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13/01/2021 | FRANCE | N°17/05036

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 13 janvier 2021, 17/05036


Grosse + copie

délivrées le

à



COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRET DU 13 JANVIER 2021



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/05036 - N°Portalis DBVK-V-B7B-NKMY







Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 SEPTEMBRE 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 15/03584





APPELANTS :



Monsieur [D] [P]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représen

té par Me Nolwenn ROBERT de la SELAS PVB AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant



Société SAMM LA MEDITERRANEE

Société d'assurances maritimes mutuelles, prise en la personne de son...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 13 JANVIER 2021

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/05036 - N°Portalis DBVK-V-B7B-NKMY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 SEPTEMBRE 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 15/03584

APPELANTS :

Monsieur [D] [P]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représenté par Me Nolwenn ROBERT de la SELAS PVB AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

Société SAMM LA MEDITERRANEE

Société d'assurances maritimes mutuelles, prise en la personne de son représentant légal en exercice.

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Nolwenn ROBERT de la SELAS PVB AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

INTIMES :

CAPITAINERIE DE FRONTIGNAN

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Stéphane CROS de la SELARL GIL, CROS SELARL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

Compagnie d'assurances SMACL

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphane CROS de la SELARL GIL, CROS SELARL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 NOVEMBRE 2020, en audience publique, Monsieur Frédéric DENJEAN ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Frédéric DENJEAN, Conseiller

Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Henriane MILOT

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTION DES PARTIES

Selon bon de manutention du 26 février 2013 monsieur [D] [P], marin pêcheur, a fait effectuer la mise à terre sur des bers de son bateau et la dépose des moteurs hors-bord par la CAPITAINERIE DE FRONTIGNAN, mais le jour même, alors que le bateau était immobilisé et qu'il effectuait des travaux sur son bateau, celui-ci s'est couché sur le flanc, subissant des dommages qui l'ont immobilisé de février à août 2013.

Monsieur [D] [P] a fait intervenir son assureur la SAMM LA MEDITERRANEE qui a mis cause la CAPITAINERIE DE FRONTIGNAN et son assureur la compagnie SMACL.

Une expertise amiable contradictoire a été réalisée le 5 mars 2013, et l'expert a relevé des fissures provoquées par la chute du bateau, en indiquant que le dommage était imputable à un mauvais calage de la coque, les travaux de remise en état étant évalués entre 21.900 et 26.800 €.

L'assureur de monsieur [D] [P] a pris en charge les travaux, et son assuré a pris en location un autre bateau d'une taille inférieure pour continuer son activité, subissant selon lui un préjudice financier dont il n'a pu obtenir réparation de la part de son assureur.

Dans un premier temps monsieur [D] [P] a saisi le tribunal administratif qui s'est déclaré incompétent en considérant que le litige était relatif à des rapports de droit privé entre l'exploitant d'un service public industriel et commercial et son usager.

Par assignation du 9 juin 2015 monsieur [D] [P] et la SAMM LA MEDITERRANEE ont saisi le tribunal de grande instance de MONTPELLIER aux fins de juger que la responsabilité de la CAPITAINERIE DE FRONTIGNAN et de son assureur est engagée, de les condamner solidairement au paiement des sommes de 26.800 € au profit de la SAMM au titre des travaux réalisés, de 45.500 € au titre des frais de location d'un bateau de remplacement, de 55.002 € au titre des pertes d'exploitation consécutives au sinistre, outre à payer la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens ; lequel par jugement contradictoire du 5 septembre 2017 les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes, et les a condamnés à payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

En date du 25 septembre 2017 monsieur [D] [P] et la SAMM LA MEDITERRANEE ont interjeté appel.

Vu les dernières conclusions en date du 31 mai 2018 de monsieur [D] [P] et la SAMM LA MEDITERRANEE, auxquelles il est expressément référé pour complet exposé des motifs et du dispositif, aux fins d'infirmer le jugement, et statuant à nouveau de débouter la capitainerie et son assureur de toutes leurs demandes en ce compris celles afférentes au partage de responsabilité, et en conséquence de les condamner solidairement au paiement des sommes de 32.510,18 € au profit de la SAMM au titre des frais de réparation engagés avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2013 date de la première mise en demeure, de 45.500 € au profit de monsieur [D] [P] au titre des frais de location d'un bateau de remplacement avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2013, de 55.002 € au profit de monsieur [D] [P] au titre des pertes d'exploitation consécutives au sinistre avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2013, de 9.493,47 € au titre du préjudice financier lié à l'absence d'indemnisation du sinistre subi par monsieur [D] [P], outre condamner solidairement la CAPITAINERIE DE FRONTIGNAN et son assureur la SMACL à payer la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Vu les dernières conclusions en date du 1er mars 2018 de la CAPITAINERIE DE FRONTIGNAN et de la SMACL, auxquelles il est expressément référé pour complet exposé des motifs et du dispositif, aux fins de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, subsidiairement de dire que monsieur [D] [P] a commis une faute de nature à entrainer un partage de responsabilité et réduire le montant des préjudices à 21.900 € au titre des frais de réparation et à 7.302,75 € au titre de la perte de marge brute, de rejeter les demandes au titre des frais de location d'un bateau de remplacement tenant l'absence de justifications et au titre des frais financiers ; en tout état de cause de condamner solidairement monsieur [D] [P] et la SAMM LA MEDITERRANEE à payer la somme de 6.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 11 février 2020 suivie du renvoi à l'audience des débats du 17 novembre 2020 lié à la grève des avocats suivie de la crise sanitaire de la Covid.

SUR CE

Sur la responsabilité

L'article 1134 ancien du code civil énonce que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En l'espèce il n'est pas contestable que la mise sur les bers a été effectuée par les soins du personnel de la capitainerie de [Localité 5], qui a également effectué la dépose moteur comme il ressort du bon de manutention.

Or cette opération de pose avec calage du bateau a été réalisée par un professionnel, qui est tenu en cette qualité à une obligation de résultat et de sécurité concernant la stabilité du bateau reposant sur les berceaux appartenant d'ailleurs à ce professionnel, et pour laquelle opération le propriétaire ne doit en aucun cas intervenir ni modifier ce calage du bateau comme il ressort du paragraphe intitulé 'Le stationnement à terre' figurant dans le règlement de fonctionnement de la zone technique du port de plaisance.

Tandis que monsieur [D] [P] n'est nullement un professionnel du calage de bateau, mais seulement un professionnel de la mer réalisant lui-même les opérations d'entretien de son bateau une fois à quai.

La capitainerie ne peut donc pas lui opposer une clause d'exclusion de responsabilité concernant le calage mal exécuté, laquelle est réputée non écrite en ce qu'elle énonce une exclusion générale plaçant le contractant dans l'impossibilité de contester les circonstances d'un calage sur lequel il n'a aucune prise.

Ainsi monsieur [D] [P] ne peut être tenu pour entièrement responsable des conséquences de la chute de son navire comme le prétend à tort la capitainerie, qui a seule effectué le calage.

Et le seul reproche qui peut lui être opposé est d'avoir, bien qu'ayant signalé 'que le calage n'est pas fait correctement', comme il l'indique lui-même dans son rapport de mer dressé le jour même, néanmoins commencé les travaux sur le bateau une fois que les moteurs ont été retirés.

En effet monsieur [D] [P] précise dans ce rapport 'nous travaillons sur le bateau, et d'un coup nous avons été projeté ; le bateau était tombé' ce qui démontre bien que le bateau n'a pas été déséquilibré du seu fait de l'enlèvement des moteurs, mais pas l'action combinée de son mauvais calage ajoutée à la réalisation des travaux sur le bateau, qui manifestement n'était pas suffisemment calé pour les supporter.

Et le calage réalisé par le professionnel de cette opération a nécessairement été réalisé dans le but d'effectuer des travaux sur le bateau, ce que ne pouvait ignorer la capitainerie, qui était donc tenue d'une obligation de résultat envers son client afin d'assurer un calage suffisant pour lui permettre d'effectuer les opérations d'entretien du bateau, et en s'assurant d'un bon positionnement des bers.

D'autant plus que la capitainerie dans sa prestation a également procédé à l'enlévement des moteurs, modifiant donc par son intervention le centre de gravité du bateau, qui a donc chuté suite à la conjonction du défaut de calage et des travaux effectués, le lien de causalité initial et donc le plus important étant manifestement le mauvais calage de la coque sur les bers comme signalé par l'étude technique de l'expert [O] produite contradictoirement aux débats.

Par conséquent il y a lieu de dire la capitainerie, qui a mal calé le bateau malgré l'enlèvement des moteurs, comme monsieur [D] [P] qui par manque de prudence a engagé les travaux de réparation sur le bateau malgré sa connaissance du mauvais calage, co-responsables des dommages occasionnés au bateau, dans les proportions respectivement de 80 % pour la capitainerie et de 20 % pour monsieur [D] [P].

