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10/06/2020 | FRANCE | N°19/03329

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre sociale, 10 juin 2020, 19/03329


JF/RB/SD















Grosse + copie

délivrées le

à



































3e chambre sociale



ARRÊT DU 10 JUIN 2020





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/03329 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OE3U



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 DECEMBRE 2011 LE TRIBUNAL DES AFFAIRES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE DE PYREN

EES ORIENTALES

N° RG21000490



APPELANT :



Monsieur [N] [P]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Non comparant

Représentant : Me Benoist ANDRE de la SCP CABINET ANDRE - PORTAILLER, avocat au barreau de PARIS substitué par Me PORTAILLER Sophie, avocate au barreau de Paris



INTIMEES :



Me...

JF/RB/SD

Grosse + copie

délivrées le

à

3e chambre sociale

ARRÊT DU 10 JUIN 2020

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/03329 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OE3U

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 DECEMBRE 2011 LE TRIBUNAL DES AFFAIRES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE DE PYRENEES ORIENTALES

N° RG21000490

APPELANT :

Monsieur [N] [P]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Non comparant

Représentant : Me Benoist ANDRE de la SCP CABINET ANDRE - PORTAILLER, avocat au barreau de PARIS substitué par Me PORTAILLER Sophie, avocate au barreau de Paris

INTIMEES :

Me [U] [B] - Mandataire ad'hoc de SARL CCR

[Adresse 1]

[Localité 4]

Non comparant

Représentant : Me Eric-Gilbert LANEELLE, avocat au barreau de TOULOUSE,non présent

Me [U] [B] - Mandataire ad'hoc de SARL CCRM

[Adresse 1]

[Localité 4]

Non comparant

Représentant : Me Eric-Gilbert LANEELLE, avocat au barreau de TOULOUSE,non présent

CPAM DES PYRENEES ORIENTALES

[Adresse 9]

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représentée par Mme [E] [C] en vertu d'un pouvoir du 02 Mars 2020.

INTERVENANT VOLONTAIRE:

Compagnie d'assurance MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentant : Me Eric-gilbert LANEELLE de la SELAS CLAMENS CONSEIL, avocat au barreau de TOULOUSE

Compagnie d'assurance MMA IARD

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentant : Me Eric-gilbert LANEELLE de la SELAS CLAMENS CONSEIL, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 AVRIL 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, exerçant les fonctions de Président, spécialement désigné à cet effet

Madame Karine CLARAMUNT, Conseillère

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRÊT :

- Contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, exerçant les fonctions de Président, spécialement désigné à cet effet , et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.

*

**

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Le 1er avril 2008, M. [N] [P], salarié de la société (sarl) 'Charpente couverture rénovation maçonnerie' (CCRM) est victime d'un accident ('traumatisme thoracique avec fractures pluricostales, pneumothoraxe droit, .... contusion pulmonaire bilatérale, traumatisme rachidien avec fracture antéro-inférieure du ..., fracture burst de T9, fracture des arcs postérieurs de T8 T9, fracture de l'apoplesse ... droit de T10. Paraplégie complète ... niveau T8") pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) au titre de la législation professionnelle.

Le 30 décembre 2009, la CPAM des Pyrénées-orientales fixe la consolidation de son état de santé et lui attribue, une rente mensuelle de 3050,23 € calculée sur la base d'un taux d'incapacité permanente de 92 % (dont 2% pour le taux professionnel).

Le 9 décembre 2011, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Pyrénées-orientales, sur saisine du 3 juin 2010 et audience de plaidoiries du 4 novembre 2011 déboute M. [N] [P] de toutes ses demandes, met hors de cause [T] [S] et dit sans objet les demandes de la CPAM des Pyrénées-orientales.

