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délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 07 JUILLET 2020
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/06542 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NN5I
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 DECEMBRE 2017
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN
N° RG 2017j00002
APPELANT :
Monsieur [L] [K]
né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MEDITERRANEE
[Adresse 3]
[Localité 4]/FRANCE
Représentée par Me Philippe CODERCH-HERRE de la SCP SAGARD - CODERCH-HERRE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 27 mai 2020
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020, l'affaire a été jugée sans audience, les parties ayant expressément accepté le recours à la procédure sans audience et déposé à la cour leur dossier contenant leurs écritures régulièrement déposées et notifiées ainsi que leurs pièces visées au bordereau. Elles ont été préalablement avisées, sans opposition de leur part, du prononcé de l'arrêt par mise à disposition au greffe de la juridiction dans le délai de deux mois ainsi que de la date de clôture des débats par une note du premier président de la cour d'appel adressée aux bâtonniers du ressort le 09/04/2020.
Madame [U] ROCHETTE a fait le rapport prescrit par l'article 785 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller
Mme Marianne ROCHETTE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors de la mise à disposition : Madame Sylvia TORRES
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Sylvia TORRES, Greffier.
FAITS - PROCÉDURE-MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par acte sous seing privé du 4 mars 2010, [L] [K] s'est porté caution solidaire des engagements de la société à responsabilité limitée "Cg", dont il était le gérant, envers la Caisse régionale de crédit agricole mutuel sud-méditerranée (ci-après "le Crédit agricole) au titre d'un prêt de 30 000 euros remboursable en 72 mensualités de 473,47 euros au taux de 4,30% consenti le même jour, dans la limite de 36 000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 96 mois.
Dans le cadre de ce prêt destiné à financer des travaux d'aménagement et de réparation d'un bâtiment professionnel, M.[K] qui percevait une pension d'invalidité de catégorie 2 depuis le 1er février 2009 a adhéré à l'assurance décès invalidité proposé par le Crédit agricole.
A compter du 1er janvier 2011, M.[K] a bénéficié d'une pension d'invalidité totale du fait de son incapacité totale et définitive d'exercer une profession.
La société "Cg" a fait l'objet le 26 septembre 2012 d'une procédure de redressement judiciaire prononcée par le tribunal de commerce de Perpignan, convertie en liquidation judiciaire simplifiée selon nouveau jugement du 09 janvier 2013. Après qu'il ait été mis fin à l'application des règles de la liquidation judiciaire simplifiée par jugement du 29 janvier 2014, ladite procédure a été clôturée pour insuffisance d'actifs le 25 mars 2015.
Par lettre recommandée du 4 octobre 2012, la banque avait déclaré une créance de 24.444,15 euros dont 19 920,96 euros à échoir outre les intérêts à courir jusqu'à la fin du prêt ( 4.30 %) et les intérêts à échoir sur les échéances impayées (7,3 %) . Par courrier reçu le 30 avril 2013, le greffe du tribunal de commerce de Perpignan lui a notifier l'admission de sa créance au passif de la société "Cg".
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 7 octobre 2016, elle a vainement mis en demeure la caution d'avoir à lui régler les sommes dues au titre de son engagement.
Par exploit d'huissier du 26 décembre 2016, la banque a fait assigner la caution devant le tribunal de commerce de Perpignan qui, par jugement du 5 décembre 2017, a :
- débouté M.[K] de toutes ses demandes,
- condamné M.[K] à payer au Crédit agricole la somme de 28 720,56 euros outre les intérêts de cette somme au taux de 4,30% l'an, depuis le 22 novembre 2016,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- alloué au Crédit agricole la somme de 1 000 euros qui lui sera versée par M.[K],
- condamné M.[K] aux dépens de l'instance, dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférant et notamment ceux de greffe liquidés selon tarif en vigueur.
