La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/09/2022 | FRANCE | N°17/00312

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre sociale, 21 septembre 2022, 17/00312


Grosse + copie

délivrées le

à



































3e chambre sociale



ARRÊT DU 21 Septembre 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/00312 - N° Portalis DBVK-V-B7B-M7UD



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 SEPTEMBRE 2016 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE D'AVEYRON

N° RG21300320





APPELANTE :


>Association [9] '[9]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentant : Me Annabel MONTELS-ESTEVE de la SCP BERGER - MONTELS-ESTEVE, avocat au barreau D'AVEYRON







INTIMEES :



Madame [HT] [J]

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentant : Me Marie-madeleine SALLES, avocat au barr...

Grosse + copie

délivrées le

à

3e chambre sociale

ARRÊT DU 21 Septembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/00312 - N° Portalis DBVK-V-B7B-M7UD

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 SEPTEMBRE 2016 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE D'AVEYRON

N° RG21300320

APPELANTE :

Association [9] '[9]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentant : Me Annabel MONTELS-ESTEVE de la SCP BERGER - MONTELS-ESTEVE, avocat au barreau D'AVEYRON

INTIMEES :

Madame [HT] [J]

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentant : Me Marie-madeleine SALLES, avocat au barreau D'AVEYRON

CPAM DE L'AVEYRON

[Adresse 2]

[Localité 1]

Mr [GJ] [G] (Représentant de la CPAM) en vertu d'un pouvoir du 27/04/22

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 JUIN 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRÊT :

- Contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet , et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.

*

**

EXPOSÉ DU LITIGE

L'association [6], qui devait devenir l'association [9], a embauché Mme [HT] [J] (aujourd'hui divorcée [O]) en qualité d'animatrice socio-éducative selon contrat de travail à durée déterminée du 4 octobre 2001 poursuivi par un contrat à durée indéterminée à compter du 1er août 2003.

En novembre 2007, le Dr [BB] intégrait l'association au poste de médecin dans la perspective de créer un service de pré-orientation d'accompagnement pour personnes handicapées adultes. Mme [HT] [J], promue cadre, rejoignait ce service de pré-orientation Sesame courant 2009.

Le 15 décembre 2010, le médecin traitant de la salariée établissait un certificat initial de maladie professionnel ainsi rédigé :

« Syndrome anxieux réactionnel en rapport avec difficultés professionnelles en rapport avec des dysfonctionnements du service, signalés par la patiente et sans réponse de la hiérarchie ' hors tableau. »

Le 11 janvier 2011, le contrôleur du travail écrivait à l'employeur en ces termes :

« Le 7 janvier 2011 à 14 heures, nous nous sommes rencontrés en présence de M. [B], président ; M. le Dr [VU], médecin du travail. Nous avons évalué :

' les mesures prises par vous-même visant à améliorer l'organisation et l'environnement au travail ;

' les mesures qui assurent un soutien adéquat de la direction aux salariés victimes de stress.

Plusieurs décisions ont été prises :

1. Une mission sera donnée à deux psychologues formés à la victimologie. Ils devront travailler sur les ressentis des salariés et appréhender les relations individuelles. Ils interviendront dans le ou les groupes où les individus sont en souffrance. Chacun pourra les rencontrer individuellement. Au préalable, ces deux professionnels auront rencontré le médecin du travail.

2. Une procédure de recrutement d'un responsable des ressources humaines va être lancée. Ce recrutement devrait être effectif d'ici la fin du premier trimestre 2011. Au préalable, l'équipe de direction définira, dans les prochaines semaines, le profil de poste du DRH.

3. Les élections des délégués du personnel seront organisées courant février 2011.

4. Un CHSCT sera constitué au cours de l'année 2011 et au plus tard fin du premier trimestre 2012, ceci, compte tenu de l'évolution du nombre de salariés.

5. Aucune sanction ne sera prise à l'encontre des salariés, ceci, eu égard à la situation conflictuelle

existante.

6. Une coordinatrice a été recrutée début décembre 2010. Son rôle, son positionnement dans l'équipe SESAME et ses attributions ont été clairement évoqués par vous-même lors de réunions collectives. Les rôles précis de cette personne ainsi que celui du médecin devront être reprécisés dans le temps pour être parfaitement compris par les intéressées elles-mêmes et par l'équipe dans son ensemble.

7. Mme le Dr [BB] participe à nouveau aux réunions de synthèse dont les organisations incombent à la coordinatrice.

8. Les délégués du personnel sont convoqués à une réunion mensuelle prévue par les dispositions de l'article L. 2315-8 du code du travail.

9. Une réunion dite « de bilan », identique à celle du 7 janvier 2011, sera organisée début avril 2011.

Une copie de ce courrier est adressée à M. le Dr [VU], médecin du travail et aux délégués du personnel. »

L'agent enquêteur de la caisse a rendu son rapport le 8 février 2011 en ces termes :

« I ' Circonstances de l'accident :

Le jour et l'heure de l'accident ne sont pas déterminés ; Mme [J] déclare avoir travaillé jusqu'au 14 décembre 2010 inclus. Le 15 décembre 2010 elle s'est rendue au service de médecine du travail de [Localité 8]. Le Dr [VU] a prononcé une inaptitude temporaire à cette date. Un certificat médical initial a été établi le 15 décembre 2010, par le Dr [D], médecin traitant.

II ' Déclarations de Mme [J] :

En préalable, Mme [J] rappelle le contexte professionnel général de son service : Elle occupe un poste de cadre pédagogique, en collaboration avec une responsable de service coordonnatrice et sous couvert de la direction générale. Un licenciement est intervenu en octobre 2010, concernant Mme [XV] la cheffe de service. Mme [W] a été nommée en remplacement. Mme [J] travaille dans le même bureau que la responsable coordinatrice ; les relations professionnelles avec Mme [XV] étaient excellentes. Toutefois, elle déclare que le licenciement de cette personne n'est pas lié à son arrêt de travail du 15 décembre 2010. Elle indique que les problèmes rencontrés sont essentiellement dus à des dysfonctionnements de service, constatés depuis novembre 2010. Dans le but de préparation d'une réunion de service, Mme [J] a répondu par mail, à une proposition d'ordre du jour envoyée par Mme [W], aux divers collaborateurs : Cette réponse de deux pages reprenait plusieurs points techniques, qui posaient problème. Le vendredi 10 décembre 2010, Mme [W] après lecture du message, a engagé une discussion avec Mme [J].

Mme [J] déclare avoir tout d'abord essayé de faire comprendre ses remarques, en pointant les dysfonctionnements constatés, dans le but de trouver des solutions. La discussion s'est envenimée ; Mme [W] n'était pas en position d'écoute et le ton est monté entre les deux personnes. « Ma collègue avait des réponses inadaptées ; j'avais le sentiment de ne pas être écoutée ; je me suis emportée par rapport à sa réaction ». Elle ajoute avoir crié au cours de la discussion : Cet emportement a eu pour effet de faire monter dans le bureau, M. [V] le directeur d'établissement. La discussion a continué entre les trois personnes et Mme [J] a ressenti une forte incompréhension, doublée d'un sentiment d'injustice : « Le directeur ne répondait pas concrètement, j'avais l'impression de ne pas être écoutée, je ne me sentais pas respectée ». Comme M. [V] n'avait pas répondu aux différents courriers adressés et qu'il ne donnait pas l'impression de vouloir apporter des solutions, Mme [J] ajoute avoir eu le sentiment d'être méprisée. Elle a essayé de s'expliquer, tout en manifestant une certaine colère : « Devant ce manque d'écoute, je ne savais plus quoi faire ; je me posais la question de savoir s'il voulait me pousser à la faute, peut être à cause de mon appartenance à l'ancienne équipe ». « Je me suis demandée, si on ne cherchait pas à m'écarter ».

Le lundi 13 décembre, la journée s'est déroulée dans une certaine tension, mais sans heurt particulier, Le mardi 14 décembre en début d'après-midi, s'est tenue la réunion hebdomadaire. Mme [W] a ouvert la réunion, en indiquant aux participants, qu'il n'y avait eu aucune réponse à son mail envoyé la semaine d'avant. Mme [J] a été révoltée par une telle mauvaise foi : « Elle ne faisait pas état de mon message de deux pages, elle ne souhaitait donc pas aborder les points que j'avais soulevés : j'étais éc'urée et j'ai eu du mal à garder mon calme ». Par la suite, Mme [J] a pris la parole pour expliquer avoir fait état de problèmes et pointé des dysfonctionnements : « J'ai rappelé le déroulement des faits, en énonçant les points qui n'avaient pas été pris en compte » « Mme [W] a répondu : j'ai ordre de la direction de ne pas aborder ces points en réunion ». Mme [J] indique que le ton est monté ; elle a exprimé sa colère et s'est mise à pleurer : « J'avais un fort sentiment d'injustice ; je me sentais dévalorisée, remise en cause et décrédibilisée ». « J'avais l'impression d'un bloc contre moi, qui faisait opposition ». En sortant de la réunion, elle a téléphoné à la médecine de travail qui n'a pu fixer un rendez-vous que le lendemain.

Le 15 décembre Mme [J] a relaté les évènements au Dr [VU] : « Je lui ai dit que j'étais très mal, avec un fort sentiment de mal être au travail ». « J'ai évoqué le retentissement du contexte professionnel sur ma vie personnelle, avec notamment une perte de sommeil ». Le Dr [VU] a prononcé une inaptitude provisoire et a conseillé à Mme [J] de consulter son médecin traitant. Mme [J] indique que le contexte professionnel est seul responsable de la dégradation de son état de santé. Elle évoque l'altercation du 10 décembre et la réunion du 14 décembre, comme étant les deux éléments déclenchant de la situation actuelle. Elle reconnaît toutefois ne pas avoir été agressée ni bousculée à ces deux occasions, évoquant plutôt un sentiment de décrédibilisation et de perte de confiance.

III ' Déclarations de l'employeur :

Mme [J] occupe effectivement un poste de cadre pédagogique, dans le même bureau que Mme [W]. Cette personne a été nommée en remplacement de l'ancienne cadre coordinatrice, Mme [XV]. M. [PH] confirme le signalement de la médecine du travail : Le Dr [VU] a prononcé l'inaptitude provisoire de Mme [J], le 15 décembre 2010. Le 10 décembre 2010, M. [PH] n'était pas présent. Il a toutefois été mis au courant d'une altercation dans leur bureau, entre Mme [J] et Mme [W]. Le directeur M. [V], est effectivement intervenu à cette occasion. Concernant la réunion du 14 décembre, M. [PH] n'est pas au courant des faits évoqués par Mme [J]. Il n'a pas eu de signalement sur le déroulement précis de cette réunion. À sa connaissance, M. [V] n'y participait pas. Selon M. [PH], aucun fait ne caractérise la survenue d'un accident du travail. Il évoque un certain climat relationnel dégradé dans l'entreprise, ainsi que des ressentis divers, chez certains collaborateurs.

Compte tenu des déclarations des personnes entendues, il est démontré qu'un mauvais climat relationnel s'est instauré graduellement, à l'intérieur du service de Mme [J]. La victime fait état d'une tension professionnelle, avec sa collègue directe et la direction. Cette situation se traduit par un fort sentiment de mal être au travail, avec perte de confiance et retentissement personnel. »

Le 21 mars 2011, à la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aveyron, la salariée effectuait une déclaration de maladie professionnelle.

L'audit réalisé du 12 avril au 1er juillet 2011 était ainsi conclu :

« L'audit social a révélé un certain nombre de dysfonctionnements tant structurels qu'organisationnels. Une bonne partie d'entre eux sont imputables à l'histoire de l'établissement et à une relative sédimentation des professionnels et de leurs pratiques. L'établissement s'est installé dans un fonctionnement sans culture du contrôle et sans suffisamment se doter d'outils méthodologiques structurant ses actions. Le rythme du changement repéré semble en décalage avec les mutations de l'environnement social et juridique. L'évolution des problématiques des publics accueillis n'a pas été accompagnée à sa juste mesure par une mutation interne institutionnelle permettant d'adapter les pratiques professionnelles à sa mission médico-sociale. Le management des professionnels n'a pas su faire face de manière satisfaisante et anticipatrice aux enjeux et mouvements sociaux qui ont traversé l'établissement afin d'en protéger les acteurs.

