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10/05/2022 | FRANCE | N°19/06738

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre commerciale, 10 mai 2022, 19/06738


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



Chambre commerciale



ARRET DU 10 MAI 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/06738 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OLNO





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 03 SEPTEMBRE 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 18/02684





APPELANTE :



Madame [M] [D]

née le [Date naissance 2] 1931 à [Localité 20]

de na

tionalité Française

[Adresse 4]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Christine AUCHE HEDOU de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me François M...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 10 MAI 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/06738 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OLNO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 03 SEPTEMBRE 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 18/02684

APPELANTE :

Madame [M] [D]

née le [Date naissance 2] 1931 à [Localité 20]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Christine AUCHE HEDOU de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me François MEYNOT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMEE :

ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES, poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône qui élit domicile en ses bureaux,

[Adresse 3],

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Raymond ESCALE de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER -HUOT- PIRET- JOUBES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES substitué par Me Marjorie AGIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 10 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 MARS 2022, en audience publique, Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Jean-Luc PROUZAT, président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, conseiller

Mme Marianne ROCHETTE, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Hélène ALBESA

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT,président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

[M] [D] a été rendue destinataire, le 17 mars 2015, de deux propositions de rectification de la direction générale des finances publiques en matière d'impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2012, 2013 et 2014 relatives l'une à l'insuffisance de valeur de trois biens immobiliers situés à [Localité 18] (un appartement [Adresse 1], une maison [Adresse 4] et un terrain de 2654 m² cadastré section [Cadastre 12]), l'autre aux conséquences financières de l'insuffisance de valeur.

Mme [D] a, par courrier du 5 mai 2015, présenté des observations à ces propositions de rectification, mais l'administration fiscale a maintenu ses rehaussements concernant la maison et le terrain dépendant du domaine de [Localité 19], modifiant à la baisse l'évaluation de l'appartement situé [Adresse 1].

Le litige persistant, la commission départementale de conciliation a été saisie, qui a rendu un avis dans sa séance du 25 novembre 2016 quant à l'évaluation des biens, retenant pour l'appartement une valeur nette totale après abattement pour occupation de 108 551 euros et pour le terrain de 2654 m² une valeur vénale rectifiée à 119 430 euros, soit 45 euros le m².

L'administration fiscale, par courrier du 27 février 2017, a informé Mme [D] qu'elle suivrait l'avis de la commission départementale de conciliation sur la valorisation de l'appartement, mais non en ce qui concerne la valorisation du terrain cadastré section [Cadastre 12] de 2654 m², décidant de maintenir la valeur vénale rectifiée à 400 euros le m², soit une valeur du terrain s'élevant à 1 061 000 euros.

Les droits correspondant aux rappels ont été mis en recouvrement, le 28 avril 2017, pour un montant total de 57 000 euros, soit 41 581 euros de droits en principal et 15 430 euros de pénalités.

Le 3 octobre 2017, Mme [D] a adressé une réclamation contentieuse à l'administration, qui a été rejetée le 27 mars 2018.

Par exploit du 25 mai 2018, celle-ci a fait assigner le directeur régional des finances publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône devant le tribunal de grande instance de Montpellier en vue d'obtenir que la parcelle [Cadastre 12] soit évaluée sur la base du prix de terrains agricoles, soit 2163 euros, subsidiairement, conformément à l'avis rendu par la commission départementale de conciliation, sur la base d'un prix de 45 euros le m² et condamner l'administration à lui rembourser les sommes de 31 908 euros en principal, 2822 euros au titre des intérêts de retard et 12 176 euros au titre des pénalités, outre intérêts moratoires à compter du 1er juin 2017.

Le tribunal, par jugement du 3 septembre 2019, a débouté Mme [D] de l'intégralité de ses demandes et a confirmé en conséquence la décision de rejet du 27 mars 2018.

Par déclaration reçue le 10 octobre 2019 au greffe de la cour, Mme [D] a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions déposées le 17 janvier 2022 via le RPVA, elle demande à la cour, au visa de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme et des articles 3, 4 et 5 du plan local d'urbanisme de la ville de [Localité 18] concernant la zone 5-AU en vigueur au jour du fait générateur de l'imposition, d'infirmer le jugement entrepris et, en conséquence, de :

'annuler la décision de rejet en date du 27 mars 2018 de sa réclamation auprès de l'administration fiscale en date du 3 octobre 2017,

'dire que l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme créé par l'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 existait et était bien en vigueur du 1er octobre 2007 au 27 mars 2014, période du fait générateur de l'imposition, et que ces dispositions trouvent à s'appliquer au cas d'espèce,