Le jugement sera donc réformé en toutes ses dispositions.

Sur les préjudices

L'article 1147 ancien du code civil énonce que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Concernant les frais de réparation, seule est produite la facture de L'ANCRE DE LEVAGE du montant de 1.900 €, mais aucune autre pièce justifiant de factures honorées, ni même de devis, relatifs à la simple liste des montants figurant sur le décompte des frais établi par la SAMM, laquelle ne peut évidemment nullement se constituer à elle-même la preuve des dommages réclamés.

Ceux-ci doivent donc être indemnisés à hauteur du seul premier devis produit à l'expert par l'entreprise NOUVELLE VAGUE (plus qualifiée pour effectuer les réparations de ce navire comme signalé par l'expert) pour le montant de 21.900 € HT.

Ce qui fait donc un total de 1.900 + 26.800 = 28.700 x 0,80 = 23.340 € au titre des frais de réparation au profit de la SAMM qui a déjà indemnisé ce poste, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 9 juin 2015, et non pas depuis la première mise en demeure du 4 juin 2013 ni celle du 11 juin 2013, car elle ne comportent pas de demande chiffrée compléte et précise.

Concernant les frais de location d'un bateau de remplacement, cette location a été nécessaire à monsieur [D] [P], puisque l'expert mentionne que son activité découle complétement de l'utilisation de son bateau, les factures de location produites découlent donc directement de la durée d'immobilisation du bateau liée à sa réparation.

Cependant le durée de réparation de 6 mois non justifiée, apparaît excessive comme le précise la capitainerie, et il conviendra donc de limiter l'indemnisation à une durée plus raisonnable de 3 mois soit 12 semaines puisqu'aucun élément n'est rapporté justifiant d'une prétendue immobilisation si longue du bateau. Le montant de cette indemnisation sera donc limité à 12 x 1.750 x 0,80 = 16.800 € avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2015.

Concernant la perte d'exploitation , il convient, compte tenu de l'importante discordance entre la demande à ce titre initialement présentée devant la juridiction administrative, et la prétendue perte d'exploitation évoquée dans les dernières conclusions de monsieur [D] [P], mais dont le lien de causalité certain et direct avec le sinistre n'est pas établi puisqu'il a utilisé un bateau de location pour continuer son activité professionnelle, de la limiter au montant de 52.802,75 € proposé par l'expert dans son calcul du 26 mars 2014, ce qui laisse donc la somme de 52.802,75 € x 0,80 = 42.242,20 € au bénéfice de monsieur [D] [P] avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2015.

Concernant le prétendu préjudice financier, aucun lien de causalité direct et certain n'apparaît établi pour 2013 avec le sinistre du bateau, et monsieur [D] [P] réclame en sus des sommes également pour les années 2014 et 2015 alors qu'il avait alors nécessairement récupéré son bateau et donc retrouvé son activité normale. Il conviendra donc de débouter de cette demande infondée.

SUR LES AUTRES DEMANDES

L'article 696 du code de procédure civile énonce que la partie perdante est condamnée aux dépens, et il conviendra de condamner in solidum la CAPITAINERIE DE FRONTIGNAN et la SMACL aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Selon l'article 700 du même code le juge condamne la partie tenue aux dépens à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, et en l'espèce il n'apparait pas inéquitable de condamner in solidum la CAPITAINERIE DE FRONTIGNAN et la SMACL à payer la somme de 3.000 € sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant contradictoirement, par mise à disposition

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit la CAPITAINERIE DE FRONTIGNAN et monsieur [D] [P] co-responsables des dommages occasionnés au bateau dans les proportions respectivement de 80 % pour la capitainerie et de 20 % pour monsieur [D] [P].

Condamne solidairement la CAPITAINERIE DE FRONTIGNAN et la SMACL à payer les sommes de :

- 23.340 € au profit de la SAMM LA MEDITERRANEE au titre des frais de réparation,

- 16.800 € à monsieur [D] [P] au titre des frais de location d'un bateau de remplacement,

- 42.242,20 € à monsieur [D] [P] au titre de la perte d'exploitation,

le tout avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2015,

Rejette la demande au titre du prétendu préjudice financier,

Condamne in solidum la CAPITAINERIE DE FRONTIGNAN et la SMACL aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer la somme de 3.0000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 17/05036
Date de la décision : 13/01/2021

Références :

Cour d'appel de Montpellier 1B, arrêt n°17/05036 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-13;17.05036 ?
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