L'analyse des conditions de travail a mis en exergue une souffrance avérée qui nécessite la mise en chantier au plus vite d'actions correctrices et préventives ainsi que la mise en place d'indicateurs du climat social. La régulation des pratiques doit venir interroger chaque professionnel au même titre que l'institution dans son ensemble quant à la réalisation de ses missions afin que celui-ci apporte aux stagiaires des prestations les plus adaptées à l'actualité de leurs attentes et besoins. Une approche systémique, globale et intégrative doit guider la coordination des outils nécessaires aux processus de changement, et ce afin de garantir le déploiement d'une ergonomie structurelle, au sein de l'établissement, adaptée aux missions et objectifs que celui-ci s'est fixé. »

Le 20 juin 2011, le médecin du travail déclarait la salariée inapte à tout poste dans l'association et, le 30 septembre 2011, la salariée faisait l'objet d'un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 23 novembre 2012, la caisse notifiait à la salariée sa décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle conformément à l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Le 7 décembre 2012, la salariée saisissait la caisse d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. Aucune conciliation ne s'avérait possible.

Le 13 mars 2013, la commission de recours amiable, saisie par l'employeur d'une contestation du caractère professionnel de la maladie, rendait l'avis suivant :

« Il a été constaté que la maladie professionnelle n'était inscrite dans aucun des tableaux. Le praticien conseil a donc été interrogé afin de savoir si le taux d'incapacité prévisionnel serait supérieur à 25 %, cet avis conditionnant l'interrogation du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. Ce praticien a répondu le 30 juin 2011 que l'état de santé de Mme [O] n'était pas stabilisé. Un refus de prise en charge de la maladie en cause lui a donc été notifié le 21 juillet 2011 après délai complémentaire et clôture d'instruction, dûment notifiés aux parties. Ce dernier a indiqué le 6 septembre 2011 que l'état de santé de Mme [O] était cette fois stabilisé mais ne justifiait pas l'attribution d'une incapacité permanente partielle de plus de 25 %. Celle décision a été notifiée à l'assurée le 9 septembre 2011. Mme [O] a contesté cette décision en saisissant le tribunal du contentieux de l'incapacité de Toulouse. Cette juridiction a considéré par décision du 29 mai 2012, devenue définitive le 26 juillet 2012, que l'assurée en cause justifiait d'une incapacité permanente partielle de plus de 25 % consécutivement à la maladie professionnelle déclarée. Ceci conditionnant la saisine du CRRMP, la caisse a informé le 11 septembre 2012 l'association [9], que le dossier était transmis au CRRMP, et qu'elle pouvait demander la communication des pièces du dossier. L'association soutient en premier lieu, à l'appui de son recours, qu'elle n'a pas été en mesure de présenter sa position en temps utile puisque dès lors que la CPAM avise le même jour l'employeur qu'elle transmet le dossier au comité, et que les pièces peuvent, à sa demande, lui être communiquées ; il en résulte, selon la jurisprudence, que le caractère contradictoire de la procédure tel que prévu à l'article D. 461-29 du code de la sécurité sociale, n'a pas été respecté (Cass. Civ. 15 mars 2012).

Or, la commission précise que ceci n'est pas le principe consacré par la jurisprudence citée. Cet arrêt précise en effet que le contradictoire n'est pas respecté, lorsque la caisse informe qu'elle transmet le dossier en précisant que l'employeur avait la possibilité de demander les pièces et qu'elle réalise effectivement cette transmission le même jour. Il est ainsi rappelé dans l'espèce citée, que la CPAM a informé l'employeur le 27 avril 2012 et que le comité avait reçu le dossier dès le lendemain. Le seul fait que la caisse informe l'employeur qu'elle transmet le dossier au CRRMP et que les pièces peuvent à sa demande lui être communiquées, ne suffit donc pas à constater le non-respect du contradictoire. Il est ainsi nécessaire pour l'employeur de rapporter la preuve de la date de réception du dossier par le CRRMP. En l'espèce, la commission constate que l'avis du CCRMP de Midi-Pyrénées mentionne la date de réception du dossier qui est le 14 septembre 2012. Il est donc constant que la caisse n'a pas adressé le dossier au CRRMP le jour où elle a informé l'association de ce qu'elle transmettait celui-ci, mais plus tard. L'employeur ayant reçu le courrier a demandé communication des pièces le 17 septembre 2012 et disposait d'au moins 4 jours pour transmettre ses observations. En réalité, le délai laissé à l'association a été bien plus long puisque le CRRMP ne s'est réuni que le 31 octobre 2012, et l'employeur de Mme [Y] [sic] était à même de transmettre ses remarques à la CPAM qui n'aurait pas manqué de les faire suivre au CRRMP. Il est utile de préciser que la caisse a répondu favorablement à la demande de communication de pièces du 17 septembre 2012 et qu'il était donc possible à l'association de transmettre ses observations entre la date de réception de celles-ci et la date du comité. La commission estime dès lors comme mal fondé ce premier moyen.

Il est ensuite invoqué que la caisse ne rapporterait pas la preuve du lien entre la maladie et le travail ainsi que d'agissements agressifs au sein de l'association. Il est toutefois utile de rappeler qu'il n'est pas nécessaire que soit reconnus des agissements agressifs pour que soit reconnue une maladie professionnelle. L'organisme de sécurité sociale ne statue pas en matière correctionnelle et n'est donc pas apte à qualifier le harcèlement professionnel. Seul est analysé l'impact des conditions de travail sur la santé de l'assuré. En l'espèce, l'agent assermenté a interrogé Mme [O], mais également le représentant de son employeur qui évoque un certain climat relationnel dégradé au sein de l'association et a conclu qu'un mauvais climat relationnel s'était instauré graduellement à l'intérieur du service de Mme [O]. Il est ensuite constant que le CRRMP a estimé, au vu du dossier, que la maladie médicalement constatée le 15 décembre 2010, était en relation avec son activité professionnelle après avoir fourni un avis très motivé. Sans non plus qualifier les faits à l'origine de la pathologie ' ce qui ne relève pas de sa compétence le CRRMP a donné un avis clair, net et précis. Lorsque qu'un avis d'expert présente ces qualités, il s'impose aux parties. Il est également constant que la présente commission ne dispose pas du pouvoir de désigner un nouveau CRRMP, pouvoir réservé au magistrat de la sécurité sociale. Dès lors, c'est à bon droit que la caisse a accordé la prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie constatée le 15 décembre 2010, compte tenu de l'avis ci-avant exprimé par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Par ces motifs,