Le 23 avril 2014, la chambre sociale de la Cour d'appel de Montpellier met hors de cause M. [S], infirme le jugement déféré et statuant à nouveau :

 

- dit que la SARL CCRM a commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail dont M. [N] [P] a été victime, le 1er avril 2008;

- avant dire droit sur l'indemnisation ordonne une mesure d'expertise confiée au Docteur [V] [O], avec les missions visées au dispositif;

- alloue à M. [N] [P] une indemnité provisionnelle de 25 000 € à valoir sur les postes de préjudice non réparés par la rente ; (...)

 

Le 21 juillet 2014, le Docteur [V] [O] notifie son rapport d'expertise médicale.

 

Le 23 juillet 2014, le magistrat chargé du contrôle des expertises, ordonne un complément d'expertise sur les questions suivantes :

- fixer en la justifiant, la date de consolidation qui est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation ;

- déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, période pendant laquelle pour des raisons médicales en relation certaine et directe avec les faits, la victime a connu des troubles dans les conditions d'existence au quotidien;

- si le déficit fonctionnel n'a été que partiel, en préciser le taux et la durée.

 

Le 8 avril 2015, la chambre sociale de la Cour d'appel de Montpellier procède à la radiation de l'affaire.

 

Le 22 avril 2015, l'affaire est réenrôlée sous le numéro RG : 15/03089.

 

Le 25 novembre 2015, la chambre sociale de la Cour d'appel de Montpellier, sur audience de plaidoiries du 1er octobre 2015 :

- dit que M. [N] [P] est en droit de prétendre, en réparation des préjudices subis en raison de l'accident du travail dont il a été victime, le 1er avril 2008, aux sommes suivantes :

* 13 515 € au titre du déficit fonctionnel temporaire

* 35 000 € au titre des souffrances endurées

* 25 000 € en réparation du préjudice esthétique temporaire et définitif

*30 000 € au titre du préjudice sexuel

* 15 000 € pour le préjudice d'agrément

* 29 343 € au titre des petits consommables et frais divers sur la période du 30 août 2008 au 30 août 2015 * 58 440 € au titre de l'assistance tierce personne temporaire ;

- déboute M. [N] [P] de sa demande relative au matériel spécialisé, ces frais étant couverts au titre du livre IV du code de la sécurité sociale;

- rappelle que la CPAM des Pyrénées orientales devra faire l'avance de l'ensemble des sommes allouées à M. [N] [P] par le présent arrêt, et qu'elle pourra en récupérer le montant auprès de son employeur la SARL CCRM ;

- dit M. [N] [P], tenu de développer dans de nouvelles écritures sa demande relative au barème de capitalisation en déclinant clairement les différents postes sur lesquels il entend le voir s'appliquer et de, reformuler notamment à ce titre sa demande portant sur 'les petits consommables' pour la période postérieure au 30 août 2015 ;

- sursoit à statuer sur les demandes relatives au 'véhicule aménagé' et au 'logement adapté' pour lesquelles une mesure d'instruction s'impose à l'effet d'apprécier la nature des appareils et travaux d'aménagements rendus nécessaires par le handicap de M. [N] [P] et, commet pour y procéder le Docteur [D] [F], pour remplir les missions visées, dans les conditions et délais mentionnés au dispositif.

Le 27 janvier 2016, le tribunal de commerce de Perpignan prononce l'ouverture d'une procédure en redressement judiciaire de la société CCRM.

Le 15 mars 2016, le Docteur [R] [X], désigné en remplacement du Docteur [D] [F], réalise une expertise préliminaire au domicile de M. [N] [P].

Le 12 octobre 2016, le tribunal de commerce de Perpignan prononce l'ouverture d'une procédure en redressement judiciaire.

Par arrêt du 30 novembre 2016, la chambre sociale de la Cour d'appel de Montpellier radie l'affaire.

Le 4 mai 2017, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, casse et annule l'arrêt du 25 novembre 2015 de la chambre sociale de la Cour d'appel de Montpellier mais seulement en ce qu'il dit que M. [N] [P] est en droit de prétendre à la somme de 29 343 € au titre des petits consommables et frais divers pour la période du 30 août 2008 au 30 août 2015, et remet en conséquence sur ce seul point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes (...).

