Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2° chambre
ARRET DU 15 JANVIER 2019
Numéro d'inscription: N° RG 16/04241 - N° Portalis DBVK-V-B7A-MVGM
Décisions déférées à la Cour :
Arrêt Au fond, origine Cour de Cassation de PARIS, décision attaquée en date du 07 Avril 2016, enregistrée sous le n° 15-13.832
Arrêt Au fond, origine Cour d'Appel de NIMES, décision attaquée en date du 11 Décembre 2014, enregistrée sous le n° 13/04057
Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce de NIMES, décision attaquée en date du 05 Juillet 2013, enregistrée sous le n° 2010J522
DEMANDERESSE A LA SAISINE:
SARL ALES BETON
Ancien Carreau de la Mine Saint Felix
[...] DE VALGAGUES
Représentée par Me Hervé X... de la SELARL PVB AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
DEFENDERESSES A LA SAISINE
SAS ALS REMORQUES
[...]
[...]
Représenté par Y... Anthony, loco Me Philippe Z... de la SELARL CHABANNES, Z... ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
Assisté de Me A... Laurene, avocat au barreau de Lyon, avocat plaidant
SA LECINENA
KM 12200 - AUTOVIA DE LONGRONO
UTEBO-SARAGOZA - ESPAGNE
(Ordonnance de désistement partiel en date du 15 septembre 2016)
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 15 NOVEMBRE 2018
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 DECEMBRE 2018, en audience publique, Monsieur Yves C... ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller
Monsieur Yves C..., Magistrat honoraire
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvia TORRES
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Sylvia TORRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :
Vu l'arrêt de la cour de cassation (2ème chambre civile) en date du 7 avril 2016 qui a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes en date du 11 décembre 2014 mais seulement en ce qu'il a débouté la Sarl ALES BETON de l'ensemble de ses demandes, motifs pris que pour débouter la Sarl ALES BETON la cour retient qu'il ressort des pièces produites que la vente a été en réalité conclue avec la société LIXXBAIL qui a ensuite donné les bennes en crédit-bail à la société ALES BETON de sorte que la garantie qui est donnée à la société de crédit bail ne confère aucun droit à la Sarl ALES BETON qui est tiers au contrat et qui ne justifie ni de l'acquisition finale de ces bennes ni d'un mandat qu'elle aurait reçu de la société bailleresse pour exercer l'action; qu'en se déterminant ainsi en considération d'une fin de non-recevoir qui ne figurait pas dans le dispositif des conclusions de la Sarl ALS REMORQUES et qui, à la supposer relevée d'office, n'avait pas été soumise à la discussion des parties, la cour a violé les textes visés;
Vu la déclaration de saisine de la cour par la Sarl ALES BETON en date du 27 mai 2016 à l'encontre de la SAS ALS REMORQUES et de la SA LECINENA;
Vu l'ordonnance de mise en état en date du 15 septembre 2016 qui a constaté l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour à l'encontre de la SA LECINENA;
Vu le jugement du Tribunal de commerce de Nîmes en date du 5 juillet 2013 qui a condamné la SAS ALS REMORQUE à payer à la Sarl ALES BETON les sommes de 10.806,30 euros au titre des réparations sur les bennes immobilisées et 8.762,68 euros en remboursement des primes d'assurances afférentes à la période d'immobilisation des bennes;
Vu l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes en date du 11 décembre 2014 qui a infirmé la décision entreprise, débouté la SAS ALS REMORQUES en sa demande de nullité du rapport d'expertise en date du 25 mars 2010 établi par Monsieur B...; débouté la Sarl ALES BÉTON en toutes ses remarques;
Vu les dernières écritures de la Sarl ALES BETON en date du 27 mars 2018 par lesquelles elle demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nîmes en ce qu'il a condamné la SAS ALS REMORQUES à lui payer la somme de 8.762,68 euros au titre des primes d'assurances, et celle de 4.500 euros sur la base de l'article 700 du code de procdure civile; réformer la décision en ses autres dispositions et condamner la SAS ALS REMORQUES à lui payer la somme de 160.294 euros au titre du remboursement du prix d'achat des bennes et celle de 12.924,33 euros au titre des réparations faites sur les bennes outre la somme de 30.000 euros au titre du préjudice d'exploitation et celle de 5.000 euros sur la base de l'article 700 du code de procédure civile;
Vu les dernières écritures de la SAS ALS REMORQUES en date du 10 novembre 2016 par lesquelles elle demande à la cour de constater que le rapport d'expertise n'établit pas de vices cachés sur les bennes vendues; que constater que la Sarl ALES BETON ne produit aucun autre document justifiant l'existence de vices cachés; de constater que les dégradations observées sont le fait de la Sarl ALES BETON et plus particulièrement d'un défaut d'entretien et de conditions d'utilisation difficiles; de débouter la Sarl ALES BETON en toutes ses demandes; subsidiairement de dire que les désordres sont imputables pour moitié à la Sarl ALES BETON; de la débouter de ses demandes de remboursement des frais de réparation et d'assurance et de dommages intérêts; de la condamner à lui payer la somme de 8.000 euros sur la base de l'article 700 du code de procédure civile;
