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18/10/2022 | FRANCE | N°20/03918

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre commerciale, 18 octobre 2022, 20/03918


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



Chambre commerciale



ARRET DU 18 OCTOBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/03918 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OV77



ARRET N°



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 14 OCTOBRE 2019

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2018011134





A

PPELANTE :



CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC agissant par son représentant légal en exercice, domicilié ès qualité audit siège.

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentée par Me Pascal ADDE de la SCP GRAPPIN - ADDE - SOUBRA, avocat au barreau de MONTP...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 18 OCTOBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/03918 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OV77

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 14 OCTOBRE 2019

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2018011134

APPELANTE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC agissant par son représentant légal en exercice, domicilié ès qualité audit siège.

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentée par Me Pascal ADDE de la SCP GRAPPIN - ADDE - SOUBRA, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Monsieur [R] [R] [T]

né le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 11] (34)

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représenté par Me Emmanuel LE COZ, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant

Représenté par Me Yann GARRIGUE, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Gérald ENSENAT, avocat au barreau de BEZIERS, avocat plaidant

Monsieur [F] [K]

né le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 10] (69)

de nationalité Française

C/o M. [O] [D]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Emmanuel LE COZ, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant

Représenté par Me Yann GARRIGUE, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Gérald ENSENAT, avocat au barreau de BEZIERS, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 07 Juin 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 JUIN 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller

Mme Marianne ROCHETTE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Audrey VALERO

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière.

*

**

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:

La SARL Holding TPC, ayant pour gérants [R] [T] et [F] [K], a été créée le 16 novembre 2007, avec pour objet une activité de négoce de terrains, de construction et de promotion immobilière.

Par acte du 3 décembre 2007, cette société, alors en cours de formation, a souscrit auprès de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc (le Crédit agricole) un prêt professionnel d'un montant de 144 000 euros à 4,92% sur 60 mois, remboursable par mensualités de 2712,18 euros, destiné à l'acquisition de 90% des parts sociales de la SA GJ Maisons exploitant l'enseigne « Maisons Guitard » à [Localité 9] (Hérault) ; M. [T] et M. [K] se sont rendus cautions solidaires des engagements de la société, dans la limite de la somme de 36 000 euros chacun et pour une durée de 84 mois.

L'échéancier de remboursement du prêt a été modifié le 18 janvier 2008 par l'édition d'un nouveau tableau d'amortissement prévoyant des échéances de remboursement annuelles du 10 juin 2009 au 10 juin 2013.

Par jugement du 9 novembre 2015, le tribunal de commerce de Montpellier a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Holding TPC, M. [G] étant désigné comme liquidateur ; dans le cadre de cette procédure collective, le Crédit agricole a déclaré, par courrier recommandé du 16 novembre 2015, une créance de 39 548, 56 euros au titre du prêt et de 3390,14 euros au titre du solde d'un compte-courant débiteur.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 24 mai 2016, le Crédit agricole a mis M. [T], en sa qualité de caution, en demeure de payer la somme de 39 548,56 euros, outre intérêts.

Le tribunal de commerce de Montpellier, saisi sur renvoi pour incompétence matérielle du tribunal de grande instance de Montpellier, a, par jugement du 14 octobre 2019 :

- débouté M. [T] de sa demande de prescription au titre de l'article L. 137-2 du code de commerce,

- reçu l'intervention volontaire de M. [K] à l'instance en qualité de caution solidaire,

- prononcé la nullité des engagements de caution de MM. [T] et [K],

- débouté M. [K] de sa demande reconventionnelle en paiement d'une somme de 40 000 euros,

- débouté le Crédit agricole de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire,

- condamné le Crédit agricole à payer à M. [T] la somme de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné le Crédit agricole à payer à M. [K] la somme de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Crédit agricole a régulièrement relevé appel, le 21 septembre 2020, de ce jugement.

Il demande à la cour, dans ses dernières conclusions déposées le 30 mars 2021 via le RPVA et au visa des articles 1103, 2288 du code civil et 906 du code de procédure civile, de :

- écarter des débats les pièces des intimés qui n'ont pas été communiquées simultanément à la notification des conclusions, ni dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il déboute M. [T] de sa demande de prescription au titre de l'article L. 137-2 du code de la consommation,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il déboute M. [K] de sa demande reconventionnelle en paiement d'une somme de 40 000 euros,

- l'infirmer pour le surplus,

- condamner M. [T] à lui payer la somme principale de 36 000 euros correspondant au montant de son engagement de caution, majoré au taux conventionnel de 4,92% l'an depuis sa mise en demeure du 24 mai 2016 jusqu'à complet paiement,

- débouter M. [T] de et M. [K] de leur appel incident,

- condamner M. [T] à lui payer la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, il fait essentiellement valoir que :

- les pièces communiquées par les intimés ne l'ont pas été ni simultanément à leurs conclusions, ni dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile,

- l'intervention volontaire de M. [K] n'est pas recevable, faute pour celui-ci de justifier d'un intérêt à agir,

- la modification de l'échéancier du prêt a été faite à la demande expresse de la caution et a été acceptée par elle,

- il bénéficie d'une garantie personnelle de la caution sans avoir fourni aucun service à celle-ci, ce dont il résulte que la prescription de l'article L. 137-2 du code de la consommation n'est pas applicable,

- la demande de nullité du cautionnement pour dol ou erreur est prescrite, l'intervention d'Oseo étant stipulée dans l'acte et l'engagement de M. [T] clairement limité à 25 % de la somme empruntée,

- aucun texte n'impose à la banque d'établir une fiche de situation patrimoniale, la preuve du caractère disproportionné de son engagement incombant à la caution, preuve qui n'est pas rapportée en l'espèce,

- le délai de prescription de l'action en responsabilité pour défaut de mise en garde résultant de l'application de l'article L. 110-4 code commerce est expiré, le point de départ correspondant à la date de souscription de l'engagement de caution du 3 décembre 2007,

- en toute hypothèse, le devoir de mise en garde n'est pas dû dès lors que M. [T], en sa qualité d'associé fondateur et de dirigeant de la société emprunteuse, doit être considéré comme une caution avertie,

- ce dernier ne démontre pas ne pas avoir reçu la lettre d'information annuelle,

- en outre, il est prévu contractuellement que la caution est présumée l'avoir reçu, à défaut pour elle de ne pas avoir informé la banque, par lettre recommandée, de la non-réception de celle-ci,

- la demande de délais de paiement n'est pas justifiée.

M. [T], dont les dernières conclusions ont été déposées par le RPVA le 3 juin 2022, sollicite de voir :

A titre principal,

- in limine litis, confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé la nullité de son engagement de caution,

- débouter en conséquence la banque de toutes ses demandes,

- à défaut, infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté le moyen des intimés tiré de la prescription biennale ou quinquennale à titre subsidiaire,

A titre reconventionnel,

- dire que la banque a manqué à l'obligation d'information et de mise en garde de la caution,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les intimés de leur demande de condamnation de la banque à leur verser une somme de 40 000 euros,

- se faisant, condamner la banque à lui verser une somme de 40 000 euros,

A titre infiniment subsidiaire, si la cour devait ne pas débouter la banque,

- prononcer la déchéance des intérêts et pénalités pour le calcul du capital restant dû,

- ramener le montant de la créance cautionnée à la somme de 7690,52 euros,

- dire que le défendeur n'a pas renoncé à son bénéfice de division et que la dette devra être ventilée à parts égales sans solidarité entre les cautions, soit 3345 euros chacun,

- autoriser la caution à se libérer en 36 échéances mensuelles égales,

A titre infiniment subsidiaire, condamner M. [K] à le relever et le garantir à hauteur de la moitié de toute condamnation qui serait mise à sa charge au titre de son engagement de caution solidaire,

Dans tous les cas,

- condamner la banque au paiement d'une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il expose en substance que :

- le défaut de communication des pièces, simultanément avec les conclusions, ne cause aucun grief au Crédit agricole,

- les conditions du prêt modifiées postérieurement à la souscription de son engagement de caution n'ont pas été acceptées par lui et la connaissance qu'il pouvait en avoir en sa qualité de dirigeant de la société emprunteuse ne suffit pas à caractériser une telle acceptation,

- le tableau d'amortissement produit par la banque ne constitue pas un avenant au contrat de prêt principal,

- le Crédit agricole a omis de l'informer relativement aux modalités et aux conditions d'exécution de la garantie Oséo, ce qui justifie l'annulation de son engagement pour réticence dolosive ou erreur,

- la prescription de l'action en nullité pour dol n'est pas acquise, dès lors que le point de départ de la prescription doit être fixé au jour où il a été appelé en garantie, soit la date de l'assignation de novembre 2017, et le cas échéant, le 24 mai 2016, date de la mise en demeure,

- l'exception de nullité est perpétuelle lorsqu'elle est invoquée comme moyen de défense et qu'elle se rapporte à un contrat qui n'a reçu aucune exécution,

- son engagement de caution est également nul pour disproportion en l'absence d'un formulaire de renseignements complet sur sa situation financière et patrimoniale,

- en toute hypothèse, la banque ne peut se prévaloir de son cautionnement qui était disproportionné à ses biens et revenus, non seulement lors de sa conclusion, mais encore au jour il a été appelé,

- la disparition du cautionnement de M. [K] en considération duquel il s'était engagé, emporte l'annulation de son propre cautionnement,

- il est fondé à invoquer la prescription biennale et, subsidiairement, la prescription quinquennale de l'action en paiement du Crédit agricole puisque le premier incident de paiement doit être fixé au 10 juin 2008,

- la banque a manqué à son obligation d'information et de mise en garde eu égard au risque de l'opération projetée, alors que la société emprunteuse démarrait son activité et que les cautions, quittant leur emploi salarié au sein du groupe « Maisons Guitard », étaient sans revenus,

- la banque n'a pas, non plus, respecté son obligation d'information annuelle de la caution tant en ce qui concerne le montant des sommes restant dû au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, que le premier incident de paiement non régularisé,

- la clause contractuelle qui impose à la caution d'informer la banque du défaut de réception de la lettre d'information a pour effet d'inverser la charge de la preuve de l'exécution de l'obligation légale d'information qui incombe au créancier,

- sa situation personnelle justifie le bénéfice d'un étalement de sa dette.

M. [K], dont les dernières conclusions ont été déposées par le RPVA le 3 juin 2022, demande à la cour de :

A titre principal,

- in limine litis, confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a accueilli son intervention volontaire,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé la nullité de son engagement de caution,

- débouter en conséquence la banque de toutes ses demandes,

- à défaut, infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté le moyen des intimés tiré de la prescription biennale ou quinquennale à titre subsidiaire,

A titre reconventionnel,

- dire que la banque a manqué à l'obligation d'information, et de mise en garde de la caution,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les intimés de leur demande de condamnation de la banque à verser une somme de 40 000 euros,

- se faisant, condamner la banque à lui verser une somme de 40 000 euros,

A titre infiniment subsidiaire, si la cour devait ne pas débouter la banque,

- prononcer la déchéance des intérêts et pénalités pour le calcul du capital restant dû,

- ramener le montant de la créance cautionnée à la somme de 7690,52 euros,

- dire que le défendeur n'a pas renoncé à son bénéfice de division et que la dette devra être ventilée à parts égales sans solidarité entre les cautions, soit 3 345 euros chacun,

- autoriser la caution à se libérer en 36 échéances mensuelles égales,

A titre infiniment subsidiaire,

- autoriser la caution à se libérer en 36 échéances mensuelles égales,

- prendre acte de ce qu'il accepte de relever et garantir M. [T] à hauteur de la moitié de toute condamnation mise à la charge de ce dernier au titre de son engagement de caution solidaire,

Dans tous les cas,

- condamner la banque au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il développe les mêmes moyens que M. [T], mais affirme que :

- il justifie d'un intérêt à intervenir volontairement à l'instance,

- n'ayant pas renoncé au bénéfice de division, la dette devra être ventilée à parts égales sans solidarité entre les cautions,

- la caution qui a payé dispose d'un recours subrogatoire contre l'autre caution engagée.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 7 juin 2022.

MOTIFS de la DECISION :

1- l'intervention volontaire de M. [K] :

Aux termes de l'article 330 du code de procédure civile : « L'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie. Elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie (') » ; en l'occurrence, M. [K], que le Crédit agricole n'a pas assigné en paiement bien qu'il ait également souscrit un engagement de caution, justifie d'un intérêt suffisant à intervenir volontairement à l'instance en vue de soutenir les prétentions de M. [T], dès lors qu'en cas de condamnation, ce dernier, après s'être acquitté de la dette, disposera d'un recours à son encontre ; c'est donc à juste titre que le premier juge a déclaré son intervention volontaire recevable.

2- le rejet des pièces communiquées par M. [T] :

Il résulte de l'article 906 du code de procédure civile que les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie et de l'article 909 du même code, que l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué ; dans le cas présent, M. [T] a effectivement communiqué 13 pièces, dont 4 pièces nouvelles en cause d'appel (pièces 10 à 13) postérieurement à la notification de ses conclusions n° 1 devant la cour et hors du délai de trois mois de l'article 909 ; pour autant, le Crédit agricole ne prétend pas s'être trouvé dans l'impossibilité d'examiner les pièces communiquées et d'y répondre en temps utile et ne soutient pas que les conclusions n° 1 de l'intimé sont irrecevables au motif que les pièces communiquées l'ont été hors du délai de trois mois imparti pour conclure ; il n'y a pas lieu en conséquence à rejet des pièces communiquées par M. [T].

3- la prescription de l'action en paiement du Crédit agricole :

M. [T] se prévaut de la prescription biennale prévue à l'article L.137-2, devenu L. 218- 2, du code de la consommation qui s'applique aux actions des professionnels pour les biens et les services qu'ils fournissent aux consommateurs.

Cependant, l'action de la banque à son encontre, en tant que caution du prêt consenti à la société Holding TPC, ne peut être regardée comme soumise aux dispositions du texte susvisé, puisque la banque n'a octroyé aucun service à la caution, se bornant à agir contre elle sur le fondement du contrat de cautionnement ; dès lors, c'est bien la prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil qui trouve à s'appliquer au cautionnement de M. [T], et non la prescription de l'article L. 137-2 du code de la consommation.

A cet égard , force est de constater que M. [T] a été assigné devant le tribunal de grande instance de Montpellier par exploit du 3 novembre 2016, soit dans le délai de cinq ans suivant le premier incident de paiement, correspondant à l'échéance annuelle impayée du 10 juin 2013, rendant le prêt exigible ; l'action en paiement de la banque à son encontre n'est pas dès lors prescrite.

4- la nullité (sic) de l'engagement de caution pour défaut de notification des modifications apportées au prêt principal :

L'article 2292 du code civil dispose : « Le cautionnement ne se présume point; il doit être express, et on ne peut pas l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté » ; il est de principe que lorsque les conditions du prêt garanti sont modifiés postérieurement à l'engagement de la caution, celle-ci doit accepter ces modifications et la connaissance qu'elle pouvait en avoir en sa qualité de dirigeant de la société débitrice ne suffit pas à caractériser une telle acceptation.

Dans le cas présent, les conditions de remboursement du prêt ont été modifiées par le biais d'un nouveau tableau d'amortissement édité le 18 janvier 2008 prévoyant le remboursement du capital emprunté, soit 144 000 euros à 4,92 %, non plus par échéances mensuelles sur 84 mois, mais sur cinq ans, par échéances annuelles s'échelonnant du 10 juin 2009 au 10 juin 2013 ; le tableau d'amortissement ainsi édité se trouve revêtu de la signature des dirigeants de la société Holding TPC et des cautions, précédée de la mention « bon pour accord » ; si M. [T] fait valoir que les signatures apposées sur ce tableau d'amortissement ne sont pas datées, que les parties signataires ne sont pas désignées et que le document litigieux, qui ne rappelle pas les conditions antérieures qui auraient été modifiées, ne constitue pas un avenant au contrat principal, il ne conteste pas avoir signé celui-ci, tant en sa qualité de dirigeant de la société holding TPC, qu'en sa qualité de caution ; les modifications apportées à la dette garantie ne concernent que la durée d'amortissement du prêt et les échéances de remboursement lesquelles sont précisément déterminées dans le tableau d'amortissement du 18 janvier 2008, prévoyant comme première échéance annuelle, celle du 10 juin 2009 ; ces modifications ont été expressément acceptées par M. [T], qui ne peut sérieusement soutenir que le document produit par la banque en pièce n° 8 n'est doté d'aucune valeur juridique ; c'est donc à tort que le premier juge a prononcé l'annulation de son engagement de caution.

5- la nullité de l'engagement de caution pour dol ou erreur relativement aux modalités et conditions d'exécution de la garantie Oseo :

La règle selon laquelle l'exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte qui n'a pas encore été exécuté ne s'applique qu'à compter de l'expiration du délai de prescription de l'action ; après cette date, l'exception n'est recevable que si l'acte n'a pas commencé à être exécuté ; en l'espèce, M. [T] a été assigné, le 3 novembre 2016, en exécution de son engagement de caution souscrit le 3 décembre 2007, dont il n'a sollicité l'annulation que dans des conclusions déposées le 18 avril 2019 devant le tribunal de commerce ; cependant, cet engagement de caution n'a jamais été exécuté et n'a même reçu aucun commencement d'exécution ; il s'ensuit que sa demande d'annulation formulée par voie d'exception n'est pas soumise à la prescription de l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, courant à compter de l'acte de cautionnement, contrairement à ce que soutient le Crédit agricole.

Le contrat de prêt mentionne, en premier lieu, l'intervention de deux cautions solidaires, MM. [T] et [K], à hauteur de 25 % chacune, puis la garantie d'Oseo - Sofaris en troisième rang et, enfin, le nantissement, à titre de garantie, des actions de la SA GJ Maisons ; aucune stipulation de l'acte de prêt ne vient préciser les conditions de mise en 'uvre de la garantie Oseo, limitée à 50 % de l'encours, notamment le caractère subsidiaire de la garantie, qui n'a vocation à être mise en 'uvre qu'une fois épuisées les poursuites à l'encontre tant de la société emprunteuse que des cautions, et le fait qu'elle n'est contractée qu'au bénéfice de l'établissement de crédit, ne permettant donc pas aux cautions d'exercer une action récursoire à son encontre ; l'engagement de caution de M. [T] ne fait aucune référence à la garantie Oseo, se bornant à préciser qu'il est limité au quart de la somme de 144 000 euros, soit 36 000 euros, en principal, plus intérêts, commissions, frais et accessoires.

M. [T], qui prétend ne pas avoir eu connaissance des conditions de la garantie Oseo et reproche au Crédit agricole un manquement à son obligation d'information de nature, selon lui, à vicier son consentement, ne justifie pas toutefois en quoi la connaissance du mécanisme de la garantie Oseo aurait été déterminante de son consentement au point de caractériser un dol ou une erreur de sa part sur la substance même de son engagement ; en effet, il a contracté un engagement de caution solidaire, limité à 25 % du montant du prêt, abstraction faite de la garantie Oseo, qui n'est pas visée dans l'acte de cautionnement ; sa demande d'annulation de l'acte ne peut dès lors qu'être rejetée.

6- le caractère manifestement disproportionné de l'engagement de caution de M. [T] :

Il résulte de l'article L. 341-4, devenu l'article L. 332-1 du code de la consommation, qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; la disproportion manifeste du cautionnement doit être évaluée lors de la conclusion du contrat, au regard du montant de l'engagement et en fonction des revenus et du patrimoine de la caution, en prenant également en considération l'endettement global de celle-ci, dont le créancier avait ou pouvait avoir connaissance, y compris l'endettement résultant d'autres engagements de caution souscrits antérieurement ; il est de principe que la charge de la preuve de la disproportion manifeste au jour de la souscription de l'engagement incombe à la caution, tandis que le créancier, qui entend se prévaloir d'un cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, doit établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son engagement.

Il ne peut, en premier lieu, être reproché au Crédit agricole de n'avoir pas vérifié la situation patrimoniale de M. [T] en faisant remplir à celui-ci une fiche de renseignements, dès lors que la preuve du caractère disproportionné du cautionnement lors de sa conclusion, incombe à la caution.

Par ailleurs, il résulte des pièces produites que jusqu'à la création, le 16 novembre 2007, de la société Holding TPC laquelle avait vocation à acquérir 90 % des actions de la SA GJ Maisons, M. [T] occupait un emploi salarié de VRP pour le compte de cette société au revenu moyen mensuel de 2862 euros selon son bulletin de paie de novembre 2017 ; certes, il ne peut être tenu compte, pour l'appréciation du caractère disproportionné de l'engagement de caution, des résultats escomptés de l'opération, mais M. [T], qui détenait 5000 des 10 000 parts sociales de la société Holding TPC, ne fournit aucune indication, ni justification relativement à la valeur de ses parts sociales et est particulièrement discret sur les autres éléments de son patrimoine (biens immobiliers, capitaux mobiliers'), qu'il était susceptible de détenir, ne communiquant même pas son avis d'imposition pour l'année 2017 ; il ne rapporte donc pas la preuve que le cautionnement qu'il a souscrit le 3 décembre 2007 était manifestement disproportionné à ses biens et revenus et il n'y a pas lieu de rechercher si son patrimoine, au moment où il a été appelé, lui permet de satisfaire à son obligation.

7- le manquement du Crédit agricole à son devoir de mise en garde :

Selon l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par 5 ans ; il est de principe que l'action en responsabilité contre la banque pour manquement à son devoir de mise en garde, qu'elle soit formée par voie de demande reconventionnelle ou de défense au fond, se prescrit à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime et que le point de départ d'une telle action exercée par la caution est fixé au jour où celle-ci a su, par la mise en demeure qui lui était adressée, que son engagement allait être mis à exécution du fait de la défaillance du débiteur ; dans le cas présent, M. [T], mis en demeure par lettre recommandée du 24 mai 2016, a engagé la responsabilité du Crédit agricole par voie de demande reconventionnelle, dans ses conclusions déposées le 18 avril 2019 devant le tribunal de commerce, soit dans le délai de la prescription, et la mise en demeure destinée à M. [K], qui n'a pas été poursuivi en paiement par la banque, n'est pas produit aux débats ; le moyen tiré de la prescription de l'action n'est donc pas sérieux.

En cas de crédit excessif, la banque engage sa responsabilité contractuelle à l'égard d'une caution pour ne pas l'avoir mise en garde du risque d'endettement, qu'elle encourt du fait de son engagement, ou si l'opération financée était manifestement inadaptée aux capacités financières de l'emprunteur ; en l'occurrence, MM. [T] et [K] se bornent à affirmer que la société Holding TPC n'avait à l'époque aucun bilan, s'agissant d'une société créée, en sorte qu'il est évident que le Crédit Agricole aurait dû les informer du risque d'endettement ; pour autant, le prêt contracté par la société a été remboursé sans difficulté particulière durant quatre années consécutives, du 10 juin 2009 au 10 juin 2012, seule la cinquième annuité n'ayant pas été payée à son échéance du 10 juin 2013 ; il s'en déduit que le crédit consenti était nécessairement adapté aux capacités financières de la société Holding TPC et que la banque n'a donc pas engagé sa responsabilité en n'alertant pas son client sur les risques de l'opération envisagée ; par ailleurs, il a été indiqué plus haut que M. [T] ne rapportait pas la preuve du caractère disproportionné de son engagement de caution lors de sa souscription et en ce qui concerne M. [K], celui-ci n'est pas poursuivi en paiement par le Crédit agricole, ce dont il résulte qu'à défaut de justifier d'un préjudice, il n'est pas fondé à reprocher à la banque un manquement à son devoir de mise en garde ; le premier juge a ainsi débouté, à bon escient, MM. [T] et [K] de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts de ce chef.

