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31/05/2022 | FRANCE | N°20/00344

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre commerciale, 31 mai 2022, 20/00344


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



Chambre commerciale



ARRET DU 31 MAI 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/00344 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OPN5



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 02 DECEMBRE 2019

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2018007539





APPELANTS :



Monsieur [V] [B]

né le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 5]

de nationalité Fra

nçaise

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Charlotte BARTHELEMY, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Mathilde SEBASTIAN, avocat au barreau de MONTPELLIER



Monsieur [R] [B]

né le [Date naiss...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 31 MAI 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/00344 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OPN5

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 02 DECEMBRE 2019

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2018007539

APPELANTS :

Monsieur [V] [B]

né le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Charlotte BARTHELEMY, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Mathilde SEBASTIAN, avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur [R] [B]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Charlotte BARTHELEMY, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Mathilde SEBASTIAN, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

SA CA CONSUMER FINANCE

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Sébastien VIDAL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Rémi GIRARD, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 02 Mars 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 MARS 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marianne ROCHETTE, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Jean-Luc PROUZAT, président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, conseiller

Mme Marianne ROCHETTE, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Hélène ALBESA

ARRET :

- contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.

FAITS, PROCEDURE - PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

La SARL [B] frères, dont les gérants sont [V] [B] et [R] [B] a pour activité l'entretien et la réparation de véhicules automobiles.

Par acte sous seing privé du 15 mai 2012, elle a souscrit auprès de la SA CA Consumer finance, un 'contrat d'ouverture de crédit' ayant pour objet le renouvellement d'ouverture de crédit stock pour un montant de 150 000 euros, au taux de 3,837 % l'an et pour une durée d'utilisation de 14 mois à échéance unique le 30 avril 2013, date de fin de validité.

MM. [B] se sont portés cautions solidaires par actes sous seing privé du même jour, en garantie de cette ouverture de crédit, pour une durée de 14 mois et dans la limite de 150 000 euros chacun.

Le 3 mai 2012, en application de l'article 11 de leur convention, la société [B] frères a établi au bénéfice de la société CA Consumer finance une lettre de change relevé portant date d'échéance contractuelle au 30 avril 2013 pour un montant de 150 000 euros que [V] et [R] [B] ont chacun avalisée.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 3 octobre 2013 visant en objet le 'crédit stock 150 000 euros' la société CA Consumer Finance, après avoir pris acte de l'échec de la procédure de médiation, a indiqué à la société [B] frères qu'elle reprenait sa 'pleine et entière liberté d'action en vue du recouvrement complet' de sa créance de 133 548,86 euros et elle l'a mise en demeure d'actualiser l'inventaire des stocks gagés à son profit.

Par jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 18 novembre 2013, la société [B] frères a fait l'objet d'une ouverture de procédure de sauvegarde dans le cadre de laquelle la société CA Consumer Finance a déclaré une créance de 118 451,60 euros, admise sans contestation le 18 mai 2016.

Le plan de sauvegarde arrêté par jugement du 22 janvier 2016 a été résolu par nouvelle décision du 21 juillet 2017 du tribunal de commerce de Montpellier prononçant la liquidation judiciaire de la société.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 3 mai 2018, la société CA Consumer Finance a mis en demeure [V] et [R] [B] de lui payer la somme de 118 451,60 euros outre intérêts au taux conventionnel de 3,83 % l'an à compter de la mise en demeure, en leur qualité de caution.

Par exploits d'huissier des 11 et 12 juin 2018, elle a fait assigner [V] et [R] [B] en paiement devant le tribunal de commerce de Montpellier qui, par jugement du 2 décembre 2019, a rejeté toutes autres demandes des parties et condamné solidairement MM. [B] à payer à demanderesse la somme de 118 451,60 euros ainsi que la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens de l'instance(...).

MM. [B] ont régulièrement relevé appel, le 17 janvier 2020 de ce jugement.