La Sarl ALES BETON indique que le 30 juin 2005 elle a commandé à la SDAS ALS REMORQUES 4 bennes de type ALU OP 24 pour le prix de 134.000 euros HT dont le financement a fait l'objet de contrats de crédit bail; les bennes ont été livrées en décembre 2005 et entièrement payées au moyen des quatre contrats de crédit souscrits à cet effet;
A la fin de l'année 2007 ces bennes ont commencé à présenter des problèmes de fonctionnement et le 13 février 2008 un constat d'huissier a été dressé consignant les désordres et malfaçons affectant les bennes; un expert judiciaire a été désigné par ordonnance de référé en date du 13 mai 2009 et le rapport a été déposé le 25 mars 2010;
La Sarl ALES BETON demande à la cour de dire qu'elle possède bien un droit à agir au regard des dispositions contractuelles la liant à la société de crédit bail LIXXBAIL et plus particulièrement son article 5.2 selon lequel: «le bailleur s'engage à faire bénéficier directement le locataire des garanties légales et conventionnelles dont il bénéficie du fait de l'achat de ces matériels; il cède par les présentes au locataire les droits et actions dont il dispose à l'encontre du fournisseur»;
La Sarl ALES BETON soutient l'existence de vices cachés affectant ces bennes tel que cela résulte du rapport d'expertise qui retient que: «les dommages constatés, le 8 avril 2008, par toutes les parties concernées sur la benne [...] se sont répétés de façon identique sur les trois autres bennes. Ces désordres ont un rapport certain les uns avec les autres.»; l'expert liste ensuite ces différents désordres:
- guides latéraux de la caisse cassés ou disparus,
- dispositif de blocage de caisse cassé ou manquant,
- fixation des vérins hydrauliques,
- fissures graves dans les châssis juste après la section pivot d'attelage,
- fissures graves dans le châssis sur l'ensemble des longerons et juste devant le 1er support de suspension,
- plusieurs fissures dans les traverses à l'endroit de la connexion avec le châssis,
- supports défectueux du 1er et 3ème essieu des semi-remorques,
- roulement d'essieu cassé,
- usure extrême des pneus surtout les 1er et 3ème essieux,
- tous les guides des portes arrière étaient déformés, cassés ou manquants,
- dispositif de verrouillage des portes arrière endommagé ou manquant,
- défaut au couple de serrage des boulons d'amortisseurs.
Elle précise que l'ensemble de ces désordres n'étaient pas apparents et sont apparus au fil de l'utilisation des bennes en fin d'année 2007; qu'elle en a informé la SAS ALS REMORQUES au début de l'année 2008 par LRAR en date du 18 janvier 2008; que donc seule l'utilisation des bennes a révélé l'existence de ces désordres; elle ajoute que selon l'expert: «l'origine de ces anomalies se trouve dans la conception même de ces semi-remorques. Ce matériel n'est pas suffisamment résistant pour l'utilisation qui en est faite.»' «toutes ces anomalies et détériorations graves empêchent l'utilisation de ces semi-remorques. Celles-ci sont à présent toutes immobilisées.»; que les bennes ont été immobilisées très rapidement après leur achat soit le 8 août 2008, le 20 mars 2009 et le 9 septembre 2009;
La Sarl ALES BETON demande en conséquence la restitution intégrale du prix d'achat de ces bennes; elle soutient que la SAS ALS REMORQUES en sa qualité de professionnelle connaissait les vices qui affectaient les bennes et n'a eu aucune initiative pour trouver une solution dès qu'elle en a eu connaissance en 2008; que par contre la Sarl ALES BETON a tenté de faire réparer ces bennes;
La SAS ALS REMORQUES indique que toutes les bennes ont été livrées entre le 10 et le 14 novembre 2005 et qu'elles ont été utilisées pendant plus de deux ans sans aucune plainte;
Elle indique qu'en tout état de cause les contrats de crédit bail ont pris fin les 10 ou 14 Novembre 2010 et que la Sarl ALES BETON ne justifie nullement être devenue propriétaire des bennes à l'expiration des contrats;
Elle ajoute que si la cour d'appel de Nîmes a refusé de prononcer la nullité du rapport d'expertise il n'en demeure pas moins qu'il ne résulte nullement des conclusions de celui-ci des éléments de nature à caractériser l'existence de vices cachés; que les bennes ont été utilisées pendant 28 mois pour l'une, 41 mois pour la 2ème et 46 mois pour les deux autres; qu'en tout état de cause ce rapport d'expertise ne permet pas de connaître l'origine de ces désordres; que d'ailleurs l'expert retient: «j'estime toutefois m'être clairement prononcé en mentionnant que l'entretien du matériel et sa maintenance n'est pas le souci majeur de la société»;
La SAS ALS REMORQUES indique encore que la Sarl ALES BETON a commis une faute en ne choisissant pas des matériels adaptés aux conditions d'utilisation qu'elle souhaitait puisque selon la société LECINENA ces modèles doivent être utilisés sur des terrains stables et horizontaux et ne peuvent faire l'objet de man'uvres extrêmes comme par exemple des virages serrés puisque cela créé des contraintes importantes sur le châssis et le support d'essieu avec des efforts de cisaillement qui finissent à terme par provoquer les fissures constatéesalors que selon l'expert: 'les travaux effectués par la société sont rudes et astreignants. De plus ils se pratiquent sur des sites d'exploitation qui comme cela a pu être constaté, sont loin d'avoir l'apparence d'un salon';
La SAS ALS REMORQUES fait aussi soutenir que la Sarl ALES BETON a fait effectuer des réparations qu'elle qualifie de fortune
et qui avaient pour but/effet de cacher les fissures lors des visites techniques ainsi que cela résulte du courrier en date du 19 octobre 2009 de la société LECINENA; que d'ailleurs la Sarl ALES BETON connaissait tous ces éléments puisqu'elle a remplacé les bennes LECINENA par des bennes en aluminium plus adaptées aux conditions d'utilisation;
MOTIFS de la DECISION :
En ce qui concerne le droit à agir la cour constate que la Sarl ALES BETON produit aux débats chacun des contrats de crédit bail afférents à chacune des quatre remorques et qu'il résulte de l'article 5.2 que : «le bailleur s'engage à faire bénéficier directement le locataire des garanties légales et conventionnelles dont il bénéficie du fait de l'achat de ces matériels; il cède par les présentes au locataire les droits et actions dont il dispose à l'encontre du fournisseur»; par voie de conséquence la Sarl ALES BETON sera déclarée recevable en la procédure;
La cour rappellera qu'en droit il résulte des dispositions de l'article 1641 du code civil que pour bénéficier de la garantie des vices cachés, il faut que le désordre allégué ne soit pas apparent au moment de la vente et qu'il corresponde à un défaut antérieur à cette vente; qu'enfin le vice doit être grave et rendre la chose impropre à l'usage auquel on la destinait ou qui en diminue tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise s'il l'avait connu;
La cour rappelle qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire: «que la destruction rapide et totale de ces quatre bennes en semi-remorques permet de dire que ce matériel était trop fragile pour les travaux effectués par cette société»;
La cour retiendra aussi que selon l'expert: 'les travaux effectués par la société ALES BETON sont rudes et astreignants; qu'ils se pratiquent sur des sites d'exploitations qui sont loin d'avoir l'apparence d'un salon; que l'entretien du matériel et sa maintenance ne sont pas le souci majeur de cette société';
La cour retiendra aussi qu'il résulte du rapport d'inspection en date du 24/09/09 effectué sur les quatre bennes que celles-ci n'ont jamais été entretenues correctement par la société ALES BETON; que celles-ci étaient utilisées dans des conditions extrêmes, le site d'ALES BETON étant un terrain non entretenu alors même que cette société est propriétaire d'une niveleuse qu'elle n'utilise jamais; que donc le sol est plein de trous créant une situation de «tout terrain»; qu'enfin les cercles de braquage pour le déchargement sont trop courts; que l'ensemble de ces éléments contribue à une longévité réduite de ces véhicules;
Les rédacteurs de ce rapport concluent au fait que: «les défauts sont le résultat d'une utilisation incorrecte, un entretien déficient et l'utilisation sur un terrain mal entretenu; par conséquent cela ne peut nullement engager la responsabilité du fabriquant des semi-remorques ou de l'un de ses fournisseurs»;
La cour dira en conséquence que la Sarl ALES BETON ne rapporte nullement la preuve de l'existence d'un vice caché affectant l'une ou l'autre des quatre bennes achetées; la cour infirmant la décision entreprise en toutes ses dispositions déboute la Sarl ALES BETON en toutes ses demandes;
La cour condamne la Sarl ALES BETON à payer à la Sarl ALS REMORQUES une somme de 5.000 euros sur la base de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de toute la procédure en ce compris les frais d'expertise;
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Vu l'arrêt de la cour de cassation en date du 7 avril 202016,
Déclare la Sarl ALES BETON recevable en la forme,
Au fond,
Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions;
Déboute la Sarl ALES BETON en toutes ses demandes;
Condamne la Sarl ALES BETON à payer à la Sarl ALS REMORQUES une somme de 5.000 euros sur la base de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de toute la procédure en ce compris les frais d'expertise.
Le greffier, Le président,
Y.B.S.