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18/12/2018 | FRANCE | N°16/01463

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2° chambre, 18 décembre 2018, 16/01463


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2° chambre



ARRET DU 18 DECEMBRE 2018



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/01463 - N° Portalis DBVK-V-B7A-MQE5







Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 JANVIER 2016

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 14/00865







APPELANTE :



EURL BRASSERIE CAP D'ONA en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié

ès qualités audit siège social

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me David DUPETIT de la SCP GIPULO - DUPETIT - MURCIA, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et plaidant







I...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2° chambre

ARRET DU 18 DECEMBRE 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/01463 - N° Portalis DBVK-V-B7A-MQE5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 JANVIER 2016

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 14/00865

APPELANTE :

EURL BRASSERIE CAP D'ONA en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège social

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me David DUPETIT de la SCP GIPULO - DUPETIT - MURCIA, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et plaidant

INTIMEES :

DIRECTION REGIONALE DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS ayant son siège [Adresse 6] agissant poursuites et diligences de M. le Directeur Régional des Douanes de PERPIGNAN

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Philippe AYRAL de la SCP AYRAL-CUSSAC-MADRENAS, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et plaidant

RECETTE RÉGIONALE DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS DE [Localité 8]

[Adresse 1]

[Localité 3]

convocation par LRAR du 19/12/2017 signé le 20/12/2017 - non comparante, non représentée.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 NOVEMBRE 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, chargé du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller

Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Magistrat honoraire

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MICHEL

ARRET :

- réputé contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Sabine MICHEL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

L'EURL Brasserie Cap d'Ona exerce à [Localité 7] (Pyrénées orientales) une activité de production de bières ; depuis l'année 1999, cette brasserie produit notamment une bière aromatisée au Banuyls, qui est un vin doux naturel, appelé « Cap d'Ona Especiale» ; elle produit également une bière aromatisée au muscat dénommé « Cap d'Ona au Muscat ».

En tant qu'entrepositaire agréé, la société Brasserie Cap d'Ona exerçait depuis mai 2008 son activité en suspension des droits d'accises.

Jusqu'en 2011, toutes les bières produites par la brasserie ont été considérées comme relevant de la catégorie fiscale des bières, assujetties à ce titre à la nomenclature NC 2203 du tarif des douanes, en application de l'article 520 A I du code général des impôts ; le droit spécifique prévu par ce texte était ainsi en 2012 de 1,38 euro par degré alcoométrique s'appliquant aux bières n'excédant pas 2,8 % vol. et de 2,75 euros par degré alcoométrique pour les autres bières ; en outre, le taux par hectolitre applicable aux bières produites par les petites brasseries indépendantes, dont le titre alcoométrique excède 2,8 % vol., était alors fixé à 1,38 euro par degré alcoométrique pour les bières brassées par les entreprises dont la production annuelle est inférieure ou égale à 10 000 hl, à 1,64 euro pour une production annuelle comprise entre 10 000 hl et 50 000 hl et à 2,07 euros pour une production comprise entre 50 000 hl et 200 000 hl.

En 2012, la société Brasserie Cap d'Ona s'acquittait, en vertu de ce texte, d'un droit spécifique de 22 euros par hectolitre pour les deux boissons litigieuses.

Le 8 novembre 2011, la brasserie a fait l'objet d'un contrôle de la direction régionale des douanes et droits indirects de Perpignan sur ses stocks ; après analyse des produits, celle-ci a, par courrier du 25 octobre 2012, notifié à la société Brasserie Cap d'Ona le classement tarifaire de la bière « Cap d'Ona Especiale » au Banyuls et de la bière « Cap d'Ona au Muscat » dans le régime fiscal des produits intermédiaires soumis, conformément à l'article 402 bis du code général des impôts, à un droit de consommation de 180 euros par hectolitre pour l'année 2012.

Le 29 octobre 2012, la direction régionale des douanes et droits indirects de Perpignan a notifié à la société Brasserie Cap d'Ona un avis préalable de taxation à hauteur de 75 865 euros au titre des années 2009 à 2012, redressement que la société a contesté.

