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08/06/2022 | FRANCE | N°17/01546

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre sociale, 08 juin 2022, 17/01546


Grosse + copie

délivrées le

à



































3e chambre sociale



ARRÊT DU 08 Juin 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/01546 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NCQV



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 MARS 2017 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE MONTPELLIER

N° RG21600681





APPELANT :



Monsi

eur [J] [X]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentant : Me Gaëlle BETROM, avocat au barreau de MONTPELLIER





INTIMEE :



CPAM DE L'HERAULT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Mme [T] [E] (Représentante de la CPAM) en vertu d'un pouvoir du 12/04/22





COMPOSITION DE...

Grosse + copie

délivrées le

à

3e chambre sociale

ARRÊT DU 08 Juin 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/01546 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NCQV

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 MARS 2017 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE MONTPELLIER

N° RG21600681

APPELANT :

Monsieur [J] [X]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentant : Me Gaëlle BETROM, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

CPAM DE L'HERAULT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Mme [T] [E] (Représentante de la CPAM) en vertu d'un pouvoir du 12/04/22

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 AVRIL 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

M. Pascal MATHIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRÊT :

- Contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.

*

**

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Le 9 juillet 2014 le service du contrôle médical Languedoc Roussillon informe la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault (ci-après la caisse) que l'analyse d'activité du Docteur [J] [X], médecin oncologue, avait révélé des anomalies tenant à la non-exécution d'actes cotés et au respect de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP).

Le 16 juillet 2014 la caisse notifie au professionnel de santé les griefs d'actes cotés non exécutés et de non-respect de la nomenclature générale des actes professionnels.

Le 3 septembre 2014 l'entretien dit confraternel prévu par l'article R 315-12 du code de la sécurité sociale se tient.

Le 19 décembre 2014, la caisse notifie au professionnel de santé un indu d'un montant de 83 818,18 € correspondant aux facturations litigieuses avec introduction d'une action en récupération d'indu et saisine conjointe de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de l'ordre des médecins.

Le 6 juillet 2015 la caisse notifie au professionnel de santé la mise en 'uvre à son encontre d'une procédure de pénalité financière au motif des anomalies de facturation l'informant que le montant peut s'élever jusqu'à la somme de 41 909,09 € (50 % du montant de l'indu).

Le 15 octobre 2015 le président de la commission des pénalités dans sa formation médecin constate l'absence d'accord sur la pénalité financière.

Le 1er décembre 2015 la caisse notifie au professionnel de santé, en application des dispositions de l'article R 147-8-1 du code de la sécurité sociale, une pénalité financière d'un montant de 20 000 €.

Le 17 décembre 2015 le professionnel de santé conteste cette décision en saisissant la commission de recours amiable de la caisse.

Le 9 février 2016 la commission de recours amiable de la caisse rejette la contestation en maintenant la décision de la caisse du 1er décembre 2015.

Le 16 mars 2016 le professionnel de santé saisit le Tribunal des affaires de sécurité de sociale de l'Hérault.

Le 13 mars 2017 le Tribunal des affaires de sécurité de sociale de l'Hérault condamne le professionnel de santé au paiement d'une pénalité financière de 20 000 €.

Le 17 mars 2017 le professionnel de santé interjette appel et demande à la Cour de :

- infirmer le jugement du TASS n° 21600681 du 13 mars 2017 ;

- annuler la décision de la CRA du 24 juillet 2015 portant rejet du recours tendant à l'annulation de la décision du 19 décembre 2014 portant notification d'un indu de 83 818,18 € ;

- annuler en conséquence la décision du 19 décembre 2014 portant notification d'un indu de 83 818,18 € ;

- condamner la Caisse à lui verser la somme de 3 500 € au titre des frais irrépétibles.

La caisse demande à la Cour de déclarer l'instance périmée et de confirmer le jugement ;

Les débats se déroulent le 21 avril 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) sur la péremption

La caisse demande à la cour de constater la péremption d'instance en application des dispositions de l'article 386 du code de procédure civile en faisant valoir que l'appel intervient le 17 mars 2017, que l'appelant a conclu le 12 avril 2017 et qu'aucun acte n'est intervenu pendant plus de deux ans avant que les parties ne soient convoquées le 2 février 2022 pour l'audience du 21 avril 2022.

Concernant le contentieux de la sécurité sociale et de l'admission à l'aide sociale, le code de la sécurité sociale a comporté un article R. 142-22 qui en son dernier alinéa, depuis un décret du 18 mars 1986, limitait la péremption d'instance à l'hypothèse où les parties s'abstenaient d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui avaient été expressément mises à leur charge par la juridiction. Cette disposition avait été rendue applicable à la procédure d'appel par l'ancien article R. 142-30 du même code.

Cette limitation de la péremption d'instance que l'on retrouvait aussi en matière de contentieux prud'homal en vertu d'une autre exception textuelle ne tenait pas au seul caractère oral de la procédure dès lors qu'une jurisprudence constante faisait application des dispositions de l'article 386 du code de procédure civile au contentieux des baux ruraux en l'absence d'exception textuelle.

