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délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4° Chambre (anciennement 1° Chambre B)
ARRET DU 15 JANVIER 2020
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/03365 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NGS4
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 JUIN 2017 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 15/05549
APPELANTS :
Monsieur G... K...
né le [...] à MONTPELLIER
[...]
[...]
Représenté par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, postulant et plaidant
Représenté par Me Jean-François CECCALDI, avocat au barreau d'AVIGNON, constitué, non plaidant
Madame E... F...
née le [...] à PEZENAS
[...]
[...]
Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, postulant et plaidant
Représentée par Me Jean-François CECCALDI, avocat au barreau d'AVIGNON, constitué, non plaidant
INTIMÉE :
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC agissant par son représentant légal en exercice, domicilié ès qualité audit siège.
[...]
[...]
[...]
Représentée par Me Pascal ADDE-SOUBRA de la SCP GRAPPIN - ADDE - SOUBRA, avocat au barreau de MONTPELLIER, plaidant
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 12 Novembre 2019
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 DECEMBRE 2019,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre
Monsieur Christian COMBES, Conseiller
Madame Chantal RODIER, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Mélanie VANNIER
ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre, et par Madame Henriane MILOT, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
LES FAITS , LA PROCÉDURE ET LES PRÉTENTIONS :
Vu le jugement rendu par le tribunal de Grande instance de Montpellier en date du 2 juin 2017 ;
Vu l'appel relevé par G... K... et par E... F... le 16 juin 2017, dont la cour a vérifié la régularité ;
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions des appelants en date du 22 décembre 2017 ;
Vu les conclusions de la caisse régionale de Crédit Agricole mutuel du Languedoc en date du 31 octobre 2019 ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 12 novembre 2019 ;
SUR CE':
La cour est saisie par les demandes contenues au dispositif des conclusions des appelants, par application de l'article 954 du code de procédure civile ;
Il est d'abord demandé au principal de prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts, dans la mesure où le juge national est tenu de relever d'office les dispositions du traité fondateur de l'Union Européenne auxquelles il est porté atteinte, et dans celle où la déchéance partielle ou totale du droit aux intérêts prévu par l'article L312-33 du code de la consommation est une sanction pénale qui ne peut être prononcée que par le juge pénal, le code de l'organisation judiciaire interdisant au juge civil de prononcer une peine pénale complémentaire à titre principal ;
Les appelants demandent donc de prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts ;
Toute cette argumentation est en réalité fondée sur le dernier alinéa de l'article L312-33, qui prévoit d'abord une amende en cas d'irrespect de l'une des obligations prévues aux articles L312-7 et L312-8, à l'article L312-14 deuxième alinéa ou à l'article L312-26, le prêteur ou le bailleur pouvant être « en outre » déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge ;
En aucun cas, l'emploi du terme « en outre » ne permet d'assimiler ce dernier alinéa à l'instauration d'une sanction pénale complémentaire ;
En toute hypothèse, l'ordonnance du 17 juillet 2019 a institué l'article L3 41-48-1 du code de la consommation, et stipule :
« en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global prévu à l'article L314-5, le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice pour l'emprunteur. .. » ;
Pareillement, l'article L341-34 du code de la consommation, relatif aux sanctions civiles de la formation du contrat de crédit immobilier, dispose depuis l'ordonnance précitée :
« sous réserve des dispositions du second alinéa, dans les cas prévus aux articles L341-37, L341-38, L341-40 et L341-41, le prêteur ou le bailleur peut être déchu de droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge. Dans les cas prévus à l'article L341-37, en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux annuel effectif global déterminé conformément aux articles L341-1 à L314-4, le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice pour l'emprunteur » ;
Au visa de l'article 2 du Code civil, si la loi nouvelle ne s'applique pas, sauf rétroactivité expressément décidée par le législateur, aux actes juridiques conclus antérieurement à son entrée en vigueur, les effets légaux d'un contrat peuvent être régis par la loi en vigueur au moment où ils se produisent, et en l'espèce la cour estime que l'ordre public motivant la protection du consommateur institué par ces textes permet de soumettre à l'ordonnance du 17 juillet 2019 les effets légaux attachés notamment à l'absence ou au caractère erroné du taux effectif global ;
Les effets légaux attachés à l'absence ou à l'inexactitude du taux effectif global sont donc régis par l'ordonnance du 17 juillet 2019, qui institue une sanction civile exclusive, ce qui ne permet pas de faire prospérer l'argumentation selon laquelle la déchéance partielle ou totale du droit aux intérêts est une sanction pénale qui ne peut être prononcée que par le juge pénal ;
La cour observe à ce stade que les conclusions des appelants n'énoncent ni ne précisent en quoi le juge national, présentement la cour faut-il comprendre, devrait en l'espèce relever d'office les dispositions du traité fondateur de l'Union Européenne auxquelles il est porté atteinte, sans autre précision quant à la nature et l'ampleur de ces atteintes ;
Pareillement, et toujours par référence au dispositif des conclusions des appelants, la cour ne discerne pas le lien entre l'impossibilité alléguée de prononcer une sanction pénale de déchéance partielle ou totale du droit aux intérêts, et la conséquence qui en découlerait de prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts ;
Dans un souci d'analyse exhaustive, la page sept des conclusions des appelants relie la sanction de la nullité à un vice du consentement, qui en l'espèce n'est nullement démontré, ni même à proprement parler disséqué en termes juridiques ;
La cour ne discerne pas enfin, en page sept, la logique qui relie l'intitulé suivant :
« la règle du subsidiaire autorise à demander la déchéance du droit aux intérêts à titre principal et à titre subsidiaire la nullité de la stipulation d'intérêts »,
tandis que dans le dispositif on demande (sans préciser que c'est au principal) de prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts, et subsidiairement de prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts ;
Comprenne qui pourra, l'examen des conclusions à partir de la page sept, dans ce qui peut être considéré comme la demande subsidiaire, excipant de l'absence de mention du taux de période dans le contrat de prêt ;
Sur ce volet, l'application des articles L312-8 troisièmement, L313-1 et R.313-1, II, et L312-33 du code de la consommation exige l'indication dans le prêt immobilier du taux effectif global, qui est un taux annuel, proportionnel au taux de période, lequel, ainsi que la durée de la période, doivent être expressément communiqués à l'emprunteur ; le taux de période et la durée de période peuvent être communiqués dans un document distinct du contrat de prêt, et l'inobservation du formalisme de l'offre préalable peut être sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts ;
L'absence de communication du taux de période ne démontre en rien le caractère erroné du taux effectif global, et ce caractère erroné allégué ne saurait être sanctionné que par la sanction civile d'une déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts, prononcée par le juge ;
Il n'est pas contesté que le taux effectif global en la matière est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu exprimé en pourcentages unités monétaires, de sorte qu'il suffit aux emprunteurs qui désirent connaître le taux de période, sachant que la durée de la période est mensuelle, de diviser par 12 le taux effectif global annuel pour l'obtenir';
La cour estime donc qu'aucune déchéance totale du droit aux intérêts ne saurait prospérer sur un tel fondement, telle que sollicitée par les emprunteurs ;
Cette solution s'impose d'autant plus en vertu l'unicité de la sanction civile, dans la proportion laissée à l'appréciation du juge, qu'il n'est pas possible d'invoquer l'article 1907 du Code civil, pour poursuivre une action en nullité du taux effectif global, dès lors que les lois spéciales dérogent aux lois générales et que la nullité automatique est une sanction plus sévère que la déchéance, totale ou partielle, ce qui permet de faire prévaloir le droit spécial du code de la consommation , alors que l'application du Code civil sur ce volet viderait de son sens le code de la consommation ;
Enfin, cette règle d'unicité de la sanction civile, en cas d'absence de mention du taux de période, proscrit la substitution de l'intérêt au taux légal à l'intérêt au taux conventionnel, ce qui ne modifie en rien l'analyse retenue par la cour supra ;
En conclusion, et référence faite stricto sensu au dispositif des conclusions des appelants, c'est un débouté qui s'impose par l'adoption des motifs pertinents du premier juge et complément de ses motivations ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant contradictoirement :
Déclare l'appel infondé ;
Confirme le jugement de premier ressort ;
Condamne in solidum les appelants à payer à l'intimée une somme de 3000 € au titre des frais inéquitablement exposés en cause d'appel.
Les condamne aux dépens, à recouvrer au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT