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délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1° Chambre B
ARRET DU 31 OCTOBRE 2018
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/01009
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 DECEMBRE 2015
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN
N° RG 15/04030
APPELANTE :
SA PACIFICA
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...]
représentée par Me Olivier X..., avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et assistée de Me BREUIL, avocat au barreau de PERPIGNAN, avocat plaidant
INTIME :
Monsieur Damien Y...
né le [...] à Epernay (51)
de nationalité Française
[...]
représenté par Me Jacques-Henri Z... de la SCP Z... B..., Z... - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assisté de Me OBLIQUE, avocat au barreau de PERPIGNAN, avocat plaidant
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 29 Mai 2018
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 JUIN 2018, en audience publique, madame Chantal RODIER, conseiller ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :
Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre
Madame Chantal RODIER, Conseiller
M. Christian COMBES, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Lys MAUNIER
L'affaire mise en délibéré au 05 septembre 2018 a été prorogé au 31 octobre 2018
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre, et par Madame Marie-Lys MAUNIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur Damien Y... est propriétaire de trois appartements en location, au sein de l'immeuble sis [...] .
Il a souscrit pour cet immeuble un contrat d'habitation n°[...] option Baptimmo auprès de la SA Pacifica.
Le 13 janvier 2014, l'immeuble situé au n° [...] s'est effondré, entraînant une partie de l'immeuble situé [...] de la même rue.
À la requête de la Mairie de Perpignan, par ordonnance en date du 14 janvier 2014, le tribunal administratif de Montpellier a ordonné une expertise des immeubles situés aux numéros [...] et [...] de la rue [...] ainsi qu'au n°[...] de la rue des [...] à Perpignan.
Le 16 janvier 2014, à la suite du dépôt du rapport d'expertise rédigé par l'expert A..., la Mairie de Perpignan a pris un arrêté de péril imminent concernant l'immeuble situé au [...] .
Le 17 janvier 2014, la Mairie de Perpignan a également pris un arrêté portant interdiction temporaire d'habiter ou d'occuper les immeubles voisins sis aux numéros , [...] .
Par courrier en date du 13 février 2014, la SA Pacifica informait Monsieur Y... de son refus de prendre en charge le sinistre, en lui opposant une exclusion générale de garantie.
Par courrier recommandé en date du 11 juillet 2014, la SA Pacifica faisait part à Monsieur Y... de la résiliation du contrat d'assurance habitation n°[...].
Par courrier du 19 juillet 2014, la SA Pacifica confirmait cette résiliation unilatérale du contrat d'assurance en lui précisant qu'elle prenait effet au 18 juillet 2014.
Par requête en date du 1er octobre 2015, Monsieur Damien Y... sollicitait l'autorisation d'assigner à jour fixe, laquelle lui était accordée par ordonnance du même jour.
Par acte d'huissier en date du 7 octobre 2015, Monsieur Damien Y... faisait délivrer assignation à jour fixe à la SA Pacifica aux fins d'obtenir:
- la nullité de la résiliation du contrat d'habitation n°[...], intervenue de façon non conforme aux dispositions légales et contractuelles,
- qu'il soit jugé que:
* le contrat d'habitation n°[...] doit s'appliquer;
* l'assureur a interprété abusivement la clause contractuelle d'exclusion de garantie pour les dommages causés ou subis par des édifices menaçant ruine tels que définis par l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation;
* l'assureur est tenu de garantir les dommages subis par Monsieur Y... suite à l'effondrement de l'immeuble contigu au sien, conformément aux dispositions contractuelles,
* le contrat d'habitation n°[...] a été tacitement reconduit jusqu'au 7 novembre 2016 et qu'il devra s'acquitter des primes d'assurance depuis le 1er août 2014 jusqu'au 7 novembre 2016 pour une somme de 386,64 €,
- en conséquence, la condamnation de la SA Pacifica à lui payer:
* la somme de 4 349,73 € au titre des travaux de réparations nécessaires à la remise sur le marché des appartements,
* la somme de 24081,22 € au titre des loyers non perçus, à parfaire au jour où les travaux auront été réalisés permettant la relocation des appartements des étages 1 et 2;
* la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier,
* celle de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par jugement contradictoire en date du 17 décembre 2015, le tribunal de grande instance de Perpignan a:
Prononcé la nullité de la résiliation du contrat n°[...] souscrit par Monsieur Damien Y... auprès de la société Pacifica,
En conséquence,
Dit que le contrat d'habitation n°[...] doit continuer à s'appliquer par tacite reconduction,
Dit que Monsieur Damien Y... devra s'acquitter des primes d'assurance depuis le 1er août 2014,
Déclaré inopposable la clause contractuelle excluant de la garantie du contrat susvisé les dommages causés ou subis par les édifices menaçant ruine tels que définis par l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation,
Avant dire droit sur le préjudice garanti, ordonné une mesure d'expertise et désigné pour y procéder Monsieur Richard A... à Perpignan (selon mission précisée au dispositif)
Condamné la SA Pacifica à verser à Monsieur Damien Y... la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts,
Réservé les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état pour les conclusions après expertise,
Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
APPEL
La SA Pacifica a relevé appel de ce jugement par déclaration en date du 9 février 2016.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 mai 2018.
