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03/06/2020 | FRANCE | N°15/06207

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre sociale, 03 juin 2020, 15/06207


SD/IM















Grosse + copie

délivrées le

à



































3e chambre sociale



ARRÊT DU 03 Juin 2020





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/06207 - N° Portalis DBVK-V-B67-MGSB



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 JUILLET 2015 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE HERAULT

N

° RG21500265





APPELANT :



Monsieur [L] [F]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentant : Me Pauline MANGEANT substituant Me Bruno OTTAVY, avocat au barreau de MONTPELLIER





INTIMEES :



Société GUILLOT COBREDA

Sis [Adresse 9]

[Localité 8]

Représentant : Me Laetita TORR...

SD/IM

Grosse + copie

délivrées le

à

3e chambre sociale

ARRÊT DU 03 Juin 2020

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/06207 - N° Portalis DBVK-V-B67-MGSB

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 JUILLET 2015 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE HERAULT

N° RG21500265

APPELANT :

Monsieur [L] [F]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentant : Me Pauline MANGEANT substituant Me Bruno OTTAVY, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES :

Société GUILLOT COBREDA

Sis [Adresse 9]

[Localité 8]

Représentant : Me Laetita TORRES substituant Me Ghislaine JOB-RICOUART de la SELARL JOB-RICOUART ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de MARSEILLE

CPAM DE L'AIN

[Adresse 2]

[Localité 1]

Non comparante, non représentée

Société ULMA PACKAGING

INTERVENANT FORCE

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représentant : Me Eric NEGRE substituant la SELARL DULATIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 MARS 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, exerçant les fonctions de Président, spécialement désigné à cet effet

Madame Karine CLARAMUNT, Conseillère

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRÊT :

- Contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, exerçant les fonctions de Président, spécialement désigné à cet effet, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.

*

**

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [L] [F] était embauché le 24 juin 2013 par contrat à durée déterminée en qualité d'opérateur de production par la Sas Guillot Cobreda moyennant un salaire s'élevant en dernier lieu au SMIC

Le 8 juillet 2013, il était victime d'un accident du travail.

Le 13 février 2014, il saisissait la CPAM de l'Ain d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. Ce dernier refusait toute conciliation.

Par requête du 11 février 2015 , le salarié saisissait le Tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault, lequel, par jugement du 15 juillet 2015, le déboutait de ses demandes.

Par déclaration au greffe en date du 12 août 2015, il relevait appel de ce jugement.

L'employeur faisait appeler en la cause la Sarl Ulma Packaging, vendeuse de la machine sur laquelle s'était produit l'accident.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions régulièrement notifiées le 26 décembre 2019, monsieur [F] demande à la cour de dire que l'employeur s'est rendu coupable d'une faute inexcusable, de dire que la rente sera fixée à son maximum et avant dire droit sur la liquidation de son préjudice d'ordonner une expertise médicale.

Il sollicite l'octroi d'une somme de 15 000 € à titre de provision et de 5 000 € au titre de ses frais de procédure.

Il fait valoir essentiellement qu'étudiant embauché en contrat à durée déterminée pour la période estivale, il n'a bénéficié d'aucune formation, que le jour de son accident , il travaillait pour la première fois sur la machine dans laquelle sa main est restée coincée même après qu'il ait appuyé sur le bouton d'arrêt. Il ajoute que le bouton d'arrêt d'urgence n'a pas plus fonctionné et qu'il a fallu utiliser un pied de biche pour dégager sa main.

Par conclusions régulièrement notifiées le 2 mars 2020, , la Sas Guillot Cobreda conclut à la confirmation du jugement et à l'octroi d'une somme de 2 000 € au titre de ses frais de procédure.

Sur le fond, elle soutient en substance que la présomption de faute inexcusable ne peut lui être appliquée dans la mesure où elle a formé le salarié. Elle conteste, en toute hypothèse, l'existence d'une quelconque faute.

La Sarl Ulma Packaging demande à la cour de se déclarer incompétente à lui déclarer le jugement commun. Elle affirme que l'effet dévolutif ne peut s'étendre à la demande en garantie de l'employeur contre un tiers.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère aux conclusions notifiées par les parties auxquelles elles ont expressément déclaré se rapporter lors des débats.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la mise en cause de la Sarl Ulma Packaking

La société est appelée à l'instance par l'employeur aux fins de se voir déclarer commun l'arrêt à intervenir au motif qu'elle est le vendeur de la machine sur laquelle le salarié a eu un accident.

Or, à supposer que cette machine soit affectée d'un vice caché ce que l'intimée n'affirme même pas, il n'en demeure pas moins que la Sarl Ulma Packacking reste tiers au litige relatif à la faute inexcusable de l'employeur.

Sa mise hors de cause doit être ordonnée.

Sur la faute inexcusable

L'employeur est tenu envers le salarié d'une obligation de sécurité de résultat.

La faute inexcusable est établie dès lors qu'il aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il existe une présomption de faute inexcusable pour les salariés embauchés à durée déterminée qui n'ont pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée alors qu'il étaient affectés à un poste présentant des risques pour la santé ou la sécurité des salariés.

En l'espèce, le salarié était embauché depuis dix jours en tant qu'opérateur de production puis a été affecté au service conditionnement.

L'employeur affirme qu'il lui a dispensé la formation nécessaire et en veut pour preuve la fiche de poste et l'attestation de formation signée par le salarié.

Toutefois, force est de constater que la signature d'une fiche de poste ne constitue pas une formation et que l'attestation, portant sur une formation d'une demi journée, est très générale et antérieure à la prise de fonction et ne pouvait donc pas porter sur le nouveau poste attribué au salarié.

Il existe donc bien une présomption de faute inexcusable.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident, il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le salarié a appuyé sur le bouton d'arrêt de la machine pour changer le film cellophane mais la machine ne s'est pas arrêtée et sa main est restée bloquée. Il a alors appuyé sur le bouton d'arrêt d'urgence qui n'a pas stoppé la machine laquelle a dû être ouverte à l'aide d'un pied de biche.

Or il résulte du rapport de la DIRECCTE (pièce n°35) que cette machine n'était pas conforme avec la législation en vigueur et que, notamment, il existait des risques de non exécution de l'ordre d'arrêt, des risques d'écrasement des membres supérieurs compte tenu de la présence des mécanismes de fermeture des moules, que l'ordre d'arrêt d'urgence n'entraînait pas la coupure de l'alimentation en énergie.

L'employeur, sur lequel repose une présomption de faute inexcusable, ne démontre donc nullement qu'il avait pris toutes les précautions nécessaires à la sécurité du salarié.

Bien au contraire, il ressort des éléments évoqués ci dessus que la faute inexcusable est établie.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement.

Sur les préjudices résultant de la faute inexcusable

L'indemnisation des victimes d'accident du travail et de maladies professionnelles est prévue par le livre IV du code de la sécurité sociale et notamment par l'article L 431-1 de ce code qui prévoit une indemnisation forfaitaire d'une part des postes de préjudices patrimoniaux, des pertes de gain professionnels et de l'incidence professionnelle de l'incapacité d'autre part, le poste de préjudice à caractère personnel du déficit fonctionnel permanent.

Dans sa décision 2010-8QPC du 18 juin 2010, le Conseil Constitutionnel a décidé que les articles L 451-1 et L452-2 à L452-5 du code de la sécurité sociale, organisant le régime de réparation, étaient conformes à la Constitution.

Le Conseil a toutefois assorti cette décision d'une réserve d'interprétation de l'article L 452-3 en ce que 'en présence d'une faute inexcusable de l'employeur, les dispositions de ce texte ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes devant les mêmes juridictions, puissent demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de sécurité sociale'.

Il en résulte qu'en cas de faute inexcusable de l'employeur, le salarié victime ou ses ayants droits peuvent prétendre d'une part, à la réparation des préjudices prévus par le livre IV du code de la sécurité sociale, selon les conditions fixées par ce texte, et d'autre part, à l'indemnisation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

Par ailleurs, dès lors qu'il résulte du dernier alinéa de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale que la réparation des préjudices allouée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle due à la faute inexcusable de l'employeur, indépendamment de la majoration de la rente, est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur le bénéfice de ce versement direct s'applique également aux indemnités réparant les préjudices non énumérés par ce texte.

Dans la mesure où l'appelant produit aux débats de nombreux éléments médicaux apportant un commencement de preuve de l'existence des préjudices qu'il invoque afin de justifier sa demande d'indemnisation, il y a lieu d'ordonner, avant dire droit, une expertise médicale.

En outre une provision de 5 000 € doit être allouée à monsieur [L] [F] à valoir sur l'indemnisation des divers préjudices qui seront évalués par l'expert.

La CPAM de l'Ain procédera à l'avance de l'intégralité de ces sommes et pourra en récupérer le montant auprès la Sas Guillot Cobreda.

Les frais d'expertise seront également avancés par la caisse en application de l'article L 142-11 du code de la sécurité sociale.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault le 15 juillet 2015,

Statuant à nouveau;

Met hors de cause la Sarl Ulma Packaging;

Dit que l'accident du travail de monsieur [L] [F] du 8 juillet 2013 résulte de la faute inexcusable de la Sas Guillot Cobreda;

Ordonne la majoration au maximum de la rente versée à monsieur [L] [F],

Ordonne avant dire droit sur la liquidation des préjudices, la mise en oeuvre d'une expertise médicale et désigne pour y procéder :

Monsieur [C] [B]

[Adresse 3]

[Localité 4]

qui aura pour mission de:

-se faire remettre l'entier dossier médical de monsieur [L] [F] et plus généralement toutes les pièces médicales qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission;

-en prendre connaissance;

-procéder à l'examen de monsieur [L] [F] et recueillir ses doléances;

-décrire de façon précise et circonstanciées son état de santé avant et après la survenance de son accident du 8 juillet 2013, les lésions occasionnées par cet accident et l'ensemble des soins qui ont dû lui être prodigués;

-décrire précisément les lésions dont il reste atteint;

-fournir de façon circonstanciée tout élément permettant à la cour d'apprécier:

-si avant la date de consolidation de son état, la victime s'est trouvée atteinte d'un déficit fonctionnel temporaire, notamment constitué par une incapacité fonctionnelle temporaire ou partielle par le temps d'hospitalisation et par les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique et , dans l'affirmative, d'en faire la description et d'en quantifier l'importance;

-l'étendue des souffrances physiques et morales endurées par la victime en distinguant celles subies avant la consolidation et après celle-ci en quantifiant l'importance de ce préjudice sur une échelle de 1 à 7;

-l'étendue de son préjudice esthétique en distinguant celui subi avant la consolidation et après celle-ci en quantifiant l'importance de ce chef de préjudice sur une échelle de 1 à 7;

-l'existence d'un préjudice d'agrément soit l'empêchement pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une ou des activités sportives ou de loisir,

-l'existence d'un préjudice d'établissement, si la victime subit ou non une perte ou une diminution de ses possibilités de promotion professionnelle et dans quelle mesure;

-donner plus généralement tout élément permettant d'apprécier les préjudices actuels et futurs et certains subis par monsieur [L] [F];

Dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et pourra se faire autoriser à s'adjoindre tout spécialiste de son choix, dans une spécialité autre que la sienne;

Dit que l'expert donnera connaissance aux parties de ses conclusions et répondra à tous dires écrits de leur part formulés dans le délai qu'il aura imparti , avant d'établir un rapport définitif qu'il déposera au secrétariat du greffe de la présente cour dans les 4 mois du jour où il aura été saisi de sa mission;

Dit que les frais d'expertise seront avancés par la CPAM de l'Ain,

Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance du président de la chambre sociale;

Désigne le président de la chambre sociale pour suivre les opérations d'expertise et statuer sur tous les incidents relatifs à cette mesure;

Alloue à monsieur [L] [F] une indemnité provisionnelle de 5 000 € à valoir sur l'indemnisation future de ses préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale;

Dit que le versement de la provision sera avancé par la CPAM de l'Ain;

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15/06207
Date de la décision : 03/06/2020

Références :

Cour d'appel de Montpellier 3S, arrêt n°15/06207 : Expertise


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-03;15.06207 ?
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