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à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 17 NOVEMBRE 2020
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/06538 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NN44
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 NOVEMBRE 2017
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN
N° RG 15/00100
APPELANTE :
LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MEDITERRANEE
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentée par Me Philippe CODERCH-HERRE de la SCP SAGARD - CODERCH-HERRE ET ASSOCIES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES substitué par Me Olivier MASSOT, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
INTIMES :
Monsieur [Y] [S]
né le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représenté par Me Eve BERNOLE, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES substitué par Me Jean-Claude ATTALI, avocat au barreau de BEZIERS
Monsieur [G] [S]
né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représenté par Me Eve BERNOLE, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES substitué par Me Jean-Claude ATTALI, avocat au barreau de BEZIERS
SARL LAURE IMMO
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Eve BERNOLE, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES substitué par Me Jean-Claude ATTALI, avocat au barreau de BEZIERS
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 22 Septembre 2020
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 OCTOBRE 2020, en audience publique, Madame Marianne ROCHETTE, conseiller ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre
Madame Anne-Claire BOURDON, conseiller
Madame Marianne ROCHETTE, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Hélène ALBESA
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:
La Sci Laure Immo créée le 17 avril 2001 entre [G] [S] et [Y] [S] pour un capital de 10 000 francs avait pour objet la location de tout un immeuble .
[Y] [S] en était le gérant et les deux associés détenaient chacun la moitié des parts sociales.
Par acte sous seing privé du 3 juillet 2001, la caisse régionale de Crédit Agricole mutuel sud Méditerranée -ci -après le Crédit agricole- a accordé à la SCI Laure Immo un prêt immobilier n° P 8106 79012 PR de 2'021'000 Fr. (308'099,46 euros) productif d'intérêts au taux annuel de 5,7 % et remboursable en 180 mois dont 179 mois de différé d'amortissement.
Les fonds prêtés étaient destinés à l'achat d'une résidence locative.
Les parties ont convenu que le prêt serait garanti par le nantissement :
' d'un compte titre n° 1819 1266 640 appartenant à M.[G] [S],
' de contrats assurance-vie Optalissime n° 1819 1266 703 et 1819 1266 705 souscrits par [G] [S] auprès de la compagnie Prédica,
' d'un contrat d'assurance-vie Predissime n° 1816 4757 706 souscrit par [Y] [S] auprès de la compagnie Prédica.
Selon acte sous seing privé du 16 avril 2004, le Crédit agricole a consenti à la SCI Laure Immo un autre prêt immobilier n° P 873306018 PR de 494'362 euros productif d'intérêts au taux annuel de 3,25 % et remboursable en 120 mensualités dont 119 mois de différé d'amortissement.
Les fonds prêtés avaient pour objet "l'acquisition locatif" .
Il a également été convenu que le prêt serait garanti par les cautionnements solidaires de [Y] et [G] [S] consentis le 16 avril 2004 chacun dans la limite de 741'543 euros et pour une durée de 120 mois ainsi que par le nantissement :
' d'un compte titre n° 1819 1266 640 appartenant à M. [G] [S],
' de contrats assurance-vie n° 1819 1266 700, 1819 1266 701, 1819 1266 703 et 1819 1266 705 souscrits par M. [G] [S] auprès de la compagnie prédica.
Le 26 novembre 2004, la SCI Laure Immo est devenue l'EURL Laure Immo.
La déchéance du terme a été prononcée pour les deux prêts le 30 septembre 2014 et par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30 septembre 2014, la banque a vainement mis en demeure la débitrice principale et les cautions d'avoir à honorer leurs engagements.
Par exploit du 9 janvier 2015, le Crédit agricole a fait assigner la SARL Laure Immo, [Y] [S] et [G] [S] devant le tribunal de grande instance de Perpignan en paiement mais également en vue d'obtenir l'attribution des contrats d'assurances et comptes titres nantis en garanties des prêts.
