Grosse + copie
délivrée le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre sociale
ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/02998 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NFYK
ARRET n°
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 MAI 2017
TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE D'AVEYRON
N° RG21500072
APPELANT :
Monsieur [I] [J]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentant : Me Jacques-HENRY AUCHE substituant Me Cédric GALANDRIN de la SCP GAUDY GALANDRIN, avocat au barreau D'AVEYRON, (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/009451 du 09/08/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
INTIMEE :
CAF DE L'AVEYRON
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentant : Me Rajae BELAMHAWAL de la SCP BENE, avocat au barreau de MONTPELLIER
En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 JUIN 2022,en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet chargé du rapport.
Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet
Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON
ARRET :
- Contradictoire.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour ;
- signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.
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EXPOSE DU LITIGE, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Le 3 avril 2014, la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Aveyron a accordé à Monsieur [I] [J] l'allocation aux adultes handicapés (AAH) pour la période du 1er septembre 2013 au 31 août 2015 compte tenu d'un taux d'incapacité compris entre 50% et 79%, et de l'existence d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi. L'organisme a, par ailleurs, transmis le dossier de Monsieur [I] [J] à la caisse d'allocations familiales de l'Aveyron pour vérification des conditions administratives permettant le versement de la prestation.
La caisse d'allocations familiales de l'Aveyron a ouvert, au bénéfice de Monsieur [I] [J], les droits à l'AAH à compter du 1er octobre 2014.
Le 12 novembre 2014, Monsieur [I] [J] a sollicité, auprès de la caisse d'allocations familiales de l'Aveyron, le versement rétroactif de l'AAH à compter du 4 juin 2014 compte tenu du récépissé de demande de titre de séjour valable du 4 juin 2014 au 8 octobre 2014 qu'il détenait.
Le 19 novembre 2014, la caisse d'allocations familiales de l'Aveyron a refusé de lui verser l'AAH pour la période du 4 juin 2014 au 30 septembre 2014 au motif que l'intéressé ne justifiait, sur ladite période, d'aucun titre de séjour en permettant le versement.
Le 16 janvier 2015, Monsieur [I] [J] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable.
Le 5 février 2015, la commission de recours amiable a rejeté son recours.
Le 4 avril 2015, Monsieur [I] [J] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Aveyron en contestation de la décision de rejet susvisée, celui-ci maintenant sa demande de versement rétroactif de l'AAH au 4 juin 2014.
Suivant jugement contradictoire du 11 mai 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Aveyron a débouté Monsieur [I] [J] de l'ensemble de ses demandes.
Le 24 mai 2017, Monsieur [I] [J] a interjeté appel de cette décision.
La cause, enregistrée sous le numéro RG 17/02998, a été appelée à l'audience des plaidoiries du 9 juin 2022.
Monsieur [I] [J] a sollicité l'infirmation du jugement. Il a demandé à la cour de condamner la caisse d'allocations familiales de l'Aveyron au paiement de l'AAH entre le 4 juin 2014 et le 30 septembre 2014 avec intérêts au taux légal, outre au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La caisse d'allocations familiales de l'Aveyron a sollicité la confirmation du jugement, en demandant à la cour de débouter Monsieur [I] [J] de l'intégralité de ses demandes.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'article L 821-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose : 'Toute personne résidant sur le territoire métropolitain ou dans les départements mentionnés à l'article L 751-1 ou à [Localité 5] ayant dépassé l'âge d'ouverture du droit à l'allocation prévue à l'article L 541-1 et dont l'incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé par décret perçoit, dans les conditions prévues au présent titre, une allocation aux adultes handicapés.
Les personnes de nationalité étrangère, hors les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen, ne peuvent bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés que si elles sont en situation régulière au regard de la législation sur le séjour ou si elles sont titulaires d'un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour. Un décret fixe la liste des titres ou documents attestant la régularité de leur situation. (...)'
Pris pour l'application de l'article susvisé, les dispositions de l'article D 821-8 du code de la sécurité sociale prévoient que 'Les titres ou documents prévus à l'article L 821-1 sont ceux mentionnés aux 1°, 2°, 3°, 4°, 5°, 6° et 11° de l'article D 115-1. Est également pris en compte le récépissé de demande de titre de séjour valant autorisation de séjour d'une durée de validité de trois mois renouvelable délivré dans le cadre de l'octroi de la protection subsidiaire, accompagné de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou de la Cour nationale du droit d'asile accordant cette protection'.