'dire que le caractère constructible de la parcelle [Cadastre 12] ne dépend pas uniquement de son classement en zone 5-AU du plan local d'urbanisme et de l'existence d'un accès à la voie publique de cette dernière, mais impérativement d'un accès aux réseaux d'eau potable et d'assainissement,

'dire que la parcelle [Cadastre 12] ne remplissait pas les conditions légales et réglementaires pour avoir pu revêtir un caractère constructible à la date des faits générateurs des impositions pour 2012, 2013 et 2014,

'dire que la référence par l'administration à la valeur vénale de la parcelle [Cadastre 15] n'est pas justifiée, ni en fait, ni en droit,

'évaluer la valeur vénale de la parcelle [Cadastre 12] au jour du fait générateur de l'imposition à un montant de 2136 euros (ou, à titre subsidiaire, si la cour ne reconnaissait pas que la parcelle [Cadastre 12] ne devait pas être évaluée au prix des terrains agricoles, dire que la parcelle [Cadastre 12] devait être évaluée conformément à l'avis rendu par la commission départementale de conciliation, soit un montant de 45 euros par m²),

'dire qu'elle n'a pas fait preuve de mauvaise foi en établissant ses déclarations d'impôt sur la fortune pour les années 2012, 2013 et 2014,

'dire que l'administration n'est pas fondée à évaluer la parcelle [Cadastre 12] pour un montant de 1 061 000 euros,

'condamner l'administration à lui rembourser les sommes de 31 908 euros en principal et 2822 euros au titre des intérêts de retard, augmentées des intérêts moratoires qui ont commencé à courir à compter du 1er juin 2017,

'condamner l'administration à lui rembourser la somme de 12 176 euros représentant les pénalités appliquées dans le cadre du redressement, accompagnée des intérêts moratoires qui ont commencé à courir à compter du 1er juin 2017,

'condamner l'État français à lui verser la somme de 10 000 euros au titre l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, elle fait valoir pour l'essentiel que la parcelle [Cadastre 12], bien que cadastrée en zone 5-AU-1 du plan local d'urbanisme, ne peut être considérée comme constructible, ne disposant pas de desserte en eau potable, ni de raccordement au réseau d'assainissement et aucune programmation d'extension des réseaux publics au droit de la parcelle ayant été décidée par la collectivité ; elle conteste les termes de référence, dont se prévaut l'administration, s'agissant des cessions portant sur les parcelles [Cadastre 15] et [Cadastre 14], qu'elle n'estime pas pertinents ; elle rappelle qu'en mai 2006, lors de la cession des terrains du domaine de [Localité 19] à la SERM, l'ensemble des parcelles, ni viabilisées, ni raccordables aux réseaux, a été acquis au prix de 45 euros le m² et que la commission départementale de conciliation a d'ailleurs été d'avis de retenir pour la parcelle [Cadastre 12], aujourd'hui classée en espace boisé protégé, cette valeur de 45 euros le m² ; elle demande donc que la parcelle soit évaluée comme terrain agricole sur la base d'un prix de 8150 euros l'hectare, soit 0,81 euro le m², et, subsidiairement, par référence au prix de 45 euros le m² retenu par la commission de conciliation.

L'administration des finances publiques représentée par le directeur régional des finances publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, dont les dernières conclusions ont été déposées le 3 février 2022 par le RPVA, sollicite de voir confirmer le jugement rendu le 3 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Montpellier et la décision administrative de rejet du 27 mars 2018 ; elle conclut également à la condamnation de l'appelante à verser à l'État la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; elle soutient que la parcelle [Cadastre 12] est constructible au regard du plan local d'urbanisme tenant sa desserte à la voie publique, peu important qu'elle ne dispose ni de desserte en eau potable, ni de raccordement au réseau d'assainissement ; elle souligne que rien n'indique que les réseaux existants à la périphérie immédiate de la zone AU ne sont pas de capacité suffisante pour desservir de nouvelles constructions et estime pertinents les termes de comparaison proposés.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 10 février 2022.

MOTIFS de la DECISION :

Conformément à l'article 885 E du code général des impôts, applicable en la cause, la valeur de la parcelle [Cadastre 12] doit être recherchée à la date du fait générateur de l'impôt de solidarité sur la fortune, soit en l'occurrence le 1er janvier 2012, le 1er janvier 2013 et le 1er janvier 2014 correspondant aux dates auxquelles il y a lieu de se placer pour évaluer l'assiette de l'impôt, comme le retient le premier juge.

