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18/10/2022 | FRANCE | N°20/03107

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre commerciale, 18 octobre 2022, 20/03107


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



Chambre commerciale



ARRET DU 18 OCTOBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/03107 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OUPG



ARRET N°



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 29 JUIN 2020

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2018015367





APPE

LANTE :



CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DES SAVOIE agissant par son représentant légal en exercice, domicilié ès qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Pascal ADDE de la SCP GRAPPIN - ADDE - SOUBRA, avocat au barreau de MONTPELLIER...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 18 OCTOBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/03107 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OUPG

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 29 JUIN 2020

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2018015367

APPELANTE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DES SAVOIE agissant par son représentant légal en exercice, domicilié ès qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Pascal ADDE de la SCP GRAPPIN - ADDE - SOUBRA, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

Monsieur [R] [K] [G] [X]

né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 6] (92)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Me Bachir BELKAID, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Gilles BERTRAND de la SCP ROZE, SALLELES, PUECH, GERIGNY, DELL'OVA, BERTRAND, AUSSEDAT, SMALLWOOD, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 07 Juin 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 JUIN 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller

Mme Marianne ROCHETTE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Audrey VALERO

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière.

*

**

FAITS et PROCÉDURE - MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES:

La SARL la Cure gourmande des Alpes dont [R] [X] est le gérant, a pour activité le commerce de détail de pain, pâtisserie et confiserie en magasin spécialisé.

Par acte sous seing privé en date du 6 mars 2007, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie (le Crédit agricole) lui a consenti un prêt d'un montant de 289 000 euros, remboursable en 84 mensualités au taux annuel de 4,99%'; par le même acte, M. [X] s'est porté caution solidaire du remboursement de ce prêt pour une durée de 108 mois et dans la limite de 346800 euros'; par avenant en date du 21 août 2008, la durée de remboursement du prêt a été portée à 180 mois, l'échéance finale étant fixée au 6 mars 2022, et M. [X] a accepté de maintenir son engagement de caution solidaire jusqu'au 6 mars 2024.

La société la Cure gourmande des Alpes a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, ouverte par un jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 3 janvier 2017, M. [U] étant désigné en qualité de mandataire judiciaire.

Dans le cadre de la procédure collective, le Crédit agricole a, par lettre recommandé du 8 mars 2017, déclaré une créance de 132 725,26 euros à titre chirographaire, outre intérêts.

Par jugement du 1er août 2018, le tribunal de commerce de Montpellier a arrêté le plan de redressement de la société la Cure gourmande des Alpes, prévoyant notamment un apurement du passif sur 7 ans.

Le Crédit agricole a, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 3 août 2018, mis en demeure M. [X] de lui régler la somme de 143 732,16 euros, outre intérêts, en sa qualité de caution.

Il l'a fait ensuite assigner en paiement, par exploit du 28 novembre 2018, devant le tribunal de commerce de Montpellier lequel, par jugement du 29 juin 2020, a notamment :

- débouté le Crédit agricole de sa demande à M. [X] de régler la somme de 143 732,16 euros,

- condamné M. [X] à régler au Crédit agricole la somme de 123 561,89 euros,

- dit que la banque doit être déchue des intérêts réclamés depuis la date du prêt jusqu'au 31 décembre 2017,

- condamné M. [X] à régler les intérêts conventionnels à compter du 15 mars 2018,

- dit qu'il convient d'accorder à M. [X] un différé de paiement dans la limite de deux ans afin de régler les sommes dues comprenant capital et intérêts,

- débouté M. [X] de toutes ses autres demandes, fins et prétentions,

- condamné M [X] à payer au Crédit agricole la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Crédit agricole a régulièrement relevé appel, le 27 juillet 2020, de ce jugement.

Il demande à la cour, en l'état de ses dernières conclusions déposées le 8 novembre 2021 via le RPVA, de :

Vu les articles 1103 et suivants, 2288 et suivants du code civil,

- réformer le jugement prononcé le 29 juin 2020 par le tribunal de commerce de Montpellier en ce qu'il :

' déboute le Crédit agricole de sa demande à M. [X] de régler la somme de 143 732, 16 euros,

' condamne M. [X] à régler au Crédit agricole la somme de 123 561,89 euros,

' dit que le Crédit agricole doit être déchu des intérêts réclamés depuis la date du prêt jusqu'au 31 décembre 2017,

' condamne M. [X] à régler les intérêts conventionnels à compter du 15 mars 2018,

' dit qu'il convient d'accorder à M. [X] un différé de paiement dans la limite de deux ans afin de régler les sommes dues comprenant capital et intérêts,

Et statuant à nouveau,

- condamner M. [X] à lui payer la somme de 33 722,89 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 4,95% l'an à compter du 30 octobre 2021.