Ils demandent à la cour, en l'état de leurs conclusions déposées et notifiées le 17 avril 2020 via le RPVA, de :

Vu les articles L341-2, L.341-4, L.341-6 du code de la consommation, 1271 et suivants et 1343-5 du code civil, L.321-22 du code monétaire et financier,

- confirmer le jugement rendu le 2 décembre 2019 par le tribunal de commerce de Montpellier en ce qu'il a déchu la SA CA Consumer finance de son droit aux intérêts conventionnels,

- l'infirmer pour le surplus, en tous ses chefs de condamnation,

Ce faisant,

A titre principal,

- dire et juger que le contrat de financement consenti par la SA CA Consumer finance en date du 15 mai 2012 a fait l'objet d'une novation,

- dire et juger que ladite novation emporte libération de MM. [V] et [R] [B] ès qualités de cautions,

- débouter en conséquence la SA CA Consumer finance de l'ensemble de ses demandes,(...)

Subsidiairement,

- dire et juger que la SA CA Consumer finance a commis une faute dans le recouvrement de ses créances,

- la débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes (...)

Plus subsidiairement,

Constatant que les cautionnements de MM. [V] et [R] [B] ont été consentis pour une durée de 14 mois, expirant ainsi le 15 juillet 2013,

- dire et juger que la mise en oeuvre des cautionnements (...) selon assignation des 11 et 12 juin 2018 est irrecevable comme tardive,

- dire et juger que :

* l'engagement de caution souscrit par M. [V] [B] en date du 15 mai 2012 est manifestement disproportionné à ses biens et revenus,

* l'engagement de caution souscrit par M. [R] [B] en date du 15 mai 2012 est manifestement disproportionné à ses biens et revenus,

* en conséquence que la SA CA Consumer finance ne peut se prévaloir desdits engagements de caution,

- la débouter de l'ensemble de ses demandes (...) comme injustes et infondées,

A titre reconventionnel,

- dire et juger que la SA CA Consumer finance a manqué à son obligation de mise en garde à l'égard de MM. [B],

- la condamner reconventionnellement à titre de dommages et intérêts à payer MM. [B] la somme de 118 451,60 euros, majorée des intérêts au taux conventionnel de 3,837 % l'an à compter du 3 mai 2018 et jusqu'à parfait paiement,

- accorder à MM. [B] les plus larges délais de paiement pour s'acquitter de toute somme éventuelle à l'égard de la SA CA Consumer finance,

En toutes hypothèses,

- condamner la SA CA Consumer finance à payer à chacune des cautions la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de leur appel, ils font essentiellement valoir que :

- la créance de la banque n'est pas la conséquence du prêt échu à cette date, mais d'une nouvelle ouverture de crédit consentie postérieurement à cette échéance pour la somme de 118 451,60 euros sans concordance avec le précédent prêt puisque ni la somme sollicitée, ni le point de départ du calcul des intérêts ni l'emprise du gage au 8 octobre 2013 dont la banque avait renoncé à se prévaloir, ni même les opérations financières portées sur la déclaration de créances ne peuvent être rattachées au financement dont ils se sont portés cautions,

- la renonciation à exiger le paiement du capital échu au 30 avril 2013 et à réaliser le gage pour voir la société [B] frères continuer son exploitation impliquant un nouveau financement caractérise la volonté de nover,

- ils sont ainsi libérés faute d'avoir donné leur accord à la modification du contrat d'ouverture de crédit initial et d'avoir été actionnés avant le 15 juillet 2013, terme des 14 mois de leur engagement,

- la banque est ensuite doublement fautive pour n'avoir pas tenté la réalisation du gage et n'avoir même pas inscrit une prorogation de son gage initialement rattaché au financement du 5 octobre 2011, en violation de l'article 8 du contrat du 15 mai 2012,

- l'intimée n'apporte pas la preuve qu'elle n'aurait pas été payée en cas de réalisation du gage et l'état du stock au 8 octobre 2013 chiffré à 122 177 euros était largement suffisant,

