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15/04/2022 | FRANCE | N°22/00153

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Rétentions, 15 avril 2022, 22/00153


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 22/00153 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PMG2



O R D O N N A N C E N° 2022 - 154

du 15 Avril 2022

SUR PROLONGATION DE RETENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE



dans l'affaire entre,



D'UNE PART :



Monsieur [L] [P]

né le 11 Octobre 1991 à [Localité 6] (TUNISIE)

de nationalité Tunisienne



retenu au centre de rétention de [Localité 2] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,r>


Comparant, assisté de Maître Rachid EL MOUNSI, avocat commis d'office.



Appelant,



et en présence de Monsieur [S] [U], interprète assermenté...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 22/00153 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PMG2

O R D O N N A N C E N° 2022 - 154

du 15 Avril 2022

SUR PROLONGATION DE RETENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE

dans l'affaire entre,

D'UNE PART :

Monsieur [L] [P]

né le 11 Octobre 1991 à [Localité 6] (TUNISIE)

de nationalité Tunisienne

retenu au centre de rétention de [Localité 2] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,

Comparant, assisté de Maître Rachid EL MOUNSI, avocat commis d'office.

Appelant,

et en présence de Monsieur [S] [U], interprète assermenté en langue arabe

D'AUTRE PART :

1°) Monsieur LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES

[Adresse 4]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Monsieur [N] [I], dûment habilité,

2°) MINISTERE PUBLIC :

Non représenté

Nous, Nelly CARLIER conseillère à la cour d'appel de Montpellier, déléguée par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assistée de Marion CIVALE, greffière,

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu l'arrêté du 14 février 2022 notifié le même jour, de Monsieur LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES portant décision de transfert de Monsieur [L] [P] en qualité de demandeur d'asile aux autorités allemandes responsables de l'examen de la demande d'asile.

Vu la décision de placement en rétention administrative du 11 avril 2022 de Monsieur [L] [P], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Vu l'ordonnance du 13 Avril 2022 à 15h49 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Perpignan qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours.

Vu la déclaration d'appel faite le 14 Avril 2022 par Monsieur [L] [P], du centre de rétention administrative de [5], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour à 11h38.

Vu les télécopies et courriels adressés le 14 Avril 2022 à Monsieur LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES, à l'intéressé et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 15 Avril 2022 à 13 H 45.

L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans la salle d'audience de la cour d'appel de Montpellier dédiée aux audiences du contentieux des étrangers, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète , et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier.

L'audience publique initialement fixée à 13 H 45 a commencé à 14h07.

PRETENTIONS DES PARTIES

Assisté de Monsieur [S] [U], interprète, Monsieur [L] [P] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : ' Je m'appelle [L] [P] et je suis né le 11 Octobre 1991 à [Localité 6] en Tunisie. J'ai fait appel parce que j'ai déjà purgé une longue peine en prison, et là je me retrouve à purger encore une longue peine dans le centre de rétention.'

L'avocat Me [F] [E] développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.

Monsieur le représentant de Monsieur LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES demande la confirmation de l'ordonnance déférée. Il indique à l'audience : 'Sur son transport en centre de rétention: il n'a pas duré 1h07 comme stipulé dans la déclaration d'appel, puisqu'il a fallu notifier la décision à l'intéressé, il faut également un certain temps pour se déplacer jusqu'au véhicule.. Dans tout état de cause, la mise en oeuvre des droits n'est à intervenir qu'à l'arrivée au centre de rétention, donc aucun grief.

Sur les diligences de l'administration: Règlement [Localité 3] III. Il n'y a pas de paragraphe 5 pour l'article 28. La mise en oeuvre du transfert ne peut être de 6 semaines, elle est de 6 mois voire un an si la personne en détention. L'administration a 6 semaines pour procéder au transfert mais à partir de l'arrivée au centre de rétention.'

Assisté de Monsieur [S] [U], interprète, Monsieur [L] [P] a eu la parole en dernier et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : ' Je n'ai pas d'autres choses à déclarer.'

La conseillère indique que la décision et la voie de recours seront notifiées sur place, après délibéré.

SUR QUOI

Sur la recevabilité de l'appel :

Le 14 Avril 2022, à 11h38, Monsieur [L] [P] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de [Localité 2] du 13 Avril 2022 notifiée à 15h49, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R743-11 du CESEDA.

Sur l'appel :

Sur le moyen tiré du délai excessif de son transport au centre de rétention

L'avocat de l'appelant soutient qu'il s'est écoulé plus d'une heure entre la notification de la décision de placement en rétention à la maison d'arrêt de [Localité 2] et son arrivée au centre de rétention pour un trajet de seulement 7, 7 km, ce délai excessif de transport lui causant nécessairement grief puisqu'il a été privé de l'exercice de ses droits pendant ce délai.

L'exercice des droits du retenu est nécessairement suspendu pendant les transports dont il fait l'objet pour rejoindre le lieu du centre de rétention, cette suspension étant de nature à le priver de la possibilité d'exercice de ses droits et devant présenter un caractère proportionné à l'exercice de ces droits.

En l'espèce, il ressort des pièces de la procédure que l'arrêté de placement en rétention a été notifié à l'intéressé à la maison d'arrêt de [Localité 2] le 11 avril 2022 à 14h38, à l'issue de sa levée d'écrou et que son arrivée au centre de rétention administrative de [Localité 2] est mentionnée le même jour à 15h45.

Il résulte cependant des mentions figurant sur les procès-verbaux de notification de ses droits qu'à la suite de la notification de l'arrêté de placement en rétention, l'intéressé a reçu l'information de ses droits en rétention après lecture faite par un interprète, ces formalités s'étant achevées à 14h50.

Il s'est donc écoulé un délai de moins d'une heure entre la fin de ces formalités et son arrivée au centre de rétention, un tel délai de suspension de l'exercice de ses droits ne pouvant être considéré comme excessif.

Ce moyen nouveau en cause d'appel sera donc rejeté.

Sur le moyen tiré du défaut de diligences de l'Administration

L'avocat de l'appelant soulève le manque de diligences de l'autorité administrative qui n'a pas respecté le de délai de six semaines prévu à l'article 28 ' 5 du règlement '[Localité 3]' à compter de la notification de l'arrêté de transfert le 15 février 2022 pour organiser le vol à destination de l'Allemagne et que ce n'est seulement que le 12 avril 2022, soit le lendemain de son placement en rétention et de la levée de d'écrou qu'une demande de routing a été effectuée alors que l'administration aurait pu réserver un vol bien avant cette date.

Selon l'article L741-3 du CESEDA: 'Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.'

Selon le réglement UE 604/203 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013, l'article 28 relatif au placement en rétention dispose:

'Placement en rétention:

1. Les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu'elle fait l'objet de la procédure établie par le présent règlement.

2. Les États membres peuvent placer les personnes concernées en rétention en vue de garantir les procédures de transfert conformément au présent règlement lorsqu'il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d'une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées.

3. Le placement en rétention est d'une durée aussi brève que possible et ne se prolonge pas au-delà du délai raisonnablement nécessaire pour accomplir les procédures administratives requises avec toute la diligence voulue jusqu'à l'exécution du transfert au titre du présent règlement.

.....

Lorsqu'une personne est placée en rétention en vertu du présent article, son transfert de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable est effectué dés qu'il est matériellement possible et au plus tard dans un délai de six semaines à compter de l'acceptation implicite ou explicite par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou à compter du moment où le recours ou la révision n'a plus d'effet suspensif...'

Cependant c'est à bon droit que le juge des libertés et de la détention a relevé d'une part qu'il résulte également de l'article 29 du même règlement que ce délai de transfert doit intervenir dans un délai maximum de six mois si l'intéressé n'est placé en rétention administrative et que ce délai est porté à un an maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée, ce qui est le cas, en l'espèce, l'intéressé ayant étant incarcéré du 27 novembre 2021 au 11 avril 2022 pour l'exécution de deux peines d'emprisonnement de 8 mois et de 15 mois et d'autre part qu'il se déduit de l'ensemble des dispositions précitées que que ce délai ne commence à courir qu'à compter du jour où l'intéréssé est placé en rétention administrative si ce placement intervient postérieurement à la décision de transfert.

Dés lors, l'autorité préfectorale a respecté les délais impartis par ces textes pour organiser le transfert de l'intéréessé, il ne peut lui être fait grief d'un défaut de diligences à ce titre.

L'appréciation d'un défaut de diligences de l'administration l'article L741-3 du CESEDA ne doit s'apprécier, par ailleurs, qu' à compter de la date du placement en rétention.

Or, en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le Préfet justifie avoir adressé une demande de routing d'éloignement à destination de l'Allemagne dès le 12 avril 2022, soit le lendemain du placement en rétention et restée sans réponse à ce jour.

Il n'est donc pas établi que l'autorité administrative a manqué à ses diligences.

Il convient donc de confirmer l'ordonnance qui a rejeté ce moyen.

SUR LE FOND

Selon l'Article L751-9 du CESEDA: 'L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger faisant l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge pour prévenir un risque non négligeable de fuite tel que défini à l'article L. 751-10, dans la mesure où le placement en rétention est proportionné et si les dispositions de l'article L. 751-2 ne peuvent être effectivement appliquées.

L'étranger faisant l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge ne peut être placé et maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l'État responsable de l'examen de sa demande d'asile.

Lorsqu'un État requis a refusé de prendre en charge ou de reprendre en charge l'étranger, il est immédiatement mis fin à la rétention de ce dernier, sauf si une demande de réexamen est adressée à cet État dans les plus brefs délais ou si un autre État peut être requis.

En cas d'accord d'un État requis, la décision de transfert est notifiée à l'étranger dans les plus brefs délais et la rétention peut se poursuivre, dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités, pour le temps strictement nécessaire à l'exécution du transfert, si l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que l'exécution de la décision de transfert demeure une perspective raisonnable.

L'étranger faisant l'objet d'une décision de transfert peut également être placé en rétention en application du présent article, même s'il n'était pas retenu lorsque la décision de transfert lui a été notifiée.'

Et de l'article L751-10 du CESEDA : 'Le risque non négligeable de fuite mentionné à l'article L. 751-9 peut, sauf circonstance particulière, être regardé comme établi dans les cas suivants :

1° L'étranger s'est précédemment soustrait, dans un autre Etat membre, à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile ou à l'exécution d'une décision de transfert ;

2° L'étranger a été débouté de sa demande d'asile dans l'Etat membre responsable ;

3° L'étranger est de nouveau présent sur le territoire français après l'exécution effective d'une décision de transfert ;

4° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente décision d'éloignement ;

5° L'étranger, aux fins de se maintenir sur le territoire français, a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ;

6° L'étranger a dissimulé des éléments de son identité ; la circonstance tirée de ce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ne peut toutefois suffire, à elle seule, à établir une telle dissimulation ;

7° L'étranger qui ne bénéficie pas des conditions matérielles d'accueil prévues au titre V du livre V ne peut justifier du lieu de sa résidence effective ou permanente ;

8° L'étranger qui a refusé le lieu d'hébergement proposé en application de l'article L. 552-8 ne peut justifier du lieu de sa résidence effective ou permanente ou si l'étranger qui a accepté le lieu d'hébergement proposé a abandonné ce dernier sans motif légitime ;

9° L'étranger ne se présente pas aux convocations de l'autorité administrative, ne répond pas aux demandes d'information et ne se rend pas aux entretiens prévus dans le cadre de la procédure de détermination de l'État responsable de l'examen de sa demande d'asile ou de l'exécution de la décision de transfert sans motif légitime ;

10° L'étranger s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ;

11° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à la procédure de détermination de l'État responsable de l'examen de sa demande d'asile ou à la procédure de transfert.'

En l'espèce, l'intéressé ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de soustraction à la mesure qui est considéré comme établi au visa des articles L 751-10, 2° et 7° du ceseda puisque comme le relève le juge des libetrté et de la détention, il a déclaré être sans domicile fixe lors de son incarcération à la maison d'arrêt de [Localité 2] et ne justifie pas du lieu de sa résidence effective et permanente conformément aux dispositions précitées.

Il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée.

Par ailleurs, l'article L 743-13 du CESEDA':' «'Le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.

L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.

Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale.'»

En l'absence de remise de l'original de son passeport à un service de police ou de gendarmerie et de justification d'un domicile stable sur le territoire français, l'assignation à résidence ne peut en conséquence en l'état être ordonnée.

Il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement,

Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,

Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

Déclarons l'appel recevable,

Rejetons les moyens de nullité et la demande d'assignation à résidence,

Confirmons la décision déférée,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,

Fait à Montpellier, au palais de justice, le 15 Avril 2022 à 14h35.

Le greffier, Le magistrat délégué,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Rétentions
Numéro d'arrêt : 22/00153
Date de la décision : 15/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-15;22.00153 ?
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