquis ce bien, en indivision avec M. [Z] [T], moyennant le prix de 132.000 € par un acte authentique du 4 décembre 2013 faisant suite à une offre formulée le 25 juin 2013 et une délibération du bureau de l'office en date du 25 juillet suivant, au vu d'une évaluation réalisée par le service des domaines représenté par le Directeur Départemental des Finances le 14 novembre 2011, et rédigée en ces termes':

«'(') Par courrier cité en référence, vous m'avez demandé la valeur vénale de 2 villas R+1 type 5 cadastrées AT[Cadastre 2] et AT[Cadastre 1] sises [Adresse 4], que les locataires, M. [B] et M. [S], souhaitent acquérir.

En application de l'article L.443-12 du'Code de la construction et de l'habitation, je vous informe que la valeur libre de ces logements, avant abattement pour occupation, peut être estimée à 263.000 € (')'».

Par un nouveau courrier du 19 juillet 2013 également adressé à la directrice générale de l'OPH des Pyrénées Orientales, le même service des domaines a précisé qu'il s'agissait «'de 2 pavillons d'habitation (') d'environ 100 m2 habitables avec garage de 19 m2 et terrasse de 6 m2'» et que «'l'avis envoyé le 14/11/2011 (') avait fait l'objet d'une interprétation erronée (car) c'(était) bien la valeur vénale de chaque pavillon qui p(ouvait) être estimée à 260.000 €'».

Cependant, un contrôle administratif de l'Agence Nationale de Contrôle du Logement Social (ANCOLS) réalisé dans le courant de l'année 2016 a mis en lumière que cette seconde évaluation n'avait pas été portée à la connaissance de la commission d'Ethique qui avait donné un avis au bureau de l'office sur la vente envisagée.

L'OPH des Pyrénées Orientales a sollicité M. [R] [M], expert judiciaire, pour évaluer le bien vendu à MM. [B] et [T], et ce dernier a établi un rapport d'expertise immobilière le 10 novembre 2016 estimant cette valeur à 164.000 € en 2011 et 167.000 € en 2016.

C'est dans ce contexte que, par actes des 10 juillet 2017 et 19 octobre 2018, l'OPH des Pyrénées Orientales a fait assigner M. [Y] [B] et M. [Z] [T] en paiement de la somme de 35.000 € sur le fondement de l'enrichissement sans cause en raison de l'acquisition, après délibération en date du 25 juillet 2013, du logement litigieux en dessous de sa valeur vénale.

Vu le jugement contradictoire du tribunal de grande instance de Perpignan en date du 17 octobre 2019 qui a débouté l'OPH des Pyrénées Orientales de'l'intégralité de ses prétentions et l'a condamné à payer aux défendeurs une indemnité de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

Vu la déclaration d'appel de l'OPH des Pyrénées Orientales en date du 13 janvier 2020,

Vu l'appel incident de MM. [B] et [T], par voie de conclusions en date du 24 avril 2020,

Vu les dernières conclusions en date du 20 février 2021 par lesquelles l'organisme appelant demande en substance à la cour de'réformer le jugement entrepris et de condamner solidairement M. [B] et de M. [T] à lui payer la somme de 35.000 € au titre de l'enrichissement sans cause, outre une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

Vu les dernières conclusions transmises le 23 mars 2021 pour le compte des intimés, aux fins de voir':

- Infirmer le jugement du 17 octobre 2019 entrepris, mais uniquement en ce qu'il a jugé recevable la demande de l'OPH des Pyrénées-Orientales et, statuant à nouveau de ce chef, déclarer l'OPH des Pyrénées-Orientales irrecevable en son action faute d'avoir donné un caractère subsidiaire à son action de in rem verso et d'avoir usé des fondements contractuels offerts, en l'espèce l'action en rescision pour lésion et l'action en nullité pour vice du consentement fondé sur l'erreur,

- Débouter l'appelant de l'intégralité de ses demandes et confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

- Condamner l'OPH des Pyrénées-Orientales au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de la procédure,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 30 août 2022,

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir soulevée par l'intimé dans le cadre de son appel incident

Dans le cadre de leur appel incident, MM. [B] et [T], intimés, reprochent au premier juge d'avoir rejeté leur fin de non-recevoir alors qu'il avait rappelé à juste titre que «'l'action de in rem verso n'est admise qu'à défaut de toute autre action ouverte au demandeur et revêt un caractère subsidiaire'».

Les intimés demandent en effet l'infirmation du jugement qui, pour déclarer recevable l'action engagée par l'OPH des Pyrénées Orientales, a ensuite constaté de manière erronée que «'les défendeurs ne démontr(aient) pas que le demandeur disposait de l'action en rescision de la vente pour cause de lésion de plus de sept douzièmes de l'immeuble'» au regard du prix d'acquisition (132.000 €) et de la valeur vénale selon le service des domaines (entre 260.000 et 263.000 €), tandis que «'les défendeurs souten(aient) que le prix d'acquisition (était) conforme à l'évaluation du service des domaines et à la mention manuscrite de 132.000 € chaque pavillon figurant sur cet avis'».