M. [K] a régulièrement relevé appel, le 19 décembre 2017, de ce jugement.
Il demande à la cour, en l'état de ses conclusions déposées et notifiées le 6 août 2018 via le RPVA, de :
- réformer purement et simplement le jugement entrepris,
- dire et juger que le Crédit agricole a manqué à son devoir d'information et de conseil,
- dire et juger que le Crédit agricole engage sa responsabilité pour n'avoir pas déclaré ou demandé de (sic) auprès de l'assureur le sinistre,
- rejeter purement et simplement l'ensemble des demandes du Crédit agricole à l'encontre de M.[K],
- condamner le Crédit agricole au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de son appel, il fait essentiellement valoir que :
- le Crédit agricole, en sa qualité de prêteur assuré dans le cadre d'une assurance de groupe, aurait dû lui conseiller d'effectuer une déclaration de sinistre auprès de l'assureur, sans pouvoir lui reprocher de ne pas l'avoir fait lui même puisqu'elle avait attendu 4 ans après la liquidation judiciaire avant de lui demander paiement,
- le Crédit agricole ne peut soutenir que l'assureur n'aurait pas garanti M.[K] du fait de l'absence d'aléa car ce n'est que postérieurement au prêt de mars 2010 que l'état de M.[K] s'est aggravé,
- le Crédit agricole connaissait son état de santé antérieur et ne peut prétendre qu'il ne pouvait pas être assuré sauf à engager sa responsabilité pour ne pas l'avoir éclairé sur l'adéquation du risque couvert avec sa situation personnelle,
- le préjudice résultant des manquements de la banque réside dans la perte de chance d'une prise en charge par l'assureur du prêt souscrit par la société C.G
Le Crédit agricole sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées via le RPVA le 31 mars 2020 :
Vu les articles 2288 et suivants du code civil
- confirmer le jugement rendu le 5 décembre 2017 par le tribunal de commerce de Perpignan en toutes ses dispositions,
- condamner M.[K] à payer au Crédit agricole la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.
La banque expose en substance que :
- il appartenait à M.[K] de déclarer son sinistre dans les formes prévues au contrat et elle n'avait pas à l'inviter à le faire d'autant qu'il savait comment y procéder pour l'avoir déjà fait dans le cadre de prêts antérieurs et qu'elle n'était pour sa part pas chargé d'instruite la déclaration de sinistre,
- la preuve n'est pas faite que la garantie aurait pu être mobilisée et l'assureur ne peut pas avoir accepté de garantir M.[K] au titre de ses affections déjà existantes au jour de la souscription du contrat, eu égard à l'absence d'aléa,
- pour autant, elle n'avait pas à dissuader M.[K] d'adhérer à la police d'assurance dès lors qu'elle était susceptible d'être mobilisée quant à d'autres sinistres indépendants des affections dont il souffrait alors,
- en tout état de cause, sa créance a une existence autonome par rapport au jeu éventuel de la police d'assurance.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 6 mai 2020. L'affaire a été évoquée le 27 mai 2020 selon la procédure sans audience prévue par l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 prise en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le fond :
Le contrat de prêt mentionne en page 2 que 'les personnes ci- dessous
[ [K] [L]] ont sollicité l'adhésion à l'Assurance Décès Invalidité dans les conditions de couverture et de taux suivants sous réserve de l'accord Cnp Assurances [ décès/PTIA 100 %, 0,6 %]'
La page 3 du contrat intègre la notice d'information sur l'assurance décès-perte totale et irréversible d'autonomie contrat P. Elle prévoit que : ' Un assuré est en état de PTIA lorsque les trois conditions suivantes sont
réunies :
- l'invalidité dont il est atteint le place dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit
- cette invalidité le met définitivement dans l'obligation de recourir à l'assistance totale et constante d'une tierce personne pour l'ensemble des actes ordinaires de la vie ( se laver, s'habillier, se nourrir, se déplacer )
- la date de réalisation du risque reconnue par l'assureur se situe avant le 65ème anniversaire'.
Au paragraphe 4 de la notice d'information (page 4 du contrat), il est précisé quelles sont les pièces justificatives à fournir en cas de perte totale et irréversible d'autonomie soit :
- une attestation médicale d'incapacité-invalidité préétablie tenue à votre disposition au Crédit agricole, à compléter par vos soins et avec l'aide de votre médecin
- une copie de la notification d'attribution d'une pension d'invalidité majorée pour tierce personne si vous en bénéficiez
En cas de refus de votre médecin d'utiliser ce docuement, vous devez fournir, en plus de cette attestation incomplète, un certificat confirmant :
- que vous êtres définitivement incapable d'exercer la moindre activité pouvant procurer gain ou profit et/Ou de vous livrer à la moindre occupation
- la date à laquelle cet état a revêtu un caractère définitif et la nature de la maladie ou de l'accident dont résulte l'invalidité
- que votre état vous oblige à recourir à l'assistance totale et constante d'une tirece personne pour accomplir l'ensemble des actes de la vie courante (se laver, s'habiller, se nourrir, se déplacer).