8- l'inexécution par la banque de son obligation annuelle d'information de la caution :

L'établissement de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, est tenu d'une obligation annuelle d'information de la caution en vertu de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors applicable, qui lui impose de faire connaître à la caution, avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement ; le défaut d'accomplissement de cette formalité emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement de crédit, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information et les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

Ces dispositions sont reprises à l'article 2302 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 applicable aux cautionnements souscrits antérieurement à son entrée en vigueur, selon lequel le créancier professionnel est tenu, avant le 31 mars de chaque année et à ses frais, de faire connaître à toute caution personne physique le montant du principal de la dette, des intérêts et autres accessoires restant dus au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, sous peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information et jusqu'à celle de la communication de la nouvelle information.

La banque doit non seulement justifier de l'envoi, avant le 31 mars de chaque année, de la lettre d'information mais aussi de son contenu destiné à faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie ; cette obligation d'information pesant sur la banque perdure jusqu'à l'extinction de la dette.

Le Crédit agricole ne justifie pas, en l'espèce, avoir satisfait à son obligation d'information, qui lui imposait de faire connaître à M. [T] avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie ; elle ne peut à cet égard se prévaloir des dispositions de l'acte de cautionnement, page 4, « information annuelle des cautions », énonçant que la preuve de la bonne exécution de son obligation sera acquise dès lors que la caution n'a pas avisé la banque, par lettre recommandée avec avis de réception au plus tard le 15 mars, au cas où elle n'aurait pas reçu la lettre simple d'information et qu'elle reconnaît expressément et accepte que le bénéficiaire apporte la preuve de la bonne exécution de l'envoi de la lettre par la production d'un listing informatique des destinataires de cette information, parmi lesquels figure le nom de la caution ; une telle stipulation, qui crée une présomption selon laquelle la banque a satisfait à son obligation d'information par le seul constat du défaut de réception par la banque d'une lettre recommandée l'avisant de la non réception de la lettre simple annuelle, opère ainsi un renversement de la charge de la preuve et est donc contraire aux dispositions d'ordre public de l'article L. 313-22 susvisé.

À la date de la liquidation judiciaire de la société Holding TPC, il restait dû la somme de 33 186,85 euros correspondant à l'échéance du 10 juin 2013, outre l'indemnité financière égale à 10 % du capital restant dû en cas de déchéance du terme, soit la somme de 3163,06 euros ; dans ses rapports avec M. [T], le Crédit Agricole est déchu des intérêts depuis le début du remboursement du prêt, correspondant à la somme totale de 25 496,33 euros selon le tableau d'amortissement du 18 janvier 2008 ; il s'ensuit que la caution est redevable de la seule somme de : (33 186,85 euros + 3163,06 euros) - 25 496,33 euros = 10 853,58 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2016, date de réception de la lettre de mise en demeure.

9- la demande de M. [T] tendant à être relevé et garanti par M. [K] de la moitié de la condamnation mise à sa charge et la demande des cautions tendant à un paiement échelonné des sommes dues :

M. [K] ne conteste pas, en sa qualité de cofidéjusseur, être redevable de la moitié de la condamnation mise à la charge de M. [T] ; il y a donc lieu de le condamner à relever et garantir celui-ci pour sa part et portion, la condamnation prononcée à son encontre ne pouvant cependant recevoir exécution, conformément à l'article 2310 du code civil, qu'après paiement de la dette par M. [T].

Compte tenu de l'ancienneté de la dette et en l'absence d'éléments sur la situation matérielle actuelle de MM. [T] et [K], il n'y a pas lieu d'accorder à ces derniers un paiement échelonné de la somme due.

10- les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, M. [T] doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer au Crédit agricole la somme de 2000 euros au titre des frais non taxables que celui-ci a dû exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 14 octobre 2019, mais seulement en ce qu'il a reçu l'intervention volontaire de M. [K], rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'article L. 137-2 du code de la consommation et débouté MM. [T] et [K] de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts,

Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,

Condamne [R] [T] à payer à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc la somme de 10 853,58 euros au titre de son engagement de caution, assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2016,

Condamne [F] [K] à relever et garantir M. [T] de la condamnation ainsi mise à sa charge à concurrence de la moitié, mais dit que cette condamnation ne pourra recevoir exécution qu'après paiement de la dette par M. [T],

Rejette toutes autres demandes,

Condamne M. [T] aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer au Crédit agricole la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

le greffier, le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20/03918
Date de la décision : 18/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-18;20.03918 ?
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