 

Le 14 septembre 2017, le Docteur [R] [X], procède à un complément d'expertise au domicile de M. [N] [P] et, adresse son rapport d'expertise, le 13 mars 2019, à la Cour d'appel de Montpellier.

Le 25 avril 2018, le tribunal de commerce de Perpignan prononce la clôture des opérations de liquidation judiciaire de la société CCRM pour insuffisance d'actif et, le 26 avril 2018, la société CCRM est radiée du registre du commerce et des sociétés.

Le 14 novembre 2018, le tribunal de commerce de Perpignan désigne Maître [B] [U], es qualité de mandataire liquidateur de la société CCRM.

Le 13 mars 2019, le Docteur [R] [X] adresse son rapport d'expertise à la Cour d'appel de Montpellier.

 

Le 14 mai 2019, l'affaire est réenrôlée sous le numéro RG: 19/033249.

 

Le 18 juin 2019, la Cour d'appel de Nîmes, sur renvoi après cassation et audience de plaidoiries du 20 mars 2019, alloue à M. [N] [P] la somme de 1800 € au titre des frais d'assistance aux opérations d'expertise, déboute M. [N] [P] de sa demande de prise en charge des frais exposés au titre des 'alèses, des gants en latex, du baccide gel main sans rinçage, des lingettes imprégnées, du sanyrene hle mass anti-escar, du rescue cr derm et du rose musq pranarom hle veg bio' et le renvoie de ces chefs devant la CPAM, rejette la demande de prise en charge des frais exposés au titre du 'CIALIS', déclare l'arrêt opposable à la CPAM des Pyrénées orientales et aux sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles, rappelle que la CPAM des Pyrénées orientales devra faire l'avance de la somme de 1800 € allouée à M. [N] [P] et qu'elle pourra en récupérer le montant auprès de l'employeur, la société CCRM, rejette la demande de M. [N] [L] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.

 

A l'audience de plaidoiries du 5 mars 2020, M. [N] [P] demande à la Cour de :

 

- dire et arrêter que la rente sera majorée à son taux maximum ;

- lui allouer la somme de 801 867, 92 € au titre de l'indemnité forfaitaire, des petits consommables viagers à compter du 31 août 2015, du véhicule aménagé, du logement adapté et des frais divers ;

- dire que cette indemnité lui sera directement versée par la CPAM des Pyrénées-orientales qui en récupérera le montant auprès de la société CCRM ;

- lui allouer la somme de 8000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société CCRM représentée par Me [B] [U], es qualité de mandataire ad hoc, au paiement de celle-ci, outre aux entiers dépens, de première instance et d'appel ;

- dire et arrêter l'arrêt à intervenir opposable à la CPAM des Pyrénées orientales, à la SA MMA IARD et à la société MMA IARD assurances mutuelles.

Me [B] [U], mandataire ad hoc de la société (sarl) CCR et de la société (sarl) CCRM, régulièrement convoquée (par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 25 novembre 2019), n'est ni présente ni représentée à l'audience de plaidoiries du 5 mars 2020.

La société (sa) MMA IARD et la société civile MMA IARD assurances mutuelles, intervenants volontaire, demandent à la Cour :

- in limine litis :

* de déclarer recevable l'action volontaire de la compagnie MMA en qualité d'assureur de la société CCRM ;

* de déclarer irrecevable toute demande formée à l'encontre de la compagnie MMA, en application de l'article L142-1 du code de la sécurité sociale ;

* constater la péremption de l'instance, aucune partie n'ayant accompli dans le délai de deux ans les diligences mises à leur charge par l'arrêt rendu le 30 novembre 2016 ;

* dire et juger acquise la prescription du recours de M. [N] [P], la péremption ayant eu pour conséquence de priver les actes de procédure de leur effet interruptif ;

* constater que la demande relative à l'indemnisation des petits consommables portant sur la période postérieure au 30 août 2015 ;

