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18/05/2022 | FRANCE | N°19/00155

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre sociale, 18 mai 2022, 19/00155


Grosse + copie

délivrées le

à



































3e chambre sociale



ARRÊT DU 18 Mai 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/00155 - N° Portalis DBVK-V-B7D-N64I



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 DECEMBRE 2018 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE D'AVEYRON

N° RG21600384





APPELANTE :



SAS [6

]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me BABROL substituant Me Stéphane GUILLEMIN de la SELARL GUILLEMIN, avocat au barreau de NIMES





INTIMEE :



CPAM DE L'AVEYRON

[Adresse 2]

[Localité 1]

dispensée d'audience









COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a ...

Grosse + copie

délivrées le

à

3e chambre sociale

ARRÊT DU 18 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/00155 - N° Portalis DBVK-V-B7D-N64I

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 DECEMBRE 2018 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE D'AVEYRON

N° RG21600384

APPELANTE :

SAS [6]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me BABROL substituant Me Stéphane GUILLEMIN de la SELARL GUILLEMIN, avocat au barreau de NIMES

INTIMEE :

CPAM DE L'AVEYRON

[Adresse 2]

[Localité 1]

dispensée d'audience

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 AVRIL 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, exerçant les fonctions de Président, spécialement désigné à cet effet

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

M. Pascal MATHIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRÊT :

- Contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, exerçant les fonctions de Président, spécialement désigné à cet effet et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.

*

**

EXPOSE DU LITIGE, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES:

Monsieur [E] [F], salarié au sein de la société (sas) [6] depuis le 21 novembre 2013 et mis à la disposition de la société [5] en qualité de cariste, a déclaré avoir été victime d'un accident sur son lieu de travail le 11 mars 2015, celui-ci s'étant cogné le genou droit au contact d'une palette qui chutait, ce qui lui a occasionné un 'traumatisme du genou droit avec entorse ligamentaire sur un genou laxe chronique' selon le certificat médical initial établi le lendemain du fait accidentel par le CHU de [Localité 1], avec un arrêt de travail prescrit jusqu'au 16 mars 2015 inclus.

Le 6 mai 2015, à l'issue de son enquête administrative, la caisse d'assurance maladie de l'Aveyron (la caisse) a pris en charge cet accident au titre de la législation relative aux risques professionnels. Cette décision a été notifiée à la société [6] par courrier recommandé avec accusé de réception du 11 mai 2015.

Monsieur [E] [F] a ensuite bénéficié d'arrêts de travail prolongés jusqu'au 3 avril 2015, de soins (séances de kinésithérapie), puis d'arrêts de travail du 11 mars 2016 au 18 septembre 2016, lesquels ont été pris en charge par la caisse au titre de l'accident du travail du 11 mars 2015.

Le 17 août 2016, la société [6] a saisi la commission de recours amiable de la caisse d'assurance maladie de l'Aveyron en contestation, d'une part, de la décision de prise en charge de l'accident du travail du 11 mars 2015, et d'autre part, de la longueur des arrêts de travail pris en charge par la caisse au titre de cet accident.

Le 20 octobre 2016, la société [6] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Aveyron en contestation d'une décision de rejet implicite.

Le 9 décembre 2016, la commission de recours amiable a déclaré la contestation de la société [6] irrecevable par forclusion.

Suivant jugement contradictoire du 17 décembre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Aveyron a constaté la forclusion de l'action de la société [6] en contestation de la décision de prise en charge de l'accident du 11 mars 2015 au titre de la législation professionnelle, et a débouté la société [6] de sa demande en inopposabilité des arrêts et soins non liés à l'accident du travail du 11 mars 2015 ainsi que de sa demande d'expertise.

Par pli recommandé du 8 janvier 2019 reçu au greffe de la cour le 9 janvier 2019, la société [6] a interjeté appel de cette décision.

La cause, enregistrée sous le numéro RG 19/00155, a été appelée à l'audience des plaidoiries du 7 avril 2022.

La société [6] a sollicité l'infirmation du jugement, en demandant à la cour de déclarer recevable sa contestation relative à l'imputabilité et l'opposabilité des arrêts de travail de Monsieur [E] [F] consécutifs à l'accident du travail dont il a été victime le 11 mars 2015. La société [6] a ensuite demandé à la cour, à titre principal, de lui déclarer inopposables l'ensemble des soins et arrêts de travail prescrits à Monsieur [E] [F] au titre de l'accident du travail du 11 avril 2015, au-delà du 16 mars 2015, 'ainsi que les conséquences médicales et financières qui en découlent'. A titre subsidiaire, la société [6] a sollicité la mise en oeuvre d'une expertise médicale judiciaire avant-dire droit afin de vérifier la relation de causalité entre l'accident du travail initial du 11 mars 2015 et les arrêts de travail et soins successivement prescrits à son salarié, en vue de lui voir déclarer inopposables ceux qui ne sont pas en relation directe et unique avec ledit accident. Enfin, la société [6] a demandé à la cour de condamner la caisse d'assurance maladie de l'Aveyron aux dépens.