Le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 a abrogé au 1er janvier 2019 l'article R. 142-22 du code de la sécurité sociale, l'article 17 III du même décret précisant que ses dispositions relatives à la procédure étaient applicables aux instances en cours.

Concernant uniquement la première instance, le pouvoir réglementaire est rapidement revenu sur cette réforme par un décret n° 2019-1506 du 30 décembre 2019, applicable au 1er janvier 2020, qui introduit dans le code de la sécurité sociale un article R. 142-10-10, lequel limite à nouveau la péremption à l'abstention, durant deux ans, par les parties, d'accomplir les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction. Conformément à son article 9-III, cette nouvelle réforme a été rendue applicable à compter du 1er janvier 2020, y compris aux péremptions non constatées à cette date.

En application de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le droit à l'accès au juge implique que les parties soient mises en mesure effective d'accomplir les charges procédurales leur incombant. L'effectivité de ce droit impose, en particulier, d'avoir égard à l'obligation faite ou non aux parties de constituer un avocat pour les représenter. L'ensemble des dispositions régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel instaure un formalisme allégé, destiné à mettre de façon effective les parties en mesure d'accomplir les actes de la procédure d'appel.

L'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme doit être lue à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme laquelle rappelle en un arrêt du 30 mars 2021, OORZHAK c. RUSSIE, n° 001-208885, que le " droit à un tribunal ", dont le droit d'accès constitue un aspect particulier, n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, notamment quant aux conditions de recevabilité d'un recours, car il appelle de par sa nature même une réglementation par l'État, lequel jouit à cet égard d'une certaine marge d'appréciation ; que toutefois, ces limitations ne sauraient restreindre l'accès ouvert à un justiciable d'une manière ou à un point tels que son droit à un tribunal s'en trouve atteint dans sa substance même ; qu'enfin, elles ne se concilient avec l'article 6 § 1 que si elles tendent à un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

Ces principes ont conduit la Cour européenne des droits de l'homme à reprocher au gouvernement en cause de ne pas indiquer quel serait le but légitime poursuivi par la norme et de ne pas préciser par exemple s'il s'agit d'assurer une bonne administration de la justice, de désengorger la juridiction de cassation en simplifiant l'attribution des pourvois, ou encore de raccourcir la durée d'examen des dossiers. Retenant que les explications du gouvernement défendeur ne permettent pas de déceler un but légitime visé par la mesure contestée et que cette dernière avait porté atteinte au droit du requérant à accéder à un tribunal, compte tenu de l'absence de but légitime déclaré, la Cour européenne des droits de l'homme a dit qu'il n'y avait pas lieu d'examiner la proportionnalité de la mesure.

L'ancienne limitation de la péremption d'instance à l'hypothèse où les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction participait d'un formalisme allégé retenu en considération des spécificités du contentieux alors dévolu au tribunal des affaires de sécurité sociale.

Il convient donc de rechercher si, en excluant la limitation de la péremption d'instance applicable au contentieux de la sécurité sociale au seul stade de l'appel, le pouvoir réglementaire n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit à l'accès au juge au regard de la légitimité des buts qu'il poursuit.

Il sera tout d'abord relevé que le contentieux prud'homal a connu un semblable retour au droit commun de l'article 386 du code de procédure civile. Mais cette évolution n'éclaire pas le présent débat dès lors qu'elle s'est accompagnée à hauteur d'appel d'un passage en procédure écrite et d'une assistance obligatoire par avocat ou par défenseur syndical, toutes réformes guidées explicitement par le constat de la complexité de plus en plus grande du droit du travail et de la nécessité corrélative d'offrir au contentieux prud'homal un traitement de droit commun adapté, toutes considérations qui ont permis de retenir que le retour au droit commun de la péremption d'instance poursuivait en cette matière un but légitime de bonne administration de la justice et de sécurité juridique et ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable.

Concernant cette fois spécifiquement le contentieux de la sécurité sociale, le pouvoir réglementaire peut légitimement chercher à accélérer le traitement des procédures d'appel. Il y va en effet d'une obtention plus rapide par les parties d'une décision définitive et de la réduction du stock des affaires que doivent gérer les cours d'appel, laquelle gestion spécifique du retard ampute d'autant les moyens disponibles pour instruire et juger ces mêmes affaires.

Mais l'accélération du traitement des procédures peut être obtenu par deux types de moyens, directs ou indirects. Les premiers accélèrent les procédures qu'ils concernent directement, il en va ainsi des délais de procédure qui enserrent l'accomplissement d'un acte dans une durée précise ou de la standardisation des actes qui permet de les traiter plus aisément et donc plus rapidement. Les seconds visent au contraire à soulager les juridictions de certaines affaires dans l'espoir qu'elles puissent traiter dès lors plus rapidement les affaires restantes. Il en va ainsi de toutes les formalités qui ne facilitent pas le traitement des affaires auxquelles elles s'appliquent. Même si les moyens directs sont susceptibles d'effets indirects, ils ne sauraient se confondre au regard de leur légitimité.