* constater que la CPAM ne justifie pas avoir déclarer sa créance au passif de la société CCRM, conformément aux dispositions des articles L622-24 et suivants du code de commerce et, en conséquence, déclarer irrecevable toute demande de M. [N] [P] et le recours subrogatoire de la CPAM formée à l'encontre de l'employeur et de son assureur, MMA ;

 

- à titre principal :

* prendre acte du plafond de garantie opposable par la compagnie MMA à la CPAM et à M. [N] [P], l'assureur ne pouvant être tenue à indemniser au-delà de 1 000 000 € ;

* dire et juger qu'en cas d'accident du travail, les frais médicaux chirurgicaux pharmaceutiques, les frais de transport et d'une façon générale, les frais nécessités par le traitement, la réadaptation fonctionnelle, la rééducation professionnelle et le reclassement de la victime, les petits consommables sont pris en charge par la CPAM en application de l'article L431-1 du code de la sécurité sociale, de sorte que ces frais sont couverts au titre du IV du code de la sécurité sociale ;

* débouter M. [N] [P], de ses demandes au titre des petits consommables à compter du 30 août 2015, ces frais étant en lien direct et certain avec la pathologie générée par l'accident de travail et, par conséquent, couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ;

* débouter M. [N] [P] de sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire en l'absence de taux d'IPP de 100% notifié par la CPAM, ramener l'indemnisation des frais d'aménagement du véhicule et du logement à de plus strictes proportions comme suis :

- 170 633, 14 € au titre des frais d'aménagement du véhicule

- 126 598 € au titre des frais d'aménagement du logement, débouter M. [N] [P] sur le surplus de ses demandes en ce qu'elles s'avèrent injustifiées ;

- en toute hypothèse, dire et juger qu'en application de l'article L452-3 III du code de la sécurité sociale, toute indemnisation allouée sera versée à la victime par la CPAM et débouter M. [N] [P] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La CPAM des Pyrénées-orientales demande à la Cour de constater qu'elle s'en remet sur l'indemnisation des préjudices et condamner l'employeur, le cas échéant, à lui rembourser le montant des sommes dont elle aura fait l'avance.

Les débats se déroulent le 5 mars 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur la recevabilité des demandes formulées par M. [N] [P]

- Sur la compétence de la juridiction du contentieux de la sécurité sociale

En application de l'article L142-1 du code de la sécurité sociale, la juridiction du contentieux de la sécurité sociale comprend les différents auxquels donnent lieu l'application des législations et réglementations de la sécurité sociale et de mutualité sociale agricole qui ne relèvent pas, par leur nature, d'un autre contentieux.

Dès lors que, les litiges relatifs à la qualification de la faute inexcusable et ses conséquences, notamment relatives à l'indemnisation complémentaire, sont régis par les articles L452-1 et suivants du code de la sécurité sociale, ceux-ci relèvent de la compétence exclusive de la juridiction de sécurité sociale.

Il s'ensuit que l'ensemble des demandes formulées par M. [N] [P], relèvent de la compétence de la juridiction de la sécurité sociale.

- la fin de non recevoir tirée de la péremption de l'instance

En application de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Jusqu'au 1er janvier 2019 et en application cumulée des articles R142-22 et R142-30 du code de la sécurité sociale, l'instance n'est périmée en première instance et en cause d'appel que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction, le délai de deux ans ne courant qu'à compter de la date impartie pour la réalisation des diligences ou, à défaut de délai imparti pour les accomplir, de la notification de la décision qui les ordonne.

Du 1er janvier au 31 décembre 2019 consécutivement à la disparition de dispositions particulières relatives à la péremption dans le code de la sécurité sociale, seule la péremption de droit commun s'applique, celle prévue à l'article 386 du code de procédure civile selon laquelle l'instance est périmée lorsque aucune parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

En l'espèce, l'affaire de M. [N] [P] a été radiée, par décision du 30 novembre 2016 de la chambre sociale de la Cour d'appel de Montpellier, étant précisé au dispositif, sous la réserve de la mauvaise indication des dispositions de l'article R.1452-8 du code du travail, qu'elle « pourra être réinscrite prioritairement à la demande de la partie la plus diligente sous réserve du dépôt de ses conclusions après dépôt du rapport d'expertise et de la justification de leur notification préalable à la partie adverse » [souligné par la Cour].

