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13/02/2019 | FRANCE | N°15/07750

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4ème a chambre sociale, 13 février 2019, 15/07750


BA/MD



















































4ème A chambre sociale



ARRÊT DU 13 Février 2019





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/07750 - N° Portalis DBVK-V-B67-MJMF



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 SEPTEMBRE 2015 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE

N° RGF13/00282


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APPELANT :



Monsieur Ghislain X...

[...]

Représentant : Me Fréderic Y..., avocat au barreau de PARIS





INTIME :



Monsieur James Z...

[...]

Représentant : Me Cédric A..., avocat au barreau de PARIS







COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 19 DECEMBRE 2018,...

BA/MD

4ème A chambre sociale

ARRÊT DU 13 Février 2019

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/07750 - N° Portalis DBVK-V-B67-MJMF

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 SEPTEMBRE 2015 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE

N° RGF13/00282

APPELANT :

Monsieur Ghislain X...

[...]

Représentant : Me Fréderic Y..., avocat au barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur James Z...

[...]

Représentant : Me Cédric A..., avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 DECEMBRE 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

M. Georges LEROUX, Président de chambre

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Mme Martine DARIES, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRÊT :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Georges LEROUX, Président de chambre, et par Madame Brigitte ALARCON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

**

FAITS ET PROCÉDURE :

Monsieur James Z..., propriétaire du domaine de la Vène situé sur la commune de Montirat dans l'Aude, a engagé Monsieur Ghislain X... pour des travaux dans le cadre de contrats à durée déterminée en la forme de titres emplois simplifiés agricoles ( TESA).

Quatre contrats ont été souscrits sous la forme TESA pour les périodes et nombre d'heures suivants :

- du 12 au 31 septembre 2011 pour 30 heures,

- du 07 mai au 07 juillet 2012 et du 10 août au 10 novembre 2012 pour 75 heures,

- du 14 juin 2013 au 30 août 2013 pour 20 heures.

Le 04 octobre 2013, Monsieur X..., invoquant travailler à temps plein alors qu'il n'était déclaré que dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée ne correspondant pas au nombre d'heures réellement accomplies, a adressé un courrier à Monsieur Z... aux fins de régularisation de sa situation, courrier qui restait sans réponse.

Le 22 novembre 2013, Monsieur X... a saisi le conseil de prud'hommes de Carcassonne aux fins d'obtenir la requalification des dits contrats en contrats à durée indéterminée, paiement de rappels de salaires et indemnités pour travail dissimulé et licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par courrier recommandé du 16 septembre 2014 adressé à Monsieur Z..., il a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de son employeur,

Par jugement du 22 septembre 2015, le conseil de prud'hommes de Carcassonne a débouté Ghislain X... de l'ensemble de ses demandes, les parties de leurs demandes plus amples et contraires et condamné Ghislain X... aux entiers dépens.

Monsieur X... a interjeté appel de ce jugement.

PRETENTIONS DES PARTIES :

Monsieur X... soutient qu'il a été embauché ' verbalement' à partir du mois de mars 2001 par Monsieur Z... exploitant un domaine de 260 ha dont 20 ha de vignes, 1000 oliviers, une forêt, un parc planté de diverses essences et possédant des chevaux, les cultures n'étant plus exploitées dans un but de production destinée à la vente mais faisant l'objet d'un entretien régulier comme les alentours de la maison de maître et les dépendances.

Il affirme que pendant 12 ans il a été 'l'homme à tout faire' de Monsieur Z..., régulièrement absent pour ses activités professionnelles à l'étranger et travaillant quotidiennement sur le domaine en tant que paysagiste, mais aussi régisseur assurant l'intendance pour l'entretien des terres, des matériels et des animaux.

Il explique qu'il n'a été déclaré qu'à compter du mois d'avril 2003 mais pas pour la totalité des heures effectuées, par le biais du TESA 'titre emploi simplifié agricole', dispositif permettant l'embauche dans le secteur agricole en contrat à durée déterminée pour des travaux saisonniers.