Le tribunal, par jugement du 23 novembre 2017, a notamment :
- déclaré l'action recevable,
- déclaré opposable à [Y] et [G] [S] la défaillance de la SARL Laura Immo,
- déclaré inopposable au Crédit agricole l'engagement de caution de MM. [Y] et [G] [S] en date du 16 avril 2004,
- débouté le Crédit agricole de sa demande en paiement à l'encontre de [Y] et [G] [S],
- condamné la SARL Laure Immo à payer au Crédit agricole les sommes suivantes :
' au titre du prêt en date du 3 juillet 2001 : la somme de 174'061,01 euros avec intérêts au taux de 5,70 % à compter du 1er octobre 2014 sur la somme de 162'673,85 euros et avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2015 sur la somme de 11'387,16 euros,
' au titre du prêt en date du 16 avril 2004 : la somme de 536'126,40 euros avec intérêts au taux de 1,30 % à compter du 1er octobre 2014,
- attribué au Crédit Agricole :
' le contrat d'assurance-vie numéro 1819 1266 705 souscrit par [G] [S] auprès de la SA Prédica,
' le contrat d'assurance-vie numéro 1816 4757 706 souscrit par [Y] [S] auprès de la SA Predica,
' le compte titre N° 1819 126 6640 d'[G] [S]
- débouté le Crédit agricole du surplus de ses demandes,
- condamné in solidum la SARL Laure Immo, [Y] et [G] [S] à payer à la caisse régionale de crédit agricole mutuel sud Méditerranée la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Le Crédit agricole a régulièrement relevé appel partiel, le 18 décembre 2017, de ce jugement en vue de sa réformation.
Il demande à la cour, en l'état de ses conclusions déposées et notifiées le 18 juillet 2018 via le RPVA, de :
Sur la disproportion manifeste
Vu l'article L. 341'4 ancien du code de la consommation, vu les articles 1134,'1147, 1200 et suivants et 2288 et suivants du code civil
- infirmer le jugement rendu le 23 novembre 2017 par le tribunal de grande instance de Perpignan en ce qu'il a :
' déclaré inopposable au Crédit agricole l'engagement de caution de MM. [Y] et [G] [S] en date du 16 avril 2004
' débouté le Crédit Agricole de sa demande en paiement à leur encontre
Statuant à nouveau,
- dire et juger que :
' les cautionnements solidaires de MM. [Y] et [G] [S] n'étaient manifestement pas disproportionnés par rapport à leurs biens et revenus au moment de leur souscription,
' en tant que de besoin que les revenus et patrimoine de M. [G] [S] lui permettent de faire face, au jour ou il est appelé, à son obligation de caution solidaire,
En conséquence,
- condamner solidairement MM. [Y] et [G] [S] à payer au Crédit agricole la somme de 536'126,40 euros outre les intérêts au taux de 1,30 % depuis le 1er octobre 2014 jusqu'à complet paiement, dans la limite pour les cautions de la somme de 526'783,43 euros,
Sur l'attribution des contrats nantis,
Vu les articles 2355 et suivants du code civil, l'article L. 132'10 du code des assurances, ensemble l'article 2075 ancien du Code civil, vu les articles L. 431'4 et D. 431'1 anciens du code monétaire et financier, ensemble l'article 2356 du code civil,
- infirmer le jugement rendu le 23 novembre 2017 en ce qu'il a :
débouté le Crédit agricole de sa demande tendant à l'attribution du contrat d'assurance-vie numéro 1819 1266 703 nanti en garantie du prêt n° P 8106 79012PR de 2'021'000 Fr.,