En référence à l'article 1303-3 nouveau du code civil, les intimés rappellent que l'action «'de in rem verso'» est subsidiaire, et font valoir qu'en l'occurrence, l'action en rescision pour lésion de l'article 1674 était ouverte à l'OPH des Pyrénées Orientales s'il s'y était pris à temps, à savoir dans le délai de prescription posé à l'article 1676 (deux années suivant la vente), tout comme l'action en nullité de la vente pour vice du consentement fondée sur l'erreur en application de l'article 1117 devenu 1130 du code civil dès lors que l'appelante reconnaissait dans ses écritures que «'la diminution de la valeur ne résult(ait) pas d'une cause légitime mais bien d'une erreur des services des domaines, et de l'absence d'information de la commission statuant sur la vente envisagée'».

L'OPH des Pyrénées Orientales n'a pas répondu dans ses écritures à l'appel incident de MM. [B] et [T], s'abstenant de conclure sur la question de la recevabilité de son action et se contentant de soutenir ses prétentions au fond en invoquant les dispositions de l'article 1303 du code civil et en faisant notamment valoir qu'en l'espèce, le bien aurait pu raisonnablement se vendre à la somme de 167.000 € au vu du rapport d'expertise et que les intimés avaient d'ailleurs mis la maison en vente pour un prix de 430.000 € comme constaté par un huissier de justice le 5 mai 2020, ce qui caractérisait l'enrichissement sans cause des intimés et son appauvrissement corrélatif.

Il convient cependant de rappeler que, l'action de in rem verso (l'action fondée sur l'enrichissement sans cause) est une création prétorienne fondée sur le principe que «'nul ne peut s'enrichir injustement au détriment d'autrui'» (Juriscl. Civil articles 1370 à 1381 n° 214 et s.) et que la jurisprudence en a posé la limite en décidant qu'elle ne pouvait être admise qu'à défaut de toute autre action ouverte au demandeur et qu'il ne s'agissait pas d'aboutir à tourner les règles de preuve de l'action sur laquelle elle aurait dû normalement se fonder.

Sont ainsi régulièrement déclarées irrecevables les actions fondées sur l'enrichissement sans cause engagées à titre subsidiaire pour suppléer à une autre action que le demandeur ne pouvait intenter par suite d'une prescription, d'une déchéance ou d'une forclusion, ou par l'effet de l'autorité de la chose jugée ou encore parce qu'il ne justifiait pas du bien-fondé d'une demande fondée sur l'existence d'un contrat au regard de l'insuffisance de ses éléments de preuve (Cass. 1ère civ., 2 avril 2009, pourvoi n° 08-10.742, Bull. 2009, I, n° 74'; 23 juin 2010, pourvoi n° 09-13.812, Bull. 2010, I, n° 142'; 31 mars 2011, pourvoi n° 09-13.966, Bull. 2011, I, n° 359 F-P+B+I).

En l'espèce, sans même tenter d'agir au titre de la rescision pour lésion ou sur le fondement des vices du consentement alors qu'elle fait état d'une erreur sur le prix, en raison notamment d'une mauvaise interprétation de l'évaluation réalisée par le service des domaines concernant le bien immobilier qu'elle a accepté de vendre à MM. [B] et [T], l'OPH des Pyrénées Orientales a engagé - à titre principal - une action «'de in rem verso'» pour obtenir le paiement d'une somme correspondant à la différence entre le prix auquel elle a accepté de vendre le bien immobilier en cause et celui qu'elle aurait pu selon elle réclamer aux acquéreurs.

Une telle action était manifestement irrecevable car destinée à pallier ses propres carences, notamment en termes de preuve, dans le cadre contractuel qui était celui de la relation entre les parties.

Le jugement mérite donc une infirmation non pas parce qu'il a estimé que l'enrichissement sans cause allégué n'était pas démontré et qu'il a débouté l'OPH des Pyrénées Orientales de son action au fond, mais parce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée in limine litis par les défendeurs et a déclaré cette action recevable.

Par voie de conséquence, le jugement sera infirmé sur ce point ainsi qu'en toutes ses autres dispositions subséquentes -, sauf celle relative aux dépens de première instance mis à la charge de la partie demanderesse qui demeure justifiée.

Partie perdante en cause d'appel au sens de l'article 696 du code de procédure civile, l'OPH des Pyrénées Orientales supportera également les dépens d'appel.

En revanche, l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice des acquéreurs.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire, et mis à la disposition des parties au greffe,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf celle relative aux dépens ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare irrecevable l'action en enrichissement sans cause engagée à titre principal par l'Office Public de l'Habitat des Pyrénées Orientales suite à la vente d'un bien immobilier à MM. [Y] [B] et [Z] [N] [T]';

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamne l'Office Public de l'Habitat des Pyrénées Orientales aux dépens d'appel.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/00221
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;20.00221 ?
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