Au principal en application de l'article 455 du code de procédure civile et de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'appelant sollicite l'annulation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes pour défaut de motivation.

Au fond, il soulève l'utilisation irrégulière des contrats TESA et allègue de l'accomplissement d'un travail permanent au regard de la nature des tâches et leur variété au visa de l'article L 1242-2- 3ème du code du travail et de l'article 23 de la convention collective applicable, outre l'existence d'un travail dissimulé.

Il sollicite la requalification des conventions TESA en contrat à durée indéterminée à temps plein avec une reprise d'ancienneté fixée au 01 mars 2001. Il indique que ne disposant d'aucun document contractuel valable depuis cette date, il ne peut revendiquer une ancienneté de plus de 10 ans et qu'en application des dispositions relatives à la prescription triennale en matière de salaire (article L3245-1 du code du travail), les demandes de rappel de salaires porteront sur les années 2010, 2011, 2012 et 2013.

Monsieur X... rappelle que le 16 septembre 2014 il a pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison des manquements graves de son employeur et que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il fait valoir qu'il a subi un préjudice économique, social et moral important car il a été maintenu dans une situation de précarité et de dépendance intolérable ce qui l'a mis en grande difficulté pour assumer ses charges familiales. Il déclare ne pas avoir pu faire valoir ses droits à allocations-chômage en raison des fausses déclarations de l'employeur et de l'absence de toute preuve d'une rupture de contrat.

Il demande par conséquent à la cour de :

Au Principal :

Annuler le jugement rendu par le Conseil de Prudhommes de CARCASSONNE le 22 septembre 2015,

A titre subsidiaire :

Infirmer le jugement déféré,

Et statuant à nouveau,

Condamner Monsieur James Z... au titre de l'infraction pour travail dissimulé,

Dire et juger que les contrats de travail successifs de Monsieur X... sont requalifiés en un seul contrat à durée indéterminée depuis le 1er mars 2001,

Dire et juger que la convention collective de travail de la zone viticole du département de l'Aude du 21 juillet 1998 est applicable à la relation de travail,

Condamner Monsieur Z... à verser le montant correspondant au rappel de salaires, en deniers ou quittance, pour la période de septembre 2010 à septembre 2013, sous réserve alors que l'employeur confirme le versement de sommes pour les périodes non déclarées.

Dire et juger que la prise d'acte de la rupture doit s'analyser en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamner Monsieur Z... à verser le montant correspondant au rappel de salaires pour la période de septembre 2013 à septembre 2014,

En conséquence :

Condamner Monsieur James Z... à verser à Monsieur Ghislain X... les sommes suivantes :

· 1.668,37 euros au titre de l'indemnité de requalification prévue à l'article L 1245-2 du Code du travail,

· 10.010,22 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé visée par l'article L 8223-1 du Code du travail, soit six mois de salaire,

· 60.061,32 euros au titre de rappel de salaire pour la période de septembre 2010 au 30 septembre 2013 (en deniers ou quittance)

· 6.187,50 euros au titre de l'indemnité de congés payés,

· 19.186,25 euros au titre de rappel de salaire pour la période de septembre 2013 au 16 septembre 2014,

· 1.918,60 euros au titre des congés payés sur rappel de salaires,

· 5.294,29 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

· 5.005 euros au titre du préavis (3 mois - article 73 de la convention collective),

· 500,50 euros au titre des congés payés sur préavis,

· 20.020,44 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (12 mois),

· 6.000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral et compensation des conséquences dommageables du défaut de déclaration auprès des organismes sociaux (3,5 mois),

Ordonner que ces sommes soient assorties de l'intérêt au taux légal à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil,

Ordonner la production de bulletins de paie conformes à la réglementation, au mois le mois de septembre 2010 à septembre 2013 ainsi qu'un certificat de travail et attestation Pôle emploi, sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir,

Condamner Monsieur James Z... au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du CPC,

Condamner Monsieur James Z... en tous les dépens.