*****
Vu les dernières conclusions de la SA Pacifica en date du
12 juin 2017, auxquelles il est expressément référé pour plus ample et complet exposé des motifs et du dispositif;
Vu les dernières conclusions de Monsieur Damien Y... en date du 1er juillet 2016, auxquelles il est expressément référé pour plus ample et complet exposé des motifs et du dispositif;
*****
SUR CE
Sur la clause d'exclusion de garantie:
Aux termes de l'article L. 113-1 du code des assurances, les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.
Il est constant que:
- les exclusions de garantie doivent être formelles et limitées afin que l'assuré sache exactement dans quels cas et dans quelles conditions, il ne serait pas garanti;
- lorsque la clause est claire, elle ne doit pas donner lieu à interprétation par le juge;
- en cas d'ambiguïté de la clause celle-ci doit être interprétée en faveur de l'assuré et contre l'assureur qui a stipulé la clause;
Dès son courrier du 13 février 2014, la société Pacifica opposait sa non-garantie du risque, en visant les conditions générales du contrat, lesquels stipulent en page 27 au paragraphe «exclusions générales»: «outre les exclusions particulières à chacun des risques, le présent contrat ne garantit pas (') les dommages causés ou subis par les édifices menaçant ruine tels que définis par l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation, ou non entretenus (').
En l'espèce, cette clause contractuelle d'exclusion de garantie est usuelle, licite et parfaitement claire en ce qu'elle concerne à la fois les dommages subis par l'édifice au sein duquel l'assuré est propriétaire, dans l'hypothèse où cet immeuble menacerait ruine et les dommages causés au bien assuré par un édifice voisin menaçant ruine.
C'est donc à tort que le premier juge a cru devoir interpréter cette clause parfaitement claire en indiquant que: la lecture de la clause d'exclusion ne permet pas de déterminer précisément de quels édifices il est question et l'assuré ne peut dès lors pas appréhender dans quels cas et dans quelles conditions précises, il n'est pas garanti.
Il est constant que l'arrêté de péril imminent pris par le maire le
16 janvier 2014, concerne bien l'immeuble situé au [...] menaçant ruine, lequel se trouve être voisin de l'immeuble situé au n° [...] dans lequel Monsieur Y... détient les appartements qui font l'objet du contrat litigieux.
Dès lors, il suffit que les dommages matériels et immatériels aux biens immobiliers de Monsieur Y... situés au n° [...] de la rue [...] soient causés par la présence d'un immeuble voisin menaçant ruine au n° [...] de la même rue pour que la compagnie Pacifica puisse se prévaloir de l'exclusion de garantie.
Contrairement à ce qu'a affirmé le premier juge, en visant aussi bien les dommages causés ou subis par les édifices menaçant ruine, cette exclusion de garantie ne vide aucunement de sa substance l'assurance habitation souscrite, laquelle n'est nullement limitée aux dommages liés à un édifice menaçant ruine.
En effet, il suffit de lire les pages 17 et suivantes des conditions générales du contrat d'assurance, pour constater que l'assuré reste par ailleurs garanti pour les autres risques définis au chapitre «garanties essentielles», tels que: incendie, dommages électriques, dégâts des eaux et refoulement d'égout, gel, vol, vandalisme et détériorations immobilières, bris de glace, tempête, grêle, neige, événements climatiques et inondations, catastrophes naturelles, catastrophes technologiques, attentats, actes de terrorisme, émeutes et mouvements populaires, protection corporelle de l'assuré survenant à l'adresse du risque assuré (')
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a:
- déclaré inopposable à l'assuré la clause d'exclusion litigieuse.
- dit que les dommages subis à la suite de l'effondrement de l'immeuble situé au [...] , entraînant une partie du n° [...], sont couverts par le contrat d'assurance n°[...] souscrit par Monsieur Y... auprès de la société Pacifica,
- fait droit dans le principe à l'indemnisation du sinistre par l'assureur,
- ordonné une expertise, laquelle devient sans objet,
- alloué 3 000 € de dommages et intérêts à Monsieur Y....
Il sera dit au contraire que la clause d'exclusion parfaitement claire est opposable à Monsieur Y..., jugeant par là même que la compagnie d'assurances était bien fondée à dénier sa garantie pour ce sinistre.
Sur la résiliation du contrat:
Aux termes des dispositions de l'article L.113-4 du code des assurances:
«- En cas d'aggravation du risque en cours de contrat, telle que, si les circonstances nouvelles avaient été déclarées lors de la conclusion ou du renouvellement du contrat, l'assureur n'aurait pas contracté ou ne l'aurait fait que moyennant une prime plus élevée, l'assureur a la faculté soit de dénoncer le contrat, soit de proposer un nouveau montant de prime.