Il n'est pas discuté qu'aux dates considérées, la parcelle se trouvait classée en zone 5AU du plan local d'urbanisme de la commune de [Localité 18], dans le secteur de référence 5AU-1 dans lequel sont notamment admis tous projets d'utilisation et d'occupation des sols destinés à l'habitat, au commerce, aux bureaux, à l'hébergement hôtelier, aux constructions ou installations d'intérêt collectif (sic).

Il résulte des dispositions du PLU que pour être constructible, un terrain doit avoir accès à une voie publique ou privée soit directement, soit par l'intermédiaire d'une servitude de passage instituée sur fonds voisin par acte authentique ou par voie judiciaire (article 3), que toute construction doit être raccordée au réseau public de distribution existant, qu'en l'absence d'une distribution publique d'eau potable, l'alimentation personnelle d'un logement en habitat individuel à partir d'un captage, forage, ou puits particulier pourra être exceptionnellement autorisée, conformément à la réglementation en vigueur (article 4 a), que toute construction ou installation nouvelle devra être raccordée au réseau public d'assainissement existant par des canalisations souterraines, que dans le cas de réhabilitation ou d'extension de bâtiments sur des parcelles non desservies, l'installation d'assainissement non collectif existante devra être conforme à la législation en vigueur et suffisamment dimensionnée pour permettre la réalisation du projet et que lorsque celle-ci n'est pas conforme, le pétitionnaire devra proposer une filière d'assainissement non collectif à mettre en 'uvre pour son projet en fonction des contraintes du sol et du site, conforme aux réglementations nationales et locales en vigueur (article 4 b).

L'administration des finances publiques considère que la parcelle litigieuse doit être évaluée comme terrain à bâtir, ainsi qu'elle l'indique en page 4 de ses conclusions d'appel, du seul fait de son classement dans le secteur 5AU-1, même si elle ne dispose pas d'une desserte en eau potable, ni d'un raccordement au réseau d'assainissement ; elle soutient en effet qu'elle est incluse dans une zone classée constructible au PLU et que les réseaux se trouvent à proximité, compte tenu des projets d'utilisation précisés dans le règlement d'urbanisme.

Certes, aux dates respectives des 1er janvier 2012, 1er janvier 2013 et 1er janvier 2014, le secteur 5AU-1 dans lequel était située la parcelle [Cadastre 12], accessible par la rue du [Localité 17] et incluse dans le domaine de [Localité 19], était déjà localisé en périphérie immédiate de zones fortement urbanisées de la commune de [Localité 18] (quartier du [Localité 16], quartier [Localité 10], quartier [Localité 9]), en bordure d'une voie à grande circulation (l'[Adresse 8]), non loin d'une station de tramway ; il ne peut pour autant en être déduit, compte tenu de son classement dans une zone à urbaniser, qu'elle doit être évaluée comme terrain à bâtir, immédiatement raccordable aux réseaux d'eau potable et d'assainissement.

Aux termes de l'article R. 123-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur :

« Les zones à urbaniser sont dites "zones AU ". Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs à caractère naturel de la commune destinés à être ouverts à l'urbanisation.

Lorsque les voies publiques et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement définissent les conditions d'aménagement et d'équipement de la zone. Les constructions y sont autorisées soit lors de la réalisation d'une opération d'aménagement d'ensemble, soit au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes à la zone prévus par les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement.

Lorsque les voies publiques et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU n'ont pas une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone, son ouverture à l'urbanisation peut être subordonnée à une modification ou à une révision du plan local d'urbanisme. »

En l'occurrence, comme l'a justement retenu le premier juge, la parcelle [Cadastre 12] était bien, aux dates de référence devant être prises en compte pour l'appréciation du fait générateur de l'impôt, susceptibles d'accueillir immédiatement tous projets d'utilisation ou d'occupation des sols, à l'exclusion des constructions destinées à l'industrie, à l'artisanat et à la fonction d'entrepôt, sans restriction particulière hormis le respect des règles habituelles en matière d'implantation ou de hauteur des constructions, ce dont il se déduit nécessairement que les réseaux d'eau et d'assainissement alors existant à la périphérie immédiate de la zone 5AU concernée était d'une capacité suffisante à la desserte des constructions à implanter dans l'ensemble de la zone.