Dans la mesure où le rapport d'expertise est déposé le 13 mars 2019 ( date de réception par le service 'Expertises exécution' de la Cour d'appel de Montpellier du rapport d'expertise du Docteur [R] [X], médecin expert), il ne peut y avoir de péremption à raison de l'inaction des parties entre le 1er décembre 2016 et 1 décembre 2018 et la réinscription de l'affaire au rôle de la cour d'appel le 14 mai 2019 suite aux diligences accomplis par M. [N] [P] pour faire progresser l'affaire avec dépôt de conclusions le 9 novembre pour l'audience du 21 novembre 2019, intervient avant l'expiration du délai de péremption de deux années.

Il s'ensuit que la fin de non recevoir tirée de la péremption de l'instance n'est pas fondée.

- Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription des demandes en réparation au titre de la faute inexcusable de l'employeur

En application de l'article L431-2 du code de la sécurité sociale, 'les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le présent livre se prescrivent par deux ans à dater:

1°) du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière ;

2°) dans les cas prévus respectivement au premier alinéa de l'article. L443-1 et à article L. 443-2 de la date de la première constatation par le médecin traitant de la modification survenue dans l'état de la victime, sous réserve, en cas de contestation, de l'avis émis par l'expert ou de la date de cessation du paiement de l'indemnité journalière allouée en raison de la rechute ; (...)

Toutefois, en cas d'accident susceptible d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la prescription de deux ans opposable aux demandes d'indemnisation complémentaire visée aux articles L452-1 et suivants est interrompue par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits ou de l'action en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident'.

En application de l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription.

En l'espèce, M. [N] [P] a, suite à son accident du travail du 1er avril 2008 et à sa consolidation fixée au 30 décembre 2009 avec arrêt du paiement des indemnités journalières, introduit son action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, le 3 juin 2010 devant le tribunal des affaires de sécurité sociale.

Dès lors que l'acte introductif est intervenu dans le délai légal de deux ans et que, la faute inexcusable de l'employeur a été reconnu par arrêt du 23 avril 2014 de la chambre sociale de la Cour d'appel de Montpellier, la fin de non recevoir tirée de la prescription des demandes en réparation au titre de la faute inexcusable de l'employeur, n'est pas fondée.

- sur la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée de la demande relative aux petits consommables

En application de l'ancien article 1351 devenu 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité.

En l'espèce, même s'il apparaît que, par arrêt du 18 juin 2019, la Cour d'appel de Nîmes a débouté M. [N] [P] de sa demande de prise en charge des frais exposés au titre des 'alèses, des gants en latex, du baccide gel main s/rinçage, des lingettes imprégnées, du Sanyrene hle mass anti-escar, du rescue et derm et du Rose Musq Pranarom Hle Veg bio' et au titre du 'CIALIS', celui-ci n'a autorité de la chose jugée qu'à l'égard de la période du 30 août 2008 au 30 août 2015.

Il s'ensuit que le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de 'petits consommables' formulée par M. [N] [P], au titre d'une période postérieure, à compter du 30 août 2015, est infondé.

En conséquence, l'ensemble des demandes formulées par M. [N] [P] sont recevables.

2) Sur les conséquences de la faute inexcusable de l'employeur

- sur la majoration de la rente

En application de l'article L452-2 du code de la sécurité sociale, M. [N] [P] est fondé à percevoir la majoration maximale de la rente versée par la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-orientales, en rappelant que cette majoration suivra l'évolution du taux d'incapacité de la victime en cas d'aggravation de son état de santé, dans la limite des plafonds fixés par l'article précédemment cité et qu'elle sera avancée par la caisse selon les dispositions réglementaires applicables.