- elle est encore fautive pour n'avoir pas mis en oeuvre le séquestre obtenu par décision du juge-commissaire, s'étant encore abstenue de solliciter judiciairement le versement du prix de vente des véhicules,

- la disproportion manifeste de leur engagement est établie tenant l'endettement global tant professionnel que personnel de [V] [B] alors que ses actifs étaient constitués d'un revenu annuel 28 325 euros, d'un bien immobilier valorisé à 200 000 euros mais grevé d'une hypothèque à hauteur de 300 000 euros, et de charges courantes s'ajoutant au remboursement d'un prêt personnel (1 166,66 euros),

- M. [R] [B] disposait d'un revenu annuel de 23 549 euros par an et d'un bien de 50 000 euros mais il supportait le remboursement de prêts à hauteur de 38 265 euros à l'origine, et s'était déjà porté caution pour un montant total de 345 000 euros,

- la banque n'apporte pas la preuve d'avoir satisfait à son obligation d'information annuelle et a manqué à son devoir de mise en garde à l'égard de cautions profanes pour crédit risqué et excessif.

La société CA Consumer finance sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 8 juillet 2020 :

Vu les articles 1273 ancien, 2288, 2292, 2298, 2314 du code civil, L.511-21, L.511-44, L.511-49 et L.622-7 du code de commerce,

(...),

- débouter MM. [V] et [R] [B] de toutes leurs demandes (...),

- confirmer le jugement rendu le 2 décembre 2019 par le tribunal de commerce de Montpellier, en ce qu'il a jugé le cautionnement ainsi que l'aval souscrits par MM. [V] et [R] [B] pleinement valables et condamné solidairement ces derniers à lui payer la somme de 118 451,60 euros ainsi que 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens,

Y ajoutant,

- condamner MM. [V] et [R] [B] solidairement à lui payer la somme supplémentaire de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner MM. [V] et [R] [B] aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le montant pour ceux qui le concernent pourra être recouvré directement par M. Vidal avocat postulant dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Excluant toute volonté de novation, elle expose en substance que :

- elle avait seulement été empêchée de recouvrer la créance résultant de la convention de mai 2012 du fait de la saisine du médiateur régional du crédit en février 2013 se soldant par un échec au terme de vaines correspondances, la dernière en date du 3 octobre 2013, suivie d'un dépôt de bilan par la société [B] frères en novembre 2013,

- les commissionnements versés à la société [B] frères ne découlent pas d'un nouvel accord de financement mais de l'exécution de la 'convention d'agrément' relatée en préambule du contrat d'ouverture de crédit,

- les sûretés dont elle bénéficiait sont indépendantes les unes des autres, la convention du 5 octobre 2011 l'assurait d'un gage sur véhicules jusqu'à complet remboursement, de sorte qu'elle n'encourait aucune déchéance de son droit de gage tant que la dette n'était pas apurée mais elle n'avait cependant pas pu le mettre en oeuvre car les véhicules formant l'ensemble du stock gagé avaient été vendus, soit antérieurement sans que la société [B] frères ne lui reverse le prix, soit immédiatement après le jugement autorisant leur séquestre,

- les appelants sont tenus de leur obligation pour toute dette née avant le terme de leur engagement de garantie,

- les déclarations de patrimoine dont elle est en possession empêchent de retenir le grief d'une disproportion manifeste, les cautions ayant manqué à leur obligation de loyauté et de collaboration en ne l'informant pas de leur endettement préexistant,

- ils étaient tous deux cautions averties disposant d'une expérience professionnelle suffisante pour comprendre la portée des cautionnements consentis au bénéficie d'une société dont ils étaient les associés depuis plus de 20 ans.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 2 mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1- Sur la novation :

En vertu de l'article 1271 du code civil, la novation s'opère lorsque le débiteur contracte envers son créancier une nouvelle dette qui est substituée à l'ancienne, laquelle est éteinte mais l'article 1273 du même code prévoit que la novation ne se présume pas.