- rejeter tout délai de paiement,

- confirmer le jugement en ce qu'il :

' déboute M. [X] de ses autres demandes, fins et prétentions,

' condamne M. [X] à payer à la banque 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance,

Y ajoutant,

- condamner M. [X] à payer au Crédit agricole la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, - débouter M. [X] de son appel incident.

Au soutien de son appel, il fait essentiellement valoir que :

- il a satisfait à son obligation d'information annuelle de 2007 à 2018,

- sa créance doit être réduite à 33'722,89 euros compte tenu du règlement de 127'416,25 euros reçu du mandataire judiciaire,

- M. [X] n'apporte pas la preuve de la réalité de sa situation financière, justifiant l'octroi d'un différé de paiement, et il a déjà bénéficié, de fait, de larges délais,

- la durée de validité du cautionnement concerne l'obligation de couverture et non l'obligation de règlement, sachant que M. [X] est tenu des dettes nées pendant la période de couverture quand bien même elles n'auraient été exigibles qu'après l'extinction de celle-ci,

- de plus, M. [X] a signé un avenant s'engageant à maintenir son engagement de caution solidaire jusqu'au 6 mars 2024.

Formant appel incident, M. [X], dont les dernières conclusions ont été déposées par le RPVA le 26 janvier 2021, sollicite de voir :

A titre principal,

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il l'a condamné à payer des sommes au Crédit agricole et statuant à nouveau,

- déclarer le Crédit agricole irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes à son encontre et l'en débouter,

Subsidiairement,

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il l'a condamné à payer la somme principale de 123'561,89 euros au Crédit agricole,

- dire et juger qu'il convient de faire application de la sanction de déchéance des intérêts prévue par l'article L. 313-22 du code monétaire et financier en limitant la condamnation susceptible d'intervenir à son encontre à la somme de 21 602,81 euros,

- débouter le Crédit agricole du surplus de ses demandes,

En tout état de cause,

- confirmer, en cas de condamnation, le jugement dont appel en ce qu'il lui a accordé un différé de paiement de deux ans,

- condamner le Crédit agricole à lui payer la somme de 5000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il expose en substance que :

- l'action en paiement engagée le 28 novembre 2018 est tardive puisque l'engagement de caution était expiré depuis le 6 mars 2016 et qu'aucune somme n'était due par la société la Cure gourmande des Alpes à cette date,

- la prorogation de la durée de remboursement du prêt n'est pas opposable à la caution qui ne peut être poursuivie au-delà des limites de son propre engagement,

- la banque n'apporte pas la preuve d'avoir satisfait à son obligation d'information,

- aucune condition, autre que celle d'avoir fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, n'est exigée en vue de bénéficier de délais de paiement.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 7 juin 2022.

MOTIFS de la DECISION':

Aux termes de l'article 2292 du code civil : « Le cautionnement ne se présume point ; il doit être express, et on ne peut pas l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté » ; en l'occurrence, M. [X] s'est engagé, dans l'acte de prêt du 6 mars 2007, à cautionner la société la Cure gourmande des Alpes dans les limites de la somme de 346'800 euros et pour une durée de 108 mois, soit la durée initiale d'amortissement du prêt augmentée de deux années, et par avenant au contrat de prêt en date du 21 août 2008, il a expressément accepté le maintien de son engagement de caution solidaire jusqu'au 6 mars 2024, la durée de remboursement du prêt ayant été portée de 84 mois à 180 mois avec une échéance finale fixée au 6 mars 2022 ; il ne peut dès lors soutenir que la durée de sa garantie était expirée à la date à laquelle la banque a exercé, par exploit du 28 novembre 2018, son droit de poursuite à son encontre ; d'ailleurs, le fait pour le créancier d'agir en paiement contre la caution après l'expiration de la durée de la garantie est sans incidence sur l'obligation de celle-ci, dès lors que la dette du débiteur est née antérieurement à la fin de la garantie.

Il résulte, par ailleurs, de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors applicable, que l'établissement de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, est tenu d'une obligation annuelle d'information de la caution qui lui impose de faire connaître à celle-ci, avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement ; le défaut d'accomplissement de cette formalité emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement de crédit, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information et les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

Ces dispositions sont reprises à l'article 2302 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 applicable aux cautionnements souscrits antérieurement à son entrée en vigueur, selon lequel le créancier professionnel est tenu, avant le 31 mars de chaque année et à ses frais, de faire connaître à toute caution personne physique le montant du principal de la dette, des intérêts et autres accessoires restant dus au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, sous peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information et jusqu'à celle de la communication de la nouvelle information.

La banque doit non seulement justifier de l'envoi, avant le 31 mars de chaque année, de la lettre d'information mais aussi de son contenu destiné à faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie ; cette obligation d'information pesant sur la banque perdure jusqu'à l'extinction de la dette.

En l'occurrence, le Crédit agricole communique la copie des lettres, qui auraient été adressées à M. [X] au titre des années 2007 à 2018 contenant l'ensemble des informations exigées, sachant toutefois que seules sont datées les lettres d'information relatives aux années 2013 à 2018 (12 mars 2014, 19 février 2015, 11 mars 2016, 31 janvier 2017, 16 février 2018 et 12 février 2019)'; il communique également les divers constats établis par un huissier de justice entre le 24 mars 2009 et le 18 mars 2019 dans les locaux de la société Edokial, chargée de la mise sous pli des lettres d'information destinées aux cautions et à la remise de ces lettres aux services postaux'; l'huissier instrumentaire relève qu'un CD-ROM contenant la liste des destinataires lui est remis et vérifie ensuite, par sondages, la concordance entre les destinataires figurant sur le CD-ROM et les lettres mises sous pli ; pour autant, rien ne justifie que M. [X] figurait bien, chaque année, sur le fichier informatique remis à l'huissier sous forme d'un CD-ROM pour être annexé par celui-ci à son procès-verbal de constat et que les lettres d'information lui ont ainsi été effectivement envoyées.

Il convient donc de considérer que le Crédit agricole, qui n'établit pas avoir satisfait à son obligation d'information, se trouve déchu de l'ensemble des intérêts échus depuis le début de la période de remboursement du prêt'; à la date du jugement arrêtant le plan de redressement de la société la Cure gourmande des Alpes, il restait dû, au titre des échéances échues impayées du 6 janvier 2017 au 6 juillet 2018, une somme de 42'392,80 euros (33'951,81 en capital et 8440,99 euros en intérêts contractuels au taux de 4,95%), au titre du capital restant dû au 6 juillet 2018, la somme de 89'610,08 euros et, au titre de l'indemnité contractuelle de 7% sur le capital restant dû, la somme de 8649,33 euros, soit 140'652,21 euros au total ; selon le tableau d'amortissement du prêt, produit aux débats, les intérêts, dont le Crédit agricole est déchu dans ses rapports avec M. [X], représentent 94'566,37 euros sur la période du 6 avril 2007 au 6 juillet 2018, date à laquelle le capital restant dû est devenu exigible, ce dont il se déduit une créance résiduelle sur M. [X], en sa qualité de caution, de 46'085,84 euros.

Dès lors que le Crédit agricole a perçu, les 15 octobre 2019 et 25 octobre 2021, des versements pour un montant total de 132 725,26 euros (5309,01 euros + 127'416,25 euros) dans le cadre de l'exécution du plan de redressement de la société débitrice, tels qu'ils apparaissent sur le décompte de la créance arrêté au 29 octobre 2021, M. [X] n'est en définitive redevable d'aucune somme vis-à-vis de la banque.

Le jugement entrepris doit en conséquence être infirmé et le Crédit agricole débouté de l'ensemble de ses prétentions à l'encontre de M. [X] au titre de son engagement de caution.

Tenant la solution apportée au règlement du litige, le Crédit agricole doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à M. [X] la somme de 3000 euros au titre des frais non taxables qu'il a dû exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS':

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 29 juin 2020 et statuant à nouveau,

Déboute la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie (le Crédit agricole) de l'ensemble de ses prétentions à l'encontre d'[R] [X] au titre de son engagement de caution,

Condamne le Crédit agricole aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à M. [X] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

le greffier, le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20/03107
Date de la décision : 18/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-18;20.03107 ?
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