' débouté le Crédit agricole de sa demande tendant à l'attribution des contrats d'assurance-vie N° 1819 1266 700, 1819 1266 701, 1819 1266 703 et 1819 1266 705 nantis en garantie du prêt n° P 873306018 PR de 494'302 euros,
Statuant à nouveau,
- débouter MM. [Y] et [G] [S] de leurs demandes,
- attribuer au Crédit agricole à hauteur du montant de ses créances des contrats d'assurance-vie N° 1819 1266 700, 1819 1266 701, 1819 1266 703 et 1819 1266 705 nantis en garantie des prêts susvisées,
- confirmer le jugement querellé pour le surplus,
Sur la prescription
Vu l'article L. 137'2 du code de la consommation
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que l'action du Crédit agricole n'était pas prescrite,
- débouter MM. [Y] et [G] [S] de leurs demandes de ce chef,
Sur l'opposabilité de la défaillance de la SARL Laure Immo aux garants
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré opposable aux consorts [S] la défaillance de la SARL Laure Immo,
Sur la nullité ou la décharge des cautionnements de M. [G] [S]
Vu l'article 1110 anciens du code civil et l'article 2314 du code civil,
- dire et juger que les cautionnements de M. [G] [S] ne sont pas nuls et qu'il n'y a pas lieu de le décharger de ses engagements de caution,
- le débouter de ses demandes de ce chef,
- condamner en toute hypothèse solidairement la SARL Laure Immo, MM. [Y] et [G] [S] à lui payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit des avocats de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel, il fait essentiellement valoir que :
- les dispositions de l'article L.341-1 du code de la consommation sont inapplicables aux garanties accordées dans le cadre du premier prêt et il n'existe aucune disproportion manifeste s'agissant des cautionnements consentis en garantie du second prêt en l'état des renseignements donnés par les intimés eux-mêmes lors de la souscription auxquels s'ajoutent leurs parts sociales, leurs comptes courants d'associés dans la société mais également des titres nantis dont la valeur s'intègre aux actifs et en considération encore des perspectives de développement du débiteur principal,
- [G] [S] qui possède des actifs mobiliers et appartements est en mesure de faire face à ses engagements au jour où il est appelé,
- les nantissements des contrats n°1819 1266 705, 1816 4757 706 mais également 1819 1266703 accordés en garantie du prêt n° P 810679012 PR ont donné lieu à avenants conformément aux dispositions de l'article L.132-10 du code des assurances qui ont été produits aux débats et s'agissant des nantissements donnés en garanties du second prêt n°873306018 PR, elle justifie du consentement irrévocable de [G] [S] par les demandes de nantissement qu'il a signées et qui comportent les mentions nécessaires à l'identification des créances garanties,
- le nantissement du compte titre est conforme aux dispositions des articles L.431-4 et D.431-1 du code monétaire et financier, n'étant pas exigé que la valeur du titre soit portée dans l'acte de nantissement et [G] [S] a signé un contrat de cautionnement réel identifiant le compte titre et les valeurs qui y figurent,
- les dispositions de l'article L.137-2 du code de la consommation sont inapplicables.
Par acte d'huissier de justice en date du 18 janvier 2018, le Crédit agricole a signifié sa déclaration d'appel aux intimés, l'acte ayant été remis à son gérant, s'agissant de la SARL Laura immo qui n'a pas constitué avocat.
Formant appel incident, [Y] et [G] [S] sollicitent de voir, aux termes de leurs conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 22 février 2019 :
Au principal, tenant les dispositions de l'article L. 137'2 du code de la consommation
- dire et juger que le Crédit agricole n'a pas engagé son action en paiement dans un délai de deux ans à compter du premier incident non régularisé de paiement constituant la défaillance de l'emprunteur principal,
- infirmer en conséquence le jugement dont appel sur ce point,
A titre subsidiaire, tenant les dispositions de l'article L. 341'4 du code de la consommation, de l'article L. 132'10 anciens du code des assurances, des articles 2075 et 2356 anciens du code civil ainsi que des articles L. 431'4 et D.431'1 anciens du code monétaire et financier,
- confirmer le jugement en date du 23 novembre 2017 en ce qu'il a déclaré inopposable le cautionnement supposé consenti au Crédit agricole au titre du prêt en date du 16 avril 2004 pour disproportion manifeste de leurs engagements à leurs revenus et patrimoine,
- dire en conséquence que le banquier prêteur ne peut s'en prévaloir,
-confirmer le jugement en ce qu'il a limité l'attribution des nantissements d'assurance-vie aux seuls contrats N° 1819 1266 705 de [G] [S] et N° 1816 4757 706 de [Y] [S] et au titre du seul premier prêt en date du 3 juillet 2001,
- constater la nullité des nantissements de compte titres consenti parYves [S],
- infirmer en conséquence le jugement sur ce point et débouter l'appelante de sa demande d'attribution de compte titres,
A titre infiniment subsidiaire, tenant les dispositions de l'article 1110 du code civil,
- constater la nullité du cautionnement consenti par M. [S] au titre du prêt en date du 16 avril 2004,
- condamner le Crédit agricole au paiement de la somme de 5000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de l'avocat soussigné
Ils exposent en substance que :
- les parties ayant soumis leurs conventions à la loi n°79596 du 13 juillet 1979 et au décret n°80473 du 28 juin 1980, les dispositions des articles L.137-2, L.311-52 et L.312-2 du code de la consommation s'appliquent,
- les garanties consenties au titre du premier prêt comme l'ensemble des engagements déjà souscrits par la caution doivent être prises en compte pour l'appréciation de la disproportion des cautionnements de 2004 et le tribunal avait à juste titre diminué l'actif net du patrimoine de [G] [S] de la valeur des nantissements consentis en 2001 dans son appréciation,
- étant clients du Crédit agricole, l'établissement connaissait parfaitement leur situation financière et leur impossibilité de faire face à des engagements en garantie d'un capital emprunté de 805 233,72 euros,
- les fiches de renseignements de 2004 permettent de conclure à la disproportion du cautionnement de 2004 d'autant que la quasi-totalité de leur patrimoine était déjà nanti, qu'ils ne possédaient ni compte courant d'associé ni parts sociales de valeur et que le remboursement des échéances grevait plus de 80 % de leurs revenus,
- la preuve n'est pas rapportée d'un retour à meilleure fortune,
- [G] [S], avait fait de l'engagement consenti le même jour par l'autre associé et gérant, une condition déterminante de ses engagements,
- la validité du nantissement des contrats d'assurance-vie est conditionnée à des formalités précises non respectées et celui du compte titre n'a pas davantage été valablement réalisé en l'absence de "déclaration de gage de compte d'instruments financiers",
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 22 septembre 2020 .
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la prescription et la forclusion de l'action en paiement:
L'article L. 137-2 du code de consommation devenu L.218-2 dispose que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.
Il est exact que ce texte a une portée générale et que les crédits immobiliers consentis aux consommateurs par des organismes de crédit constituent des services financiers fournis par des professionnels, et sont comme tels soumis à la prescription biennale.
Mais il se déduit également de ce texte que seuls les consommateurs peuvent invoquer la prescription biennale instituée par cette disposition et que ceux-ci sont nécessairement des personnes physiques.
En l'espèce, le prêt litigieux a été consenti à une société civile immobilière, ce qui exclut l'application de la prescription biennale susmentionnée, étant sans incidence que les parties aient volontaire soumis leurs conventions aux dispositions de la loi Scrivener 2 Loi n°79596 du 13 juillet 1979.
Par ailleurs les dispositions de l'article L.311-52 devenu R.312.35 sur la forclusion ne s'appliquent qu'aux crédits à la consommation et non aux crédits immobiliers régis par les articles. L. 312-1 s. [L. 313-1 s.] du code de la consommation.
Il apparaît enfin que la banque a prononcé la déchéance du terme du prêt 873306018 PR au terme du différé de 119 mois faute de remboursement à la date convenue du mois de mai 2014 qui constitue le premier incident de paiement. Ayant engagé son action en paiement par assignation du 9 janvier 2015, elle n'encourt aucune prescription.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit recevable l'action de la banque.
Sur la disproportion manifeste:
* au titre des engagements de 2001:
L'article L.341-4 du code de la consommation (L.332-1 dans sa nouvelle rédaction) prévoit qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où elle est appelée, ne lui permette de faire face à ses obligations.
La sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'implique aucun engagement personnel à satisfaire l'obligation d'autrui. La sûreté réelle mobilière consistant dans le nantissement des titres détenus par les appelants n'est pas un cautionnement et, limitée aux titres nantis, elle est nécessairement proportionnée aux facultés contributives de son souscripteur.
L'article précité du code de la consommation serait en tout état de cause inapplicable aux cautionnements conclus antérieurement à son entrée en vigueur.
Il est donc doublement inopérant d'opposer ces dispositions aux engagements de 2001.
* au titre des engagements de caution consentis le 16 avril 2004:
La disproportion manifeste du cautionnement doit être évaluée lors de la conclusion du contrat, au regard du montant de l'engagement et en fonction des revenus et du patrimoine de la caution, en prenant également en considération l'endettement global de celle-ci. A ce passif, doit être pris en considération l'endettement global de la caution, qui inclut notamment les dettes éventuelles que constituent les autres engagements de cautionnement souscrits antérieurement.
Il incombe à la caution de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle allègue mais le créancier est quant à lui en droit de se fier aux informations qui lui ont été fournies dans la fiche de renseignements et de les opposer à la caution quand il est en possession d'une fiche certifiant exacts les renseignements donnés. En l'absence d'anomalies apparentes affectant la fiche qu'elle a remplie, signée et certifiée exacte, la caution n'est pas admise à établir, devant le juge, que sa situation était, en réalité, moins favorable que celle qu'elle avait déclarée à la banque.
Au principe selon lequel, en cas de déclaration de la situation patrimoniale, seuls les éléments déclarés peuvent être invoqués par la caution, est apportée une exception lorsque le créancier professionnel avait connaissance (ou ne pouvait pas ignorer) de l'existence d'autres charges pesant sur la caution non déclarées sur la fiche de renseignements.
Dans le cadre de l'appréciation de cette disproportion, les revenus escomptés de l'opération garantie ne peuvent être pris en considération..
Par contre, et comme le rappelle le Crédit agricole dans ses conclusions, la disproportion doit notamment s'apprécier au regard des parts sociales et de la créance en compte courant d'associé dont est titulaire la caution au sein de la société débitrice qui font partie de son patrimoine au même titre que ses revenus.
En l'espèce, les deux cautions ont rempli et signé une fiche de renseignements de leur situation patrimoniale le 24 janvier 2004 qu'il convient d'examiner pour chacun.
* [G] [S] a déclaré être célibataire et avoir trois enfants.
Au titre de ses actifs, il a mentionné :
- un salaire annuel de 45 000 euros, la SARL la Paix étant désignée comme employeur,
- des revenus de capitaux mobiliers dont il n'a pas précisé le montant,
- une plus-value immobilière réalisé en 2003 pour environ 35 000 euros,
- une épargne auprès du Crédit agricole de 395 000 euros,
- une épargne auprès de la Caisse d'épargne de 352 000 euros, les établissements gestionnaires étant désignés comme étant le crédit agricole, la caisse d'épargne et Axa.
S'agissant de sa situation professionnelle, il a également déclaré être propriétaire d'un fonds de commerce dégageant un chiffre d'affaire de '199" sur les trois dernières années.
Il n'a rien renseigné au titre de son endettement préexistant.
Le Crédit agricole ne pouvait cependant pas ignorer que [G] [S] avait déjà consenti des sûretés réelles sur l'épargne gérée dans ses établissements en garantie du précédent prêt consenti à la SCI à savoir :
' le nantissement des contrats assurance-vie Optalissime n° 1819 1266 703 et n° 1819 1266 705 dont les valeurs en 2004 ne sont pas indiqués par l'intéressé mais qui étaient au vu des pièces produites par la banque respectivement de 13 046,08 euros en 2016 et de 129 940,69 euros en 2016,
' le nantissement de tous les titres du PEA ou compte titre n° 1819 1266 640 qui avait une valeur de 95 724 euros en 2004.
Les parties s'opposant sur la validité de ces nantissements, il convient d'examiner s'ils ont été constitué ab initio car dans la négative les placements correspondant réintègrent l'actif de la caution au jour de son engagement.
Sur la validité du nantissement des contrats d'assurance vie :
Aux termes de l'article L.132-10 du code des assurances dans sa rédaction applicable à la date des nantissements de 2001 et 2004, la police d'assurance peut être donnée en gage soit par avenant, soit par endossement à titre de garantie, si elle est à ordre, soit par acte soumis aux formalités de l'article 2075 du code civil.
Il est justifié s'agissant des garanties données au titre du prêt N°P8010679012 PR de 2001, :
- d'un avenant de nantissement du contrat d'assurance vie n° 871 18191266705 signé par [G] [S], le représentant du crédit agricole et Prédica
- d'un avenant de nantissement du contrat d'assurance n° 871 18191266703 signé par [G] [S], le représentant du crédit agricole et Prédica.
Ces nantissements étant réguliers, les placements correspondant ne peuvent donc être pris en compte dans l'appréciation des actifs de [G] [S] au jour où il a signé l'engagement de caution de 2004.
Par contre, il n'est pas justifié du respect de ce formalisme en 2004 s'agissant du nantissements contrats assurance vie n° 1819 1266 703 et 1819 1266 705 ( déjà nantis en 2001) et n° 1819 1266 700, 1819 1266 701, de sorte que leur nantissement ne peut avoir été valablement réalisé, ce qui implique de réintégrer leur valeur dans l'actif de [G] [S].
Sur la validité du nantissement du compte titre :
L'article 2355 du code civil dans sa version applicable à la cause prévoyait que les nantissements conventionnels, qui portent sur des créances, sont régis par le présent chapitre, à défaut de dispositions spéciales. Or, jusqu'au 8 janvier 2009, les gages d'un compte d'instruments financiers étaient régis par l'article L 431-4 du code monétaire et financier, texte spécial dérogeant au texte général.
Ce texte prévoyait que la constitution en gage d'un compte d'instruments financiers est réalisée, tant entre les parties qu'à l'égard de la personne morale émettrice et des tiers, par la seule déclaration de gage signée par le titulaire du compte.
L'article D. 431-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure au décret du 16 mars 2009 prévoyait précisément le contenu la déclaration de gage d'un compte d'instruments financiers inscrits en gage en ce qu'elle devait être datée et contenir :
1° La dénomination "Déclaration de gage de compte d'instruments financiers";
2° La mention que la déclaration est soumise aux dispositions de l'article L. 431-4 ;
3° Le nom ou la dénomination sociale ainsi que l'adresse du constituant et du
créancier gagiste ou de leur siège social s'il s'agit de personnes morales ;
4° Le montant de la créance garantie ou, à défaut, les éléments permettant d'assurer l'identification de cette créance ;
5°Les éléments d'identification du compte spécial prévu au II de l'article L. 431-4 lorsqu'un tel compte existe ;
6° La nature et le nombre des instruments financiers inscrits initialement au compte gagé.
Or, en l'espèce, les mentions prescrites au 1°, 2° n'ont pas été respectées en 2001 et 2004 ni n'ont davantage été régularisées ultérieurement, de sorte que le gage du compte titre n°18191266640 n'a pas été valablement réalisé.