La volonté de nover doit donc être non équivoque et résulter clairement des faits et actes intervenus entre les parties.

Le contrat d'ouverture de crédit signé le 15 mai 2012 stipule une durée d'utilisation de 14 mois expirant le 30 avril 2013 et précise expressément que 'le maintien ou le renouvellement éventuel de la présente ouverture de crédit nécessite la communication par l'emprunteur au prêteur de tous renseignements et documents permettant à celui-ci de suivre valablement la situation financière de l'entreprise'.

La mise en oeuvre de ces dispositions ne résulte d'aucun élément de faits démontrés et il n'est d'ailleurs justifié d'aucune suite d'aucune démarche de la part de la société [B] frères au courrier de la banque en date du 13 juillet 2013, pour que suite soit donnée à sa proposition d'une étude par son comité de crédits d'un 'renouvellement de l'encours en fonction de vos comptes et de votre besoin de portage en stock de véhicules payés'. Il n'est pas davantage démontré que [V] [B] ès qualités de gérant ait donné une quelconque réponse au courrier du même jour adressé par la banque fixant les conditions cumulatives devant être honorées pour permettre le sursis à exécution des 'mesures de remboursements mises en oeuvre' et le versement de 100 % du montant des financements clients.

Il apparaît ensuite que le courrier recommandé du 3 octobre 2013 dans lequel la société CA Consumer Finance évoquait l'échec de la procédure de médiation régionale et entendait de reprendre sa 'pleine et entière liberté d'action en vue du recouvrement complet' de sa créance, n'a pas fait l'objet d'une contestation de la part de la société [B] frères qui ne s'est pas prévalue de la naissance d'une nouvelle convention et du bénéfice d'un nouveau terme.

Les termes de la déclaration de créance se réfèrent ensuite explicitement à la convention du 15 mai 2012 et ni le point de départ des intérêts (au demeurant non admis) à compter du 18 novembre 2013 ni la référence faite à l'emprise d'un gage tel que le connaissait la banque au 8 octobre 2013 ne sont des indices suffisants pour permettre de retenir que cette déclaration se rattacherait à une autre convention.

La prise en compte dans cette déclaration de créance de paiements réalisés par voie de compensation entre août et novembre 2013 ne relève que de l'application de cette même convention prévoyant en termes généraux et sans limitation de temps, l'affectation par le prêteur des sommes susceptibles d'être dues en vertu d'accords de commissionnements au remboursement des sommes dont 'l'emprunteur peut lui-même être débiteur envers le prêteur au titre du contrat'.

De même, l'absence de contestation opposée à la déclaration à titre échu de cette créance en vertu du 'contrat d'ouverture de crédit du 15 mai 2012 à effet du 28 février 2012 et d'une durée de 14 mois' laisse conclure à la reconnaissance par l'emprunteur principal de l'exigibilité de la somme au titre de ce contrat et de l'absence de renouvellement de la convention opérant novation.

En l'absence de faits et d'actes non équivoques intervenus entre les parties susceptibles de caractériser une novation, étant au contraire retenu que les faits ci-dessus rappelés excluent toute volonté de nover, les contrats de cautionnement sont demeurés réguliers et applicables.

2 - Sur la faute de la banque dans la réalisation des gages :

Aux termes de l'article 2314 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite.

La décharge de la caution par l'effet du bénéfice de cession d'action ou de subrogation suppose qu'elle ait perdu, par la faute du créancier, la possibilité d'être subrogée dans le bénéfice d'un droit préférentiel en considération duquel elle s'est engagée.

[V] et [R] [B] ne soutiennent ni ne démontrent a fortiori qu'ils se seraient engagés en considération de l'existence d'une garantie sur stocks et force est de constater qu'avant même leur engagement de caution, ils avaient déjà chacun avalisé depuis le 5 mai 2012, la lettre de change relevé de 150 000 euros à l'ordre de la SA CA Consumer Finance.