Le dossier complet de demande de prise en charge doit être remis dans les jours qui suivent la survenance de l'invalidité et au plus tard dans un délai de deux ans faute de quoi les prestations seront calculées à la date de réception du dossier par l'assureur'
M. [K] justifie d'une attestation délivrée le 24 février 2012 par le RSI Languedoc Roussilon précisant qu'il se trouve ' dans l'incapacité totale et définitive d'exercer une profession quelle qu'elle soit de sorte qu'il bénéficie d'une pension d'invalidité totale et définitive ( taux équivalent à 100 % ou 2ème catégorie) depuis le 01 avril 2011".
Il apparaît effectivement que le Crédit agricole connaissait l'état de santé antérieur de M.[K] puisque ce dernier avait déclaré dans la fiche de renseignements sur la situation patrimoniale de la caution qu'il percevait une pension d'invalidité et que les échéances de remboursement d'un précédent prêt immobilier souscrit par M.[K] avait donné à prise en charge par la CNP au titre de la garantie ITT.
Pour autant, M.[K] ne démontre pas avoir informé le Crédit agricole de l'aggravation de son état de santé ayant amené le RSI à reconnaître son incapacité totale et définitive d'exercer une profession à compter du 1er avril 2011 dans les termes ci-dessus rappelées. Il ne saurait trouver dans le contentieux l'opposant à CNP Assurance au sujet de la prise en charge des mensualités de son prêt immobilier au-delà du mois de mars 2010, la preuve de ce que la banque connaissait cette aggravation puisqu'elle n'était pas partie à la procédure engagée contre la CNP assurance
Il apparaît qu'elle avait d'autant moins matière à s'interroger que les échéances du prêt ont été remboursées jusqu'au mois de novembre 2011 par la société C.G dont M.[K] était le gérant et l'associé unique.
L'intéressé ne démontre pas davantage qu'à compter de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire (le 26 septembre 2012), la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel Sud Est Méditerranée ait eu connaissance d'un éventuel lien entre l'état de cessation des paiements de la débitrice principale fixée au 26 septembre 2012 et l'état de santé de son gérant.
Il ne peut donc reprocher à la banque de ne pas lui avoir conseillé de mobiliser la garantie en cause qui était de surcroît conditionnée à la réunion de trois situations expressément et clairement stipulées dans la notice d'information au nombre desquelles celle non justifiée au cas de l'intéressé, tenant à l'obligation de recourir à l'assistance totale et constante d'une tierce personne pour l'ensemble des actes ordinaires de la vie ( se laver, s'habiller, se nourrir, se déplacer).
M.[K] ne saurait pas davantage reprocher au Crédit agricole de ne pas l'avoir éclairé sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle étant au contraire relevé que dans le cadre du contentieux l'opposant à la CNP Assurances, il évoquait une pathologie initiale, grave et évolutive à laquelle s'ajoutaient deux hernies discales, l'une cervicale et l'autre lombaire mais également une syringomyélie révélée depuis 2009, de sorte que la garantie proposée apparaissait parfaitement opportune en l'état de l'évolution péjorative possible de son bilan médical.
Enfin, M.[K] ne démontre pas que le Crédit Agricole aurait par malignité attendu la prescription de toute demande de prise en charge de la garantie pour le mettre en demeure et l'actionner en qualité de caution étant relevé que cette dernière lui adressait au contraire, chaque année entre 2011 et 2015 les lettres d'information annuelle due à la caution destinées à lui rappeler le principe de son engagement de caution comme le montant de la dette garantie.
Il s'ensuit que le jugement dont appel, non autrement discuté, sera confirmé dans toutes ses dispositions.
Sur les frais et les dépens :
M.[K] qui succombe, supportera les dépens d'appel et sera condamné à payer à la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel Sud Est Méditerranée la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Perpignan en date du 5 décembre 2017,
Déboute M.[K] de l'ensemble de ses demandes,
Dit que M.[K] supportera les dépens d'appel et payera à la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel Sud Est Méditerranée une somme de 2000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code,
Le greffier, Le président,
M.R.