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18/05/2022 | FRANCE | N°19/07665

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre sociale, 18 mai 2022, 19/07665


Grosse + copie

délivrée le

à



COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre sociale



ARRET DU 18 MAI 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07665 - N° Portalis DBVK-V-B7D-ONFS



ARRET n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 OCTOBRE 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER POLE SOCIAL

N° RG19/2898







APPELANTE :



Madame [Y] [D] épouse [S]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenta

nt : Me Thomas GONZALES, avocat au barreau de MONTPELLIER (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/016991 du 06/11/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)





INTIMEE :

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Grosse + copie

délivrée le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre sociale

ARRET DU 18 MAI 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07665 - N° Portalis DBVK-V-B7D-ONFS

ARRET n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 OCTOBRE 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER POLE SOCIAL

N° RG19/2898

APPELANTE :

Madame [Y] [D] épouse [S]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Thomas GONZALES, avocat au barreau de MONTPELLIER (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/016991 du 06/11/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMEE :

MAISON DEPARTEMENTALE DES PERSONNES HANDICAPEES DES PYRENEES-ORIENTALES (MDPH)

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Dispensée de comparaître en application des articles 446-1 et 946 du code de procédure civile

En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 AVRIL 2022,en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, exerçant les fonctions de Président, spécialement désigné à cet effet , chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, exerçant les fonctions de Président, spécialement désigné à cet effet

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

M. Pascal MATHIS, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRET :

- Contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour ;

- signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, exerçant les fonctions de Président, spécialement désigné à cet effet et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.

*

**

EXPOSE DU LITIGE, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES:

Le 18 mai 2016, Madame [Y] [S] a déposé une demande d'allocation aux adultes handicapés (AAH) et de complément de ressources (CPR) auprès de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) des Pyrénées-Orientales.

Le 19 janvier 2017, la Commission des Droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH) des Pyrénées-Orientales a rejeté les demandes de Madame [Y] [S] au motif que cette dernière présentait un taux d'incapacité compris entre 50% et 79%, mais ne justifiait pas d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi.

Le 21 février 2017, Madame [Y] [S] a formé un recours gracieux.

Le 7 septembre 2017, la CDAPH des Pyrénées-Orientales a maintenu son refus d'attribution de l'AAH et du CPR, pour les mêmes motifs.

Le 9 octobre 2017, Madame [Y] [S] a saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité de Montpellier en contestation de la décision de rejet susvisée.

Suivant jugement réputé contradictoire du 1er octobre 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Montpellier, lequel s'est vu attribuer les recours pendants devant le tribunal du contentieux de l'incapacité de Montpellier, a reçu le recours formé par Madame [Y] [S] mais l'a déclaré non fondé, a rejeté les exceptions d'irrecevabilité et a confirmé les décisions de la CDAPH des Pyrénées-orientales.

Le 27 novembre 2019, Madame [Y] [S] a interjeté appel de cette décision.

La cause, enregistrée sous le numéro RG 19/07665, a été appelée à l'audience des plaidoiries du 20 janvier 2022, puis renvoyée à celle du 14 avril 2022.

Madame [Y] [S] a sollicité l'infirmation du jugement.

-A titre principal, elle a demandé à la cour de lui reconnaître un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80% et de lui accorder en conséquence l'attribution de l'AAH et du complément de ressources.

-A titre subsidiaire, elle a demandé à la cour de reconnaître l'existence d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi et l'attribution subséquente de l'AAH compte tenu de son taux d'incapacité compris entre 50% et 79%.

-A titre infiniment subsidiaire, Madame [Y] [S] a sollicité la mise en oeuvre d'une expertise médicale aux fins d'évaluation de son taux d'incapacité et de sa restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi.

-En tout état de cause, elle a sollicité la condamnation de la MDPH des Pyrénées-Orientales au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

La MDPH des Pyrénées-Orientales, dispensée de comparaître, a fait parvenir au greffe de la cour, dans le respect du principe de la contradiction, des pièces et écritures aux termes desquelles elle a sollicité la confirmation du jugement.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I.- Sur la demande d'attribution de l'allocation aux adultes handicapés (AAH)

En vertu des dispositions combinées des articles L 821-1, L 821-2, et D 821-1 du code de la sécurité sociale dans leurs versions applicables au litige, l'allocation aux adultes handicapés est servie, notamment sous réserve de conditions de ressources et de résidence, à toute personne:

- dont le taux d'incapacité permanente est au moins égal à 80%;

- dont le taux d'incapacité permanente est compris entre 50 et 79%, avec reconnaissance, compte tenu du handicap, d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi.

Le pourcentage d'incapacité est apprécié à la date de la demande, d'après le guide barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées figurant à l'annexe 2-4 du code de l'action sociale et des familles.

Ainsi, un taux inférieur à 50% correspond à des troubles légers dont les retentissements n'entravent pas la réalisation des actes de la vie quotidienne.