La convention du 15 mai 2012 qui réalise un renouvellement du crédit stock n° 0121109380 précédemment consenti par convention à durée déterminée du 5 octobre 2011 rappelle au titre des garanties, l'existence d'un 'gage sur stock enregistré le 01/07/2011 sous le n° 31/2011/2 auprès du TC de Montpellier modifié le 19/10/2011" ainsi que 'les cautions personnelles et solidaires de MM. [R] et [V] [B]'.

Mais il apparaît en premier lieu que le rappel de ce gage ne pouvait se rapporter qu'aux précédentes conventions du 5 octobre 2011 et notamment à celle portant constitution du gage sur stocks donnés en garantie de l'ouverture de crédit n° 0121109830 de 250 000 euros, dont l'article 2 prévoit cette constitution 'pour garantir au prêteur le remboursement de toutes sommes dues au titre de l'ouverture de crédit ci-dessus', (soit la convention du 5 octobre 2011) pour une durée trouvant son terme selon l'article 8 'jusqu'au complet remboursement du principal, des intérêts et de tous accessoires résultant de l'ouverture de crédit relatée à l'article 1er', (soit encore la convention du 5 octobre 2011).

Il apparaît ensuite que les cautionnements de MM. [B] ont été renouvelés par acte sous seing privé du 15 mai 2012 pour les montants et la durée déterminés en considération des conditions de la nouvelle ouverture de crédit mais que tel n'a pas été le cas du gage des stocks qui n'a jamais été constitué dans le cadre de la convention du 15 mai 2012.

La faute de la société CA Consumer Finance n'est pas établie puisque les dispositions invoquées de l'article 8 de la convention n'imposaient pas cette constitution mais prévoyaient seulement le formalisme applicable en cas de gage, conformément à son titre 'cas du gage des stocks constitué au bénéfice du prêteur'.

La circonstance que la société CA Consumer Finance ait tenté de recouvrer sa créance en invoquant l'existence d'un gage est indifférente puisque cette tentative a finalement échoué en raison même de l'absence de convention et d'inscription.

En tout état de cause si la constitution de ce gage était entrée dans les prévisions des parties, ce qui n'est nullement corroboré dans les faits, le défaut de constitution d'un tel gage ne serait pas le fait de la carence exclusive du créancier mais celui conjoint, de l'emprunteur dont il était prévu qu'il était tenu dans ce cas d'affecter à titre de gage les véhicules dont il disposait pour garantir au prêteur le remboursement des fonds prêtés.

Ainsi [V] et [R] [B] ne peuvent-ils pas a fortiori soutenir l'existence d'une faute par omission de la part de la banque consistant dans un défaut d'inscription au registre du tribunal de commerce d'un gage sur stocks comme dans un défaut de réalisation du gage.

3- Sur l'obligation de règlement :

Il est constant que la date d'échéance du cautionnement ne met fin qu'à l'obligation de couverture et est sans effet sur l'obligation de règlement des dettes nées avant l'arrivée du terme, l'exercice de l'action en recouvrement pouvant intervenir postérieurement.

Les appelants ne peuvent donc pas soutenir que la demande en paiement serait irrecevable au regard de la date d'expiration de leur cautionnement au 15 juillet 2013 dès lors que la dette pour laquelle ils sont poursuivis est née antérieurement à cette date.

4- Sur la disproportion manifeste :

L'article L.341-4 du code de la consommation (L.332-1 dans sa nouvelle rédaction) prévoit qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où elle est appelée, ne lui permette de faire face à ses obligations.

La disproportion manifeste du cautionnement doit être évaluée lors de la conclusion du contrat, au regard du montant de l'engagement et en fonction des revenus et du patrimoine de la caution, en prenant également en considération l'endettement global de celle-ci.

Il incombe à la caution de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle allègue.

Au principe selon lequel, en cas de déclaration de la situation patrimoniale, seuls les éléments déclarés peuvent être invoqués par la caution sont apportées différentes exceptions notamment lorsque les déclarations de celles-ci sont trop anciennes.

* Les déclarations de [V] [B] invoquées par la banque datent de juillet 2007 et du 3 mai 2009. Or, l'engagement de caution en litige a été consenti le 15 mai 2012, de sorte que la société CA Consumer Finance ne peut valablement pas opposer lesdites déclarations si elles ne sont pas corroborées par d'autres pièces. Elle ne justifie pas s'être enquis auprès de lui de l'évolution de sa situation financière personnelle et ne peut en conséquence lui opposer un défaut de loyauté et de coopération.

L'absence de fiche de situation patrimoniale actualisée ne crée aucune présomption de disproportion manifeste et M. [B] est donc admis à démontrer que l'engagement de caution litigieux était manifestement disproportionné à ses revenus et son patrimoine dont il lui incombe de démontrer la consistance et la valeur exacte, au regard également de son endettement global antérieur.

S'agissant de cet endettement, les pièces produites établissent qu'il était effectivement déjà engagé en mai 2012 au titre de différents engagements de caution, étant constant que le montant de l'endettement éventuel à prendre en compte au titre des précédents engagements, est celui de la dette cautionnée au moment de la souscription du nouveau cautionnement, pour lequel la caution encourt le risque d'être poursuivie. Ainsi le montant de l'endettement préexistant peut il être évalué après examen desdites pièces à la somme de 366 164, 42 euros et avec le nouvel engagement de caution souscrit auprès de la société CA Consumer Finance, il s'élevait à 516 164 euros.

L'intéressé justifie qu'il a perçu en 2012 des revenus professionnels de 24 838 euros et des revenus fonciers de 12 035 euros. Il indique être propriétaire d'un appartement constituant sa résidence principale acquis en 2005 évalué par ses soins en 2011 à 400 000 euros mais grevé d'une hypothèque de 300 000 euros prise le 16 mars 2012 par la banque Dupuy de Parseval au titre d'un emprunt souscrit auprès de cette banque mais en garantie duquel il s'est également porté caution à hauteur de 312 000 euros déjà pris en compte au titre de son endettement.

Il s'abstient ensuite de démontrer la consistance et la valeur exacte de son patrimoine immobilier voire mobilier, faute de s'expliquer sur l'origine des revenus fonciers perçus pour un montant non négligeable laissant présumer qu'il possède toujours des parts sociales dans une SCI dont il avait déclaré l'existence en 2007 et confirmé le caractère identique en 2009.

Ainsi faute de démontrer la consistance exacte de son patrimoine en mai 2012, la disproportion manifeste de ce nouvel engagement ne sera pas retenue.

Dès lors que cette preuve n'est pas rapportée, la banque peut s'en prévaloir sans être tenue de rapporter la preuve que le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à son obligation au moment où elle a été appelée.

* la société CA Consumer Finance ne peut davantage se prévaloir de déclarations patrimoniales trop anciennes datant la dernière du 25 janvier 2011 dans laquelle [R] [B] déclarait sa situation inchangée par rapport à ses précédentes déclarations.

L'intéressé justifie qu'il a également perçu en 2012 des revenus professionnels identiques de 24 838 euros et des revenus fonciers de 12 035 euros. Il démontre que le 26 juin 2011, il s'était engagé comme caution auprès de la banque HSBC dans la limite de 280 000 euros et qu'il a souscrit en 2004 deux prêts immobiliers de 15 265 euros et de 23 000 euros. Cependant, il s'abstient de préciser quel en était le capital restant dû au 15 mai 2012.

Ainsi que déjà retenu pour [V] [B], l'intéressé s'abstient de justifier de la consistance de son patrimoine mobilier et immobilier générateur des revenus locatifs déclarés au service des impôts laissant présumer qu'en 2012, il détenait toujours les parts sociales dans la SCI Mas d'artis ou la propriété de l'immeuble sis en Aveyron.