Après divers échanges épistolaires, la direction régionale des douanes et droits indirects de Perpignan a, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 26 avril 2013, confirmé à la société Brasserie Cap d'Ona que les boissons alcooliques composées de bières et de vins naturels produites par ses soins relevaient de la catégorie fiscale des produits intermédiaires, relevant du code NC 2206, mais n'a maintenu la taxation que pour la seule année 2012, soit à hauteur de 21 333,70 euros.

Sans attendre, la société Brasserie Cap d'Ona a modifié la recette de ces deux boissons de façon à ce que le titre alcoométrique final n'excède pas 5,5 % afin d'échapper au droit de consommation de 180 euros par hectolitre et n'être assujetti qu'au droit de circulation prévu à l'article 438 2° du code général des impôts, à partir de l'année 2013.

Par courrier recommandé du 16 mai 2013, la direction régionale des douanes et droits indirects de Perpignan lui a adressé un avis définitif de taxation pour ce montant de 21 333,70 euros au titre de l'année 2012 et a émis un avis de recouvrement, le 30 mai 2013, à hauteur de 21 334 euros.

La société Brasserie Cap d'Ona a, par deux lettres recommandées du 28 juin 2013, saisi l'administration d'un recours motivé, sollicitant, d'une part, l'annulation des mesures prises à son encontre et, d'autre part, un sursis au paiement.

Par lettre du 11 juillet 2013, la direction régionale des douanes et droits indirects de Perpignan a accepté le sursis au paiement sous réserve de la mise en place d'une garantie ; le 22 août 2013, la société Brasserie Cap d'Ona a ainsi obtenu un cautionnement de la BNP Paribas garantissant le montant de la somme en recouvrement.

Le 25 novembre 2013, la direction régionale des douanes et droits indirects a fait procéder à l'inscription du privilège du Trésor sur le fonds de commerce de la société Brasserie Cap d'Ona et, par courrier du 30 décembre 2013, elle a informé celle-ci du rejet de son recours.

Par exploit du 25 février 2014, la société Brasserie Cap d'Ona a fait assigner la direction générale des douanes et droits indirects et la recette régionale des douanes et droits indirects de Perpignan devant le tribunal de grande instance de Perpignan afin qu'il soit dit que les boissons « Cap d'Ona Especiale » et « Cap d'Ona au Muscat » relèvent de la catégorie des produits fermentés visés à l'article 438 2° du code général des impôts, s'agissant de boissons mousseuses dont le titre alcoométrique est compris entre 5,5% et 8,5 %, et qu'il soit jugé que ces boissons sont soumises au droit de circulation prévu par ce texte ; à titre subsidiaire, elle a demandé que les boissons litigieuses soient taxées comme des bières en application de l'article 530 A du code général des impôts au motif que l'ajout de muscat ou de Banyuls dans des proportions de 8 % et 4 % ne leur a pas fait perdre leur caractère essentiel de bières, et qu'il soit jugé que la taxation pour l'année 2012, déjà acquittée sur la base de la doctrine antérieure de l'administration des douanes, n'avait pas à être remise en cause ; elle a demandé, en tout état de cause, qu'il soit dit que le droit de consommation prévu à l'article 402 bis du code général des impôts n'est pas applicable pour l'année 2012 et que l'avis de mise en recouvrement notifié le 30 mai 2013 soit ainsi mis à néant.

La direction régionale des douanes et droits indirects de Perpignan a conclu au bien-fondé du classement des boissons litigieuses dans la catégorie des produits intermédiaires et à la conformité de l'avis de mise en recouvrement adressé à la société Brasserie Cap d'Ona.

En cours d'instance, l'administration, qui avait été interrogée sur le classement fiscal d'une autre boisson produite par la société Brasserie Cap d'Ona, une bière aromatisée à 3 % de liqueur de Coscoll à 40°, a, par courrier du 7 février 2014, décidé de classer cette boisson comme bière aromatisée relevant du code NC 2203.

