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20/09/2022 | FRANCE | N°20/01734

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre commerciale, 20 septembre 2022, 20/01734


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



Chambre commerciale



ARRET DU 20 SEPTEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/01734 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OSDS



ARRET N°



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 04 NOVEMBRE 2019

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2018 01070




r>APPELANTE :



Société TRANSFRISE TRANSPORTS FRIGORIFICS DEL SEGRE S.L, société de droit espagnol, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 9]

[Localité 3] (ESPAGNE)

Représentée par Me Aude DARDAILLON, avo...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 20 SEPTEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/01734 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OSDS

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 04 NOVEMBRE 2019

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2018 01070

APPELANTE :

Société TRANSFRISE TRANSPORTS FRIGORIFICS DEL SEGRE S.L, société de droit espagnol, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 9]

[Localité 3] (ESPAGNE)

Représentée par Me Aude DARDAILLON, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES :

Société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE société européenne d'assurances dont le siège social est situé [Adresse 7] ' ALLEMAGNE, et dont l'établissement principal en France est immatriculé au RCS de NANTERRE sous le n° 487 424 608 et a son siège

[Adresse 11]

[Localité 5]

Représentée par Me Sophia GHELLAL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Julien TOUSSAINT, avocat au barreau de PARIS substituant Me Marianne SCHEUBER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

S.A. MMA IARD SA

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sophia GHELLAL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Julien TOUSSAINT, avocat au barreau de PARIS substituant Me Marianne SCHEUBER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

S.A.S. STEF TRANSPORT VIRE

[Adresse 10]

[Localité 2]

Représentée par Me Sophia GHELLAL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Julien TOUSSAINT, avocat au barreau de PARIS substituant Me Marianne SCHEUBER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 12 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 JUIN 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Jean-Luc PROUZAT, président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, conseiller

Mme Marianne ROCHETTE, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Hélène ALBESA

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

La SAS Stef Transport Vire (la société Stef) a confié à la société de droit espagnol Transfrise le transport sous température dirigée de deux lots de produits laitiers frais au départ du site de la société Messageries laitières à Vire (Calvados), à destination des établissements de la société Système U à Vendargues (Hérault) et de la société Sobraques à [Localité 8] (Pyrénées orientales), la confirmation d'affrètement précisant que la température à laquelle les marchandises devaient être maintenues était de +2/+4 °C et que le groupe frigorifique devait fonctionner en mode continu.

Les deux lots de marchandises ont été pris en charge le 3 juin 2017 par la société Transfrise sous couvert de deux lettres de voiture ; le 6 juin 2017, la société Système U, a refusé de prendre livraison du lot de produits frais, d'un poids de 8356 kg, qui lui était destiné en mentionnant sur la lettre de voiture et la confirmation d'affrètement la réserve suivante : « refus total. Problème température. 10 °C à c'ur constaté en présence du chauffeur ».

Les deux lots de marchandises ont été acheminés jusqu'aux entrepôts de la société Stef à [Localité 6] (Haute-Garonne) et une expertise amiable a été organisée le même jour à 17h30 par le cabinet d'expertise Lévesque mandaté par la société Stef et ses assureurs.

Ce cabinet d'expertise, dans un rapport d'intervention établi le 15 janvier 2018, a indiqué que les températures de l'air mesuré à l'arrière de la semi-remorque par le groupe frigorifique auxiliaire sont restées supérieures à + 6 °C pendant plus de 15 heures et ont atteint deux fois, pendant plusieurs heures, des températures supérieures à + 9 °C et que, sollicitée quant à l'origine de ces températures excessives, la société Transfrise n'a pas fourni d'explications.

Le préjudice résultant des avaries a été chiffré à la somme de 41 282,46 euros hors-taxes incluant les frais de destruction.

Les ayants droits aux marchandises ont été indemnisés par la société Stef et les assureurs de celle-ci, la société Allianz Global Corporate & Speciality et la société MMA Iard, lui ont réglé la somme de 37 438,46 euros correspondant au montant du préjudice évalué par l'expert, augmenté des frais d'expertise et diminué du montant de la franchise contractuelle applicable.

Après mise en demeure restée sans réponse, la société Allianz Global Corporate & Speciality, la société MMA Iard et la société Stef ont, par exploit du 5 juin 2018, fait assigner la société Transfrise devant le tribunal de commerce de Montpellier qui, par jugement du 4 novembre 2019, a notamment :

'dit que les avaries constatées sur la marchandise sont de la responsabilité de la société Transfrise,

'condamné en conséquence la société Transfrise à payer les sommes suivantes en principal de :

' 35 947,46 euros, outre 1491 euros au titre des frais d'expertise, aux sociétés Allianz Global Corporate & Speciality et MMA Iard, qui feront leur affaire de la répartition entre elles,

' 5335 euros à la société Stef au titre de la franchise,

'condamné la société Transfrise au paiement des intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2018, date de délivrance de l'assignation,

'ordonné la capitalisation des intérêts par année entière,

'rejeté l'exécution provisoire de la décision,

'condamné la société Transfrise à payer aux sociétés Allianz Global Corporate & Speciality et MMA Iard, ainsi qu'à la société Stef, la somme de 1500 euros au titre l'article 700 du code de procédure civile.