L'alourdissement du formalisme procédural, dans le seul but de priver d'accès au juge les parties qui ne parviendraient pas à le maîtriser, en espérant que celles qui s'en seront accommodé avec succès puissent voir leur affaire traitée plus rapidement, ne saurait constituer en soi un but parfaitement légitime. Dans ce cas, le contrôle de rapport raisonnable de proportionnalité à l'atteinte au droit à l'accès au juge doit être particulièrement strict.

En l'espèce, compte tenu de l'engorgement de certaines cours d'appel, le retour au droit commun de la péremption d'instance, sous l'apparence de la réforme d'un délai de procédure, constitue effectivement l'imposition aux parties d'une formalité de vigilance les forçant à interrompre un délai, même dans l'hypothèse où elles n'ont aucune prétention à un traitement particulier de leur contentieux, uniquement pour éviter de perdre leur droit d'accès au juge.

Ce retour au droit commun ne se justifie pas par la cohérence d'une réforme globale de la procédure, celle-ci restant orale et sans représentation obligatoire, et il n'a même plus vocation à s'appliquer à la procédure de première instance depuis le 1er janvier 2020. Dès lors, il n'apparaît pas cherché à accélérer directement le traitement des procédures, mais uniquement à décharger les juridictions des affaires dans lesquelles il n'aura pas été respecté. Sa faible légitimité, seulement indirecte, n'est pas raisonnablement proportionnée à l'atteinte qu'il porte au droit à l'accès au juge concernant un contentieux mettant en oeuvre une législation d'ordre public qui assure la sanction de fautes inexcusables ainsi que la réparation de préjudices importants, notamment par des majorations significatives de rentes.

En conséquence, il convient de retenir que la péremption d'instance, qui résulte de l'application des dispositions de l'article 386 du code de procédure civile au contentieux de la sécurité sociale seulement à hauteur d'appel, doit être écartée en l'espèce afin d'assurer l'effectivité du droit d'accès au juge.

2) Sur le fond

La Cour a été saisie de deux recours concernant le même contrôle d'activité, à savoir une instance sur :

- l'indu qui donne lieu à décision de la caisse du 19 décembre 2014, décision de la commission de recours amiable du 24 juillet 2015, saisine de la juridiction sociale le 1er septembre 2015, décision du Tribunal des affaires de sécurité de sociale de l'Hérault du 16 janvier 2017 (dossier n° 21501366) et appel du 20 janvier 2017 ;

- la pénalité financière qui donne lieu à décision de la caisse du 1er décembre 2015, décision de la commission de recours amiable du 9 février 2016, saisine de la juridiction sociale le 16 mars 2016, jugement du Tribunal des affaires de sécurité de sociale de l'Hérault le 13 mars 2017 (dossier n° 21600681) et appel du 17 mars 2017.

Il a déjà été statué sur le recours concernant l'indu par arrêt du 13 avril 2022 (" écarte la péremption d'instance, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, déboute le professionnel de santé de ses demandes, y ajoutant, condamne le professionnel de santé à payer à la caisse la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel et condamne le professionnel de santé aux dépens de première instance et d'appel ").

Pourtant le dispositif des conclusions dans le cadre de l'instance sur la pénalité financière est ainsi libellé : " infirmer le jugement du TASS n° 21600681 du 13 mars 2017, annuler la décision de la CRA du 24 juillet 2015 portant rejet du recours tendant à l'annulation de la décision du 19 décembre 2014 portant notification d'un indu de 83 818,18 €, annuler en conséquence la décision du 19 décembre 2014 portant notification d'un indu de 83 818,18 € et condamner la Caisse à lui verser la somme de 3 500 € au titre des frais irrépétibles ".

Ainsi et puisque la Cour n'est saisie et ne doit statuer que " sur les prétentions énoncées au dispositif ", les seules décisions critiquées et remises en cause sont celles de l'instance relative à l'indu et non à la pénalité financière'

En l'état la Cour n'est donc saisie d'aucun recours contre la décision de la caisse sur la pénalité financière du 1er décembre 2015 et sur la décision de la commission de recours amiable du 9 février 2016.

Pour autant et dans un contexte de double recours pour un même contrôle d'activité, il s'agit manifestement d'une erreur matérielle du conseil du professionnel de santé qui ne doit pas préjudicier, plus que de raison, au professionnel de santé et à cet effet il convient d'ordonner la réouverture des débats afin que les conclusions d'appel soient rectifiées pour être celles correspondantes au litige dont la Cour reste saisie.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Écarte la péremption d'instance ;

Pour le surplus ;

Ordonne la réouverture des débats à l'audience du jeudi 1er septembre 2022 à 9 heures afin que la partie appelante régularise le dispositif de ses conclusions pour les conformer au seul litige dont la Cour reste saisie ;

Réserve les demandes et les dépens ;

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17/01546
Date de la décision : 08/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-08;17.01546 ?
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