Il ne peut être retenu en l'état des pièces éparses produites que l'engagement de caution litigieux serait manifestement disproportionné au patrimoine et aux revenus de l'intéressé.

5- Sur le manquement au devoir d'information annuelle :

Les dispositions de l'article L.313-22 du code monétaire et financier ayant été abrogées à compter du 1er janvier 2022 par l'article 37 de l''ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, il convient de faire application des dispositions de l'article 2302 du code civil dont les dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2022, y compris aux cautionnements et aux sûretés réelles pour autrui constitués antérieurement.

La charge de la preuve de l'exécution de l'obligation d'information annuelle de la caution incombe à la banque et elle peut être apportée par tout moyen, ce que s'abstient de faire la société CA Consumer Finance qui demande un donner acte de ce qu'elle ne sollicite pas l'infirmation du jugement sur ce point, les appelants se limitant à solliciter la confirmation du jugement sur ce point.

Mais la déchéance du droit aux intérêts conventionnels ne prive pas l'établissement de crédit de solliciter les intérêts au taux légal par application des dispositions de l'article 1231-6 du code civil.

6- Sur la demande en paiement de la société CA Consumer Finance :

Au vu de ce qui précède, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a condamné solidairement MM. [V] et [R] [B] à payer à la SA CA Consumer Finance la somme de 118 451,60 euros sauf à ajouter que cette somme est productive d'intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2018.

7- Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts :

Le degré du devoir de mise en garde varie selon que la caution est une personne avertie ou non.

La qualité de caution avertie ne se déduit pas des fonctions de gérant mais la société CA Consumer Finance justifie que [V] et [R] [B] sont respectivement gérant/associé et associé à parts égales de la société [B] frères depuis la création de cette dernière en 1992, de sorte qu'en 2012, ils avaient acquis l'un, une expérience gestionnaire de la société et le second une connaissance du potentiel comme des faiblesses éventuelles de celle-ci au travers des comptes rendus de gestion réalisés dans le cadre de la tenue des assemblées générales. En mai 2012, ils avaient déjà consenti des cautionnements en garantie d'avances de trésorerie consenties notamment par l'intimée, ce qui démontre l'implication non seulement du dirigeant mais également de l'associé dans la marche de l'entreprise et ils ne pouvaient donc méconnaître la portée de ce nouvel engagement au regard d'une opération qui n'avait rien de complexe.

Il convient de conclure qu'ils étaient tous deux cautions averties et ils ne démontrent pas que la société CA Consumer Finance avait sur leurs revenus, leur patrimoine et leurs facultés de remboursement raisonnablement prévisibles, en l'état du succès escompté de l'opération cautionnée, des informations que l'emprunteur ou la caution ignorait.

Ils seront donc déboutés de leurs demandes en dommages-intérêts.

8- Sur la demande de délais de paiement :

L'article 1343-5 du code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Il convient de constater que la dette est ancienne et que [V] et [R] [B] ont de fait bénéficié de délais de paiement. Ils ne justifient pas de leur capacité à honorer leur dette dans le délai de deux ans au regard de leur situation financière actuelle et prévisionnelle.

Ils seront donc déboutés de leur demande de délais de paiement.

9- Sur les frais et les dépens :

MM. [B] qui succombent, devront supporter les dépens de l'instance et payer à la société CA Consumer Finance une somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 2 décembre 2019,

Y ajoutant,

Dit que la somme mise à la charge de [V] et [R] [B] par jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 2 décembre 2019 est productive d'intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2018,

Déboute [V] et [R] [B] de l'intégralité de leurs demandes,

Dit que MM. [B] supporteront les dépens de l'instance et paieront à la SA CA Consumer Finance une somme de 2000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.,

Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

le greffier, le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20/00344
Date de la décision : 31/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-31;20.00344 ?
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