- Dans le premier cas, la résiliation ne peut prendre effet que 10 jours après notification par l'assureur qui doit alors rembourser à l'assuré la portion de primes et de cotisations afférente à la période pendant laquelle le risque n'a pas couru. Dans le second cas (')
- Toutefois, l'assureur ne peut plus se prévaloir de l'aggravation des risques quand, après en avoir été informé de quelque manière que ce soit, il a manifesté son consentement au maintien de l'assurance, spécialement en continuant à recevoir les primes ou en payant, après un sinistre, une indemnité.»
Il constant qu'en application de ces dispositions, la perception des primes d'assurance par l'assureur, bien qu'informé de l'aggravation des risques, vaut renonciation tacite de se prévaloir de cette aggravation.
En l'espèce, il ressort des pièces produites et particulièrement du courrier de l'assureur à Monsieur Y... en date du 13 février 2014 que la compagnie Pacifica était parfaitement informée du sinistre qui lui a été préalablement déclaré, puisqu'elle dénie sa garantie pour ce sinistre aux motifs que «l'immeuble voisin de votre immeuble s'était effondré. L'effondrement de cet immeuble impliquait l'évacuation de votre immeuble»
Elle était donc, dès cet instant, parfaitement informée de l'aggravation du risque.
Cependant, il ressort des relevés de compte produits par l'assuré en sa pièce 15, que la compagnie Pacifica a continué de percevoir les primes d'assurances jusqu'en juillet 2014, ce qu'elle ne contredit pas, se contentant d'expliquer que le délai de plusieurs mois entre la déclaration de sinistre et son courrier de résiliation du contrat était lié à la complexité de ce dossier.
En continuant à percevoir les primes d'assurance de février à juillet 2014, la compagnie Pacifica s'est donc privée de la possibilité qu'elle avait de résilier unilatéralement le contrat à raison de l'aggravation d'un risque.
Il sera donc dit que le contrat d'assurance habitation s'est prolongé tacitement et a continué de produire ses effets entre les parties jusqu'à la date du 7 novembre 2016, ainsi que le demande Monsieur Y..., lequel - au-delà des prélèvements antérieurs effectués jusqu'en juillet 2014 - justifie qu'il a continué de s'acquitter, pour un total de 386,64 €, des primes mensuelles de 14,32 € chacune, et ce pendant les 27 mois couvrant les périodes suivantes:
- du 1er août 2014 au 7 novembre 2014
- du 8 novembre 2014 au 7 novembre 2015
- 8 novembre 2015 au 7 novembre 2016.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
La cour observe que si Monsieur Y... a bien continué de régler les primes d'assurance jusqu'au 7 novembre 2016, c'est qu'il avait parfaitement compris que l'exclusion de garantie qui lui était opposée par l'assureur dans ce sinistre ne vidait aucunement l'assurance habitation de sa substance, le contrat se poursuivant pour garantir les autres risques précités.
Manifestement, le contrat a été résilié ultérieurement par l'assuré lui-même à la date anniversaire du contrat, au 7 novembre 2016.
En toute hypothèse, la question de la date de résiliation du contrat - à l'initiative de l'assureur en juillet 2014 ou à l'initiative de l'assuré en novembre 2016 ' ne pouvait avoir d'effet rétroactif et était donc sans incidence aucune sur la question de la prise en charge ou du refus de garantie pour le sinistre de janvier 2014.
Sur les autres demandes:
L'infirmation prononcée emporte pour Monsieur Damien Y... obligation de rembourser la somme qu'il a perçue le 5 février 2016 en exécution du jugement, qui était assorti de l'exécution provisoire.
Il n'y a pas lieu en l'espèce de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur Y... qui succombe en définitive en l'essentiel de ses prétentions, supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
Vu les dispositions des articles L. 113-1 et L. 113-4 du code des assurances,
Vu les pièces produites,
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement en ce qu'il a:
- Prononcé la nullité de la résiliation du contrat n°[...] souscrit par Monsieur Damien Y... auprès de la société Pacifica, et en conséquence:
- Dit que le contrat d'habitation n°[...] doit continuer à s'appliquer par tacite reconduction,
- Dit que Monsieur Damien Y... devra s'acquitter des primes d'assurance dues depuis le 1er août 2014,
L'INFIRME pour le surplus,
Et statuant à nouveau de ces chefs infirmés,
Déclare opposable à l'assuré la clause contractuelle excluant de la garantie du contrat susvisé les dommages causés ou subis par les édifices menaçant ruine telle que définis par l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation,
Dit n'y avoir lieu ni à une mesure d'expertise, ni à un renvoi à la mise en état,
Déboute Monsieur Damien Y... de toutes ses autres demandes, en ce compris sa demande de dommages et intérêts,
Rappelle que l'infirmation prononcée emporte pour Monsieur Damien Y... obligation de rembourser la somme de 3 000 € qu'il a perçue le 5 février 2016 en exécution du jugement qui était assorti de l'exécution provisoire,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur Damien Y... aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
MM/CR