En réplique, Monsieur Z... conclut à la confirmation du jugement déféré et au débouté des prétentions de Monsieur X....

Il explique que le domaine de la Vène comporte des surfaces cultivées en vignes mais abandonnées depuis 2011 comme n'ayant plus aucun but productif et qu'avant cette date la totalité des travaux sur les vignes ont été effectués par lui-même, par Monsieur David G... ou Monsieur Cédric D.... Il précise que les oliviers et le bois n'ont jamais été exploités et que l'intégralité du domaine est dans une zone Natura 2000, comprenant des forêts en zone naturelle d'intérêts écologiques faunistiques et floristiques.

L'intimé affirme que les surfaces agricoles abandonnées ne nécessitent qu'une présence ponctuelle pour de courtes périodes liées à des travaux d'entretien et qu'il se chargeait de l'essentiel des tâches à effectuer, s'occupant personnellement du jardinage, de l'entretien du parc, assurant les fonctions de fermier, régisseur, paysagiste et gestionnaire du projet de développement du domaine.

Monsieur Z... expose qu'il a demandé à Monsieur X... dans le cadre de contrats TESA de réaliser des travaux d'entretien des espaces paysagers, notamment la tonte, le désherbage et la taille d'arbustes dans le jardin quand il était absent; qu'ainsi il a eu recours à Monsieur X... entre le 29 avril et le 30 juin 2003 mais ne l'a plus employé jusqu'au 12 septembre 2011 date à laquelle l'appelant est venu le solliciter. Ce dernier a réalisé des travaux de débroussaillage avant de quitter le domaine le 30 septembre 2011 puis a exécuté des travaux saisonniers du 7 mai 2012 au mois d'août 2012 et de nouveau de juin 2013 au 27 septembre 2013. Il précise qu'étant lui-même absent du domaine depuis 2011, il laissait le salarié indiquer seul le nombre d'heures qu'il avait effectuées.

Il s'oppose à la demande de requalification des conventions TESA en contrat de travail à durée indéterminée et conteste en s'appuyant sur les attestations qu'il verse aux débats et sur le fait que Monsieur X... a travaillé pour d'autres employeurs tel qu'il ressort de sommations interpellatives, les déclarations de l'appelant affirmant avoir été employé à plein temps.

Monsieur Z... considère qu'il y a tentative d'escroquerie au jugement du fait des mensonges de l'appelant qui ne peuvent être corroborés par les attestations de Madame B... et Monsieur C... anciens salariés. L'intimé conteste en outre que la lettre de recommandation établie le 31 mai 2012 à la demande expresse de Monsieur X... démontre que ce dernier travaillait à temps plein depuis 12 ans pour son compte. Il affirme n'avoir commis aucune dissimulation d'activité.

L'intimé forme une demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive en application de l'article 32-1 du code de procédure civile au motif que l'appelant a agi de manière dilatoire en affirmant de manière mensongère avoir travaillé de manière interrompue pendant 12 ans.

Il demande donc à la Cour de:

Vu le Rapport des Conseillers Rapporteurs du 20 octobre 2014,

Vu la Sommation interpellative à la SARL CELLIER DE BELLISENS,

Vu la Sommation interpellative à l'association LE PARCHEMIN,

Vu la Sommation interpellative à la SARL TEXE,

Vu les pièces versées aux débats,

Confirmer le jugement dont en appel en ce qu'il a débouté Monsieur X... de l'intégralité de ses demandes,

Statuant à nouveau,

Vu l'article 32-1 du Code de Procédure Civile

Condamner Mr X... à payer à Mr Z... la somme de 5000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Condamner Mr X... à payer à Mr Z... la somme de 5000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner Mr X... aux entiers dépens en ce compris les frais d'huissiers qu'il a dû exposer pour faire valoir ses droits.

Pour un plus ample exposé des faits et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère aux écritures des parties auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats à l'audience du 19 décembre 2018.

SUR CE:

- Sur la demande d'annulation du jugement du conseil de prud'hommes déféré':

Aux termes de l'article 460 du code de procédure civile, la nullité d'un jugement ne peut être demandée que par les voies de recours prévues par la loi.

Si le jugement est en premier ressort, la voie d'appel est la seule voie de recous en annulation. Tel est le cas.

Aux termes des articles 455 et 458 du code de procédure civile, tout jugement doit être motivé à peine de nullité.

En l'espèce le conseil de prud'hommes mentionne dans les motifs de la décision du 22 septembre 2015 de rejet des prétentions des parties que': «' les pièces apportées aux débats et la conclusion de la mission de conseillers rapporteurs et les affirmations de Monsieur X... n'ont pas emporté la conviction du conseil'» et rappelle la définition du «'contrat emploi simplifié agricole'» .

En se déterminant ainsi, sans analyser même de manière sommaire les éléments de preuve produits sur lesquelles elle a fondé sa décision, la juridiction prud'homale n'a pas satisfait aux exigences des textes.

La décision du 22 septembre 2015 sera donc annulée.

La dévolution s'opérant pour le tout, la Cour d'appel est saisie de l'entier litige en fait et en droit.

- Sur les demandes de requalification des contrats TESA en contrat de travail à durée indéterminée'à temps plein à compter du 1er mars 2001':

Aux termes de l'article R 712-12 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable au litige, le titre emploi simplifié agricole ( TESA) ne peut être utilisé que pour les contrats à durée déterminée mentionnés à l'article L712-1, notamment pour des travaux saisonniers, dont la durée est inférieure ou égale à trois mois.

Ces contrats sont réputés satisfaire aux obligations prévues par les articles L 1242'12 et L 1243-13 du code du travail à savoir notamment les mentions d'un contrat à durée déterminée à objet défini, une date du terme ou une durée minimale pour laquelle il est conclu lorsqu'il ne comporte pas de terme précis'.

En l'espèce les parties s'accordent sur l'existence de conventions sous la forme de titres emploi simplifié agricole en avril 2003, en 2011, 2012 et 2013, les déclarations pour celles de 2011 à 2013 étant produites et établies pour des travaux libellés «' espaces verts ' paysagers'».

Monsieur X... invoque qu'il a assuré un emploi permanent en tant que paysagiste et régisseur, non seulement pendant la période couverte par les TESA ne correspondant pas à la réalité de son travail à temps complet, mais depuis mars 2001 dans le cadre d'un contrat 'verbal' sur le domaine de Monsieur Z..., qui du fait de sa forte étendue et des espaces de natures diverses nécessitait beaucoup plus qu'un simple entretien. Il estime que le travail relatif aux cultures, entretien du territoire ( haies, clôtures, fossés) représente en moyenne pour une exploitation de 60 ha, 106 jours de travail par an (742 heures par an) ce qui par rapport au domaine de la Vène s'étendant sur 260 ha représenterait a minima compte tenu de l'absence de production 150 jours par an. Il ajoute que selon une étude wallonne, l'entretien des cultures et la taille des haies est en moyenne de 13 jours de travail par an ( 91 heures) pour une exploitation de 60 ha.

Le contrat de travail se définit comme étant une convention par laquelle une personne s'engage à travailler pour le compte d'une autre et sous sa subordination, moyennant une rémunération. L'absence d'un écrit constatant l'existence d'un contrat de travail à temps partiel fait présumer que ce dernier a été conclu pour un horaire à temps complet, sauf à l'employeur à rapporter la preuve de la durée exacte du travail et de sa répartition et que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas obligé de se tenir constamment à sa disposition.

L'existence de relations de travail anciennes et durables entre Monsieur Z... et Monsieur X... est rapportée:

- par la reconnaissance de l'employeur dans la lettre de référence établie par ce dernier le 31 mai 2012 et libellée en ces termes': «'nous sommes les propriétaires d'un domaine de 260 hectares de vignes, mille oliviers, une forêt, des chevaux et un grand parc planté avec différentes essences. Ghislain a travaillé pour nous ponctuellement mais fréquemment dans tous ces domaines pendant 12 ans avec une compétence et une connaissance complète. Il a aussi maintenu des outils de jardinage et agricoles. Il a également surveillé la propriété en notre absence avec beaucoup de diligence'»,

- par les propos de Monsieur Z... tenus dans le cadre de SMS échangés entre les parties retranscrits selon procès-verbal d'huissier de justice du 14-03-2014 à la requête de l'employeur pour une période allant de août 2012 à septembre 2013, à savoir :

en date du 29 septembre 2013: 'je suis vraiment étonné qu'une déclaration TESA manquerait d'après toi parce que depuis 12 ans je les ai envoyés diligemment à la MSA sans le moindre problème',

mais aussi ceux intervenus hors période des TESA comme en février 2013 période à laquelle Monsieur X... indique être allé nourrir les chevaux et mai 2013 à laquelle il intervenait pour un problème de la piscine, ce qui implique une présence effective et active sur le domaine.

Monsieur Z... reconnaît certes des interventions ''ponctuelles' mais surtout 'fréquentes'dans tous les domaines de la propriété outre sa surveillance par Monsieur X.... Il ne justifie ni du rythme ni du contenu de 'ces fréquences' pouvant induire une mise à disposition permanente, par une planification des tâches selon les domaines ou les saisons au regard des différentes cultures et des dimensions de la propriété. Il ne produit aucun bulletin de salaires permettant de déterminer les horaires de travail, ne donnant aucune précision dans la lettre de référence sur les modalités de rémunération du travail effectué. Il ne communique pas non plus de pièces comptables relatives à l'exécution par des tiers particuliers ou sociétés pour assurer les interventions nécessaires sur le domaine, tel qu'indiqué dans deux attestations versées par Monsieur Z... établies par Madame I... ( co-propriétaire) et Monsieur Jacques D...,viticulteur retraité .

Les autres attestations communiquées par l'intimé émanant de chasseurs traversant les parcelles du domaine, de riverains ou de personnes ayant fréquenté le domaine déclarant n'avoir jamais vu Monsieur X... travailler sur les surfaces cultivées n'exclut pas la possibilité d'un travail à temps complet, celles-ci n'étant pas présentes en continu sur les terres.

Enfin le rapport contesté par l'appelant établi par les conseillers rapporteurs de la section agriculture dans le cadre de la procédure prud'homale s'étant transportés domaine de la Vène l'a été le 20 octobre 2014, soit à une date où les conditions d'exploitation avaient changé : «'au niveau des surfaces réellement travaillées':des surfaces cultivées en vignes, oliviers et entretien des bois, sans but productif ( pas de récolte) existent bien mais ne nécessitent pas un emploi à temps complet mais demandent un minimum de présence et d'entretien'; il en est de même pour les espaces paysagés autour de la maison à savoir que l'entretien courant ( tonte, désherbage, taille d'arbustes, allumage du goutte à goutte''.') pouvait être fait durant le contrat TESA de 20 heures'». Ce rapport est imprécis en ce qu'il ne détermine pas l'étendue des surfaces du domaine, ni n'indique si le nombre d'heures de travail est hebdomadaire ou mensuel et il n'évoque pas le rôle de gardiennage.