Les fonds y figurant peuvent donc être réintégrés dans l'appréciation de l'actif de la caution et de la disproportion de son engagement.
Il résulte de ce qui précède qu'au jour de l'engagement de caution de 2004 l'actif de [G] [S] était constitué de :
- 45 000 euros (salaire annuel),
- 35000 euros ( plus value),
- 352 000 euros ( Caisse d'épargne),
- 95 724 euros au titre du contrat PEA,
soit un total de 527 724 euros auquel s'ajoutent les revenus de capitaux mobiliers , les fonds placés sur les contrats assurance vie 701 et 700 (dont [G] [S] ne justifie pas la valeur en 2004) et de la valeur non davantage justifiée du fonds de commerce.
La banque indique ensuite à juste titre qu'il doit être tenu compte dans l'appréciation de la disproportion, de la valeur des parts sociales détenues dans la SCI à hauteur de 50 %. En réponse, l'intéressé soutient que les parts sociales n'avaient qu'une faible valeur et produit pour en justifier une attestation de l'expert comptable de l'Eurl Laure Immo indiquant qu'au 31 décembre 2004, le capital de l'Eurl était de 1.524,45 euros.
Mais ce chiffre ne correspond qu'à la valeur du capital social d'où résulte la valeur nominale des parts sociales de la société commerciale créée par transformation de la SCI en société commerciale à compter du 26 novembre 2004.
Cette attestation ne se rapporte donc pas à la valeur vénale des parts sociales détenues dans la SCI au jour de l'engagement de caution, étant rappelé que la valeur de la totalité des parts de ce type de société est égale à la valeur de son actif réel diminué de son passif et que la valeur d'une part est égale à cet actif net divisé par le nombre total de parts.
[G] [S] ne peut donc sur ce point se limiter à rappeler le passif de la SCI constitué des deux emprunts de 2001 et 2004 sans indiquer la valeur des actifs de la société de manière à proposer une valeur cohérente de ses parts sociales.
Il apparaît ainsi que les seuls salaires de 3750 euros par mois ne permettaient pas à l'intéressé d'assumer le remboursement des intérêts pour un total de 2 801 euros en cas de substitution de la caution à la débitrice principale, mais l'intéressé avait également indiqué qu'il avait d'autres ressources provenant de capitaux mobiliers, de sorte que cette impossibilité n'est pas avérée.
La preuve n'est pas rapportée ensuite que son engagement de caution était manifestement disproportionné à son patrimoine constitué d'un fonds de commerce et des parts sociales dans une société à vocation locative dont les valeurs respectives ne sont pas démontrées.
[G][S] n'apportant pas la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement au moment de sa souscription, le moyen tendant à l'irrecevabilité de la demande en paiement de la banque en l'état de leur patrimoine au moment où il est appelé s'avère sans objet.
* Dans la fiche qu'il a signée, [Y] [S] a déclaré vivre maritalement, être gérant d'une entreprise de Bar Brasserie.
Au titre de ses actifs, il a mentionnné :
- un salaire annuel de 40 000 euros, la SARL la Paix étant désigné comme employeur,
- des ressources locatives et revenus de capitaux mobiliers pour 42 000 euros,
- une plus value immobilière réalisé en 2003 pour environ 35 000 euros,
- une maison d'habitation et un appartement évalués ensemble 380 000 euros,
soit un total de 497.000 euros dont il y a lieu de déduire les charges courantes sur les revenus.
Dans la rubrique relative à sa situation professionnelle, il a également déclaré être propriétaire d'un fonds de commerce ayant 9 employés et dégageant un chiffre d'affaire de '199" sur les trois dernières années.
Au titre de son endettement, il a mentionné la somme de 207 006 euros due à la Caisse régionale et avec l'engagement de caution donné dans la limite de 741'543 euros, cet endettement atteignait la somme de 948 549 euros.