La commission de recours amiable, réunie le 8 mars 2013, ne peut accueillir favorablement la demande de l'association [9]. »

Sollicitant la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, Mme [HT] [J] a saisi le 2 octobre 2013 le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Aveyron, lequel, par jugement rendu le 23 septembre 2016, a :

déclaré l'action non-prescrite ;

dit que la maladie professionnelle déclarée par la salariée et médicalement constatée le 15 décembre 2010 est due à la faute inexcusable de l'employeur ;

fixé au maximum légal la majoration de la rente servie à la salariée par l'organisme de sécurité sociale ;

avant-dire droit sur les préjudices,

ordonné une expertise médicale confiée au Dr [LW] [ZX], psychiatre, expert auprès la cour d'appel de Montpellier, demeurant [Adresse 3] avec pour mission, les parties régulièrement convoquées par courrier recommandé avec accusé de réception et leurs conseils par lettre simple dont la date figurera sur le rapport d'expertise :

1) se faire remettre l'entier dossier médical de la salariée et, plus généralement, toutes pièces médicales utiles à l'accomplissement de sa mission ;

2) en prendre connaissance ;

3) procéder à l'examen de la salariée, et recueillir ses doléances ;

4) décrire de façon précise et circonstanciée son état de santé, avant et après la déclaration d'accident du travail, les lésions occasionnées par cet accident et l'ensemble des soins qui ont dû lui être prodigués ;

5) décrire précisément les lésions dont la victime reste atteinte et qui sont strictement imputables à l'accident du travail ;

6) fournir de façon circonstanciée, tous éléments permettant au tribunal d'apprécier :

' l'étendue des souffrances physiques et morales endurées par la salariée avant consolidation en quantifiant ce poste de préjudice sur une échelle de 1 à 7 ;

' l'existence d'un préjudice d'agrément, soit l'empêchement, partiel ou total, pour la victime, de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir ;

7) dire, en conformité avec l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, quelles conséquences, au regard des séquelles subies, peuvent en résulter en termes de perte ou de diminution de possibilités de promotion professionnelle ;

8) indiquer si, avant la date de consolidation de son état de santé, la salariée s'est trouvée atteinte d'un déficit fonctionnel temporaire notamment constitué par une incapacité fonctionnelle totale ou partielle, par le temps d'hospitalisation et par les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique et dans l'affirmative en faire la description et en quantifier l'importance ;

9) fixer la date de consolidation, qui est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation ;

10) établir un état récapitulatif de l'ensemble des postes énumérés dans cette mission ;

dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile, qu'en particulier il pourra se faire autoriser à s'adjoindre tout spécialiste de son choix, dans une spécialité autre que la sienne, et déposera son rapport dans les trois mois de la saisine à compter de l'acceptation de la mission ;

dit qu'en cas d'empêchement, il sera procédé au remplacement de l'expert par simple ordonnance sur requête ;

dit que les frais d'expertise seront avancés par la CPAM de l'Aveyron ;

désigné le président de la juridiction pour surveiller les opérations d'expertise.

dit que l'affaire sera rappelée la première audience utile dès réception du rapport de l'expert aux fins qu'il soit statué sur la liquidation des préjudices complémentaires ;

dit que conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale les sommes allouées à la salariée dans le cadre de l'instance seront avancées par la CPAM de l'Aveyron qui en récupérera le cas échéant le montant auprès de l'employeur ;

condamné l'employeur à verser à la salariée la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles.

Cette décision a été notifiée le 3 janvier 2017 à l'association [9] qui en a interjeté appel suivant déclaration et lettre recommandée du 17 janvier 2017.

Par arrêt du 20 janvier 2021, la cour de céans a :

joint les procédures inscrites sous les numéros 17/312 et 17/344 sous le numéro 17/312 ;

ordonné avant dire droit la transmission sur diligences de la CPAM de l'Aveyron du dossier médical de la salariée au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région de [Localité 11] aux fins de se prononcer sur l'existence d'un lien direct et essentiel entre la pathologie diagnostiquée le 15 décembre 2010 et l'activité professionnelle ;

dit que ce comité adressera son avis motivé au greffe de la cour et à chacune des parties, lesquelles seront convoquées en suite de la réception de cet avis ;

réservé les demandes.

Suivant ordonnance du 15 février 2021, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 7] a été désigné en remplacement de celui de [Localité 11] qui a fusionné avec le comité de [Localité 10].

Par avis du 1er février 2022, le CRRMP région PACA CORSE a rendu l'avis suivant :

« Assurée née en 1974 présentant selon le certificat médical initial du Dr [D] en date du 15/12/2010 : « Syndrome anxieux réactionnel en rapport avec des difficultés professionnelles en rapport avec des dysfonctionnements du service, signalés par la patiente et sans réponse de la hiérarchie. Hors tableau ». La cour d'appel de Montpellier ordonne avant dire droit sur diligences de la CPAM de l'Aveyron la transmission du dossier médical de Mme [HT] [J] au CRRMP de [Localité 7] aux fins de se prononcer sur l'existence d'un lien direct et essentiel entre la pathologie diagnostiquée le 15/12/2010 et l'activité professionnelle. Le comité est interrogé au titre du 7e alinéa pour affection non inscrite dans un tableau de maladies professionnelles et entraînant un taux prévisible d'incapacité permanente au moins égal à 25 %.