Enfin les attestations rédigées par 2 anciens salariés présents sur le domaine:

.Madame Tiffany B..., technicienne de surface ( ayant également intenté une procédure devant le conseil de prud'hommes ayant notamment condamné Monsieur Z... pour travail dissimulé) déclarant': «'avoir travaillé avec Monsieur X... lui-même en tant que paysagiste exerçant ce poste toute la semaine en 35 heures depuis le début de mon contrat le 02/05/2011 jusqu'au 30/09/2013'»,

. Monsieur William E..., ouvrier agricole, certifiant «'avoir travaillé avec Monsieur X... lui-même en tant que paysagiste exerçant ce poste à temps complet soit 35 heures par semaine depuis le début de mon contrat le 08/07/2013 jusqu'au 10/08/2013'»,

établissent l'accomplissement par l'appelant d'un temps complet non seulement pendant la période couverte par les TESA mais aussi avant leur contractualisation et entre les différents contrats.

A défaut d'éléments suffisamment précis fournis par Monsieur Z..., la relation de travail sera qualifiée de contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 1er mars 2001 jusqu'à la rupture du contrat de travail, l'existence de périodes d'emploi au profit d'autres employeurs ( en l'espèce 3 en 2004, en 2005-2006 et 2008 et 2009) à certaines périodes n'excluant pas une reprise de l'ancienneté à cette date mais établissant seulement que Monsieur X... ne s'est pas tenu à la disposition de Monsieur Z... pendant ces périodes.

De ce fait, la demande de Monsieur X... de requalification des TESA en contrats de travail à durée indéterminée est devenue sans objet.

Sur la rupture du contrat de travail':

Par lettre du 16 septembre 2014, Monsieur X... a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur en raison de l'absence de déclarations ou de déclarations parcellaires auprès des organismes obligatoires et minoration volontaire du nombre d'heures réellement effectuées.

Au regard des manquements graves de l'employeur, la prise d'acte emporte les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse du contrat de travail qualifié à durée indéterminée, ouvrant droit à des indemnités de rupture': indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières':

Au titre de l'indemnité de requalification:

L'article 1245-2 du code du travail dispose que dans le cas d'une requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en durée indéterminée, le salarié a droit à une indemnité à charge de l'employeur ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.

Or il n'y a pas lieu à indemnité de requalification en l'état d'une qualification en contrat à durée indéterminée résultant de l'absence de contrat écrit en 2001 et englobant les périodes de TESA.

Sur le travail dissimulé:

Selon l'article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait soit de se soustraire intentionnellement à la déclaration préalable à l'embauche, soit de se soustraire à l'obligation d'établir un bulletin de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

En ce cas le salarié est fondé à solliciter une indemnité correspondant à 6 mois de salaires.

En l'espèce, l'élément intentionnel de dissimuler des heures travaillées est rapporté au vu du nombre d'années pendant laquelle la durée réelle de travail n'a pas été déclarée.

Il sera donc fait droit à la demande d'indemnité à hauteur de 10.010.22 euros, le salaire mensuel brut à temps plein étant de 1668.37 euros.

Sur le rappel de salaires'et les congés payés afférents:

Compte tenu de la requalification de l'ensemble de la période contractuelle en contrat à durée indéterminée à temps plein, il sera alloué, à défaut de contestation étayée sur les montants:

- 60.061.32 euros au titre de rappel de salaires pour la période de septembre 2010 au 30 septembre 2013,

- 6.006.13euros au titre de l'indemnité de congés payés,

- 19.186.25 euros au titre de rappel de salaire pour la période de septembre 2013 au 16 septembre 2014, date de la rupture,

- 1.918.60 euros au titre de congés payés sur rappel de salaires,

Sur les indemnités au titre de la rupture du contrat':

Sur l'indemnité légale de licenciement :

Aux termes des articles L 1234-9, R 1234-1 et R 1234-2 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement. L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté.

L'ancienneté de Monsieur X... ayant été reprise à compter du 01 mars 2001, il lui sera alloué le montant réclamé de 5.294.29 euros.

Sur l'indemnité de préavis et congés payés afférents':

Aux termes de l'article L1234-1 et L 1234-5 du code du travail, sauf licenciement pour faute grave, le salarié qui justifie d'une ancienneté de service continue de plus de 2 ans bénéficie sauf disposition conventionnelle plus favorable d'un préavis de 2 mois dont l'inexécution ouvre droit à indemnité compensatrice.

En l'espèce le préavis est de 3 mois en application de la convention collective de travail de la zone viticole du département de l'Aude du 21 juillet 1998 étendue par arrêté du 19 octobre 1998 et mise à jour par avenant du 25 juin 2013, convention dont l'intimé n'a pas contesté l'application.

Il sera fait droit à la demande à hauteur de 5.005.00 euros outre 500.50 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse:

L'article L 1235-5 du code du travail dispose que ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés les dispositions relatives aux irrégularités de procédure de l'article L 1235-2, à l'absence de cause réelle et sérieuse prévues à l'article L 1235-3 et au remboursement des indemnités de chômage prévues à l'article L 1235-4.

Le salarié peut prétendre en cas de licenciement abusif à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Monsieur X..., âgé de 40 ans au moment de la rupture du contrat disposait d'une ancienneté reprise à compter du 01 mars 2001 dans une entreprise ayant moins de 11 salariés. Il était non imposable pour les années 2010 à 2013 tel qu'il résulte des déclarations de revenus versées.

Il lui sera alloué une somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et compensation des conséquences dommageables du défaut de déclaration auprès des organismes sociaux'(3,5 mois):

Monsieur X... ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui réparé et résultant du travail dissimulé. Il sera débouté de sa demande.

Sur la demande reconventionnelle de Monsieur Z... au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile':

Elle sera rejetée, l'intimé n'établissant pas que l'action de l'appelant était abusive.

Sur les autres demandes :

Les intérêts au taux légal avec capitalisation sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil sur les sommes sus visées seront dus dans les conditions précisées au dispositif, conformément à la demande et dans les limites de celle-ci.

La remise de l'attestation Pôle Emploi et d'un bulletin rectificatif conformes au présent arrêt s'impose sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte.

Il convient de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à Monsieur X... une somme de 1.500 euros. La demande à ce titre de Monsieur Z... est rejetée.

Monsieur Z... est condamné aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS:

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Annule le jugement déféré du conseil des prud'hommes de Carcassonne en date du 22 septembre 2015 en toutes ses dispositions,

Vu l'effet dévolutif de l'appel,

Evoquant :

Dit que les relations contractuelles entre Monsieur Ghislain X... et Monsieur James Z... relevaient d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 1er mars 2001,

Condamne Monsieur James Z... à payer à Monsieur Ghislain X... les sommes suivantes':

- 10.010,22 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

- 60.061,32 euros au titre de rappel de salaire pour la période de septembre 2010 au 30 septembre 2013,

- 6.006.13 euros au titre de l'indemnité de congés payés,

- 19.186,25 euros au titre de rappel de salaire pour la période de septembre 2013 au 16 septembre 2014,

- 1.918,60 euros au titre des congés payés sur rappel de salaires,

- 5.294,29 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 5.005 euros au titre du préavis en application de la convention collective de travail de la zone viticole du département de l'Aude du 21 juillet 1998 ,

- 500,50 euros au titre des congés payés sur préavis,

- 15000,00 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute Monsieur X... de ses autres demandes,

Dit que les intérêts au taux légal avec capitalisation en application de l'article 1343-2 du code civil sont dûs sur la créance salariale (rappels de salaires, indemnités de licenciement et de préavis) à compter de la notification du présent arrêt,

Ordonne la remise par Monsieur James Z... à Monsieur F... X... de l'attestation Pôle Emploi et d'un bulletin de salaire récapitulatif conformes au présent arrêt, sans qu'il y ait lieu à astreinte,

Rejette les demandes de Monsieur Z...,

Condamne Monsieur Z... aux dépens de première instance et d'appel .

LA GREFFIERE,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4ème a chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15/07750
Date de la décision : 13/02/2019

Références :

Cour d'appel de Montpellier 04, arrêt n°15/07750 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-13;15.07750 ?
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