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19/04/2022 | FRANCE | N°22/00155

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Rétentions, 19 avril 2022, 22/00155


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 22/00155 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PMJE



O R D O N N A N C E N° 2022 - 156

du 19 Avril 2022

SUR PROLONGATION DE RETENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE



dans l'affaire entre,



D'UNE PART :



Monsieur [I] [L]

né le 07 Avril 1986 à [Localité 3] (RUSSIE)

de nationalité Géorgienne



retenu au centre de rétention de [Localité 5] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,




Comparant, assisté de Maître Julie RICHARD, avocate commise d'office



Appelant,



et en présence de Madame [M] [E], interprète assermentée en la...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 22/00155 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PMJE

O R D O N N A N C E N° 2022 - 156

du 19 Avril 2022

SUR PROLONGATION DE RETENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE

dans l'affaire entre,

D'UNE PART :

Monsieur [I] [L]

né le 07 Avril 1986 à [Localité 3] (RUSSIE)

de nationalité Géorgienne

retenu au centre de rétention de [Localité 5] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,

Comparant, assisté de Maître Julie RICHARD, avocate commise d'office

Appelant,

et en présence de Madame [M] [E], interprète assermentée en langue georgienne,

D'AUTRE PART :

1°) Monsieur LE PREFET DU VAUCLUSE

Service Eloignement

[Localité 1]

Représenté par Monsieur [S] [V], dûment habilité,

2°) MINISTERE PUBLIC :

Non représenté

Nous, Myriam BOUZAT conseillère à la cour d'appel de Montpellier, déléguée par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assistée de Marion CIVALE, greffière,

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu la condamnation du tribunal correctionnel de Valence en date du 21 mai 2021 à la peine d'interction du territoire français de 10 ans prononcée à l'encontre de Monsieur [I] [L].

Vu la décision de placement en rétention administrative du 13 avril 2022 de Monsieur [I] [L], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Vu l'ordonnance du 16 Avril 2022 à 11h30 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Montpellier qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours.

Vu la déclaration d'appel faite le 18 Avril 2022, par Maître Julie RICHARD, avocate, agissant pour le compte de Monsieur [I] [L], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour, à 12h15.

Vu les télécopies et courriels adressés le 18 Avril 2022 à Monsieur LE PREFET DU [Localité 6], à l'intéressé, à son conseil, et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 19 Avril 2022 à 14 heures 30.

L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans la salle d'audience de la cour d'appel de Montpellier dédiée aux audiences du contentieux des étrangers, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète , et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord de la déléguée du premier président de la cour d'appel de Montpellier.

L'audience publique initialement fixée à 14 heures 30 a commencé à 15 heures 29.

PRETENTIONS DES PARTIES

Assisté de Madame [M] [E], interprète, Monsieur [I] [L] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : 'Je m'appelle [I] [L], je suis né le 07 Avril 1986 à [Localité 3]. Je suis divorcé. J'ai un enfant qui est décédé. J'ai mon père qui est décédé en Ukraine il y a deux semaines, et ma mère est restée seule en Géorgie. Il y a aussi mon petit frère en Géorgie. Je suis ingénieur architecte. J'ai une hépatite C et je suis paralysé à ma jambe droite, j'ai fait la guerre en 2008 entre la Russie et la Géorgie. J'ai un traitement en cours, mais j'ai les ordonnances dans la voiture et je n'arrive pas à avoir mes médicaments. Avant de venir ici, j'ai vu le médecin. Vous me demandez pourquoi j'ai refusé le test PCR covid, quand je suis arrivé au centre de rétention, il n'y avait pas d'interprète pour m'expliquer quel test je devais faire, je n'ai pas compris. Quand le policier du centre de rétention a vu que j'étais né en Russie il m'a agressé. J'ai été menotté, j'ai été agressé je n'ai rien compris et je n'avais pas d'interprète, c'est pour ça que j'ai refusé le test. Fin 2020, j'ai pris le vol en direction de [Localité 4]. Je suis entré directement en France. J'ai toujours mon passeport, mais il est resté dans la voiture. J'ai tout laissé, je n'ai pas eu la possibilité de récupérer mes certificats médicaux, j'ai tout dans ma voiture. Je l'ai laissée à [Localité 2], mais actuellement je ne sais pas où elle se trouve. J'ai demandé l'asile, parce que j'ai des problèmes en Géorgie, j'étais persécuté en Géorgie. J'ai eu une réponse positive à ma demande, pendant un an j'étais légalement sur le territoire. J'ai tout ce qu'il faut sur l'ordinateur, je peux vous montrer si vous le voulez. Je ne me rappelle pas depuis quand je suis en situation irrégulière, cela fait trois ou quatre mois je crois. Vous m'indiquez que le 10 mai 2021, le tribunal correctionnel de Valence m'a condamné à une interdiction du territoire national pendant dix ans, j'ai eu l'interdiction de rentrer en France mais comme je n'ai pas quitté la France, cela ne marche pas. Je sais que si je quitte la France, je ne pourrai pas revenir. C'est comme ça que je l'ai compris. J'ai été accusé par la police d'avoir siphonné l'essence de camions sur des parkings, je dormais dans la voiture quand ils sont arrivés, je n'ai pas touché à l'essence. Vous m'expliquez que l'interdiction du territoire national signifie que je n'ai pas la possibilité de rester en France, et que je dois mettre tout en oeuvre pour partir de France, je suis tout à fait d'accord, parce que dans trois jours mon père va être enterré et je voudrais y assister, acheter le billet par mes propres moyens et rentrer en Géorgie au plus vite. J'aimerais accélerer la procédure.'

L'avocat Me [Y] [K] soulève à l'audience un nouveau moyen tenant à la violation des droits de la défense puisque l'entretien par téléphone s'est déroulé avec l'assistance d'une interprète en langue russe et non en langue géorgienne. Elle indique à l'audience: 'Monsieur étant à l'isolement, il n'a pas pu venir en présentiel à la première audience (devant le juge des libertés et de la détention). Lors de l'entretien avocat-étranger par téléphone, il y avait une interprète en langue russe, alors même que c'est un interprète en langue géorgienne qui avait été sollicité, et il m'a indique qu'il ne comprend pas le russe. Cela porte atteinte aux droits de la défense. L'interprète traduisait certaines choses, mais Monsieur m'a indiqué ce jour (lors de l'entretien à la Cour d'appel) que lui ne comprenait rien.' puis développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.

Assisté de Madame [M] [E], interprète, Monsieur [I] [L] a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : 'Je n'avais pas d'interprète, ni d'avocat, on m'a donné une fiche en français pour signer. Mais je ne pouvais pas signer, je n'ai rien compris. Madame [M] est la première interprète que je vois. Avant ça, je n'ai eu que des interprètes en langue russe. J'ai demandé à contacter le consulat de la Géorgie, je n'ai pas eu encore et j'ai demandé à voir le médecin depuis 5 jours et je l'ai vu seulement aujourd'hui.'

Monsieur le représentant de Monsieur LE PREFET DU [Localité 6] demande la confirmation de l'ordonnance déférée. Il indique à l'audience : 'Le comportement de Monsieur pose un gros problème pour l'ordre public, et pour la mesure d'éloignement. Monsieur a été condamné en 2021 et il est interpellé en 2022 pour vol en réunion. Il refuse a deux reprises d'être entendu (lors de la procédure de garde à vue et lors de la procédure d'éloignement). Il refuse enfin le test PCR lors de l'entrée au centre de rétention, ce qui lui vaut d'être absent à l'audience devant le juge des libertés et de la détention, c'est donc sa seule faute s'il était absent.

Pour ce qui est de l'interprète en russe : je vous demanderai de relire la DA qui reproche de ne pas avoir eu recours à un interprète en russe, Monsieur comprend parfaitement le russe comme la majorité des géorgiens.

Concernant l'audition qui n'a pas pu se faire: Monsieur a refusé d'être entendu. Un PV mentionne qu'un premier interprète n'était pas disponible. Il ne le mentionne pas pour le second interprète certes, mais cela peut être implicite. La Cour de cassation demande à ce qu'il soit dressé sur le PV que l'interprète n'a pu être présent. Toutes les recherches n'ont pas a être justifiées. Aucun grief pour Monsieur il a pu avoir notification de ses droits, dans sa langue maternelle.'

Maître [Y] [K] répond : 'La jurisprudence de la Cour de cassation nécessite que les recherches d'interprète soient notées sur le PV. On ne peut reprocher à Monsieur de ne pas répondre aux questions, puisque le droit de se taire est un droit fondamental.'

Assisté de Madame [M] [E], interprète, Monsieur [I] [L] a eu la parole en dernier et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : 'C'est sur que je ne pouvais pas accepter l'audition, parce que je ne parle pas russe. Comment pouvez-vous savoir que je parle russe' Je suis de nationalité géorgienne. Je ne comprends pas le russe. Je suis tout à fait d'accord pour quitter la France, mais dans trois jours. Sinon je vous demande de me libérer. Dans trois jours je veux vraiment repartir. Vous pouvez acheter le billet, et je rembourserai. Mon père est décédé. C'est mon père vous comprenez.'

La conseillère indique que la décision et la voie de recours seront notifiées sur place, après délibéré.

SUR QUOI

Sur la recevabilité de l'appel :

Le 18 Avril 2022, à 12h15, Maître Julie RICHARD, avocate, agissant pour le compte de Monsieur [I] [L] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Montpellier du 16 Avril 2022 notifiée à 11h30, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R 743-11 du CESEDA.

Sur l'appel :

L'avocate soutient la violation des droits de la défense lors de l'entretien avocat-étranger le 16 avril 2022, prétendant qu'un interprète en langue géorgienne avait été sollicité et qu'en fait c'est un interprète en langue russe qui l'a assisté.

Il ressort de la lecture du dossier de la procédure que le 15 avril 2022, l'étranger a sollicité un interprète en langue russe et un avocat commis d'office pour l'audience devant le juge des libertés et de la détention de Montpellier le 16 avril 2022.

De plus la déclaration d'appel mentionne en page 3 , le reproche fait à l'OPJ de Cavaillon de n'avoir pas recherché d'interprète en langue 'russe' dans le ressort de la cour d'appel d'Aix en Provence.

A l'évidence, ce moyen est infondé et sera rejeté.

L'avocate de l'appelant soutient l'irrégularité de la procédure de garde à vue au motif que l'interprète en langue géorgienne de la cour d'appel de Versailles qui a assisté par téléphone son client lors de son audition le 13 avril 2022 à 11 heures 10 et de la notification de la fin de la garde à vue le 13 avril 2022 à 18 heures, n'était pas réputé être empêché d'être présent aux côtés de l'appelant, faute de mention sur les procès-verbaux de police dédiés à ces deux actes et que le choix d'un interprète en langue géorgienne inscrit sur la liste de la cour d'appel de Versailles alors que la cour d'appel de référence comprend des interprètes dédiés a fait grief à son client , en raison de la violation des dispositions de l'article 706-71 du code de procédure pénale.

Pour rejeter cette exception de nullité prise en ses deux branches, la juge des libertés et de la détention de Montpellier a fort bien motivé sa décision en répondant d'une part à l'impossiblité manifeste de présentiel de l'interprète missionné en raison de sa cour d'appel d'inscription qui est Versailles et d'autre part à la liberté de choix de l'interprète dédié par l'OPJ en charge de la mesure de garde à vue, puisque le code de procédure pénale n'impose pas la retranscription par procès-verbal des investigations faites en vue de rechercher un interprète.

Il convient d'adopter la motivation de première instance, particulièrement pertinente.

L'exception de nullité sera donc rejetée.

SUR LE FOND

L'article L742-3 du ceseda : 'Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court pour une période de vingt-huit jours à compter de l'expiration du délai de quarante-huit heures mentionné à l'article L. 741-1.'

En l'espèce, l'intéressé sous le coup d'une interdiction judiciaire du territoire français pour 10 ans , ne peut bénéficier d'aucune assignation à résidence.

Il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement,

Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,

Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

Déclarons l'appel recevable,

Rejetons l' exception et moyen de nullité,

Confirmons la décision déférée,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,

Fait à Montpellier, au palais de justice, le 19 Avril 2022 à 16 heures 35.

Le greffier, Le magistrat délégué,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Rétentions
Numéro d'arrêt : 22/00155
Date de la décision : 19/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-19;22.00155 ?
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