Il est justifié s'agissant des garanties données au titre du prêt N°P8010679012 PR de 2001 d'un avenant de nantissement du contrat d'assurance vie n° 871 1816 4757 706 signé par [Y] [S], le représentant du crédit agricole et Prédica.
Ce nantissement étant régulier, le placement correspondant - au demeurant de faible valeur- ne peut donc être pris en compte dans l'appréciation des actifs de [Y] [S] au jour où il a signé l'engagement de caution de 2004.
Il apparaît ici que les revenus de 7250 euros par mois permettaient effectivement à l'intéressé d'assumer le remboursement des intérêts pour un total de 2 801 euros en cas de substitution de la caution à la débitrice principal, mais la preuve n'est pas davantage rapportée que son engagement de caution était manifestement disproportionné à son patrimoine constitué de deux immeubles, d'un fonds de commerce mais également de parts sociales dans la SCI à vocation locative dont les valeurs 2004 ne sont pas justifiées.
[Y] [S] n'apportant pas la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement au moment de sa souscription, il n'y a pas lieu d'apprécier la question d'un retour à meilleure fortune au jour où il est appelé
Sur la demande en paiement du Crédit Agricole:
Au vu de ce qui précède, la décision de première instance sera infirmée en ce qu'elle a déclaré inopposable à la banque, l'engagement de caution de [Y] [S] et [G] [S] en date du 16 avril 2004 et ces derniers seront solidairement condamnés à payer au Crédit agricole la somme de 526 783,43 euros due au 16 avril 2014 (décompte pièce 16) avec intérêts au taux contractuel de 1,30 % depuis le 1er octobre 2014.
Sur la demande d'attribution du compte titre et des contrats d'assurance vie:
Au vu de ce qui précède, le Crédit Agricole n'est en droit de réclamer que l'attribution :
- du contrat d'assurance vie n° 871 18191266705 de M. [G] [S], nanti au bénéfice du Crédit Agricole, en garantie du prêt de 2001
- du contrat d'assurance vie n° 871 18191266703 de M. [G] [S], nanti au bénéfice du Crédit agricole, en garantie du prêt de 2001
- du contrat d'assurance vie n° 871 1816 4757 706 de M [Y] [S] nanti au bénéfice du Crédit agricole en garantie du prêt de 2001.
Elle sera déboutée du surplus de ses demandes.
Sur les frais et les dépens:
[Y] [S] et [G] [S] qui succombent, devront supporter les dépens de l'instance et payer à le Crédit agricole une somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire
Réforme le jugement du tribunal de grande instance de Perpignan en date du 23 novembre 2017 mais seulement en ce qu'il a :
- déclaré inopposable à la Caisse régionale de crédit agricole,mutuel Sud Méditerranée l'engagement de caution de [Y] [S] et [G] [S] en date du 16 avril 2004,
- attribué à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud Méditerranée le compte titre n°1819 1266640 d'[G] [S],
- débouté la banque de sa demande d'attribution du contrat d'assurance vie n° 871 18191266703 d'[G] [S],
Statuant à nouveau de ces chefs,
Déboute [Y] [S] et [G] [S] de leur moyen tenant à la disproportion manifeste de leur engagement de caution du 16 avril 2004,
Condamne solidairement [Y] [S] et [G] [S] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud Méditerranée la somme de 526 783,43 euros due au 16 avril 2014 avec intérêts au taux contractuel de 1,30 % depuis le 1er octobre 2014,
Déboute la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud Méditerranée de sa demande d'attribution du compte titre n°1819 1266640 d'[G] [S],
Attribue à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud Méditerranée le contrat d'assurance vie n° 871 18191266703 d'[G] [S] nanti en garantie du prêt du 3 juillet 2001
Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions,
Dit que [Y] [S] et [G] [S] supporteront les dépens de première instance et d'appel et payera à la Caisse régionale de crédit agricole,mutuel Sud Méditerranée une somme de 3000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
Le greffier Le président
MR