Par jugement du 21 janvier 2016, le tribunal a notamment :

'déclaré fondée la classification des boissons « Cap d'Ona Especiale» et « Cap d'Ona au Muscat » par l'administration des douanes dans la catégorie des produits intermédiaires,

'déclaré justifiée la reprise des droits pour l'année 2012 pour un montant de 21 334 euros,

'débouté la société Brasserie Cap d'Ona de sa contestation,

'déclaré la décision opposable à la recette régionale des douanes et droits indirects de [Localité 8],

'condamné la société Brasserie Cap d'Ona aux dépens,

'dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Brasserie Cap d'Ona a régulièrement relevé appel, le 22 février 2016, de ce jugement en vue de sa réformation.

En l'état des conclusions, qu'elle a déposées le 12 novembre 2018 via le RPVA, elle demande à la cour de :

Vu les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales,

Vu la doctrine de l'administration des douanes exprimée dans sa notification du 7 février 2014 ayant reconnu la qualification de bière à un mélange de bière et de liqueur de Coscoll à 40°,

'constater que les boissons litigieuses « Cap d'Ona Especiale » et « Cap d'Ona au Muscat » ont fait l'objet d'une taxation en qualité de bières pendant de nombreuses années,

'dire et juger que la modification de l'interprétation des textes applicables par l'administration des douanes ne pouvait avoir pour effet d'aboutir à un rehaussement des impositions dues par elle pour une période antérieure à la notification qui en a été faite le 23 octobre 2012,

'en conséquence, dire et juger que c'est de manière illégale et en violation de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, que l'administration des douanes lui a imposé une taxation rétroactive pour les bières « Cap d'Ona Especiale » et « Cap d'Ona au Muscat»,

Vu les articles 171, 401, 402 bis, 438 et 520 A du code général des impôts,

Vu le règlement européen n° 2658/87 du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire,

Vu les règles générales pour l'interprétation de la nomenclature combinée,

A titre principal,

Vu la position de l'administration des douanes concernant la bière au Coscoll produite par elle,

'dire et juger que l'ajout de muscat ou de Banyuls dans la bière composant les boissons « Cap d'Ona Especiale » et « Cap d'Ona au Muscat » dans les proportions de 4 % de vin doux naturel Banyuls à 17° pour la première et de 8 % de muscat de [Localité 9] à 15° pour la seconde, n'est pas de nature à faire perdre à ces boissons leur caractère essentiel de bières,

'en conséquence, dire et juger que les boissons litigieuses relèvent de la nomenclature 2203 et doivent être taxées comme des bières par application de l'article 530 A du code général des impôts (droit spécifique),

A titre subsidiaire, et dans l'hypothèse où la cour considérerait que les boissons litigieuses ne sont pas des produits relevant de la nomenclature 2203 (bières),

'dire et juger que les dispositions de l'article 171 du code général des impôts caractérisant certaines boissons mousseuses, ne s'appliquent pas aux boissons litigieuses produites par elle,

'dire et juger que les bières « Cap d'Ona Especiale » et « Cap d'Ona au Muscat » doivent se voir reconnaître la qualité de boissons « mousseuses »,

'dire et juger que les boissons « Cap d'Ona Especiale » et « Cap d'Ona au Muscat » produites par elle relèvent de la catégorie des « produits fermentés » visée à l'article 438 2° c) du code général des impôts, s'agissant de boissons mousseuses dont le titre alcoométrique est compris entre 5,5% et 8,5 % de volume,

'en conséquence, dire et juger que les boissons litigieuses sont soumises au droit de circulation prévu par l'article 438 du code général des impôts,

En toute hypothèse,

'dire et juger que le droit de consommation prévu par l'article 402 bis du code général des impôts n'est pas applicable aux boissons « Cap d'Ona Especiale » et « Cap d'Ona au Muscat », ni pour l'année 2012, ni pour tout autre exercice,