Les titres ou documents mentionnés à l'article D 115-1 auquel renvoie l'article D 821-8 sont : 1°) carte de résident; 2°) carte de séjour temporaire; 3°) certificat de résidence de ressortissant algérien; 4°) récépissé de demande de renouvellement de l'un des titres précités; 5°) récépissé de demande de titre de séjour valant autorisation de séjour d'une durée de trois mois renouvelable portant la mention 'reconnu réfugié'; 6°) récépissé de demande de titre de séjour portant la mention 'étranger admis au titre de l'asile' d'une durée de validité de six mois renouvelable; 11°) le passeport monégasque revêtu d'une mention du consul général de France à [Localité 4] valant autorisation de séjour.
En l'espèce, il apparaît que Monsieur [I] [J], ressortissant russe, est entré sur le territoire national le 2 mars 2011 et qu'il a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour renouvelées, ne lui permettant pas d'occuper un emploi, jusqu'au 4 avril 2014.
Le 4 juin 2014, un récépissé de demande de carte de séjour valable jusqu'au 8 octobre 2014, pour un premier titre de séjour, l'autorisant à travailler, lui a été délivré.
Le 16 septembre 2014, Monsieur [I] [J] a été titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention 'vie privée/vie familiale' l'autorisant à travailler, valable jusqu'au 15 septembre 2015, la caisse d'allocations familiales de l'Aveyron ayant alors ouvert ses droits à l'AAH à compter du premier jour du mois suivant cette délivrance, soit le 1er octobre 2014, sur justification de ce titre de séjour régulier.
Monsieur [I] [J] sollicite néanmoins la rétroactivité de l'ouverture de ses droits à l'AAH à compter du 4 juin 2014, eu égard au récépissé qui lui a été délivré à cette date.
Or, la cour rappelle que le versement de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) aux étrangers est subordonné à la détention d'un des titres de séjour régulier ou documents limitativement énumérés par l'article D 115-1 du code de la sécurité sociale combiné aux articles L 821-1 et D 821-8 du même code, et que tant l'autorisation provisoire de séjour que le récépissé d'une demande de délivrance d'un premier titre de séjour avec autorisation de travailler, non visés par la combinaison de ces textes, ne permet pas de bénéficier de la prestation concernée.
Ainsi, Monsieur [I] [J] n'étant pas en mesure de produire l'un des titres de séjour régulier ou documents limitativement énumérés par les textes susvisés, le premier juge a à bon droit déduit qu'il ne pouvait bénéficier de l'AAH sur la période du 4 juin 2014 au 30 septembre 2014.
Par ailleurs, sauf à affirmer 'qu'aucune distinction ne doit être opérée entre un récépissé de demande de renouvellement de titre et un récépissé de demande initiale du titre de séjour', Monsieur [I] [J] ne justifie pas de la discrimination fondée sur la nationalité alléguée, la cour rappelant d'une part que la condition de nationalité comme critère d'obtention de l'AAH a été supprimée par la loi n°98-349 du 11 mai 1998 aux fins de proscrire toute discrimination, et la cour observant d'autre part que les dispositions des articles L 821-1, D 821-8 et D 115-1 du code de la sécurité sociale ouvrent effectivement le droit à l'AAH à un ressortissant étranger au même titre qu'un assuré français, et que seules les conditions administratives d'attribution diffèrent.
Au surplus, la restriction relative à la régularité du séjour exigée pour le versement de l'AAH aux étrangers, opérée par les textes susvisés qui n'incluent pas le récépissé d'une première demande de titre de séjour dans la liste des titres de séjour et des documents justifiant la régularité du séjour en France d'une personne de nationalité étrangère pour le bénéfice de l'AAH, n'est pas contraire aux engagements internationaux de la France et ne constitue donc pas une violation du principe de non-discrimination fondée sur la nationalité prévue par l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme (CEDH), le protocole additionnel n°12 de la CEDH et l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, Monsieur [I] [J] ne démontrant nullement à ce titre ni une méconnaissance de l'étendue de l'habilitation conférée aux Etats membres par la Cour européenne des droits de l'homme qui ne leur interdit pas de maintenir une différence de traitement entre les personnes placées dans des situations analogues lorsque ces mesures reposent sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi, ni une méconnaissance de la portée des prescriptions législatives dont l'Etat français était chargé d'assurer l'application.
Le jugement querellé mérite donc entière confirmation.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 mai 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Aveyron ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [I] [J] aux dépens en application combinée des articles 695 et 696 du code de procédure civile, et de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la juridiction le 14 septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT