Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 13 JANVIER 2021
N° RG 19/07318 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OMQP
Décision déférée à la Cour : Décision du 22 OCTOBRE 2019
BATONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS DE MONTPELLIER
N° RG
DEMANDEURS AU RECOURS:
Maître [E] [F]
[Adresse 3]
[Localité 4]
présente
SCP [F] ET ASSOCIES
société civile professionnelle inscrite au registre du Commerce et des Sociétés sous le n°431 917 756, prise en la personne de son représentant légal en exercice,
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Marie Pierre DESSALCES, avocat au barreau de MONTPELLIER
DEFENDEURS AU RECOURS :
Monsieur [Z] [D]
[Adresse 2]
[Localité 4]
présent
assisté par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER
SELARL [D] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant par Me [D]
assisté par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER
EN PRESENCE DE
MONSIEUR LE BATONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
absent et non représenté
convoqué par LRAR le 04 juin 2020, AR signé le 08 juin 2020
PARQUET GENERAL
cour d'appel
[Adresse 1]
[Localité 4]
non représenté
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:
L'affaire a été débattue le 17 NOVEMBRE 2020, en audience publique, Monsieur Philippe SOUBEYRAN,Président de chambre, ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du Code de procédure civile, devant la Cour composée de
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
M. Frédéric DENJEAN, Conseiller
Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Henriane MILOT
Ministère public :
L'affaire a été communiquée au ministère public, qui a fait connaître son avis.
ARRET :
- réputé contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans le cadre du litige ancien et pluriel qui oppose Me [Y] et la SCP [Y] & ASSOCIES à Me [D], les deux premières ont saisi le tribunal de commerce de Montpellier d'une assignation tendant au prononcé de la nullité de la SELARL [D] et paiement de dommages et intérêts ;
Le tribunal de commerce a renvoyé l'affaire devant le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Montpellier, qui, par décision du 22/10/2019, a rejeté la demande en nullité de la SELARL [D] et les demandes de dommages et intérêts qui en sont l'accessoire, rejeté la demande reconventionnelle de Me [D] et condamné solidairement Me [Y] et la SCP [Y] & ASSOCIES à payer à Me [D] et à la SELARL [D] la somme de 2500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Me [Y] et la SCP [F] et ASSOCIES ont formé recours contre cette décision le 06/11/2019.
Au terme de leurs dernières conclusions déposées le 16/11/2020, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour le détail de leur argumentation et moyens, elles demandent de :
"Déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté
Réformer la décision entreprise dans l'ensemble de ses dispositions
Vu le contrat de société irrégulièrement et illégalement établi par Maître [D] en date du 31 octobre 2017 et déposé au greffe du tribunal de commerce de Montpellier en date du 13 novembre 2017 constitutif d'une Selarl Chistophe [D]
Vu les dispositions légales et réglementaires applicables et notamment l'article 43 du décret du 20 juillet 1992
Vu l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Montpellier en date du 14 mai 2019 ayant prononcé le retrait de Maître [Z] [D] de la SCP [F] & Associés
Prononcer la nullité de la Selarl [Z] [D] pour
. défaut de capacité,
. objet illicite,
. apport illicite et illégitime
. fraude à la loi
Dire et juger que le prononcé de cette nullité doit entraîner la dissolution de la Selarl [Z] [D] avec toutes ses conséquences de droit
Condamner Maître [Z] [D] et la Selarl [Z] [D] conjointement et solidairement à payer :
- à la SCP [Y] & Associés la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts
- à [E] [Y] la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts
Condamner Maître [Z] [D] et la Selarl [Z] [D] conjointement et solidairement à payer aux concluantes la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Les condamner aux entiers dépens de l'instance"
Elles font valoir pour l'essentiel que la nullité de la SELARL [D] est encourue de plusieurs chefs :
- violation de l'article 1145 du code civil puisque Me [D] n'avait pas la capacité juridique de devenir associé membre d'une SELARL en application de l'article 4 de la loi du 29/06/2016 et de l'article 43 du décret du 20 juillet 1992 ;
- violation de l'article 1162 du code civil puisque l'objet social est totalement illicite dans la mesure où Me [D] ne pouvait exercer la profession d'avocat en dehors de la SCP dont il était toujours associé ;
- violation de l'article 1832 du code civil pour illicéité des apports, Me [D] n'ayant à titre personnel aucun fonds libéral depuis le commencement de son activité professionnelle qui pouvait faire l'objet d'apport, l'apport ayant été réalisé en fraude des droits de la SCP [Y] qu'il a dévalisée en octobre 2011 ;
- fraude ; Me [D] ayant lui même estimé à 200000€ l'apport fait au sein de la SELARL en violation des droits de la SCP et de son associée justifie l'allocation de dommages et intérêts pour 50000€ chacune.
L'accord de principe quant au retrait de Me [D] de la SCP [Y]-[D] au 31/12/2011 est inopérant puisqu'il n'a jamais été prévu expressément que quelque soit la position prise par Me [D] quant à la cession de ses droits, son retrait devait être effectif au 31/12/2011 ou devait prendre effet rétroactivement au 31/12/2011.
Pas plus la prétendue décision du conseil de l'ordre du 5 décembre 2011 n'est elle opérante.
C'est l'arrêt de la Cour de céans du 14 mai 2019 qui prononce le retrait pur et simple de Me [D] de la SCP parce qu'il refusait de procéder à la cession de ses droits sociaux, la date de retrait étant fixée au jour du prononcé de l'arrêt
Au terme de leurs dernières conclusions déposées le 26/10/2020, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour le détail de leur argumentation et moyens, Me [D] et la SELARL [D] demandent de :
"Vu l'ordonnance de Monsieur le Bâtonnier en date du 22 octobre 2019,
LA CONFIRMER EN TOUTES SES DISPOSITIONS,
Y AJOUTANT,
DEBOUTER la SCP [Y] ET ASSOCIES et Me [Y] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
RECONVENTIONNELLEMENT, au visa de l'article 1382 du Code civil, CONDAMNER la SCP [Y] ET ASSOCIES et Me [Y] à payer à Me [D] la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et abus du droit d'ester en justice.
CONDAMNER la SCP [Y] ET ASSOCIES à payer Me [D] la somme de 4.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance."
Après avoir rappelé les multiples décisions de justice intervenues, les dernières en date étant l'arrêt de la Cour d'appel de TOULOUSE du 26 février 2020 et l'arrêt de la cour de ce siège du 29/09/2020 rejetant la demande d'interprétation de l'arrêt du 14/05/2019 ayant rappelé que le retrait avait pris effet le 31/12/2011, elles font valoir pour l'essentiel que la demande de nullité de la SELARL [D] est en voie de rejet sur chacun des moyens soulevés alors que les appelantes n'ont aucun intérêt à agir au sens de l'article 31 du code de procédure civile, si ce n'est de satisfaire leur esprit quérulent.
vu la communication de l'affaire au ministère public qui a conclu le 18/11/2019 à la confirmation de la décision
MOTIFS
Sur la demande de nullité
Les appelantes soutiennent la nullité de la SELARL [D] pour plusieurs causes.
Comme l'a fait M. Le bâtonnier par des motifs pertinents que la cour adopte, il convient de retenir que :
- Me [D], avocat, était en pleine capacité de devenir associé membre d'une SELARL le 31/10/2017, les seuls moyens invoqués tenant à l'irrégularité de l'exercice de la profession d'avocat, inopérants et démentis par les nombreuses décisions intervenues, dont l'arrêt de cette cour du 14/05/2019 dont les appelantes font une lecture tronquée puisque s'il y est disposé que le retrait de Me [D] de la SCP [Y]-[D] est prononcé par la Cour, il est également rappelé au dispositif ce que de multiples décisions précédentes ont déjà jugé, à savoir l'accord des parties quant à un retrait de Me [D] à la date du 31/12/2011, lequel, judiciairement constaté, a acquis l'autorité de chose jugée :
- l'objet social de la SELARL énoncé aux statuts est l'exercice de la profession d'avocat dont nul ne voit l'illiceité de l'objet ;
- l'illiceité des apports est soutenue en référence à l'appropriation illégitime par Me [D] de plus de 500 dossiers au préjudice de la SCP, ce que n'a pas retenu la cour de céans dans son arrêt définitif du 08/04/2015 en jugeant que Me [D] avait restitué les dossiers pour lesquels il n'avait pas reçu de mandat ad litem du client, de telle sorte que l'apport par Me [D] à la SELARL [D] d'un fonds libéral d'avocat dont il est démenti qu'il intègre une clientèle détournée, n'est en rien illicite ;
- la fraude n'est pas argumentée autrement que par sa simple allégation.
Le recours en nullité ne peut dès lors qu'être rejeté.
Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts
Par le biais de cette action pour laquelle elles ne disposent d'aucun intérêt légitime puisqu'elles sont tiers au contrat de société et ne sont pas investies d'un droit d'agir particulier contrairement aux exigences de l'article 31 du code de procédure civile, Me [Y] et la SCP [Y]&ASSOCIES ne poursuivent plus désormais qu'un intérêt illégitime qui est d'empêcher Me [D] d'exercer sa profession d'avocat, en tentant de revenir une nouvelle fois sur ce qui a déjà été tranché à plusieurs reprises, la dernière fois par arrêt de cette Cour du 14/05/2019 qui a prononcé le retrait de Me [Z] [D] de la SCP d'avocats [Y]-[D] et rappelé que ce retrait a pris effet en conséquence de l'accord des parties à la date du 31/12/2011 et l'arrêt subséquent rejetant la requête en interprétation.
Me [Y] et la SCP [Y] & ASSOCIES, qui ont en outre cherché à échapper à la juridiction de leur bâtonnier de Montpellier en saisissant le tribunal de commerce de Nîmes, ne sont plus désormais animées que de l'intention de nuire à leur confrère, lui ouvrant droit à percevoir de légitimes dommages et intérêts pour le préjudice qu'elles lui causent par la répétition des actions judiciaires, toutes non fondées, que la Cour arbitrera à la somme de 5000€.
Succombant dans leur action, elles supporteront les dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions
Y ajoutant,
Condamne in solidum Me [Y] et la SCP [Y]& ASSOCIES à payer à Me [D] et à la SELARL [D], conjointement, la somme de 5000€ à titre de dommages et intérêts.
Condamne in solidum Me [Y] et la SCP [Y]& ASSOCIES à payer à Me [D] et à la SELARL [D], conjointement, la somme de 2500€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne in solidum Me [Y] et la SCP [Y]& ASSOCIES aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT