Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 24 MAI 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 19/02793 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OD3U
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 12 MARS 2019
TRIBUNAL D'INSTANCE DE MILLAU
N° RG 18000118
APPELANT :
Monsieur [Z] [H]
né le [Date naissance 1] 1941 à
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Emmanuelle MASSOL de la SELARL AMMA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER substituée par Me MOUFADIL
INTIMEE :
SA Diac
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Emmanuelle CARRETERO de la SCP SOLLIER / CARRETERO, avocat au barreau de MONTPELLIER
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 FEVRIER 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marianne FEBVRE, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
M. Frédéric DENJEAN, Conseiller
Madame Marianne FEBVRE, Conseillère
Greffier, lors des débats : M. Salvatore SAMBITO
lors de la mise à disposition : Mme Henriane MILOT
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour prévu le 30 mars 2022, délibéré prorogé au 13 avril 2022, 27 avril 2022, 18 mai 2022, 24 mai 2022 les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
*
**
FAITS, PROCEDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Au terme d'une offre préalable en date du 23 décembre 2015, la société Diac a consenti à Monsieur [Z] [H] un prêt personnel de 26.000 € remboursable en 48 mensualités de 426,56€ à compter du 1er février 2016 jusqu'au 30 décembre 2019 suivies d'une mensualité de 10.863 € le 30 janvier 2020, cela afin de financer l'acquisition d'un véhicule automobile dont il a pris possession le 31 décembre 2015.
Faisant état d'échéances impayées, le prêteur a adressé à l'emprunteur une mise en demeure d'avoir à payer la somme de 926,32 €par courrier recommandé à [Z] [H] en date du 15 mai 2018 lui rappelant qu'à défaut de règlement sous huit jours il encourait la déchéance du terme.
En l'absence de règlement, la déchéance du terme a effectivement été prononcée le 26 mai 2018, la société Diac présentant parallèlement (le 19 juin 2018) une requête aux fins d'appréhension du véhicule.
Par ordonnance en date du 25 juin 2018, signifiée le 17 juillet 2018 et frappée d'opposition le 30 juillet suivant, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Rodez a ordonné à Monsieur [H] de restituer le véhicule litigieux.
C'est dans ce contexte que, par acte du 12 septembre 2018, la société Diac a fait assigner Monsieur [H] devant le tribunal d'instance Millau en paiement de la somme de 19.504, 01 € majorée des intérêts au taux contractuel depuis l'arrêté de compte du 4 septembre 2018 et restitution du véhicule sous astreinte.
Vu le jugement en date du 12 mars 2019 par lequel ce tribunal a :
- réduit l'indemnité due au titre de la clause pénale à 1 € symbolique,
- condamné Monsieur [H] à payer à la société Diac la somme de 17.905,58 € majorée des intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision,
- débouté l'emprunteur de sa demande de délais de paiement,
- dit n'y avoir lieu à restitution du véhicule,
- débouté la société Diac de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir application des dispositions de l'article 1342-1 du code civil,
- condamné Monsieur [H] aux entiers dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
Vu la déclaration d'appel de Monsieur [Z] [H] en date du 23 avril 2019,
Vu ses uniques conclusions en date du 23 juillet 2019, aux fins de voir infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné à payer à la société Diac la somme de 17.905,58 € majorée des intérêts aux taux légal à compter de la signification de la décision et débouté de sa demande de délais de paiement, et en substance :
- constater que le contrat de prêt litigieux ne respecte pas les conditions de validité du code de la consommation et ordonner la déchéance du droit aux intérêts,
- à titre subsidiaire, constater que faute d'avoir respecté son obligation de mise en garde au moment de la conclusion du crédit à la consommation, la société Diac a engagé sa responsabilité, la condamner au paiement de la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts de ce chef et prononcer la compensation entre les créances réciproques,
- à titre infiniment subsidiaire, reporter à deux années le paiement des sommes restant dues et mises à sa charge, sauf à échelonner ce paiement sur une durée de 24 mois,
- dire, pour le surplus, que le restant des sommes dues portera intérêt au taux légal et que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital,
- en tout état de cause, condamner la société Diac à lui payer la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
Vu les dernières conclusions responsives en date du 2 août 2019, par lesquelles la société Diac demande à la cour de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle est entrée en voie de condamnation et, faisant droit à son appel incident, elle sollicite pour l'essentiel de :
- déclarer son action recevable au regard des dispositions de l'article L.311-52 du code de la consommation,
- constater qu'elle a respecté les dispositions de l'article L.311-48 du code de la consommation et que l'offre préalable est conforme aux dispositions de l'article R.311-6,
- condamner l'emprunteur à lui payer la somme principale de 19.504,01 € avec intérêts au taux contractuel à compter du 4 septembre 2018, date du décompte produit aux débats, jusqu'au parfait paiement,
- ordonner la restitution du véhicule sous astreinte de 155 € par jour de retard,
- condamner Monsieur [H] à lui payer une indemnité de 1.500€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à lui rembourser toutes sommes qui pourraient être mises à sa charge en application des dispositions du décret n°2001-202 du 8 mars 2001,
- dire n'y avoir lieu application de l'article 1343-2 du code civil,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir et condamner Monsieur [H] aux entiers dépens,
Vu l'ordonnance de clôture en date du 15 novembre 2021,
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère au jugement ainsi qu'aux conclusions écrites susvisées.