En revanche, M. [N] [P] qui ne justifie pas être atteint d'un taux d'incapacité permanente de 100% n'est pas fondé à percevoir l'indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation, prévue par l'article L452-3 du code de la sécurité sociale. Il sera débouté de ce chef de demande.

- les petits consommables postérieurs au 30 août 2015

Il résulte de l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, inséré au chapitre I du titre III du livre IV dudit code, qu'en cas d'accident du travail, sont notamment pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie les frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et accessoires, les frais liés à l'accident afférents aux produits et prestations inscrits sur la liste prévue à l'article L. 165-1 et, d'une façon générale, les frais nécessités par le traitement, la réadaptation fonctionnelle , la rééducation professionnelle et le reclassement de la victime ; que la liste des produits et prestations remboursables dressée en application de ce dernier texte prévoit le remboursement à l'assuré de dispositifs médicaux et appareils de maintien à domicile et d'aide à la vie pour malades et handicapés ; Que si l'article L. 452-3, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, dispose qu'en cas de faute inexcusable de l'employeur, la victime peut demander à celui-ci, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation d'autres chefs de préjudice que ceux qui y sont énumérés, c'est à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts, même de manière restrictive, par le livre IV du code de la sécurité sociale.

En l'espèce, M. [N] [P] sollicite l'indemnisation de 'lingettes bébé désinfectantes et de gants en latex' utilisés à chaque sondage urinaire, des 'alèses pour la gestion des fuites la nuit et les exonérations de selles', de gel hydro alcoolique et de crèmes ou huiles désinfectantes pour les massages et éviter la naissance de rougeurs ou points de compression pouvant évoluer par la suite en escarres, au titre de la période postérieure au 30 août 2015.

Par certificat du 13 juillet 2018, le Docteur [H] [A], atteste que la consommation des produits d'hygiène, de protection, de massage et de traitement de la peau doit être régulière, au risque de voir apparaître des complications (infections, escarres...) et sont nécessaires pour assurer la continuité et la qualité des soins indispensables à son état de santé séquellaire à son accident du 1er avril 2008 résultant de la faute inexcusable de son employeur.

Dès lors que, l'ensemble des frais précédemment exposés par l'intéressé sont inhérents aux soins apportés aux fuites urinaires et sphinctériennes, aux problèmes de circulations sanguines et à la fragilité cutanée résultant de l'état paraplégique de l'intéressé, lequel résultent de la faute inexcusable de l'employeur, ils constituent des dépenses de santé et d'appareillage au sens de l'article L431-1 du code de la sécurité sociale, couverts par le livre IV et, ne peuvent donner lieu à une indemnisation sur le fondement de l'article L452-3 du code de la sécurité sociale.

Il s'ensuit que M. [N] [P] sera débouté de ce chef de demande.

- Sur les frais de logement adapté

Le présent poste de préjudice correspond aux frais que doit débourser la victime directe à la suite du dommage pour adapter son logement à son handicap et bénéficier ainsi d'un habitat en adéquation avec ce handicap.

Il peut inclure non seulement l'aménagement du domicile préexistant, mais éventuellement, dans certaines hypothèses, celui découlant de l'acquisition d'un domicile mieux adapté prenant en compte le surcoût financier engendré par cette acquisition.

En l'espèce, M. [N] [P], propriétaire d'un ancien logement, occupé au jour de l'accident du travail, à [Localité 10] sollicite, d'une part, l'indemnisation du prix total d'acquisition de son nouveau logement situé sis, [Adresse 3] (prix d'achat du terrain et prix total de la construction, hors aménagements spécifiques) et, d'autre part, l'indemnisation des frais d'aménagements spécifiques à son handicap impliquant des déplacements en fauteuil roulant.