La caisse d'assurance maladie de l'Aveyron, dispensée de comparaître, a fait parvenir au greffe de la cour, dans le respect du principe du contradictoire, des pièces et écritures aux termes desquelles elle a sollicité la confirmation du jugement, en demandant à la cour de déclarer irrecevable la contestation de la société [6] relative à l'opposabilité et l'imputabilité des arrêts de travail consécutifs à l'accident du travail de Monsieur [E] [F] du 11 mars 2015; de confirmer la décision de la commission de recours amiable du 9 décembre 2016; de rejeter la demande d'expertise judiciaire; de condamner la société [6] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour observe que la société [6] ne conteste pas, en cause d'appel, la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident dont Monsieur [E] [F] a été victime le 11 mars 2015. Au surplus, en application des dispositions combinées des articles R 142-1, R 142-18 et R 441-14 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa version issue du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009, le premier juge a à bon droit déclaré cette contestation irrecevable par forclusion pour ne pas avoir été formée dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision de prise en charge dudit accident par la caisse d'assurance maladie de l'Aveyron, la société [6] ayant saisi à ce titre la commission de recours amiable le 17 août 2016 alors que la décision de prise en charge de l'accident du 11 mars 2015 lui a été notifiée par courrier recommandé avec accusé de réception du 11 mai 2015, avec mention des délais et voies de recours qui lui étaient donc pleinement opposables.

I.- Sur la recevabilité de la demande en inopposabilité des arrêts de travail et soins pris en charge au titre de l'accident du travail du 11 mars 2015

La société [6] conteste l'imputabilité, à l'accident du travail du 11 mars 2015, des arrêts de travail et soins prescrits à Monsieur [E] [F] au-delà du 16 mars 2015.

La caisse d'assurance maladie de l'Aveyron soulève la forclusion de la demande en inopposabilité de la société [6] au motif que la commission de recours amiable n'a été saisie d'aucune contestation dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision de prise en charge de l'accident du 11 mars 2015 au titre de la législation professionnelle.

Or, si la décision de prise en charge de l'accident du travail du 11 mars 2015 notifiée le 11 mai 2015 revêt à l'égard de la société [6], en l'absence de recours dans le délai imparti, un caractère définitif, elle ne fait en revanche pas obstacle à ce que la société [6] conteste l'imputabilité à cet accident du travail des arrêts de travail et soins prescrits à Monsieur [E] [F] jusqu'à sa guérison ou sa consolidation.

En effet, la forclusion tirée de l'expiration des délais respectivement prévus par les articles R 142-1 et R 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, pour saisir la commission de recours amiable et le tribunal des affaires de sécurité sociale, ne peut être opposée à la société [6] qui agit en inopposabilité des arrêts de travail et soins pris en charge au titre de l'accident du travail du 11 mars 2015.

En outre, en l'absence de texte spécifique, l'action de la société [6] aux fins d'inopposabilité des arrêts de travail et soins pris en charge par la caisse jusqu'au 18 septembre 2016 au titre de l'accident du travail du 11 mars 2015, n'était pas prescrite au jour de la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Aveyron.

Il s'ensuit que la société [6] est parfaitement recevable en sa contestation.

II.- Sur la contestation de l'imputabilité des arrêts de travail et soins à l'accident du travail du 11 mars 2015, et la demande d'expertise judiciaire

La présomption d'imputabilité au travail de l'accident du travail prévue par l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale implique que toute lésion survenue au temps et au lieu du travail doit être considérée comme résultant d'un accident du travail. Elle s'étend aux lésions apparues à la suite de cet accident pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète soit la consolidation de la victime, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial est assorti d'un arrêt de travail.

Cette présomption est opposable par l'organisme de prise en charge à l'employeur, lequel peut la détruire en démontrant que les arrêts prescrits et les soins prodigués ont une cause totalement étrangère au travail, notamment en ayant pour origine exclusive un état pathologique préexistant.

La présomption est liée toutefois à la prescription ininterrompue d'arrêts de travail jusqu'à la guérison ou la consolidation.

En l'espèce, le certificat médical initial du 12 mars 2015 diagnostiquant un 'traumatisme du genou droit avec entorse ligamentaire sur un genou laxe chronique' est accompagné d'un arrêt de travail prescrit jusqu'au 16 mars 2015 inclus, lequel a été prolongé jusqu'au 3 avril 2015 inclus, la caisse d'assurance maladie de l'Aveyron justifiant à ce titre du versement continu d'indemnités journalières en faveur de Monsieur [E] [F].