La société Transfrise a régulièrement relevé appel, le 6 avril 2020, de ce jugement en vue de sa réformation.

Elle demande à la cour, dans ses conclusions déposées le 2 septembre 2020 via le RPVA, de :

'constater que l'expertise du 6 juin 2017 à 17h30 n'a pas été contradictoire et que l'analyse des enregistrements de température n'a pas été correctement effectuée,

'débouter la société Stef, la société Allianz Global Corporate & Speciality et la société MMA Iard de l'ensemble de leurs conclusions, fins et demandes, y compris la demande d'indemnité au titre l'article 700 du code de procédure civile,

'les condamner à lui verser la somme de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du même code.

Au soutien de son appel, elle fait valoir pour l'essentiel que les marchandises destinées à la société Sobraques ont été acceptées sans réserve, tandis que la société Système U a refusé la totalité de la marchandise, que la prise de température de cette marchandise a été effectuée le 6 juin 2017 à 17h30, soit 13 heures après le refus de la marchandise, l'analyse de la température n'ayant d'ailleurs pas été effectuée à l'intérieur du camion avec l'équipement de froid en fonctionnement, que l'expertise du cabinet Lévesque, réalisée seulement en présence du chauffeur de nationalité roumaine et ne parlant pas le français, n'a pas été conduite contradictoirement et ne saurait donc fonder une décision de condamnation et que selon le cabinet d'expertise Péritax, mandaté par ses soins, la prise de température de la zone « return zone 2 » effectuée par le cabinet Lévesque n'est pas représentative dès lors que l'équipement de génération de froid auxiliaire n'était pas en service et que l'ensemble du camion était refroidi correctement par la « zone 1 ».

La société Allianz Global Corporate & Speciality, la société MMA Iard et la société Stef , dont les conclusions ont été déposées le 2 novembre 2020 par le RPVA, sollicitent de voir confirmer le jugement entrepris aux motifs duquel elles se réfèrent et condamner la société Transfrise à leur payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; elles soutiennent que les pièces produites par l'appelante, notamment le rapport d'expertise non contradictoire du cabinet Péritax, ne sont pas de nature à opérer un renversement de la présomption de responsabilité pesant sur elle en vertu de l'article L. 133-1 du code de commerce relativement aux avaries causées aux marchandises transportées, qu'elle a prises en charge sans réserve.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 12 mai 2022.

MOTIFS de la DECISION :

Aux termes de l'article L. 133-1 du code de commerce : « Le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure. Il est garant des avaries autres que celles qui proviennent du vice propre de la chose ou de la force majeure. Toute clause contraire insérée dans toute lettre de voiture, tarif ou autre pièce quelconque, est nulle » ; il pèse donc sur le transporteur en cas d'avaries une présomption de responsabilité, dont il ne peut s'exonérer qu'en rapportant la preuve d'un vice propre de la chose, d'un cas de force majeure ou d'une faute de son cocontractant, à l'origine directe du dommage.

Dans le cas présent, la société Transfrise a, le 3 juin 2017, pris en charge les deux lots de produits laitiers frais sur le site de la société Messageries laitières à Vire (des fromages à pâte molle de type camembert, coulommiers ou mozzarella) sans émettre de réserves, ce dont il se déduit que la marchandise était alors réputée en bon état de conservation ; l'existence d'avaries consistant en une rupture de la chaîne du froid lors du transport due à l'élévation des températures prescrites de +2 °C/+4 °C, de nature à entraîner la prolifération de certains germes et rendre la marchandise impropre à la consommation, résulte, d'une part, du refus de la marchandise par le destinataire, la société Système U, ayant constaté, le 6 juin 2017 à 4h30, en présence du chauffeur une élévation de la température à 10 °C à c'ur, et, d'autre part, de l'expertise effectuée le même jour à 17h30, dans les entrepôts de la société Stef où la marchandise avait été acheminée, par le cabinet Lévesque, dont le rapport d'intervention, documenté, a été établi le 15 janvier 2018 ; contrairement à ce qu'affirme la société Transfrise, le lot de produits laitiers destiné à la société Sobraques n'a pas été accepté par celle-ci, l'ensemble du chargement étant considéré comme avarié, tenant la rupture de la chaîne de froid s'étant produite lors du transport.

À cet égard, la société Transfrise n'est pas fondée à soutenir que le rapport du cabinet Lévesque n'a pas été établi contradictoirement et ne saurait fonder une décision de condamnation à son encontre, alors que son propre expert (M. [P]) avait été convié à participer au constat des dommages mais n'avait pu se rendre disponible et que son chauffeur (M. [M]) était présent lors des opérations d'expertise, sans qu'il soit établi qu'il n'ait pas été en mesure d'y participer efficacement en dépit de sa nationalité roumaine ; il y avait par ailleurs urgence, s'agissant de produits laitiers transportés sous température dirigée, à effectuer, le jour même de la livraison de la marchandise, un constat des avaries.

L'expert du cabinet Lévesque a constaté que sur les 15 palettes de fromages situées à l'arrière de la semi-remorque, les températures étaient comprises, sur les produits localisés en milieu de palettes, entre +7,8 °C et +15,4 °C, tandis que les températures mesurées en haut et/ou en bas étaient comprises entre +2,6 °C et +12 °C, les températures mesurées sur les 18 autres palettes se situant en deçà des températures maximales préconisées ; ces constatations corroborent celles du destinataire de la marchandise, la société Système U, qui avait refusé d'en prendre livraison en raison d'une élévation de la température jusqu'à +10 °C.

Cet expert, sur la base des relevés de températures qui lui avaient été communiquées, a, par ailleurs, relevé qu'en cours de transport, la température de l'air mesurée à l'arrière de la semi-remorque par le groupe frigorifique auxiliaire était restée comprise entre +4,9 °C et +6,2 °C du 3 juin 2017 à 9h50 jusqu'au 4 juin 2017 à 5h50, que la température de l'air mesurée à l'arrière de la semi-remorque avait progressivement augmenté pour atteindre +9,6 °C le 5 juin 2017 à 1h50, que la température de l'air mesurée à l'arrière de la semi-remorque avait ensuite baissé spontanément jusqu'à des valeurs comprises entre +3,2 °C et 6,2 °C jusqu'au 5 juin 2017 à 19h30, que la température de l'air mesuré par le groupe frigorifique auxiliaire avait alors à nouveau augmenté progressivement pour atteindre +10,2 °C avant de redescendre légèrement et qu'enfin, les enregistrements des modes de fonctionnement du groupe frigorifique principal et du groupe frigorifique auxiliaire mettaient en évidence de multiples mises en service et arrêts de ces équipements.

Il ressort ainsi des investigations du cabinet d'expertise Lévesque que les températures de l'air mesuré à l'arrière de la semi-remorque par le groupe frigorifique auxiliaire sont restées supérieures à +6 °C pendant plus de 15 heures et ont atteint à deux reprises et pendant plusieurs heures des températures supérieures à +9 °C.

La société Transfrise n'est pas fondée à soutenir, pour s'exonérer de sa responsabilité, que la prise de température par l'expert du cabinet Lévesque a été effectuée 13 heures après le refus de la marchandise et que l'analyse de la température n'a pas été effectuée à l'intérieur du camion avec les équipements de froid en fonctionnement ; il résulte en effet des constatations faites par cet expert, à l'arrivée de la semi-remorque à [Localité 6], que le groupe frigorifique « Thermoking SLXE spectrum » et le groupe frigorifique auxiliaire à l'arrière de la semi-remorque sont alors en mode de fonctionnement continu avec une température indexée à +2 °C, qu'avant déchargement de la marchandise une sonde de température dans le compartiment frigorifique affiche une température stabilisée à +3,9 °C et qu'après déchargement, la température mesurée à la sortie du groupe frigorifique est égale à +2,7 °C.

C'est également vainement que l'appelante, se fondant sur le rapport du cabinet expertise Péritax qu'elle produit, prétend que la prise de température de la zone « return zone 2 » effectuée par l'expert du cabinet Lévesque n'est pas représentative dès lors que le groupe frigorifique auxiliaire n'était pas en fonctionnement ; en effet, à supposer même que ce groupe frigorifique auxiliaire n'ait pas été mis en fonctionnement par le chauffeur, ce qui en soi est constitutif d'une négligence, il n'en demeure pas moins que la sonde équipant l'appareil a régulièrement enregistré, durant le transport, les températures à l'arrière de la semi-remorque ; les relevés de température montrent notamment que les températures enregistrées dans cette zone « return zone 2 » ont varié, entre le 4 juin à 8h14 et le 6 juin à 4h37, de 6,2 °C à 8,7 °C avec des pointes jusqu'à 10,2 °C, soit à des températures non conformes à celles qui avaient été prescrites, expliquant qu'à l'arrivée de la marchandise, une température de +10 °C à c'ur ait été relevée par le destinataire.

C'est donc à juste titre que le premier juge a retenu la responsabilité de la société Transfrise et condamné celle-ci à indemniser les préjudices subis, dont les montants ne sont pas contestés ; le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé dans l'ensemble de ses dispositions.

Succombant sur son appel, la société Transfrise doit être condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Allianz Global Corporate & Speciality, la société MMA Iard et la société Stef la somme de 4000 euros au titre des frais non taxables que celles-ci ont dû exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 4 novembre 2019,

Condamne la société Transfrise aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société Allianz Global Corporate & Speciality, la société MMA Iard et la société Stef la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

le greffier, le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20/01734
Date de la décision : 20/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-20;20.01734 ?
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