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24/10/2018 | FRANCE | N°16/02215

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4ème a chambre sociale, 24 octobre 2018, 16/02215


IC/FF



















































4ème A chambre sociale



ARRÊT DU 24 Octobre 2018





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/02215



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 FEVRIER 2016 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SETE

N° RG F14/00101





APPELANTE :



LA

SASU ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE

[...]

Représentée par Maître J... X... de la SELARL AVOCAT J... K... X..., avocat au barreau de MONTPELLIER





INTIMEE :



Madame Marie-Christine Y...

[...]

Représentée par Maître Roger Z..., avocat au barreau de MARSEILLE











COMPOSITION DE LA COUR :



L...

IC/FF

4ème A chambre sociale

ARRÊT DU 24 Octobre 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/02215

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 FEVRIER 2016 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SETE

N° RG F14/00101

APPELANTE :

LA SASU ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE

[...]

Représentée par Maître J... X... de la SELARL AVOCAT J... K... X..., avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Madame Marie-Christine Y...

[...]

Représentée par Maître Roger Z..., avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 SEPTEMBRE 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

M. Georges LEROUX, Président de chambre

Madame Florence FERRANET, conseiller

Monsieur Jacques FOURNIE, conseiller

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Madame Isabelle CONSTANT

ARRÊT :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Georges LEROUX, Président de chambre, et par Madame Isabelle CONSTANT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

**

EXPOSE DU LITIGE :

Mme Y... a été embauchée par la société Française de gestion Hospitalière (Hopital Service) à compter du mois d'août 2010, en qualité d'agent de service qualification AS1B, à temps partiel.

A compter du mois d'octobre 2010 elle effectuait un temps complet.

Elle est affectée à l'EHPAD « les romarins » à Villeveyrac.

Le 1er avril 2012, suite à la fusion-absorption intervenue entre la société Hospital Service et la société Elior Service Propreté et Santé, cette dernière devenait l'employeur de Mme Y....

Le 7 mai 2014 Mme Y... a saisi le conseil de prud'hommes de Sète sollicitant le versement de la prime de 13e mois, de la prime de salissure, le bénéfice des avantages des salariés du site de Saint-Jean de Dieu et l'indemnité de transport.

Par jugement rendu le 15 février 2016 le conseil de prud'hommes a condamné la société Elior Service Propreté et Santé à verser à Mme Y... les sommes suivantes :

- 5921,20 € à titre de rappel de prime du 13e mois courant depuis l'année 2011 à l'année 2014,

- 592,12 € à titre d'indemnité de congés payés correspondante,

- 2023,21 € au titre du rappel de prime de salissure courant depuis l'année 2011 à l'année 2014,

- 202,32 € à titre d'indemnité de congés payés correspondante,

- 1000 € de dommages-intérêts pour préjudice subi du fait du non-paiement des primes et inégalité de traitement ainsi causé,

- 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Et débouté Mme Y... du surplus de ses demandes.

*******

La société Elior Service Propreté et Santé a régulièrement interjeté appel de cette décision le 11 mars 2016.

Dans ses dernières conclusions développées oralement à l'audience du 12 septembre 2018, elle demande à la cour :

De constater que Mme Y... se désiste de sa demande au titre des congés payés sur 13e mois, de la prime de salissure et des congés payés correspondants,

De réformer le jugement,

De dire que les demandes formées antérieurement au 7 mai 2012 sont prescrites,

De débouter Mme Y... de l'ensemble de ses demandes,

De condamner Mme Y... à lui verser la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

- les avantages ou primes, objets des débats, trouvent leur source soit dans l'obligation de maintien de la rémunération par voie de transfert conventionnel (L 1224-3-2 du code du travail), soit dans la mise en 'uvre de la loi par le biais de l'article L 1224-1 du même code,

- les situations d'emploi comparées ne sont pas identiques, s'agissant de salariés de clinique ou d'AGOH,

- les dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail ont été mises en 'uvre lors de l'externalisation de l'activité de l'AGOH Saint-Jean de Dieu et de la clinique Axium, comme l'a confirmé la Cour de cassation dans son arrêt du 30 mai 2018,

- les avantages poursuivis (prime d'assiduité et majoration des dimanches) ayant une origine légale, l'atteinte au principe d'égalité est justifiée,

- en ce qui concerne la clinique des cèdres à Echirolles, les contrats qui reprennent la prime de 13e mois signés avec trois salariés, répondent aux exigences de l'article L 1224-1 du code du travail,

- les salariés par application de l'article L2261-14 du code du travail ont conservé les avantages individuels acquis par application de la convention collective nationale de la restauration,

- les avantages contractualisés avant la date du transfert du contrat de travail priment sur les dispositions de la convention collective applicables postérieurement au transfert (L2254-1 du code du travail),

- il n'est donc pas démontré de mise en place unilatérale des avantages par application de l'article L 1224-1,

- le versement du 13e mois aux salariés de la clinique de Narbonne n'est pas un paiement volontaire mais une exécution de la décision du conseil de prud'hommes,

- en outre cette décision confirmée par la cour d'appel de Montpellier le 20 janvier 2016 a été cassée par la Cour de Cassation le 13 décembre 2017,