Dès lors que, l'intéressé était propriétaire d'une maison individuelle, au jour de son accident du travail, le principe de réparation intégrale, ne peut le conduire à être exonéré de la charge normalement supportée à ce titre, qu'il a, au surplus, décidé de conserver, en raison d'un choix strictement personnel, seul le surcroît financier directement lié à son handicap, devant être indemnisé au titre de la faute inexcusable de son employeur.

Toutefois, l'intéressé qui, ne produit pas d'éléments de comparaison, et se borne à produire des photographies démontrant que son ancien logement était inadapté à son handicap par la présence d'une pente extérieure raide, de marches et d'un étage empêchant la circulation d'un fauteuil roulant, ne permet d'établir ni le surcoût financier, ni le fait que le nouveau logement serait 'mieux adapté', étant précisé que celui-ci le qualifie lui même de 'plus petit' et que de nombreux travaux d'aménagements (cf: rapport d'expertise du Docteur [R] [X]) sont à prévoir pour le rendre compatible à son handicap.

Le prix des travaux réalisés pour 'terrassement, évacuation de terre, raccordement EDF' (9006 €), lesquels sont inhérents à la construction de toute nouvelle maison individuelle et ne découlent pas directement du handicap de l'intéressé, ne peuvent également donner lieu à réparation au titre de la faute inexcusable de l'employeur.

En revanche, selon l'expertise réalisée par le Docteur [R] [X] et les devis produits aux débats par les parties, l'intéressé est fondé à prétendre à l'indemnisation des travaux d'aménagement de son nouveau logement occupé spécifiques à son handicap, à savoir ceux déjà réalisé pour un montant de 31 520,46 € fixé par le médecin-expert et ceux restant à réaliser (étant précisé que les travaux incluent les aménagements extérieurs destinés à accueillir, dans sa hauteur, le nouveau modèle de véhicule adapté à son handicap) pour lesquels les parties s'accordent sur un montant de 126 598 €.

Il s'ensuit que, l'indemnisation du présent préjudice sera fixé à hauteur d'une somme totale de 158 118,46 €.

- Sur les frais de véhicule adapté

Le préjudice, non couvert par le Livre IV du code de la sécurité sociale, correspond à la différence de prix entre le véhicule adapté et le véhicule dont se serait satisfait la victime sans son handicap.

En l'espèce, M. [N] [P] qui disposait, antérieurement à l'accident du travail, d'un véhicule de type Mercedes coupé sport, cédé pour une valeur de 17 000 €, sollicite l'indemnisation du surcoût lié à l'achat et à l'aménagement du poste de conduite d'un véhicule mercedes coupé sport classe C acquis, en décembre 2008, lequel a été accidenté en 2015, et le surcoût lié à l'achat et à l'aménagement du poste de conduite d'un futur véhicule Volkswagen Multivan adapté à son handicap.

La victime est, en premier lieu, fondée à percevoir le surcoût (non contesté pas les intimés) de 17 108,28 € lié à l'achat, en décembre 2008, du véhicule d'occasion Mercedes coupé sport Classe C adapté à son handicap, d'une valeur de 31600 €, à laquelle s'ajoute les frais d'adaptation du poste de conduite de 2508,28 € (facture du 26 juillet 2009 établi par Clip Auto).

En outre, le rapport d'expertise du Docteur [R] [X] du 13 mars 2019, précise que 'le type de véhicule le plus adapté aux capacités physiques de la victime est un monospace avec plate-forme d'embarquement latérale, un siège de conduite au volant pivotant à commande complètement manuelles'.

La victime produit aux débats un devis d'achat d'un véhicule Vokswagen utilitaire, multivan, version Carat court, lequel comprend les aménagements préconisés par le médecin-expert ainsi que la mise en place de vitre teintée destinées à conserver son intimité en cas de changes, une sellerie cuir facilitant le nettoyage et le système d'abaissement du bas de caisse hydraulique permettant au véhicule de passer dans le garage, pour une valeur totale de 64 200 € TTC.

