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07/10/2022 | FRANCE | N°22/00392

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Rétentions, 07 octobre 2022, 22/00392


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 22/00392 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PSGC



O R D O N N A N C E N° 2022 - 397

du 07 Octobre 2022

SUR PROLONGATION DE RETENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE



dans l'affaire entre,



D'UNE PART :



Monsieur [H] [Y]

né le 08 Octobre 1990 à [Localité 2] (TUNISIE)

de nationalité Tunisienne



retenu au centre de rétention de [Localité 6] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,





Comparant, assisté de Maître Laetitia BERRY, avocat commis d'office.



Appelant,



et en présence de Monsieur [L] [N], interprète assermenté...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 22/00392 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PSGC

O R D O N N A N C E N° 2022 - 397

du 07 Octobre 2022

SUR PROLONGATION DE RETENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE

dans l'affaire entre,

D'UNE PART :

Monsieur [H] [Y]

né le 08 Octobre 1990 à [Localité 2] (TUNISIE)

de nationalité Tunisienne

retenu au centre de rétention de [Localité 6] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,

Comparant, assisté de Maître Laetitia BERRY, avocat commis d'office.

Appelant,

et en présence de Monsieur [L] [N], interprète assermenté en langue arabe,

D'AUTRE PART :

1°) Monsieur LE PREFET DU VAR

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Monsieur [C] [D], dûment habilité,

2°) MINISTERE PUBLIC :

Non représenté

Nous, Pascal MATHIS conseiller à la cour d'appel de Montpellier, délégué par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Sophie SPINELLA, greffière,

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu l'arrêté du 21 août 2022 notifié à 12h10, de Monsieur LE PREFET DE POLICE DE [Localité 5] portant obligation de quitter le territoire national sans délai pris à l'encontre de Monsieur [H] [Y].

Vu la décision de placement en rétention administrative du 2 octobre 2022 de Monsieur [H] [Y], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Vu l'ordonnance du 05 Octobre 2022 à 12h45 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Montpellier qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours.

Vu la déclaration d'appel faite le 06 Octobre 2022 par Monsieur [H] [Y], du centre de rétention administrative de [Localité 6], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour à 11h49.

Vu les télécopies et courriels adressés le 06 Octobre 2022 à Monsieur LE PREFET DU VAR, à l'intéressé, à son conseil, et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 07 Octobre 2022 à 14 H 30.

L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans la salle d'audience de la cour d'appel de Montpellier dédiée aux audiences du contentieux des étrangers, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète , et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier.

L'audience publique initialement fixée à 14 H 30 a commencé à 15h11.

PRETENTIONS DES PARTIES

Assisté de Monsieur [L] [N], interprète, Monsieur [H] [Y] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : ' Oui je suis né le 8 octobre 1990 à [Localité 2]. Je suis allé par l'italie à [Localité 4] et de [Localité 4] en France. Je voulais aller en Allemagne, je n'avais plus d'argent donc je suis retourné à [Localité 8]. J'ai été interpellé par le prefet de police de [Localité 5]. Je suis retourné à [Localité 8] pour aller en Italie. J'ai occupé un squat à la [Localité 7]. La police est arrivée dans le squat, deux ont été libérés et nous placés en garde à vue. J'ai présenté un passeport tunisien périmé. On m'a demandé de quelle origine j'étais, et donc je leur ai donné le passeport. Oui je ne m'en sortais pas financièrement en Tunisie. Je suis entrain de construire ma maison, je travaille pour la payer. J'ai comparu devant le premier juge et j'ai fait appel de la décision. Je vous demande de bien vouloir m'aider, j'ai un métier, je suis un travailleur, si vous voulez que je reparte dans mon pays, je repartirai. Je travaillais avec quelqu'un qui est parti en Tunisie. Il m'a promis de maider à obtenir un titre de séjour pour que je travaille avec lui et dès qu'il sera de retour, j'irais le voir à [Localité 8]. '

L'avocat Me Laetitia BERRY développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.

Monsieur le représentant de Monsieur LE PREFET DU VAR demande la confirmation de l'ordonnance déférée. Il indique à l'audience : ' les délégations sont au dossier. L'accord franco tunisien n'est pas opposable ici car les diligences ont été faites par l'autorité administrative avant le placement en rétention. Nous n'avons pas de pouvoir de coercition sur un état souverain, la Tunisie. L'assignation à résidence est exclue car le passeport n'est pas valide, Monsieur a déja utilisé des alias et il s'est déja soustrait à une mesure.'

Assisté de Monsieur [L] [N], interprète, Monsieur [H] [Y] a eu la parole en dernier et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : ' Je n'ai rien en Tunisie. Je n'ai pas d'avenir. Laissez moi une chance de repartir en Italie. Je n'ai pas assez d'argent pour aller en Allemagne. J'ai des cousins en Tunisie. Je partirai seul. '

Le conseiller indique que la décision et la voie de recours seront notifiées sur place, après délibéré.

SUR QUOI

Sur la recevabilité de l'appel :

Le 06 Octobre 2022, à 11h49, Monsieur [H] [Y] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Montpellier du 05 Octobre 2022 notifiée à 12h45, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R743-11 du CESEDA.

Sur l'appel :

M. [Y] [H], né le 8 octobre 1990 à [Localité 2] (Tunisie) a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français avec un délai de 30 jours, prise par le préfet de police de [Localité 5] le 21 août 2022, et notifiée le même jour à 12h10.

Il a été interpellé lors de l'évacuation d'un squat à La-[Localité 7]. Au moment de son interpellation, il était en possession d'un passeport tunisien n° W679748, périmé depuis le 23 octobre 2016. Lors de sa garde à vue il expliquait qu'il avait quitté la Tunisie pour avoir une situation meilleure, qu'il avait un appartement en| Tunisie mais qu'il n'arrivait pas à le payer, qu'il était au chômage et qu'il pensait qu'en France il pourrait travailler. Il indiquait qu'il était arrivé en France depuis juin 2022, qu'il avait pris le bateau en Tunisie jusqu'en Sicile, que toute sa famille se trouve en Tunisie, sa mère et ses trois frères et qu'il n'avait pas tenté de régulariser sa situation.

Monsieur [H] [Y] a été placé en rétention administrative au centre de rétention de [Localité 6] par décision du préfet du Var du 2 octobre 2022 notifiée le jour même à 8h45.

Par ordonnance du 5 octobre 2022 notifiée à 12h45 statuant sur une première demande de prolongation d'une mesure de rétention administrative présentée par le préfet du Var, le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Montpellier a déclaré la procédure régulière et ordonné la prolongation de la rétention administrative de l'intéressé pour une durée de 28 jours à compter du 4 octobre 2022 à 8h45.

Le premier juge a retenu que selon l'article L.742-1 du CESEDA le maintien en rétention au-delà de quarante huit heures à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le juge des libertés et de la détention saisi à cette fin par l'autorité administrative, que l'intéressé est dans l'impossibilité de quitter le territoire français immédiatement et qu'il ne dispose pas de garanties de représentation, effectives en ce que s'il fait état de la remise d'un passeport, celui-ci est périmé ; qu'il ne dispose d"aucune possibilité d'hébergement stable sur le territoire national reconnaissant lui même que ses cousins ne peuvent pas l'accueillir ; que par ailleurs, la préfecture du Var fait état de l'usage d'alias par M. [Y] et que dans ces conditions, il convient de permettre à l'autorité préfectorale d'effectuer les démarches nécessaires aux fins de mettre à exécution la mesure d'éloignement en obtenant notamment la délivrance d'un laissez-passer consulaire et en réservant un moyen de transport.

L'intéressé a interjeté appel le 6 octobre à 11h49. Il fait valoir que l'autorité préfectorale ne justifie pas d'une délégation de signature et que l'autorité consulaire tunisienne dispose d'un délai de 5 jours pour délivrer un laissez-passer dans le cas où comme en l'espèce la nationalité de l'intéressé est présumée par un passeport périmé en application de l'accord franco-tunisien du 28 avril 2008. Il reproche ainsi à l'administration un défaut de diligence. Aussi l'intéressé sollicite qu'il soit mis fin à sa rétention administrative ou subsidiairement d'être assigné à résidence.

La cour constate que la délégation de signature figure bien au dossier initialement transmis au premier juge.

Le délai de 5 jours dont dispose l'autorité consulaire tunisienne ne peut être invoqué par l'étranger contre l'administration française dès lors que cette dernière a bien comme en l'espèce saisi l'autorité consulaire le jour même du placement en rétention et qu'elle ne possède aucun pouvoir d'injonction sur la partie tunisienne malgré l'accord du 28 avril 2008.

Les moyens de nullité seront donc rejetés.

SUR LE FOND

L'article L742-3 du ceseda : 'Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court pour une période de vingt-huit jours à compter de l'expiration du délai de quarante-huit heures mentionné à l'article L. 741-1.'

En application des dispositions de l'article L612-2 du ceseda: 'Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants :

1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ;

2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ;

3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet.'

Et selon l'article L 612-3 du ceseda: 'Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :

1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;

6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;

7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;

8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.'

En l'espèce, l'intéressé ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de soustraction à la mesure qui est considéré comme établi au visa des articles L 612-2, 3° et L 612-3, 1°, 5°, 8° du ceseda.

En effet, l'intéressé, dépourvu de document d'identité en cours de validité, résidait dans un squat et n'a donc pas d'hébergement. De plus, il n'a pas exécuté l'OQTF notifiée au mois d'août 2022.

L'article L 743-13 du CESEDA':' «'Le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.

L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.

Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale.'»

Comme exposé précédemment, l'intéressé ne dispose ni d'un passeport en cours de validité ni d'un domicile.

L'assignation à résidence ne peut donc être ordonnée en l'état.

Il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement,

Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,

Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

Déclarons l'appel recevable,

Rejetons les exceptions de nullité et la demande d'assignation à résidence,

Confirmons la décision déférée,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,

Fait à Montpellier, au palais de justice, le 07 Octobre 2022 à 16h54.

Le greffier, Le magistrat délégué,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Rétentions
Numéro d'arrêt : 22/00392
Date de la décision : 07/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-07;22.00392 ?
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