L'intéressée évoque un contexte dépressif dans une anxiété et une angoisse majeure notamment sur son devenir. Il semble qu'un avivement extrême de la sensibilité relationnelle se soit aussi installé. La profession exercée est celle de cadre pédagogique. Objectivement l'intéressée est entrée dans l'unité de pré orientation et d'accompagnement pour personnes handicapées adultes de l'association [9] en qualité d'animateur socio-éducatif d'abord (1er août 2003). Elle est cadre en 2009 et rejoint le service de pré orientation Sesame. Elle sera licenciée pour inaptitude le 20 juin 2011. Le problème semble se nouer en 2009 avec l'arrivée du Dr [BB] en fait comme tenant d'une expertise et introduit en réalité dans la structure managériale avec les cadres et la coordonnatrice. Les faits remontent à l'année 2010 mais le ressenti psychologique court depuis 2009. Implicitement l'assurée accuse ce médecin de mauvaises intentions à son égard et d'être à l'origine de ce fait mais le comité n'a eu narration d'aucun fait objectif confirmant un harcèlement moral ou autre. Il s'instaure un climat délétère, selon l'assurée, dans le service avec affrontement entre le médecin et la coordonnatrice, morcellement de l'auditoire et satellisation relationnelle des membres du service. La souffrance au travail est alors attestée par un audit du cabinet [A] qui en analyse les causes. Le comité n'a pas eu connaissance de ce rapport. La Dirrecte est également intervenue sur le sujet. Le comité n'a pas pu prendre connaissance de ses courriers. Certes la requérante a désiré poursuivre sans rupture conventionnelle, pour arriver à la solution la plus radicale possible, ce qui a conduit à sa dégradation psychologique complémentaire. Mais l'entreprise n'a pas non plus fourni toutes les preuves permettant de la disculper au sujet d'un manque de soutien, d'un manque de conciliation, de l'absence de participation à des décisions dans lesquelles régnait la discorde, et surtout de l'ambiguïté finale des rôles qui noue la dégradation des conditions de travail. En conséquence, le comité retient un lien direct et essentiel entre la pathologie déclarée et la profession exercée. »

Vu les écritures déposées à l'audience et reprises par son conseil selon lesquelles l'association [9] demande à la cour de :

infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

débouter la salariée et la caisse de l'ensemble de leurs demandes ;

condamner la salariée à lui verser la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles ;

condamner la salariée aux éventuels dépens.

Vu les écritures déposées à l'audience et soutenues par son conseil aux termes desquelles Mme [HT] [J] demande à la cour de :

débouter l'employeur de son appel ;

confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

débouter l'employeur de sa demande nouvelle en appel tendant à écarter tout lien de causalité entre la pathologie contentieuse et la profession exercée ;

dire que sa maladie est d'origine professionnelle ;

condamner l'employeur à lui verser la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles d'appel ;

condamner l'employeur aux dépens d'appel.

Vu les écritures déposées à l'audience et reprises par son représentant selon lesquelles la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aveyron demande à la cour de :

lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à la justice, tant en ce qui concerne la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, qu'en ce qui concerne les réparations complémentaires visées aux articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;

en cas de reconnaissance de la faute inexcusable, condamner l'employeur à lui rembourser, conformément aux dispositions des articles L. 452-2 et L. 452-3 précités, la majoration de rente et les préjudices personnels alloués à la victime ;

rejeter toute demande éventuelle de condamnation à son encontre sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

mettre les entiers dépens à la charge de la partie perdante.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur le caractère professionnel de la maladie

L'employeur conteste le caractère professionnel de la maladie constatée le 15 décembre 2010.

La salariée répond tout d'abord qu'il s'agit là d'une demande nouvelle irrecevable en cause d'appel.

Mais la cour retient, par application des articles 564 et 565 du code de procédure civile, que la contestation du caractère professionnel de la maladie constitue une prétention destinée à écarter les prétentions adverses et qui n'est pas nouvelle dès lors qu'elle tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, bien que son fondement juridique soit différent. Dès lors, cette contestation du caractère professionnel de la maladie se trouve en l'espèce recevable.

L'employeur se plaint de ce que la caisse ne l'a pas informé de la date de transmission du dossier au deuxième CRRMP et de la possibilité de le consulter au préalable.

Mais, si en cas de saisine d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, dont l'avis s'impose à la caisse, l'information de l'employeur sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief s'effectue avant la transmission du dossier audit comité régional et si cette information précise la date à laquelle s'effectuera cette transmission, il en va autrement en cas de désignation d'un second CRRMP par la juridiction, l'employeur ayant été parfaitement informé du contenu du dossier dans la cadre du débat judiciaire ainsi que de la saisine de ce second CRRMP par l'arrêt avant dire droit ce qui lui permettait d'adresser à ce dernier toutes observations utiles.

Sur le fond, l'employeur fait valoir que la salariée invoque des relations dégradées liées à un conflit qui opposait en réalité trois salariées dont elle-même et Mme [K] [XV] au Dr. [P] [BB], que ce point résulte des pièces versées aux débats qui font également apparaître qu'après le départ de Mme [K] [XV] la situation s'est améliorée. Il affirme que le rapport d'audit, les attestations établies par Mmes [M] [Y] et [HT] [J] dans le cadre du contentieux prud'homal ainsi que celles établies par Mme [VC] [W] et M. [Z] témoignent du bon fonctionnement du service et qu'il s'ensuit que le lien de causalité entre la maladie constatée le 15 décembre 2010 et les faits allégués n'est pas établi dans les rapports entre la salariée et l'employeur.

La cour retient qu'une maladie non-désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne une incapacité permanente d'un taux au moins égal à 25 %. En conséquence, une telle maladie ne peut être reconnue que s'il existe un lien direct et essentiel entre la pathologie et le travail habituel de la victime, une maladie plurifactorielle ne pouvant donc être reconnue comme professionnelle du seul constat qu'elle constitue une cause directe de l'affection.

En l'espèce, la salariée se plaint d'un syndrome anxieux réactionnel constaté médicalement le 15 décembre 2010 et qui devait conduire à une incapacité permanente d'un taux au moins égal à 25 %. Ce taux n'étant pas contesté en l'espèce, il convient de rechercher s'il existe un lien direct et essentiel entre la pathologie et le travail habituel de la salariée.