Dès lors que, M. [N] [P] est indemnisé au titre d'aménagements extérieurs lui permettant l'accès du nouveau véhicule dans sa hauteur, les frais liés au système d'abaissement du bas de caisse hydraulique (8004 € TTC) sont injustifiées et seront déduits du prix total alloué au titre du surcoût lié à l'achat de ce véhicule.

En outre, M. [N] [P], déduit du coût d'achat du véhicule, la somme de 17 000 € correspondant à la valeur du véhicule acquis avant l'accident.

Le surcoût lié à l'achat du véhicule s'établit à hauteur de 39 196 €.

En outre, M. [N] [P], titulaire du permis de conduire spécialement attribué aux personnes handicapés est également en droit de percevoir une indemnisation au titre de l'aménagement du poste de conduite évalué, selon les devis communiqués par chacune des parties, en moyenne à 39 000 € TTC.

En application du barème de capitalisation du 28 novembre 2017 avec l'âge de 60 ans et du remplacement d'un véhicule en moyenne tous les 6 ans, fixé en considération du nombre de kilomètres habituellement parcourus par M. [N] [P] pour se rendre dans sa famille au Portugal, il y a lieu de fixer l'indemnisation du présent poste de préjudice, à hauteur de la somme calculée comme suis : 78 196 € / 6 ans x 20,628 (euro de rente viagère) = 268 837,84 €.

- frais divers d'assistance à expertise architecturale

En l'espèce, M. [N] [P] qui ne démontre pas avoir été assisté par un médecin conseil, lors de l'expertise préliminaire et complémentaire réalisée par le Docteur [R] [X], ne peut sérieusement prétendre à l'indemnisation de frais d'assistance à expertise architecturale.

L'intéressé sera débouté du présent chef de demande.

3) Sur l'action subrogatoire de la CPAM des Pyrénées-orientales

En application de l'article L376-1 du code de la sécurité sociale, les caisses disposent d'un recours subrogatoire contre les tiers.

En l'espèce, l'accident du travail est intervenu le 1er avril 2008, et avant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société CCRM.

Dès lors que la CPAM des Pyrénées-orientales ne justifie pas avoir déclaré sa créance au passif de la société ni avoir obtenu un relevé de forclusion, sa demande en condamnation de la société CCRM est irrecevable, conformément à l'article L. 622-24 du code du commerce.

4) Sur l'opposabilité du jugement à la SA MAAF Iard et la société civile MAAF IARD mutuelles et assurances

Il n'appartient pas à la juridiction de sécurité sociale d'examiner l'étendue des garanties que les organismes d'assurance doivent ou ne doivent pas garantir à leurs assurés, du chef des contrats d'assurance souscrits par eux, dès lors que l'examen de la garantie contractuelle des assureurs relèvent de la seule appréciation des juridictions de droit commun.

PAR CES MOTIFS

Vu l'arrêt de la Chambre sociale de la Cour d'appel de Montpellier du 25 novembre 2015,

La Cour,

Dit que les demandes formulées par M. [N] [P] sont recevables ;

Ordonne la majoration maximale de la rente versée à M. [N] [P] ;

Fixe l'indemnisation des préjudices suivants :

- 158 118,46 € au titre du surcoût lié à l'adaptation de son logement à son handicap ;

- 285 946,12 € au titre du surcoût lié à l'achat d'un véhicule adapté et de l'aménagement du poste de conduite ;

Déboute les parties sur le surplus de leurs demandes ;

Dit que la majoration de la rente et le versement des indemnités seront avancées par la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-orientales ;

Déclare le présent arrêt commun et opposable à la SA MAAF Iard et société civile MAAF Iard assurances mutuelles ;

Condamne la société CCRM au paiement de la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse les dépens d'appel à la charge de Maître [B] [U], mandataire ad hoc de la société CCRM ;

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/03329
Date de la décision : 10/06/2020

Références :

Cour d'appel de Montpellier 3S, arrêt n°19/03329 : Interprète la décision, rectifie ou complète le dispositif d'une décision antérieure


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-10;19.03329 ?
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