MOTIFS
Sur la déchéance du droit aux intérêts
Aux termes de l'article L. 311-12 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en l'espèce, telle qu'issue de celle de la loi du 1er juillet 2010 :
« L'emprunteur peut se rétracter sans motifs dans un délai de quatorze jours calendaires révolus à compter du jour de l'acceptation de l'offre de contrat de crédit comprenant les informations prévues à l'article L. 311-18. Afin de permettre l'exercice de ce droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit. L'exercice par l'emprunteur de son droit de rétractation ne peut donner lieu à enregistrement sur un fichier.
En cas d'exercice de son droit de rétractation, l'emprunteur n'est plus tenu par le
contrat de service accessoire au contrat de crédit. »
La sanction du défaut de respect de cette obligation par le prêteur est la déchéance du droit aux intérêts, en vertu de l'article L. 311-48 dudit code, dans sa rédaction applicable en l'espèce :
« Le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l'emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par les articles L. 311-6 ou L. 311-43, sans remettre et faire signer ou valider par voie électronique la fiche mentionnée à l'article L. 311-10, ou sans remettre à l'emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-11, L. 311-12, L. 311-16, L. 311-18, L. 311-19, L. 311-29, le dernier alinéa de l'article L. 311-17 et les articles L. 311-43 et L. 311-46, est déchu du droit aux intérêts. »
Après avoir jugé que la reconnaissance écrite, par l'emprunteur, dans le corps de l'offre préalable, de la remise d'un bordereau de rétractation détachable joint à cette offre laissait présumer la remise effective de celui-ci, la Cour de cassation décide désormais qu' « il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et que (...), la signature par l'emprunteur de l'offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu'il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaire »
En l'espèce, Monsieur [H] a signé électroniquement le 23 décembre 2015 l'offre de prêt qui indiquait expressément : « L'exemplaire original signé du contrat me revenant me sera adressé avec son bordereau de rétractation soit à l'adresse e-mail que j'ai indiqué, soit sur mon espace client www.diac.fr. J'ai été informé que je peux également demander au vendeur une copie papier du contrat signé avec un bordereau de rétractation ».
L'appelante ne conteste pas s'être vue remettre une offre de prêt comportant un bordereau de rétractation ; il affirme que ledit bordereau n'était « raisonnablement pas détachable, les conditions générales de vente apparaissant au recto ».
Hors la cour constate, au vu des pièces produites par la société Diac, que l'offre comporte bien un bordereau de rétractation susceptible d'être détaché du reste du contrat puisqu'il se trouve au pied de la page 13/21 et comporte le sigle d'un petit ciseau au niveau des pointillés permettant de découper le document, tandis que la partie basse de la page 14/21 est totalement grisée, de sorte que le découpage de la page précédente (recto) aurait laissées intactes les conditions générales du contrat figurant au verso.
Dès lors, la reconnaissance par Monsieur [H] de la remise d'un bordereau de rétractation est corroborée par les éléments complémentaires établissant qu'il pouvait faire usage de son droit de rétractation par le biais d'un formulaire détachable est conforme aux prescriptions légales ainsi qu'à la directive européenne applicable en la matière.
Pour ces motifs, substitué à ceux du premier juge, la décision entreprise qui a débouté l'emprunteur de prétentions relatif à la déchéance du droit aux intérêts mérite donc confirmation.
Sur le manquement à l'obligation de conseil et de mise en garde
Monsieur [H] fait également valoir que la société Diac a manqué à ses obligations à son égard alors qu'il ne disposait pas des ressources suffisantes pour rembourser le crédit proposé, lequel allait engendrer une augmentation de son taux d'endettement de 33% à 80 %.
Or, comme justement constaté en première instance, il ressort des pièces produites par l'intimée que, lors de la signature du prêt, l'emprunteur avait indiqué percevoir des revenus nets de 1.250 € (ce qui correspondaient approximativement à son avis d'imposition 2015, pour les revenus de l'année 2014), outre une rente mensuelle d'accident du travail d'un montant de 570,74 €, soit un revenu mensuel global de 1820,74 €.
Ainsi, et même après déduction des charges mensuelles de 300 € dont il avait fait état, son taux d'endettement ne dépassait pas le tiers de ses ressources objectives avec des échéances mensuelles de 426,56 €.
Les mensualités de remboursement étaient donc adaptées ses capacités financières et il ressort des pièces produites par la société Diac que cette dernière s'en était effectivement assurée avant de lui faire l'offre de prêt litigieuse.
Le jugement qui a rejeté sa demande indemnitaire sera en conséquence également confirmée de ce chef.
Sur la demande de délais de paiement
Après avoir rappelé les termes de l'article 1343-5, alinéa 1er du code civil, le tribunal a rejeté la demande de Monsieur [H] au motif qu'il ne justifiait en rien des difficultés alléguées ni de la précarité de sa situation.
En cause d'appel, il réitère sa demande en invoquant le fait qu'il est retraité et perçoit une faible pension mensuelle de 1015,74€ tandis qu'il doit payer un loyer de 634,92 €, ce qui le place dans une situation financière extrêmement difficile.
La cour estime cependant inopportun à sa demande de délais, alors qu'il en bénéficie de fait depuis 2018 tandis qu'il ne fait aucune proposition concernant les modalités suivant lesquelles il pourrait s'acquitter de sa dette.
Par ailleurs, les éléments fournis sur sa situation personnelle ne sont pas fiables. En effet, ces ressources mensuelles déclarées sont de l'ordre de 1.230,75 € au vu de son avis d'imposition. De même, il avait indiqué être divorcé et vivre au [Adresse 5] lors de la souscription du prêt alors qu'il produit désormais un avis d'échéance de loyer adressé à Mme [M] [F] demeurant [Adresse 4] et il ressort du calendrier des prélèvements de son contrat habitation qu'il vit en couple.
Par suite, la cour confirmera également le jugement qui l'a déboutée de sa demande de délais de paiement.
Sur l'appel incident
Dans le corps de ses conclusions, la société Diac demande à la cour d'infirmer le jugement qui a réduit à un euro l'indemnité légale et de condamner l'emprunteur à lui payer une indemnité légale qui représente la somme de 1414,47 €.
La cour constate n'est cependant pas saisie de cette demande qui ne figure pas dans le dispositif des dernières écritures communiquées par l'intimée.
S'agissant de la demande de restitution du véhicule, la société Diac demande bien à la cour d'ordonner à Monsieur [H] « d'avoir à restituer le véhicule sous astreinte de 155,00 € par jour de retard, l'opposition formalisée saveur en manifestement dilatoire ».
Or, la partie intimée ne conclut pas formellement à l'infirmation du jugement sur ce point. Par ailleurs, le prêteur bénéficie d'une ordonnance aux fins d'appréhension de ce véhicule rendu par le juge de l'exécution de Rodez sur sa requête le 25 juin 2018 et, si une opposition a été formée à l'encontre de cette décision, il lui appartient d'adresser sa demande au juge de l'exécution saisi à son initiative.
Enfin, et comme constaté en première instance, la société Diac ne justifie pas du consentement du vendeur du véhicule à la clause de réserve de propriété insérée dans contrat de crédit auquel il n'est pas partie.
Partie majoritairement perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, Monsieur [H] supportera les dépens d'appel. En revanche, l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile à son encontre.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à la disposition des parties au greffe,
- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
- Dit n'y avoir lieu application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne Monsieur [H] aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT