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13/03/2019 | FRANCE | N°15/04784

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4ème a chambre sociale, 13 mars 2019, 15/04784


BA/GL



















































4ème A chambre sociale



ARRÊT DU 13 Mars 2019





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/04784 - N° Portalis DBVK-V-B67-MD7H



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 MAI 2015 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RGF14/00259





APPELANT :



Monsieur [X] [H]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Comparant,

Représentant : Me Catherine FEBVRE, avocat au barreau de MONTPELLIER





INTIMEE :



SASU ESGCV

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés es-qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentant : M...

BA/GL

4ème A chambre sociale

ARRÊT DU 13 Mars 2019

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/04784 - N° Portalis DBVK-V-B67-MD7H

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 MAI 2015 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RGF14/00259

APPELANT :

Monsieur [X] [H]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Comparant,

Représentant : Me Catherine FEBVRE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

SASU ESGCV

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés es-qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentant : Me Thibault GANDILLON de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 JANVIER 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Georges LEROUX, Président de chambre

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Mme Martine DARIES, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Brigitte ALARCON

ARRÊT :

- contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Georges LEROUX, Président de chambre, et par Madame Brigitte ALARCON, Greffier.

*

**

EXPOSE DU LITIGE

M. [H] était embauché par contrat de travail à durée indéterminée du ler décembre 1993 par la SA GROUPE DE BISSY (devenue par la suite SAS ESARC CEFIRE) en qualité de comptable pour une rémunération brute de base de 1.372 euros. Il était classé travailleur handicapé catégorie A correspondant à un handicap léger.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, Monsieur [H] bénéficiait d'une qualification de technicien hautement qualifié, coefficient 270, catégorie employé et percevait un salaire brut de 2914,21 euros pour 169 heures mensuelles.

A la suite de problèmes économiques, le pôle comptable de l'entreprise était réorganisé en 1996. M. [H] était alors chargé de la comptabilité générale des trois écoles du groupe ESARC CEFIRE situées a [Localité 7], [Localité 9] et [Localité 4] et de celle de la SA du groupe ESARC ainsi que de la préparation de la paie et du contrôle des bulletins de salaire des salariés, du paiement des fournisseurs , des déclarations de TVA et déclarations sociales, de la préparation des situations trimestrielles et du bilan annuel ainsi que le suivi des documents demandés par l'administration.

A cette époque, le service comptait trois salariés.

Courant octobre 1998, M. [H] était en arrét maladie pour subir une intervention chirurgicale. Il reprenait son travail un mois plus tard, en novembre 1998 et était classé, à compter du 1/12/1998, en catégorie B (handicap modéré).

En avril 2009, le groupe CEFIRE était repris par la Société STUDIALIS.

Le temps de travail de M. [H], sans avis du médecin du travail, était porté de 35 à 39 heures par semaine par un avenant du 23/11/2009, motivé " en raison du développement de l'activité du pôle administratif et 'nancier de la SAS Groupe ESARC CEFIRE et de ses 'liales, lié a la mise en place du nouveau reporting 'nancier, le recours aux heures supplémentaires s'avére nécessaire .. '. M. [H] devait ainsi réaliser 4 heures supplémentaires par semaine à compter du 1/12/2009 pour une rémunération brute de 2.914, 21 € par mois.

En février 2010, intervenait le départ de la responsable de la comptabilité auxiliaire clients et informaticienne.

M. [H] dénonçait ses conditions de travail à la médecine du travail.

En septembre 2010, une assistante comptable était embauchée en contrat à durée déterminée à mi- temps

Le 10 mars 2011, M. [H] était victime d'un malaise cardiaque sur son lieu de travail et transporté en urgence au centre hospitalier. Lors des examens médicaux, était mis à jour un anévrisme de l'aorte nécessitant une intervention chirurgicale en septembre 2011

M. [H] ne reprenait jamais ses fonctions.

Par avis du 03/12/2012, le médecin du travail le déclarait " inapte temporaire " et le 18/12/2012, il était déclaré " inapte à tous les postes, au poste actuel et inapte à tous les postes dans l'entreprise. En raison de l'état de santé du salarié il n'est pas possible de formuler des recherches de possibilités de reclassement "

Par lettre recommandée avec accusée de réception du 10/06/2013, il était convoqué à un entretien préalable 'xé le 21/06/2013, auquel il ne se présentait pas. Par lettre, il faisait valoir avoir été absent de son domicile et n'avoir pu récupérer la convocation que le 25 juin.

Par lettre recommandée avec accusée de réception du 03/07/2013, il était licencié pour "inaptitude dé'nitive et impossibilité de reclassement '.

Le 17 février 2014, M. [H] a saisi le conseil des Prud'hommes de Montpellier aux fins notamment de voir reconnaître un harcèlement moral, une violation de l'obligation de sécurité, la nullité du licenciement et obtenir paiement de dommages et intérêts

Par jugement du 29 mai 2015, le Conseil des Prud'hommes a débouté M. [H] de toutes ses demandes.

M. [H] a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 26 juin 2015

Il demande à la cour de réformer le jugement et de condamner la SA ESGCV CAMPUS DE BISSY à lui verser les sommes de :

-30.000 € à titre de dommages et intérêts pour le harcèlement moral subi,

-30.000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,

Il demande que son licenciement soit déclaré nul et la condamnation de la SA ESGCV CAMPUS à lui verser les sommes de :

- 35.000 € de dommages et intérêts pour licenciement nul

- 8.742, 63 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (3 mois ) et 874 € de congés payés sur préavis

A titre subsidiaire, il demande que son licenciement soit dit sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de la SA ESGCV CAMPUS a lui verser les sommes ci-dessus. Il demande la somme dc 1.200 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile .

La SAS EGSCV demande à la cour de déclarer M. [H] irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes et l'en débouter, de confirmer le jugement et de condamner M. [H] à payer la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu l'article 455 du Code de procédure civile, pour l'exposé des moyens des parties, il sera renvoyé à leurs conclusions déposées à l'audience du 16 janvier 2019, conclusions auxquelles les parties ont déclaré se référer.

MOTIFS

Aucun moyen n'est soulevé par l'intimé à l'appui de sa demande d'irrecevabilité et les demandes de M. [H] sont recevables.

Sur le harcèlement moral

L'article L1152-1 du code du travail prévoit qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article 1154-1 du code du travail en ses dispositions alors applicables prévoit que dès lors que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement

M. [H] fait valoir qu'il avait le statut de salarié handicapé et devait être soumis à une surveillance médicale renforcée suivant les dispositions de l'article R. 4624-18 du code du travail soit au moins suivant l'article R. 4624-19 du code du travail, un ou deux examens de nature médicale selon une périodicité n'excédant pas 24 mois.

Il soutient que l'employeur a directement participé à la dégradation de son état de santé en ne mettant pas en place une organisation adaptée a'n d'assurer de bonnes conditions de travail. Il affirme qu'à partir du rachat en avril 2009 du groupe ESARC CEFIRE par la société STUDIALIS, l'organisation du service comptable a été profondément modi'ée ce qui lui a engendré une importante surcharge de travail avec en corolaire le départ de deux salariés qui ne seront pas remplacés et dont les tâches seront répercutées sur lui.

Il indique que Mme [U], qui était secrétaire et établissait, en sus de ses fonctions d'accueil, les chèques de la société et effectuait la frappe des courriers, est partie en retraite en janvier 2008, que Mme [M] qui était responsable de la comptabilité auxiliaire clients et informaticienne chargée de la gestion du logiciel PEGASE de tous les sites du groupe a été placée en arrêt maladie en février 2010 pour être 'nalement licenciée en novembre 2010, qu'il s'est ainsi retrouvé à son départ le seul interlocuteur des secrétaires des différents sites et a dû gérer les problèmes informatiques et en sus la mise en place d'un nouveau logiciel dc banque.

Il fait valoir un alourdissement de ses tâches résultant du fait qu'au printemps 2009, l'employeur lui a imposé de passer d'une préparation de bilans intermédiaires (au 31 décembre de l'année en cours et au 31 mars de l'année suivante) avant le bilan définitif au 30 juin, c'est-à-dire des situations trimestrielles à la réalisation de situations mensuelles au 30 de chaque mois puis au 20 avec des reportings et des explications des écarts de budget sachant que pour obtenir cette situation, il devait nécessairement avoir terminé la comptabilité du mois et arrêter les comptes pour les transmettre au contrôleur de gestion. I1 ajoute qu'il devait également mettre en place un nouveau plan comptable a'n de faciliter la récupération des données comptables et la remontée des informations avec le reporting.