'annuler l'avis de mise en recouvrement lui ayant été notifié le 30 mai 2013 sous le n° 2013/210, d'un montant de 21 334 euros,

'ordonner la mainlevée des inscriptions du privilège du Trésor sur son fonds prises en garantie de l'avis de mise en recouvrement d'un montant de 21 334 euros, ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard suivant le 15ème jour de la signification de l'arrêt à intervenir,

'débouter la direction régionale des douanes et droits indirects de Perpignan et la recette régionale des droits de Perpignan de toutes demandes contraires,

'dire et juger que l'administration des douanes a commis une faute en appliquant de manière rétroactive une taxation du produit ne se justifiant pas au regard de la règle de droit applicable, à l'origine d'un important préjudice pour elle, lié à l'entrave de son développement économique,

'en conséquence, condamner la direction régionale des douanes et droits indirects à lui payer une indemnité de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,

'condamner la direction régionale des douanes et droits indirects de Perpignan à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La direction régionale des douanes et droits indirects, dont les conclusions ont été déposées le 6 novembre 2018 par le RPVA, sollicite de voir, au visa des articles 401 I a, 435 II, 438, 171 annexe II du code général des impôts et de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, confirmer le bien-fondé du classement effectué par l'administration des douanes pour les boissons dénommées « Cap d'Ona Especiale » et « Cap d'Ona au Muscat » dans la catégorie des « produits intermédiaires », de dire que l'avis de mise en recouvrement adressé à l'EURL Brasserie Cap d'Ona est conforme et de condamner celle-ci au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La recette régionale des douanes et droits indirects de [Localité 8], convoquée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 19 décembre 2017, distribuée le 20 décembre suivant, n'a pas comparu.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS de la DECISION :

La société brasserie Cap d'Ona soutient, en premier lieu, qu' est illégal, en application de l'article L. 80 A du code général des impôts, le changement d'interprétation par l'administration des douanes du texte fiscal applicable au classement des bières aromatisées au Banuyls et au Muscat, qu'elle produisait depuis 1999 et que l'administration a considéré jusqu'en 2012 comme relevant de la classification des bières, taxées comme telles ; elle ajoute que l'administration, dans une note du 7 février 2014, a repris sa position visant à soumettre des bières aromatisées à la taxation fiscale des bières à propos d'une bière aromatisée à 3 % de liqueur de Coscoll à 40°, et dont le titre alcoométrique volumique s'élève à 8,21°.

Pour autant, il ne peut être opposé à l'administration aucune décision antérieure à celle prise le 25 octobre 2012, à l'issue du contrôle initié le 8 novembre 2011, de classer les bières litigieuses dans le régime fiscal des produits intermédiaires soumis au droit de consommation prévu à l'article 402 bis du code général des impôts, de nature à établir l'existence d'un changement d'interprétation de sa part ; en effet, le classement de la bière « Cap d'Ona Especiale » et de la bière « Cap d'Ona au Muscat » dans la catégorie 22.03 (bières de malt) du tarif des douanes n'a jamais été explicitement admise par l'administration et il ne peut être déduit de l'envoi à celle-ci des déclarations mensuelles de la société Cap d'Ona récapitulant les droits et taxes dus au titre des différentes boissons produites et des déclarations d'achat de vins doux naturels faits en exonération de droits d'accises, la connaissance par l'administration de l'adjonction de vins doux naturels à la bière au point de révéler une décision implicite, de sa part, d'admettre la perception du simple droit spécifique de l'article 520 A du code général des impôts pour les bières litigieuses, compte tenu en particulier du titre alcoométrique que, par définition, elle ne pouvait connaître qu'après analyse des produits.

Il ne peut davantage être soutenu que l'administration des douanes est revenue sur sa doctrine de 2012 lorsque en février 2014, elle a accepté le classement dans la catégorie 22.03 d'une bière additionnée de liqueur de Coscoll, alors qu'un tel classement vise également la bière aromatisée en cours de fermentation et que l'ajout d'une liqueur, s'il ne fait pas perdre à la boisson son caractère essentiel de bière, justifie son classement à la position tarifaire 22.03 indépendamment du titre alcoométrique final de la boisson.

Il résulte de l'article 520 A du code général des impôts que dans les dispositions du présent code relatives aux contributions indirectes, sont comprises sous la dénomination de bière, tout produit relevant du code NC 2203 du tarif des douanes ainsi que tout produit contenant un mélange de bière et de boissons non alcooliques relevant du code NC 2206 du tarif des douanes et ayant dans l'un ou l'autre cas un titre alcoométrique acquis supérieur à 0,5 % vol. ; le décret n° 92-307 du 31 mars 1992 (portant application de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services en ce qui concerne les bières) définit la bière comme la boisson obtenue par fermentation alcoolique d'un moût préparé à partir du malt de céréales, de matières premières issues de céréales, de sucres alimentaires et de houblon, de substances conférant de l'amertume provenant du houblon, et d'eau potable ; ce décret a été modifié par un décret n° 2016-1531 du 15 novembre 2016, selon lequel la dénomination « bière à ... » complétée par la nature de l'ingrédient mis en 'uvre, est réservée à la bière élaborée par addition ou macération de matières végétales ou d'origine végétale ou de boissons alcoolisées ou de miel, ces ingrédients ne devant pas excéder 10 p. 100 du volume du produit fini et l'ajout de boissons alcoolisées ne pouvant entraîner une augmentation du titre alcoométrique acquis final supérieure à 0,5 p. 100 en volume.

Pour la perception du droit spécifique sur les bières prévu à l'article 520 A susvisé, seul un produit contenant un mélange de bière et de boissons non alcooliques relevant du code NC 2206 entre dans la dénomination de bière ; or, la position tarifaire 22.06, telle qu'elle est issue du Règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 (relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun), qui englobe toutes les boissons fermentées autres que celles visées aux n° 22.03 à 22.05, couvre également les mélanges de boissons non alcooliques et de boissons fermentées ainsi que les mélanges de boissons fermentées des positions précédentes du chapitre 22, par exemple, mélange de limonade et de bière ou de vin, mélange de bière et de vin, ayant un titre alcoométrique volumique dépassant 0,5% vol. ; il s'ensuit que les boissons litigieuses, qui sont constituées d'un mélange de bière et de vin doux naturel ayant un titre alcoométrique acquis supérieur à 0,5% vol. relèvent du code NC 2206 en tant que mélanges de boissons fermentées et ne peuvent donc être regardées comme des bières aromatisées ; si le décret du 31 mars 2012, dans sa rédaction issue du décret du 15 novembre 2016, entré en vigueur postérieurement au classement tarifaire notifié le 25 octobre 2012 par la direction régionale des douanes et droits indirects de Perpignan, admet que la dénomination « bière à .. » peut être réservée à un mélange de bière et de boissons alcoolisées, c'est à la condition cependant que l'ajout de boissons alcoolisées n'entraîne pas une augmentation du titre alcoométrique acquis final supérieur à 0,5 % en volume, dont il n'est pas établi qu'elle soit remplie en l'espèce pour les bières « Cap d'Ona Especiale » et « Cap d'Ona au Muscat ».

C'est d'ailleurs la position tarifaire 22.06 qu'a adopté l'administration des douanes, le 6 avril 2018, en classant dans cette catégorie un nouveau produit commercialisé par la société Brasserie Cap d'Ona constitué d'un mélange de bière et de vin doux naturel « Maury », sous la dénomination commerciale « bière au Maury », présentant un titre alcoométrique de 9,30 %, dont l'ajout de vin doux naturel représentait une augmentation du TAV de plus de 3 %.

L'article 438 du code général des impôts dispose, par ailleurs, qu'il est perçu un droit de circulation pour les boissons du 2° de ce texte, autres que les vins mousseux, qui comprennent notamment b) les autres produits fermentés, autres que le vin et la bière, et les produits visés au 3° (les cidres, les poirés, les hydromels et les jus de raisin), dont l'alcool contenu dans le produit résulte entièrement d'une fermentation et dont le titre alcoométrique acquis n'excède pas 15 % vol. et c) les autres produits fermentés autres que le vin et la bière et les produits visés au 3°, dont le titre alcoométrique acquis n'excède pas 5,5 % vol. pour les boissons non mousseuses et 8,5% vol. pour les boissons mousseuses ; l'article 435 II du code général des impôts énonce que 1°) dans les dispositions du présent code relatives aux contributions indirectes, sont compris sous la dénomination de produits ou boissons fermentées autres que le vin ou la bière, les produits relevant des codes NC 2204 à 2206 du tarif des douanes dont le titre alcoométrique acquis est supérieur à 1,2 % vol. et qui répondent aux conditions prévues aux b) et c) du 2° de l'article 438 et que 2°) sont regardés comme produits ou boissons fermentées mousseux, les produits répondant à la définition du 1° et qui ont une surpression dépassant un seuil fixé par décret ou sont présentés dans des bouteilles fermées dans des conditions également fixées par décret ; l'annexe III au code général des impôts dispose à cet égard, dans son article 171, que pour l'application du 2° du II de l'article 135, les vins, les boissons ou les produits fermentés mousseux sont ceux qui sont présentés dans des bouteilles fermées par un bouchon « champignon » maintenu à l'aide d'attaches ou de liens ou ceux qui ont une surpression due à l'anhydride carbonique en solution égale ou supérieure à 3 bar.

En l'occurrence, les produits litigieux, qui ne résultent pas entièrement d'une fermentation, mais de l'adjonction de bière à du vin doux naturel provenant pour partie d'alcool distillé, ne peuvent être regardés comme des boissons mousseuses au sens de l'article 435 II 2°) soumis au droit de circulation prévu à l'article 438 si le titre alcoométrique n'excède pas 8,5 % vol. en vertu du c) de ce texte, puisque ils ont une surpression inférieure à trois bars (1,7 bar) et que les bouteilles ne sont pas fermées à l'aide de bouchons de type « champignon » ; ils doivent dès lors être regardés comme des produits fermentés non mousseux, mais, ayant un titre alcoométrique supérieur à 5,5 % vol. ne constituent pas davantage des produits relevant du c) de l'article 438 et donc, soumis au droit de circulation, qui y est prévu, étant non contesté que la bière « Cap d'Ona Especiale » a un TAV de 5,98% vol., tandis que la bière « Cap d'Ona au Muscat » a un TAV de 6,10% vol.

C'est donc à juste titre que l'administration a classé les produits litigieux par défaut dans la catégorie des produits intermédiaires supportant, en application de l'article 402 bis du code général des impôts, un droit de consommation dont le tarif par hectolitre était fixé en 2012 à 45 euros pour les vins doux naturels et les vins de liqueur mentionnés aux articles 417 et 417 bis et à 180 euros pour les autres produits ; Le jugement entrepris doit dès lors être confirmé dans toutes ses dispositions, notamment en ce qu'il a déclaré fondée la classification des boissons « Cap d'Ona Especiale » et « Cap d'Ona au Muscat » dans la catégorie des produits intermédiaires et validé l'avis de taxation émis par la direction régionale des douanes et droits indirects de Perpignan, suivi d'un avis de recouvrement à hauteur de 21 334 € au titre de l'année 2012.

Le rejet de la contestation soulevée par la société Brasserie Cap d'Ona rend nécessairement non fondée sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts.

Succombant sur son appel, celle-ci doit également être condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la direction régionale des douanes et droits indirects la somme de 2000 euros en remboursement des frais non taxables que celle-ci a dû exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Perpignan en date du 21 janvier 2016,

Condamne la société Brasserie Cap d'Ona aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la direction régionale des douanes et droits indirects la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2° chambre
Numéro d'arrêt : 16/01463
Date de la décision : 18/12/2018

Références :

Cour d'appel de Montpellier 02, arrêt n°16/01463 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-18;16.01463 ?
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