L'intégration de la parcelle dans une zone AU « constructible » ne signifie pas en revanche qu'elle pouvait, aux dates considérées, être évaluée comme terrain à bâtir ; l'administration n'apporte, en effet, aucun élément établissant que la parcelle était effectivement raccordable aux réseaux publics d'eau potable et d'assainissement existant en périphérie de la zone ou même, que de tels réseaux existaient déjà dans l'emprise de la rue du [Localité 17] ; elle se borne à communiquer un certificat de renseignements, lui ayant été délivré le 12 janvier 2016 par la ville de [Localité 18], résumant les règles d'urbanisme applicables, dont il résulte en particulier que la parcelle, incluse au PLU approuvé le 2 mars 2006 dans le secteur 5AU-1, était comprise dans le périmètre d'une zone où l'assainissement non collectif est autorisé par le règlement, l'entretien des dispositifs d'assainissement devant être assuré par les propriétaires.

En outre, en l'absence de possibilité avérée de raccordement à des réseaux publics, la parcelle litigieuse, qui avait une superficie de moins de 7000 m², n'aurait pu être desservie au moyen d'une alimentation personnelle par captage, forage ou puits particulier en application de l'article 5 du règlement du PLU et n'aurait pu ainsi être considérée comme un terrain à bâtir, nonobstant sa desserte par une voie publique et la mise en 'uvre possible d'un assainissement individuel.

C'est également sans fondement que l'administration, après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme alors en vigueur, selon lequel un permis de construire ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public les travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité doivent être exécutés, fait le reproche à Mme [D] de ne pas fournir d'éléments permettant de conclure que l'autorité compétente aurait nécessairement refusé la délivrance d'un permis de construire, à défaut de pouvoir indiquer dans quel délai et par qui les travaux de réalisation des réseaux publics devaient être exécutés.

Il résulte de ce qui précède que la parcelle [Cadastre 12] se trouvait bien incluse dans une zone AU « constructible » au sens de l'article R. 123-6, alinéa 2, susvisé eu égard à l'existence et à la capacité des réseaux publics en périphérie de la zone mais que, même desservie par une voie publique et pouvant bénéficier d'un assainissement individuel, elle n'aurait pu, aux dates de référence, être considérée comme un terrain à bâtir, compte tenu de sa surface inférieure à 7000 m², en l'absence d'un réseau public d'eau potable à proximité.

Pour prétendre que la parcelle doit être évaluée sur la base d'un prix de 400 euros le m², l'administration des finances publiques communique, à titre de terme de comparaison, un acte notarié en date du 4 décembre 2009 portant sur la vente par Mme [D] à la société Equity Partners les Grisettes de la parcelle cadastrée section [Cadastre 15], d'une superficie de 3200 m², dépendant de la même propriété d'origine et également classée dans la même zone du PLU, au prix de 1 280 000 euros, soit 400 euros le m² ; la parcelle en cause, située de l'autre côté de l'avenue, en bordure de celle-ci, avait cependant bénéficié d'un permis de construire délivré le 19 février 2009 pour la création d'un bâtiment destiné à la restauration ; même si l'acte précise, en page 13, que l'immeuble vendu n'est pas desservi par l'assainissement communal (ce qui a fortiori signifie qu'il était desservi par le réseau public d'eau potable), l'obtention d'un permis de construire prouve que la parcelle était alors en nature de terrain à bâtir, étant rappelé qu'un dispositif d'assainissement individuel était autorisé par le règlement du PLU dès lors que la parcelle avait plus de 1000 m² ; ce terme de comparaison ne saurait dès lors servir utilement de référence pour l'évaluation de la parcelle [Cadastre 6], dont l'administration n'a pas fait la preuve qu'elle présentait les caractéristiques d'un terrain à bâtir.

L'administration se prévaut également de la vente, intervenue le 12 mars 2010, de la parcelle [Cadastre 14], d'une superficie de 2213 m², au prix de 1 212 310 euros, soit 548 euros le m², parcelle dont il est indiqué qu'elle avait été viabilisée par la SERM (société d'équipement de la région montpelliéraine), qui l'avait acquise de Mme [D] au prix de 45 euros le m² en 2006 dans le cadre de l'aménagement de la Zac [Localité 9] ; l'acte de vente n'est cependant pas communiqué, permettant de vérifier les caractéristiques de la parcelle ainsi vendue en 2010, mais dont il y a tout lieu de penser qu'elle présentait, à l'instar de la parcelle [Cadastre 7], les caractéristiques d'un terrain à bâtir.

Il est constant qu'en 2006, lorsque la SERM a fait l'acquisition au prix de 45 euros le m² d'une partie des parcelles composant le domaine de [Localité 19], en vue de la création de la Zac [Localité 9], les parcelles ainsi acquises étaient déjà classées en zone 5AU du PLU, comme le rappelle la commission départementale de conciliation, qui a été d'avis, dans sa séance du 25 novembre 2016, d'évaluer la parcelle [Cadastre 12] sur cette même base de 45 euros le m² appliquée à la superficie totale de la parcelle de 2654 m², conduisant ainsi à une valeur vénale de 119 430 euros.