Pour contester ce lien direct et essentiel retenu par les deux CRRMP, l'employeur ne produit aucune pièce médicale, mais il fait valoir qu'après le départ de Mme [K] [XV] la situation s'est améliorée et que le bon fonctionnement du service serait établi par le rapport d'audit ainsi que par les attestations de Mme [VC] [W] et de M. [Z].

Mais, le rapport d'audit indique au contraire en conclusion que l'analyse des conditions de travail a mis en exergue une souffrance avérée qui nécessite la mise en chantier au plus vite d'actions correctrices et préventives ainsi que la mise en place d'indicateurs du climat social. La lettre du 11 janvier 2011 adressée par le contrôleur du travail relatant la décision de mettre en place cet audit relevait elle-même une situation conflictuelle et l'absence de CHSCT. Le rapport de l'agent enquêteur du 8 février 2011 fait état de ce que l'employeur lui-même évoquait un certain climat relationnel dégradé dans l'entreprise, confirmant avoir reçu en ce sens un signalement de la médecine du travail et avoir été mis au courant d'une altercation entre Mme [J] et Mme [W].

Au vu de ces éléments, et en l'absence de toute allégation de cause extérieure, il apparaît que l'affection dont a souffert la salariée était bien en lien direct et essentiel avec son travail habituel, étant relevé qu'il est indifférent à ce stade que la souffrance psychique de la salariée, objectivée médicalement et non-contestée, tienne à une faute de l'employeur dans l'organisation du travail ou bien au contraire aux positions professionnelles inadaptées adoptées par la salariée, dès lors que le travail, tel que réalisé concrètement et habituellement par cette dernière, s'est bien révélé directement et essentiellement pathogène.

En conséquence, il convient de retenir le caractère professionnel de la maladie constatée le 15 décembre 2010.

2/ Sur la faute inexcusable

Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur en vertu des articles L. 4121-1 à L. 4121-5 du code du travail, a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. La conscience du danger doit être appréciée objectivement, par rapport à la connaissance des devoirs et obligations que doit avoir un employeur dans son secteur d'activité.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de la maladie dès lors que cette dernière, non inscrite dans un tableau de maladies professionnelles, a été essentiellement et directement causée par le travail habituel de la salariée et a entraîné une incapacité permanente d'un taux au moins égal à 25 %. Il suffit que la faute inexcusable de l'employeur en soit une des causes nécessaires pour que sa responsabilité soit engagée, alors même que d'autres causes, fautives ou pas, auraient concouru au dommage.

Le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur est de droit pour le travailleur victime d'une maladie professionnelle alors que lui-même ou un représentant du personnel avaient signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé.

La salariée expose qu'elle a été victime d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel à la suite de relations professionnelles conflictuelles avec le Dr [P] [BB] antérieurement au 15 décembre 2010 mais aussi postérieurement lorsqu'elle a repris le travail du 4 janvier 2011 jusqu'au 4 avril 2011, son état de santé n'ayant été consolidé qu'au 22 août 2011. Elle ajoute que l'employeur avait conscience du danger et qu'il en avait même été averti. Elle lui reproche de ne pas avoir pris de mesure pour l'en protéger malgré la lettre de l'inspection du travail de décembre 2010 demandant à la direction de prendre de telles mesures et la mission d'audit confié à MM. [YN] [A], psychologue, et [E] [R], consultant en ressources humaines, qui ont rendu leur rapport courant juillet 2011.

La salariée produit des attestations de témoin dont elle cite les extraits suivants :

' M. [H] [F], éducateur sportif :

« À plusieurs reprises, le médecin a adopté un ton sec et autoritaire, notamment lorsqu'elle s'adressait à moi et à Mme [J]. Le directeur n'est pas intervenu pour apaiser la situation, laissant un malaire s'installer face au comportement du médecin qui avait une attitude offensive. »

' M. [MN] [L], formateur :

« Mme [J] occupait un poste d'animatrice auprès des stagiaires' S'il y avait une personne qui faisait l'unanimité dans le centre, c'était bien elle ! La situation a commencé à se dégrader à partir de l'arrivée du Dr [BB] recrutée en tant que médecin dans l'établissement, mais surtout affectée dans l'équipe SESAME. L'harmonie qui régnait dans cette équipe s'est fissurée et Mme [J], initialement ravie du renfort d'une telle expertise, me rapportait de plus en plus fréquemment ses interrogations face aux attitudes dominatrices ou intransigeantes du médecin lors des réunions de travail (mouvement de colère, visage haineux, frappe du poing sur la table)' » « Lors des réunions SESAME ['] j'ai été témoin des faits suivants : ['] Propos méprisants récurrents de Mme [BB] envers Mme [J], rires, moqueries, yeux au ciel, soupirs' ['] A plusieurs reprises, [Mme [J]] m'a confié son espoir de voir le directeur mettre de l'ordre dans cette situation suite à ses alertes, mais rien ne se passait' » « En décembre 2010 a eu lieu une réunion réunissant tout le personnel. Le président, M. [B] accompagné de son directeur M. [V] ' mutique ' sont montés sur l'estrade. Le président a tenu un discours extrêmement rigide et même menaçant, indiquant que ceux qui n'étaient pas contents étaient invités à quitter l'établissement. Une question lui demanda ce qui allait être fait face à la situation préoccupante du service Sésame et l'inquiétude pour les collègues en arrêt de travail, le président répondit que c'était le rôle de la médecine du travail et que les personnes fragiles n'avaient qu'à se soigner »

' M. [RR] [OP], délégué du personnel :

« D'après les dires des collègues, ces dégradations provenaient d'un problème relationnel et de l'impossibilité de travailler en équipe avec le médecin de la structure [P] [BB]. ['] Lors des réunions de travail en équipe pluridisciplinaires, j'ai pu moi-même observer certains comportements agressifs et arbitraires du médecin Dr [BB] envers ses collègues de travail, proches de ceux décrits par Mme [J] et les membres du service SESAME » « Alors qu'elle rentre d'un arrêt maladie, Mme [J] vient me voir, je suis témoin de son désarroi et de sa détresse et de l'impossibilité dans laquelle elle se trouve de travailler sereinement. Elle est en larmes et vient de vivre une situation violente avec sa nouvelle responsable, Mme [W]' Elle me décrit le comportement méprisant de sa responsable Mme [W]. Elle m'explique qu'alors qu'elle faisait un point sur la reprise de son accompagnement des stagiaires, avec la responsable, celle-ci adopte envers elle une attitude très autoritaire, et lui dicte ses consignes précises d'un ton sec. Je vais donc voir Mme [W] qui reconnaît avoir eu un comportement limite vis-à-vis de Mme [J]' »

' Mme [WL], psychologue du travail :

« Lors de ces réunions de l'après-midi, j'ai constaté les faits suivants : Le service était créé depuis peu (2009) et à peine arrivée au sein de ce service (avril 2010), j'ai pu observer qu'il existait des tensions entre le médecin de l'établissement Mme [P] [BB] et l'ensemble des membres de ce service [SESAME]. » « Les tensions s'amplifiant entre Mme [BB] et les autres membres de l'équipe, Mme [J] m'a rapporté que le directeur M. [V], avait été informé de la situation. Mme [J] m'a dit, comme d'autres salariés de l'association, avoir fait part de son incompréhension à la direction. » « Alors qu'à mon arrivée, j'avais trouvé une collègue dynamique, souriante, mettant son énergie au service des stagiaires, très professionnelle, avec une vivacité d'esprit, au fil des mois, j'ai pu assister à la dégradation de l'état de santé physique, morale et psychologique de Mme [J], due aux conditions de travail qu'elle a subies »

' Mme [K] [XV], formatrice :

« Suite aux alertes de Mme [J] et ayant pu observer par moi-même en ma qualité de coordonnatrice certains de ces comportements [du Docteur [P] [BB]] décrits par Mme [J] lors des réunions hebdomadaires du service SESAME, j'ai tenté d'effectuer au cours de cette même période [entre octobre 2009 et juillet 2010] une régulation et un apaisement en ayant avec la médecin un entretien. » « Face au désarroi exprimé par Mme [J], sa difficulté à effectuer correctement son travail, j'ai à nouveau insisté auprès du directeur [V]. Je lui ai demandé qu'en raison de son rôle hiérarchique (directeur et DRH), il organise une démarche de solution. Force est de constater qu'aucune suite n'a été donnée à mes alertes maintes fois réitérées. Au contraire, le Directeur adopte une attitude de laisser faire, favorisant le pourrissement de la situation. »

' M. [I] [O] :

« En janvier 2008, lors d'une réunion, j'ai moi-même pu assister sans aucune raison à un comportement agressif de Mme [BB] dans ses propos à Mme [J]. Ce comportement déplacé avait eu lieu devant le directeur qui, à ma grande surprise, n'était pas intervenu. J'ai pu observer une dégradation générale de l'ambiance de travail au sein de la structure qui devenait de plus en plus détestable' Mme [J] subit un stress quotidien. »

' Mme [PZ] [T], stagiaire :

« Je sentais une attitude hostile du médecin envers Mme [J]. En entretien individuel avec le médecin, j'ai entendu celle-ci critiquer ses collègues. » « Ce climat a continué de s'alourdir de plus en plus, car le directeur a pratiqué la politique de l'autruche, tête dans le sable (on ne dit rien, surtout on ne fait rien pour calmer le jeu entre formateur et médecin). À la fin du stage de pré-orientation, j'ai envoyé un courrier à la MDPH pour les interpeller sur les problèmes de tension au sein de cette structure. »

' Mme [DP] [N], assistante sociale :

« La nouvelle responsable [Mme [W]] adopte une attitude autoritariste et dénigrante vis-à-vis de tous les membres de l'équipe, sauf du médecin dont elle prend ouvertement la défense. Elle dira à plusieurs reprises qu'elle applique les consignes du directeur et n'a pas le choix. » « Fin août 2010, le directeur nous annonce que, dorénavant, Mme [BB] ne participerait plus aux réunions d'équipe hebdomadaires, qu'il la remplacera et qu'il fera le lien avec le médecin. À mon étonnement, il affiche une attitude protectrice vis-à-vis d'elle, alors même que c'est elle qui a eu une attitude agressive et inadaptée. Il ne met rien en place pour apaiser les relations. Mme [BB] ne salue même plus les membres du service. »

' M. [HB] [EH] :

« Cela s'ajoute à des comportements surprenants et répétés du directeur comme la censure de la partie d'un compte-rendu qui parle des dysfonctionnements et de l'urgence d'intervenir, ou une autre fois, il demande en début de réunion de ne pas prendre de notes de ce qu'il va nous dire »

' Mme [U] [X], formatrice mathématiques :

« Fin 2009, début 2010, [HT] [J] me fait part de difficultés de fonctionnement qu'elle rencontre avec le médecin. Elle a signalé ces difficultés à la direction. Au printemps 2010, des dysfonctionnements importants en pré-orientation sont connus et la direction n'y apporte pas de solutions. Je me souviens d'un fait précis courant novembre 2010 où à la sortie d'une réunion d'équipe pré-orientation, je trouve Mme [J] dans la cour de l'établissement totalement dépitée. Elle m'explique qu'au cours de cette réunion, le directeur lui a demandé ainsi qu'à ses collègues de poser stylos et carnets et de ne pas noter le contenu des échanges concernant le signalement des dysfonctionnements au sein du service (de pré-orientation). »

' M. [S], employé :

« (Mme [J]) était très exposée ['] Au quotidien j'ai pu constater que son état de santé s'est dégradé au fil des mois jusqu'à ce qu'elle tombe malade avec un premier arrêt en décembre 2010 puis d'autres après. »

' M. [IK] [BF], stagiaire en formation puis informaticien et délégué syndical :

« J'ai constaté une dégradation relationnelle ['] Malgré cette problématique, la direction n'a visiblement rien mis en place ['] la crise s'accélère alors et malgré cet état avéré et au grand jour, les dirigeants de [6] (désormais [9]) restent statiques et laissent la situation pourrir. Et cela au point que la médecine du travail et l'inspection du travail le constatent et obligent [6] à mettre en place un audit social. »

' M. [C] [LE], stagiaire :