Il précise que l'employeur a augmenté son temps de travail du salarié par avenant du 23/11/2009 le portant de 35 à 39 heures, sans prendre 1'avis préalable du médecin du travail sur la compatibilité de la nouvelle charge de travail avec sa santé en «raison du développement de l'activité du pôle administratif et 'nancier de la SAS Groupe ESARC CEFIRE et de ses 'liales lié à la mise en place du nouveau reporting 'nancier » tout en refusant de lui allouer un adjoint pour le soulager de ses taches dans la mesure où Mademoiselle [T], assistante comptable, ne sera embauchée alors en contrat à durée déterminée et à mi-temps qu'en septembre 2010 avec une période de formation.

Il soutient ainsi qu'il s'est retrouvé seul non seulement à préparer la situation comptable au 31/03/2010 et le bilan au 30/06/2010 mais également à assumer les tâches normalement dévolues à la secrétaire, à l'informaticienne et à un responsable des ressources humaines, et précise que son travail ne s'arrêtait pas au 30 juin puisque s'ensuivaient l'établissement de la nouvelle situation comptable au 31/12/2010, les rendez-vous avec les commissaires aux comptes.

L'employeur fait valoir que M. [H] était « ravi » de passer à 39 heures, qu'il existait deux postes de comptables, ceux de Mme [M] et de M. [H] et que Mme [U] effectuait des travaux de secrétariat et une prestation d'accueil, totalement indépendantes. Il ajoute qu'au départ de Mme [M] en novembre 2010, le Groupe a procédé, dès octobre 2010, au recrutement d'un contrôleur de gestion exclusivement dédié au contrôle de gestion des sociétés ESARC CEFIRE [Localité 7] et ESARC [Localité 5], poste basé à [Localité 8], ajoutant que le reporting était effectué par le contrôleur financier au sein de STUDIALIS avant l'embauche de ce contrôleur de gestion.

Il soutient que la plupart des missions dont M. [H] avait la charge étaient assurées par un prestataire externe, se fondant sur lettre de mission du Cabinet REVISUD du 11 octobre 2009 auquel étaient confiées notamment les prestations d'établissement des situations comptables intermédiaires, l'établissement des comptes annuels, les déclarations périodiques dont les DADS 1 et 2, l'établissement des bulletins de salaires, le contrôle budgétaire trimestriel.

Il convient toutefois qu'il était demandé à M. [H] d'effectuer le travail de préparation de ses documents en amont de leur aval par l'expert-comptable, ainsi que de procéder à des bilans intermédiaires et des situations mensuelles.

Il affirme que l'effectif au sein du service n'a pas évolué depuis le départ de M. [H], que le service désormais composé de quatre personnes est chargé des prestations que le cabinet prestataire Revisud avait en charge et qui ont été internalisées, excepté l'établissement des bulletins de salaires, que le service a intégré trois établissements supplémentaires et qu'un ETP était dédié à [Localité 5] avant son rattachement au service Comptabilité finance de [Localité 7].

Il fait valoir l'embauche de Mme [T].

Toutefois, il ressort de ces éléments que l'employeur n'apporte aucun élément justifiant du remplacement de Mme [M] à compter de février 2010 jusqu'en septembre 2010. Il n'apporte pas davantage d'élément sur le remplacement de Mme [U] après janvier 2008 et n'explique comment les tâches attribuées à celles-ci ont été assurées.

En outre, sans être contredit, M. [H] relève que si un contrôleur de gestion a bien été embauché en octobre 2010, celui-ci ne l'a pas aidé mais a seulement remplacé le précédent contrôleur de gestion, basé a [Localité 8], qu'il ne s'agissait pas d'une création de poste mais d'un remplacement qui n'a en rien allégé sa charge de travail puisque celui-ci était contrôleur de gestion, fonction différente de la sienne.

M. [H] ajoute que le recours à un prestataire externe le Cabinet REVISUD datait de 1997 et non d'octobre 2010, relevant pertinemment que la lettre de mission produite du 11/10/2009 "annule et remplace les lettres de mission du 23/06/1997 et du 8/12/1997 ". Il relève le contenu de la lettre de mission du cabinet REVISUD qui montre que le rôle de celui-ci était principalement le contrôle et le conseil et non l'établissement des écritures comptables, des situations comptables et des bilans provisoires et régularisations, tâches qu'il assumait.

Il cite les termes de la lettre de mission de REVISUD qui laisse à la charge de la société l'ensemble de la comptabilité, la révision des comptes,  le contrôle des opérations d'inventaires, l'établissement des comptes annuels, les ordres de paie, la déclaration DADS 2, l'établissement du tableau récapitulatif annuel de l'URSSAF et des déclarations sociales annuelles. Il relève concernant le contrôle budgétaire mensuel, que la lettre de mission imposait à la société la première année chaque mois la tenue des documents de contrôle budgétaire.

M. [H] produit plusieurs attestations :

- Mme [T], aide comptable à mi-temps à partir de septembre 2010, écrit :" j'ai rapidement constaté des tensions et du stress chez M. [H] qui tenait l'ensemble de la comptabilité seul sur son poste de comptable. Le calendrier des charges administratives et comptable était imposé. Malgré cette charge déjà importante de travail pour les écoles de [Localité 9], [Localité 7] d'[Localité 4] et DG d'ESARC CEFIRE, la direction n'hésitait pas à effectuer des changements réguliers dans l'organisation des travaux en rajoutant des charges annexes (reporting mensuel et trimestriel, saisie d'un nouveau plan comptable trésorerie à trois mois mise en place d'un nouveau logiciel de banque ..) . Il n'était pas rare de voir M. [H] travailler de 8h à 18 h avec seulement 30 mm de pause" .

- M. [S], conseiller en recrutement et formation, atteste : " dès que l'école a été rachetée très vite, celui-ci ( M. [H]) a fait état d'un accroissement de plus en plus important des demandes émanant du siège parisien. Au bout de quelques mois, j'ai pu constater que M [H] de part un surcroit toujours de plus en plus important d'activité montrait des signes très nets de fatigue physique et morale très importants le rendant même nerveux et agressif donc méconnaissable. Il s'est plaint a maintes reprises d'être usé par le surcroit d'activité et de vivre un harcèlement des instances parisiennes qui ne lui laissaient aucun répit et lui demandaient des travaux de remontées d'informations immédiates toute la journée ce qui réduisait considérablement le temps nécessaire au travail quotidien déjà important et gênerait un stress insoutenable .. "

- Mme [N], responsable pédagogique écrit : " la nouvelle organisation a généré des profonds changements et avec M [H] nous avons souvent évoqué le stress qu'il éprouvait .. Le rythme, le surplus de travail, les délais qui lui étaient imposés ont profondément atteint M. [H] et changé ses relations avec les collègues de travail de l'école .. ll n'avait plus le temps de descendre déjeuner avec nous il mangeait un sandwich ou un plateau devant son ordinateur à son bureau '

-Mme [B] atteste : " à partir du moment (où la structure a été rachetée ) il était tellement sollicité par la direction de [Localité 8] et sous pression que cette disponibilité n'était plus d'actualité. Il nous faisait part d'une fatigue physique et morale de plus en plus importante le rendant parfois inaccessible et inabordable. Il nous parlait du harcèlement de la part de la direction de [Localité 8] qui ne lui laissait même plus le temps de faire son travail quotidien. Il nous con'ait vivre un stress très important depuis le rachat "

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. [H] s'est bien trouvé dans une situation de réelle surcharge de travail après le départ de la secrétaire non remplacée en janvier 2008, puis de l'arrêt maladie en février 2010 de sa collègue non remplacée jusqu'en septembre 2010 puis remplacée par une assistante comptable à mi-temps. Il est également établi que malgré le statut de M. [H] de travailleur handicapé, l'employeur l'a fait passer de 35 à 39 heures sans consultation du médecin du travail alors que ce statut justifiait une surveillance médicale renforcée.