Cette valeur est d'ailleurs à rapprocher de celle d'un terrain de 3000 m² pris sur une parcelle cadastrée section [Cadastre 11] située à proximité, vendu conformément à l'avis du service des domaines au prix de 50 euros le m² par la ville de [Localité 18] à l'association les compagnons de Maguelone, à la suite d'une délibération du conseil municipal en date du 17 février 2014.

La parcelle litigieuse ne peut en conséquence être évaluée, comme le demande Mme [D], en tant que terrain agricole sur la base d'un prix de 8150 euros l'hectare ou 0,81 euro le m², une telle évaluation, qui ne tient pas compte du classement de la parcelle en zone AU « constructible », n'étant pas crédible, mais sur la base du prix de 45 euros le m² proposée par la commission départementale de conciliation par référence au prix pratiqué en 2006 pour la vente d'une partie des parcelles également issues du domaine de [Localité 19], alors classées dans la même zone à urbaniser ; le prix de 400 euros le m² retenu par l'administration des finances publiques dans le cadre de sa proposition de rectification ne saurait être appliqué, faute pour celle-ci de démontrer que la parcelle en cause pouvait être qualifiée de terrain à bâtir aux dates de référence à prendre en compte pour l'appréciation du fait générateur de l'ISF ; il convient dès lors d'annuler la décision de rejet de la réclamation en date du 27 mars 2018.

L'actif net rectifié servant de base au calcul de l'ISF doit en conséquence être évalué à 5 062 977 euros pour 2012, à 4 300 696 euros pour 2013 et à 4 382 618 euros pour 2014, tenant compte d'une valeur de la parcelle [Cadastre 12] fixée à 119 430 euros et non à 1 061 600 euros ; Mme [D] n'est pas fondée à obtenir le remboursement des sommes de 31 908 euros en principal et 2822 euros au titre des intérêts de retard sur la base d'un actif net de 4 950 569 euros pour 2012, de 4 190 700 euros pour 2013 et de 4 274 100 euros pour 2014 par référence à une valeur de la parcelle de 2163 euros, les droits devant être recalculés par référence à l'actif net rectifié, tel que mentionné plus haut au titre de l'ISF dû pour 2012, 2013 et 2014.

L'article 1729 du code général des impôts dispose que les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraîne l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; en l'occurrence, Mme [D] a omis de déclarer une maison individuelle construite sur la parcelle [Cadastre 13], alors occupée par M. [Y] et Mme [J], et a minoré l'évaluation de la parcelle [Cadastre 12] de 2654 m², alors qu'elle ne pouvait ignorer qu'une partie des terrains dépendant du domaine de [Localité 19] avait été vendue en 2006 au prix de 45 euros le m² ; il importe peu que cette parcelle soit aujourd'hui classée en espace boisé protégé par suite d'une délibération du conseil de [Localité 18] Méditerranée métropole en date du 29 mars 2017 ; ces éléments justifient ainsi l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré.

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, il convient de laisser à la charge de l'une et l'autre des parties les dépens personnellement exposés en première instance et en appel ; les demandes visant à l'application de l'article 700 du code de procédure civile doivent dès lors être rejetées en l'état.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Montpellier en date du 3 septembre 2019 et statuant à nouveau,

Annule la décision de rejet de la réclamation en date du 27 mars 2018,

Dit que la parcelle cadastrée à [Localité 18] section [Cadastre 12] doit être évaluée à 119 430 euros sur la base de 45 euros le m²,

Dit que l'actif net rectifié servant de base au calcul de l'impôt de solidarité sur la fortune dû par [M] [D] doit en conséquence être évalué à 5 062 977 euros pour 2012, à 4 300 696 euros pour 2013 et à 4 382 618 euros pour 2014 tenant compte d'une valeur de la parcelle [Cadastre 12] ainsi fixée à 119 430 euros et non à 1 061 600 euros, les droits devant être recalculés par référence à cet actif net rectifié,

Dit que l'application d'une majoration de 40 % pour manquement délibéré est justifiée,

Rejette toutes autres demandes,

Laisse à la charge de l'une et l'autre des parties les dépens personnellement exposés en première instance et en cause d'appel,

Rejette les demandes visant à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

le greffier, le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19/06738
Date de la décision : 10/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-10;19.06738 ?
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