« Mon groupe de travail s'est trouvé sans véritable responsable et parfois livré à lui-même des après-midi entières. Lors des réunions de travail, [HT] [J] faisait état des dysfonctionnements que je lui avais signalés sans pour autant être écoutée par la direction, le tout, dans une ambiance délétère. »

L'employeur répond que la faute qui lui est reprochée doit être caractérisée avant le 15 décembre 2010, date à laquelle l'affection a été médicalement constatée, alors même que les attestations produites par la salariée concernent des périodes imprécises. Il explique que quelques semaines après l'évaluation effectuée en mars 2010 il a été amené à constater les agissements répétés de Mmes [K] [XV], [M] [Y] et [HT] [J] s'opposant de concert au Dr [P] [BB] et à ses prérogatives médicales notamment en la blâmant de ne pas violer le secret médical auquel elle était astreinte. L'employeur fait valoir que c'est dans ce contexte qu'avant l'été 2010, il a pris une première mesure en demandant au Dr [P] [BB] de ne pas participer aux réunions du SESAME.

L'employeur ajoute que Mme [K] [XV] a été mise à pied le 4 octobre 2010 puis licenciée le 20 octobre 2010, ce qui a conduit à la constitution d'un comité de soutien regroupant 19 salariés sur 57 dont Mmes [M] [Y] et [HT] [J], que le 1er décembre 2010, une nouvelle coordinatrice, Mme [VC] [W] a été recrutée et que le Dr [P] [BB] a alors réintégré les réunions pluridisciplinaires auxquelles le directeur a été constamment présent.

Il convient tout d'abord de rechercher si, comme le soutient la salariée, l'employeur avait été averti du risque psychosocial qui s'est matérialisé dans la maladie déclarée le 15 décembre 2010. À ce titre il sera relevé que dès le 7 janvier 2011, l'employeur, le contrôleur du travail et le médecin du travail se sont réunis pour évaluer non seulement les mesures déjà prises mais aussi celles qui pourraient assurer un soutien adéquat aux salariés victimes de stress et ont pris en ce sens 9 décisions. Même si cette réunion n'est postérieure que de moins d'un mois au constat de la maladie professionnelle aucune pièce du dossier ne permet de retenir que l'employeur avait été averti avant le 15 décembre 2010 des difficultés par la médecine du travail ou l'inspection du travail, les convocations à la réunion n'étant pas produites. L'audit décidé à l'occasion de la réunion précitée ne permet pas non plus de dire si l'employeur a été informé du risque avant le 15 décembre 2010. Le témoin [MN] [L] fait état d'une réunion tenue en décembre 2010 mais sans en préciser la date. Mmes [WL] et [X] rapportent que la salariée leur a indiqué que le directeur avait été informé des difficultés, mais, étant indirects, ces témoignages ne seront pas retenus sur ce point. Mme [XV] ne précise pas quand elle a demandé au directeur de trouver une solution. Ainsi, il n'est pas établi que l'employeur ait été averti du risque et la faute inexcusable de l'employeur ne saurait dès lors être présumée.

En l'absence de présomption, il y a lieu de rechercher si l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait la salariée avant le 15 décembre 2010.

L'employeur explique lui-même que quelques semaines après l'évaluation effectuée en mars 2010 il a constaté les agissements répétés de Mmes [K] [XV], [M] [Y] et [HT] [J] s'opposant de concert au Dr [P] [BB]. Ce conflit, ainsi que son intensité, était donc connu de l'employeur avant le 15 décembre 2010. Dès lors, ce dernier avait, ou à tout le moins aurait dû avoir conscience de la souffrance au travail que pouvait ressentir la salariée, souffrance qui a été directement constatée par les nombreux témoins précités ainsi que par son médecin traitant et par le médecin du travail. En effet, l'employeur aurait dû appréhender le vif conflit qui opposait la salariée au Dr [P] [BB] non seulement en recherchant le bien fondé de la position de chacune des parties afin de se ranger du côté de celle qui lui apparaissait être la meilleure, comme lui permet son pouvoir de direction, mais en recherchant si ce violent conflit n'avait pas engendré un risque psychosocial spécifique et en mettant en 'uvre les moyens de prévention adéquates avant que le risque ne se matérialise, comme il finira par le faire à compter du 7 janvier 2011.

Il apparaît que durant l'année 2010, l'employeur a nettement pris le parti du Dr [P] [BB] dont la position lui semblait légitime, ce qui n'encourt pas en soi la critique, mais qu'il n'a cherché à adopter des mesures de protection qu'au profit de cette dernière sans veiller à la santé et à la sécurité de l'autre partie au conflit, ce qui constitue un manquement à son obligation de préserver la santé de chacune de ses salariées.

En conséquence, l'employeur a manqué à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle il était tenu envers la salariée en vertu des articles L. 4121-1 à L. 4121-5 du code du travail alors même qu'il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel elle était soumise du fait du conflit qui l'opposait au Dr [P] [BB], conflit duquel elle ne parvenait manifestement pas à s'abstraire. Ce faisant, il a commis une faute inexcusable, cause nécessaire de la maladie professionnelle.

3/ Sur les demandes de la caisse primaire d'assurance maladie

La caisse demande à la cour de condamner l'employeur à lui rembourser, conformément aux dispositions des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la majoration de rente et les préjudices personnels alloués à la salariée.

L'employeur s'oppose à cette demande en faisant valoir qu'il appartient à la caisse d'avancer les réparations et que ces dernières n'ont pas encore été fixées.

Mais la majoration de la rente a déjà été ordonnée par le jugement entrepris qui sera confirmé sur ce point et la liquidation du préjudice n'est pas nécessaire pour statuer sur le principe de garantie de la caisse par l'employeur. En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit aux demandes de la caisse.

4/ Sur les autres demandes

Il convient d'allouer à la salariée la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'employeur supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Déclare recevable la contestation du caractère professionnel de la maladie.

La dit mal-fondée.

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Déboute l'association [9] de ses demandes.

Y ajoutant,

Condamne l'association [9] à payer à Mme [HT] [J] la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel.

Condamne l'association [9] aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17/00312
Date de la décision : 21/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-21;17.00312 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award