M. [H] fait en outre valoir son dossier médical auprès de la médecine du travail, dossier duquel il résulte qu'il s'est plaint à plusieurs reprises d'une surcharge de travail. Ainsi, le 16 février 2011, il est noté que le salarié " se dit stressé, charge augmentée doit faire des situations régulières une fois par mois quand en faisait tous les trimestres ne peut pas poser de congés comme le souhaite, reçoit ses demandes directement de [Localité 8], sociétés + [Localité 6], [Localité 9], [Localité 4] - gestion par informatiques phase stressante en 'n d'année 2010 faisait 8h-18h selon lui manque de reconnaissance - management particulier sans écoute ".

Le 10 mars 2011, M. [H] était victime d'un malaise cardiaque sur son lieu de travail et hospitalisé pour subir deux interventions chirurgicales. Il justifie également qu'il était suivi par un psychiatre pour dépression nerveuse

Ces faits montrant une surcharge de travail imposée pendant plusieurs mois et l'ajout d'heures supplémentaires sans prise en compte du statut handicapé, pris dans leur ensemble, en ce compris les éléments médicaux, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

S'il est incontestable que M. [H] éprouvait de sérieux problèmes de santé de nature cardiaque au moins depuis 1998, problèmes qui lui avaient valu son classement de travailleur handicapé, l'employeur qui avait connaissance de ce statut, ne produit aucun élément pour établir que la surcharge de travail qu'il a imposée au salarié pendant plusieurs mois était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Il ne justifie pas davantage des raisons de la non-consultation du médecin du travail avant de solliciter du salarié des heures supplémentaires, compte tenu de la surveillance médicale particulière qui s'imposait au regard de son handicap.

Ainsi, il est établi que M. [H] a été victime de harcèlement moral

Les éléments ci-dessus relevés et le défaut d'établissement du document unique d'évaluation des risques établissent un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat lui incombant au regard des dispositions de l'article L4121-1 du code du travail.

Au vu de ce qui précède, il convient d'allouer à M. [H] une indemnité de 4000 € en réparation du harcèlement moral subi et une indemnité de 2000 € en réparation du manquement à l'obligation de sécurité.

Sur le licenciement

Le 10 mars 2011, M. [H] était victime d'un accident cardiaque sur son lieu de travail et était placée en arrêt maladie, arrêt qui perdurait jusqu'à l'avis d'inaptitude rendu le 18 décembre 2012.

S'il n'est pas contestable que M. [H] avait un état préexistant au niveau de sa santé cardiaque, il apparait que la situation de surcharge de travail qui lui a été imposée pendant plusieurs mois, la situation de stress en résultant et le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, ont concouru au moins partiellement à la situation d'inaptitude constatée par le médecin du travail. Il est indifférent à cet égard que le médecin traitant ait pris en compte pour préconiser une reconnaissance d'invalidité, une éventuelle retraite en mai 2013.

Dès lors, le licenciement fondé sur cette inaptitude est nul.

En l'absence d'éléments sur la situation ultérieure de M. [H], prenant en compte son âge ( né en 1952) son ancienneté de 19 ans et un salaire mensuel de 2914,21 €, il convient de lui allouer une indemnité de 20000 € pour licenciement nul

Il est également fondé à demander l'indemnité de préavis à hauteur de 8742,63 € brut outre 874 € brut au titre des congés payés afférents

Sur les autres demandes

Il apparait équitable d'allouer à M. [H] la somme de 1200 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe 

-Déclare M. [H] recevable en ses demandes

-Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau :

Dit que M. [H] a subi un harcèlement moral, que La SAS ESGCV a manqué à son obligation de sécurité et que le licenciement de M. [H] est nul

Condamne La SAS ESGCV à payer à M. [H] les sommes de :

- 4000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral subi

- 2000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du manquement à l'obligation de sécurité.

-20.000 € à titre d'indemnité pour licenciement nul

- 8742,63 € brut au titre de l'indemnité de préavis et 874 € brut au titre des congés payés afférents

- 1200 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

Condamne La SAS ESGCV aux dépens de l'instance.

LA GREFFIERE,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4ème a chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15/04784
Date de la décision : 13/03/2019

Références :

Cour d'appel de Montpellier 04, arrêt n°15/04784 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-13;15.04784 ?
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