Un taux compris entre 50% et 79% correspond à des troubles importants entraînant une gêne notable dans la vie sociale de la personne, l'entrave pouvant soit être concrètement repérée dans la vie de la personne, soit compensée afin que cette vie sociale soit préservée, mais au prix d'efforts importants ou de la mobilisation d'une compensation spécifique, étant toutefois précisé que l'autonomie est conservée pour les actes élémentaires de la vie quotidienne.

Un taux d'au moins 80% correspond à des troubles graves entraînant une entrave majeure dans la vie quotidienne de la personne avec une atteinte de son autonomie individuelle, laquelle est définie comme l'ensemble des actions que doit mettre en oeuvre une personne vis-à-vis d'elle-même dans la vie quotidienne. Dès lors que la personne doit être aidée totalement ou partiellement, ou surveillée dans l'accomplissement des actes de la vie quotidienne, ou ne les assure qu'avec les plus grandes difficultés, ce taux de 80% est atteint. Il l'est également en cas de déficience sévère avec abolition d'une fonction.

En l'espèce, au jour de la demande d'AAH du 18 mai 2016, Madame [Y] [S] a joint un certificat médical établi le 12 mai 2016 par le Docteur [X] [L], faisant état d'un 'handicap lombaire majeur', à savoir plus particulièrement une hyperlordose lombaire, une cyphose dorsale, une discarthrose en C5S1, ainsi qu'une gêne fonctionnelle de l'épaule droite. Madame [Y] [S] présente également une ostéophytose, des céphalées, ainsi que des troubles thyroïdiens avec la présence de nodules (pathologie suivie et surveillée).

Le premier juge a entériné l'avis du médecin expert consultant, le Docteur [I], et a confirmé le taux d'incapacité de Madame [Y] [S] fixé par la MDPH des Pyrénées-Orientales entre 50% et 79%.

Madame [Y] [S] conteste cette évaluation, et sollicite la fixation d'un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80%, en se prévalant des multiples pathologies dont elle souffre.

Toutefois, à l'examen du certificat médical annexé à la demande d'AAH et des pièces médicales utiles et contemporaines à cette demande, s'il apparaît que les pathologies et déficiences dont souffre Madame [Y] [S], prises dans leur ensemble, réduisent son périmètre de marche à 200 mètres, engendrent des difficultés modérées dans ses déplacements (réalisés sans aide technique) ainsi que des difficultés dans la réalisation des tâches ménagères, et nécessitent une aide humaine partielle pour la toilette et l'habillage, elles ne rendent pas pour autant très difficiles voire impossibles les déplacements ni n'empêchent la réalisation d'un ou plusieurs actes essentiels de la vie quotidienne, en sorte qu'elles ne lui permettent pas de relever d'un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80% au sens du guide barème annexé au code de l'action sociale et des familles, la cour rappelant en effet que les taux mentionnés dans les différents chapitres de ce guide, dont relève Madame [Y] [S], ne s'ajoutent pas de façon arithmétique pour la détermination de son taux d'incapacité.

Dès lors, sans qu'il ne soit besoin d'ordonner une nouvelle mesure d'instruction, laquelle ne peut suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve, le premier juge a à bon droit retenu que le taux d'incapacité de Madame [Y] [S] était compris, à la date de la demande d'AAH du 18 mai 2016, entre 50% et 79%.

Il s'ensuit que pour pouvoir prétendre au bénéfice de l'AAH, Madame [Y] [S] doit justifier d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi.

A ce titre, selon l'article D 821-1-2 du code de la sécurité sociale, la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi est appréciée ainsi qu'il suit:

'1° La restriction est substantielle lorsque le demandeur rencontre, du fait de son handicap même, des difficultés importantes d'accès à l'emploi. A cet effet, sont à prendre en considération:

a) les déficiences à l'origine du handicap;

b) les limitations d'activités résultant directement de ces mêmes déficiences;

c) les contraintes liées aux traitements et prises en charge thérapeutiques induits par le handicap;

d) les troubles qui peuvent aggraver ces déficiences et ces limitations d'activité.

Pour apprécier si les difficultés importantes d'accès à l'emploi sont liées au handicap, elles sont comparées à la situation d'une personne sans handicap qui présente par ailleurs les mêmes caractéristiques en matière d'accès à l'emploi.

2° La restriction pour l'accès à l'emploi est dépourvue d'un caractère substantiel lorsqu'elle peut être surmontée par le demandeur au regard:

a) soit des réponses apportées aux besoins de compensation mentionnés à l'article L.114-1-1 du code de l'action sociale et des familles qui permettent de faciliter l'accès à l'emploi sans constituer des charges disproportionnées pour la personne handicapée;

b) soit des réponses susceptibles d'être apportées aux besoins d'aménagement du poste de travail de la personne handicapée par tout employeur au titre des obligations d'emploi des handicapés sans constituer pour lui des charges disproportionnées;

c) soit des potentialités d'adaptation dans le cadre d'une situation de travail.

3° La restriction est durable dès lors qu'elle est d'une durée prévisible d'au moins un an à compter du dépôt de la demande d'allocation aux adultes handicapés, même si la situation médicale du demandeur n'est pas stabilisée. La restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi est reconnue pour une durée de un à cinq ans.

4° Pour l'application du présent article, l'emploi auquel la personne handicapée pourrait accéder s'entend d'une activité professionnelle lui conférant les avantages reconnus aux travailleurs par la législation du travail et de la sécurité sociale.

5° Sont compatibles avec la reconnaissance d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi:

a) l'activité à caractère professionnel exercée en milieu protégé par un demandeur admis au bénéfice de la rémunération garantie mentionnée à l'article L.243-4 du code de l'action sociale et des familles;

b) l'activité professionnelle en milieu ordinaire de travail pour une durée de travail inférieure à un mi-temps, dès lors que cette limitation du temps de travail résulte exclusivement des effets du handicap du demandeur;

c) le suivi d'une formation professionnelle spécifique ou de droit commun, y compris rémunérée, résultant ou non d'une décision d'orientation prise par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article L.241-5 du code de l'action sociale et des familles.'

En l'espèce, Madame [Y] [S] prétend que ses pathologies et déficiences engendrent de grandes difficultés d'insertion professionnelle. Elle se prévaut à ce titre de la délivrance d'une carte de mobilité inclusion mention priorité qui démontre selon elle le 'caractère lourd de sa pathologie', d'un bilan médical par une infirmière du Service Départemental de Prévention pour l'Insertion (SDPI) du Conseil Général des Pyrénées-Orientales, ainsi que d'un rapport de conciliation retranscrivant ses propres déclarations, le tout révélant selon l'intéressée l'impossibilité de toute reprise d'un emploi.

Cependant, si ces éléments mettent en exergue l'existence de restrictions telles que la pénibilité dans la station debout et assise prolongée ainsi que dans la station à genoux, outre la limitation au port de charges et aux gestes répétitifs, ils ne suffisent pas à caractériser l'incapacité absolue à l'exercice d'une activité professionnelle dont se prévaut Madame [Y] [S], laquelle, au demeurant, s'est vue reconnaître la qualité de travailleur handicapé en milieu ordinaire qui lui permet au contraire de prétendre à des formations adaptées et à des postes aménagés tenant compte de son état de santé. Madame [Y] [S] ne justifie toutefois d'aucune démarche effective en ce sens, qui aurait été empêchée du fait de son handicap.

Elle ne démontre pas davantage en quoi les déficiences à l'origine de son handicap et les contraintes qui en résultent seraient incompatibles avec un poste correspondant à sa formation initiale de secrétaire évoquée dans les débats, aménagé ou adapté dans une durée supérieure ou égale à un mi-temps en milieu ordinaire ou protégé sans que cela ne constitue pour elle ou pour l'employeur des charges disproportionnées.

Ainsi, sans qu'il ne soit besoin, là encore, d'ordonner une mesure d'instruction, il y a lieu de considérer que Madame [Y] [S], âgée de 51 ans et demi au jour de sa demande d'AAH du 18 mai 2016, ne justifie pas, à ce moment-là, du caractère insurmontable de l'accès à l'emploi dû à son handicap, nécessaire à la reconnaissance d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi.

C'est donc à bon droit que le premier juger a considéré que l'intéressée ne remplissait pas les conditions requises pour l'attribution de l'AAH. Le jugement querellé sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.

II.- Sur la demande d'attribution du complément de ressources (CPR)

Il résulte de l'article L 821-1-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version antérieure à la loi n°2018-1317 du 28 décembre 2018 l'ayant abrogé, que la garantie de ressources instituée pour les personnes handicapées est composée de l'AAH et du complément de ressources, ce dernier étant versé aux bénéficiaire de l'AAH au titre de l'article L 821-1 du même code, soit aux personnes qui présentent un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80% en application de l'article D 821-1, et dont la capacité de travail est inférieure à 5% en application de l'article D 821-4 du code de la sécurité sociale.

Les conditions d'attribution s'apprécient au jour de la demande.

En l'espèce, le taux d'incapacité de Madame [Y] [S] est évalué entre 50% et 79% à la date de la demande du 18 mai 2016.

Madame [Y] [S] ne remplit donc pas les conditions requises pour pouvoir prétendre au bénéfice du complément de ressources.

Le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er octobre 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Montpellier ;

Y ajoutant ;

Déboute Madame [Y] [S] de sa demande d'expertise ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Madame [Y] [S] aux dépens en application combinée des articles 695 et 696 du code de procédure civile, et de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

Ainsi jugé et prononcé à Montpellier par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la juridiction le 18 mai 2022.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/07665
Date de la décision : 18/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-18;19.07665 ?
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