La prescription d'arrêts de travail est interrompue jusqu'au 11 mars 2016, date à compter de laquelle la caisse d'assurance maladie de l'Aveyron a repris le versement d'indemnités journalières jusqu'au 18 septembre 2016, au titre de l'accident du travail du 11 mars 2015.

Dès lors, les arrêts de travail et soins prescrits jusqu'au 3 avril 2015 bénéficient de la présomption d'imputabilité sans que la caisse d'assurance maladie de l'Aveyron n'ait à prouver l'existence d'une continuité de soins et de symptômes ni l'existence d'un lien direct et certain entre ces derniers et la prescription initiale, et il appartient en conséquence à la société [6] de démontrer, au soutien de sa demande en inopposabilité, que ces arrêts et soins ont une cause totalement étrangère au travail.

Cependant, la seule évocation d'une précédente blessure au genou de Monsieur [E] [F] aux termes du courrier de réserves du 13 mars 2015 et le diagnostic d'un 'genou laxe' ne suffisent pas à démontrer l'existence d'un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte, ni l'existence d'une cause totalement étrangère au travail dans le bénéfice des arrêts de travail et soins prescrits jusqu'au 3 avril 2015 inclus. Ces éléments ne sont donc pas susceptibles de détruire la présomption d'imputabilité de ces arrêts de travail et soins à l'accident initial du 11 mars 2015, et sont insuffisants à étayer l'existence d'un litige d'ordre médical justifiant la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire, laquelle ne peut suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve.

Il s'ensuit que les arrêts de travail et soins prescrits à Monsieur [E] [F] du 12 mars 2015 au 3 avril 2015 inclus, pris en charge par la caisse au titre de l'accident du travail dont celui-ci a été victime le 11 mars 2015, sont opposables à la société [6].

S'agissant toutefois des arrêts de travail et soins prescrits du 11 mars 2016 au 18 septembre 2016, après l'interruption de toute prescription d'arrêt de travail pendant plus de 11 mois, ceux-ci ne peuvent bénéficier de la présomption d'imputabilité.

En effet, le seul remboursement de séances de kinésithérapie figurant sur les captures d'écran de logiciels et l'aperçu des décomptes de la caisse à compter du mois de février 2016 ne permet pas d'établir une continuité de soins et de symptômes entre le 4 avril 2015 et la prescription des nouveaux arrêts de travail à compter du 11 mars 2016.

Il appartient alors à la caisse d'assurance maladie de l'Aveyron de démontrer une relation de causalité entre l'accident du 11 mars 2015 et les soins et arrêts de travail litigieux, pris en charge postérieurement au 3 avril 2015.

Or, en l'absence de production des certificats médicaux et des prescriptions de soins relatifs à la période concernée, l'attestation de versement des indemnités journalières, l'aperçu des décomptes de remboursement des séances de kinésithérapie à compter du mois de février 2016 et l'argumentaire laconique du médecin conseil portant principalement sur les conditions d'application de la présomption d'imputabilité, ne suffisent pas à caractériser l'imputabilité à l'accident du travail du 11 mars 2015 des soins et arrêts de travail à nouveau prescrits à Monsieur [E] [F] à compter du 11 mars 2016 jusqu'au 18 septembre 2016, ni même des séances de kinésithérapie réalisées pendant la période d'interruption de prescription d'arrêt de travail.

Il s'ensuit que les soins et arrêts de travail prescrits à Monsieur [E] [F] postérieurement au 3 avril 2015 sont inopposables à la société [6].

Le jugement querellé sera donc infirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

Déclare recevable l'action de la société [6] en inopposabilité des arrêts de travail et soins pris en charge par la caisse d'assurance maladie de l'Aveyron au titre de l'accident du travail du 11 mars 2015 dont a été victime Monsieur [E] [F] ;

Infirme le jugement rendu le 17 décembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Aveyron sauf en ce qu'il a 'constaté la forclusion de l'action de la SAS [6] en contestation de la décision de prise en charge, au titre de la législation relative aux risques professionnels, de l'accident déclaré par Monsieur [F]' ;

Statuant à nouveau sur les chefs de disposition infirmés ;

Déclare opposable à la société [6] la prise en charge au titre de l'accident du travail du 11 mars 2015 des arrêts de travail et soins prescrits à Monsieur [E] [F] du 12 mars 2015 au 3 avril 2015 inclus ;

Déclare inopposable à la société [6] la prise en charge au titre de l'accident du travail du 11 mars 2015 des soins et arrêts de travail prescrits à Monsieur [E] [F] postérieurement au 3 avril 2015, et plus particulièrement ceux prescrits du 11 mars 2016 au 18 septembre 2016 ;

Rejette la demande d'expertise formée par la société [6] ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la caisse d'assurance maladie de l'Aveyron aux dépens ;

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la juridiction le 18 mai 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/00155
Date de la décision : 18/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-18;19.00155 ?
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