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délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 26 OCTOBRE 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 19/08027 - N° Portalis DBVK-V-B7D-ON4D
ARRET N°
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 06 NOVEMBRE 2019
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 17/040729
APPELANTS :
Madame [O] [Y]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Sophie DEBERNARD JULIEN de la SCP PALIES - DEBERNARD-JULIEN - MARTIN-VELEINE - CLAISE - PJDA, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Mehdi BENAMEUR, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur [U] [Y]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Sophie DEBERNARD JULIEN de la SCP PALIES - DEBERNARD-JULIEN - MARTIN-VELEINE - CLAISE - PJDA, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Mehdi BENAMEUR, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
SAS H&L
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Claire TRIBOUL MAILLET, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 17 Août 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 SEPTEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre et M. Frédéric DENJEAN, Conseiller, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère
M. Frédéric DENJEAN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Sophie SPINELLA
ARRET :
- Contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Sophie SPINELLA, Greffier.
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**
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. [U] et Mme [O] [Y] (les époux [Y]) ont signé le 30 mai 2015 un premier bon de commande d'une cuisine intégrée auprès de la société H&L exerçant à l'enseigne Arthur Bonnet (le cuisiniste) pour le domicile qu'ils envisageaient d'acquérir à [Localité 4].
A ce projet initial qui n'a pu se réaliser, s'est substitué un second bon de commande régularisé le 29 juin 2006 pour la fourniture et la pose d'une cuisine intégrée dans leur domicile de [Localité 3] moyennant le prix de 17000€ avec versement d'un acompte de 3800€ au jour de la commande. Cette commande a fait l'objet de modifications techniques et les travaux de dépose de l'ancienne cuisine ont été réalisés avec mise à disposition de matériels temporaires.
Les époux [Y] ont souhaité annuler cette commande, ce à quoi le cuisiniste s'est opposé. Après échanges infructueux, assignation a été délivrée par le cuisiniste aux époux [Y] selon acte d'huissier du 13 septembre 2017.
Par jugement du 06 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Montpellier a :
fixé la créance de la société H&L Arthur Bonnet à la somme de 13200€ au titre du solde du bon de commande
condamné M. et Mme [Y] à payer à la société H&L Arthur Bonnet la somme de 13200€ avec intérêts au taux légal à compter du 19 septembre 2016,
celle de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile
condamné les époux [Y] aux dépens.
vu la déclaration d'appel du 13 décembre 2019 par les époux [Y].
Vu leurs uniques conclusions transmises par voie électronique le 13 mars 2020 auxquelles il est renvoyé pour de plus amples développements sur leurs moyens, au terme desquelles ils demandent, au visa des articles 1602,1603, 1604, 1606, 1610, 1168 du code civil, L111-1 et L216-1 du code de la consommation, de réformer le jugement en toutes ses dispositions et en conséquence, de prononcer la nullité de la vente, de condamner la société H&L Arthur Bonnet à leur payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Vu ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 07 mars 2022 auxquelles il est renvoyé pour de plus amples développements sur ses moyens, au terme desquelles la société H&L Arthur Bonnet demande, au visa des articles 1103,1104, 1168, 1193, 1221, 1224, 1231-1 et 1583 du code civil, L111-1, L121-1 et L216-1 du code de la consommation, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner les époux [Y] au paiement de la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture du 17 août 2022.
MOTIFS
Les époux [Y] font valoir le manquement du professionnel à son obligation contractuelle et légale d'information et de conseil en ce qu'ils étaient incapables de connaître les caractéristiques exactes du bien vendu. La vente n'a pas été réalisée au vu d'un métré précis et passée en l'absence de plans de conception et de plan technique. Ce n'est qu'après signature que le cuisiniste a fait intervenir un technicien le 07 juillet 2016, hors leur présence, les clefs lui ayant été remises par l'agence leur ayant vendu le bien. Ils soulignent ce qui est pour eux des contradictions dans la motivation du premier juge au regard de la chronologie des faits. Le vendeur n'a pas procédé aux contrôles de l'installation existante avant signature du bon de commande.
Ils poursuivent leur critique du jugement en opposant un moyen nouveau en cause d'appel sur le fondement de l'article 1168 du code civil, faisant valoir que le contrat est dépourvu d'intérêt puisque leur obligation à paiement du prix trouve sa contrepartie dans le montage de la cuisine et sa livraison, ce qui n'a pas été le cas.
Ils font enfin valoir avoir été victimes de pratique commerciale agressive, décrivant un état personnel fragile avec difficultés de santé et familiales connues du personnel du vendeur qui les a contraint à signer un nouveau bon de commande.
S'agissant de manquement au devoir d'information et de conseil du professionnel, la cour ne peut que s'interroger sur l'absence d'articulation textuelle des écritures des époux [Y], révélatrice d'une grande incertitude quant au fondement de leur défense.
Le non respect des dispositions de l'article L.111-1 du code de la consommation n'est sanctionné que d'amende administrative mais non de la nullité du contrat , laquelle selon l'adage 'pas de nullité sans texte', doit se fonder sur les dispositions du code civil relatives aux vices du consentement. La cour est au demeurant dubitative sur les conséquences de la nullité telles qu'ils la formulent dans le dispositif de leurs conclusions puisque s'ils demandent de la prononcer, ils n'en tirent pas de conséquence autre que le débouté adverse, moyen de défense, sans aller à prétendre à une remise des parties en l'état où elles se trouvaient avant contrat, avec restitution réciproque de l'acompte et des matériels installés à titre temporaire.
Les époux [Y] sont contraires en fait à ce que les pièces du dossier adverse révèlent : le métré a été réalisé le 22 juin 2016, antérieurement à l'établissement du bon de commande du 29 juin 2016, ensuite modifié le 07 juillet 2016 suite à leur demande de voir supprimer l'ilôt central. L'absence d'établissement de plans de conception et de plans techniques est démenti par la demande de Mme [Y] de se déplacer pour signer le bon de commande suite à la transmission de ces documents par mail ; l'argument selon lequel les époux [Y] n'étaient pas présents au moment du relevé ne présente aucune pertinence puisqu'à supposer que les clefs de l'appartement aient été remises par l'agence immobilière, c'est bien sur instruction de leur part et est sans portée puisqu'ils n'allèguent aucune erreur quant aux côtes relevées, ce qui démontre la conformité de ces côtes avant transmission des plans d'implantation, le plan d'implantation ayant été approuvé le 07 juillet 2016.
Quant au contrôle de l'installation existante, outre le fondement textuel d'une telle obligation que la cour cherche en vain, il est factuellement confirmé par la venue sur les lieux du métreur avant signature du bon de commande. Si les époux [Y] entendent par là qu'ils n'ont pas reçu le conseil adapté à leur besoin, il doit simplement leur être rappelé qu'ils s'adressaient à un professionnel en vue de la fourniture et la pose d'une cuisine intégrée et que le contrat répond manifestement à leurs besoins.
Ainsi au regard d'une allégation démentie par les éléments de preuve apportés aux débats par le cuisiniste, la cour reste à jeun de la démonstration d'un manquement à l'obligation d'information précontractuelle ou de conseil dont le fondement textuel qui pouvait se trouver dans l'article 1147 ancien du code civil n'est pas même précisé.
S'agissant du fondement de l'article 1168 du code civil retenu par les époux [Y] en deuxième moyen, la cour s'étonne de la vacuité d'un tel moyen.
Selon ce texte, 'Dans les contrats synallagmatiques, le défaut d'équivalence des prestations n'est pas une cause de nullité du contrat, à moins que la loi n'en dispose autrement.' Les époux [Y] voudraient en tirer contra legem un moyen de nullité puisque l'obligation pour eux de payer le prix trouverait sa contrepartie dans le montage de la cuisine et sa livraison subséquente.
De première part, ce texte n'est pas applicable au contrat antérieur à son entrée en vigueur.
De deuxième part, nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude et le dossier révèle qu'ils sont seuls et uniques responsables du défaut de livraison dont ils se prévalent sans vergogne puisqu'ils ont voulu annuler la commande, pour des raisons qu'ils ne révèlent pas, ce qui leur a été refusé par le cuisiniste qui justifie des commandes des matériels et équipements auprès de ses propres fournisseurs et qui a fait preuve d'une patience extrême tant pour s'adapter aux désirs successifs des clients que pour leurs proposer des modalités de règlement du prix, dont l'acceptation conditionnait la poursuite contractuelle.
Si rien n'indique que les époux [Y] vont être propriétaires de cette cuisine au terme de la procédure, comme ils l'indiquent dans leurs écritures, il est notable qu'ils ne sollicitent en rien l'exécution du contrat qui leur est effectivement 'sans intérêt' mais hors le moindre cadre juridique.
Enfin, les époux [Y] allèguent sans en apporter une quelconque preuve avoir été victimes de pratique commerciale agressive, faisant valoir un état de fragilité dont rien n'établit que le cuisiniste en avait connaissance. Les soit disant contraintes exercées lors de la signature de la commande du 17 juin 2016 sont démenties par l'insistance de Mme [Y] à se déplacer en magasin le 30 juin 2016 pour signer le bon de commande une fois reçus les plans. Qu'un refus d'annuler la dernière commande modifiée leur ait été opposée n'est que la conséquence de leur engagement contractuel librement consenti.
Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il condamne les époux [Y] tout en rectifiant le fondement légal de cette condamnation qui s'en trouve dans la résolution judiciaire du contrat sur le fondement de l'article 1184 ancien du code civil (1224 nouveau visé au dispositif des conclusions de première instance et d'appel), le défaut de paiement du prix et le refus de donner suite au contrat légalement formé constituant autant de manquements suffisamment graves.
Un rapide contrôle de proportionnalité effectué par la cour entre les pièces justificatives des achats auprès des fournisseurs (environ 5712 euros) et le manque à gagner de la société H&L obligée en outre de stocker pendant plusieurs années un matériel travaillé sur mesure commande de confirmer le quantum indemnitaire.
Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, les époux [Y] supporteront les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe
Confirme le jugement en ce qu'il condamne les époux [Y] à payer à la société H&L la somme de 13200€ avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 septembre 2016, celle de 2000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance.
Y Ajoutant,
Prononce la résolution du contrat aux torts exclusifs des époux [Y].
Dit que la condamnation au principal ci-dessus est prononcée à titre de dommages et intérêts
Condamne in solidum M. et Mme [U] et [O] [Y] aux dépens d'appel.
Condamne in solidum M. et Mme [U] et [O] [Y] à payer à la société H&L la somme de 3000€ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
LE GREFFIER LE PRESIDENT