- le site de la clinique de la Casamance a fait l'objet d'une reprise de marché par le biais de l'ancienne annexe VII, au 1er mars 2000, les salariés qui bénéficiaient avant transfert conventionnel d'une prime d'assiduité ont continué de la percevoir,

- la Cour de Cassation dans son arrêt du 30 mai 2018 a cassé les décisions de la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui avaient condamné la société au paiement de la prime d'assiduité,

- la circonstance que Mmes A... et B..., embauchées postérieurement à la reprise du marché sur le site de la clinique de la Casamance aient bénéficié du même avantage doit être lue à la lumière des évolutions jurisprudentielles et législatives récentes,

- l'atteinte portée au principe d'égalité de traitement repose sur des raisons objectives (réduire les disparités entre salariés placés dans une situation identique d'emploi, même travail sur un même site et cela afin de garantir la paix sociale),

- l'action en paiement de prime n'est pas une action en paiement de rappel de salaire mais une action relative à l'exécution du contrat de travail qui se prescrit en application de l'article L 1471-1 du code du travail par deux ans, aucune demande ne peut être formée au-delà du 7 mai 2012.

*******

Mme Y... dans ses conclusions soutenues oralement à l'audience du 12 septembre 2018 , demande à la cour de réformer le jugement à l'exception des sommes attribuées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de condamner à la société Elior Service Propreté et Santé à lui verser les sommes suivantes :

- 9490,26 € au titre de la prime du 13e mois (de 2010 à 2017),

- 2732,67 € au titre du rappel des majorations des dimanches travaillés à hauteur de 80 % et les congés payés à hauteur de 273,26 € (de 2010 à 2017),

- 567,63 € au titre du rappel de prime d'assiduité (de 2010 au 31 mai 2014),

- 6768,61 € au titre du rappel de prime d'assiduité (du 01/06/2014 à décembre 2017),

- 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

- les arrêts récents de la Cour de cassation (30 novembre 2017 et 30 mai 2018) et la publication de l'article L 1224-3-2 du code du travail (ordonnance du 22/9/2017) l'ont conduite à renoncer aux demandes fondées sur des comparaisons avec des salariés qui bénéficient de primes au terme d'avantages soit acquis avant leur transfert soit résultant d'accords collectifs,

- les primes et avantages sollicités ont été accordés par l'employeur à des agents de services par contrat de travail lors de leur recrutement,

- il y a lieu de vérifier que les agents de service sont placés dans la même situation juridique par rapport à l'avantage réclamé,

- il n'existe aucune spécificité entre le poste de travail d'un agent de nettoyage en EHPAD et celui d'un établissement classique de santé,

- les primes et avantages sollicités ont un caractère général (supplément de salaire) et ne font pas référence à une sujétion particulière liée aux fonctions,

- elle est fondée à solliciter de la société Elior Service Propreté et Santé venant aux droits de la société Hôpital Service du fait de la fusion-absorption du 1er avril 2012, le bénéfice de la prime de 13e mois accordée contractuellement le 1er juillet 2010 par la société Hôpital Service aux salariés de la clinique des Cèdres à Échirolles, par application du principe d'égalité de traitement,

- la société Elior Service Propreté et Santé a versé à certains salariés de la clinique de Narbonne, Mme C... à compter de novembre 2012, à Mmes D..., E..., Picili et F... à compter de novembre 2013, la prime de 13ème mois et ce sans qu'aucune condamnation ne soit prononcée à son encontre, il y a donc inégalité de traitement entre ces salariés et elle-même,

- la société Hôpital Service qui a repris le 1er mai 2006 le marché de l'EHPAD de Saint-Jean de Dieu à Marseille a contractuellement accordé aux salariés repris la majoration des dimanches travaillés,

- en l'absence de transfert d'une entité économique autonome, l'externalisation effectuée en 2006 n'est pas soumise aux dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail,

- la société Elior Service Propreté et Santé a versé jusqu'au mois de mai 2014 à certains salariés du site de la Casamance à Aubagne une prime d'assiduité de 200 € (A... et Oger),

- à compter du 1er juin 2014 les salariés affectés sur le site de la clinique Axium à Aix-en-Provence, se sont vus octroyer par la société Elior Service Propreté et Santé une prime mensuelle d'assiduité qui variait de 80 € à 158,09€,

- les primes sollicitées ont la nature d'un salaire dès lors qu'elles ne compensent pas une sujétion particulière ou un remboursement de frais,

- le point de départ du délai de prescription d'une créance salariale est le jour de son exigibilité, soit le jour habituel de paiement fixé à la fin du mois,

- aucune prescription ne peut lui être opposée, les primes n'étant exigibles que pour autant qu'une décision de justice ayant autorité de la chose jugée les a accordées,

MOTIFS :

Il résulte du principe d'égalité salariale dont s'inspirent notamment les articles L 2261-22, L 2271-28 et L 3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous ses salariés se trouvant dans une situation identique et effectuant le même travail ou un travail de valeur égale.

Il est de jurisprudence constante que l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique au regard de l'avantage litigieux.

La différence de traitement pratiquée entre des salariés relevant d'établissements différents et exerçant un travail égal ou de valeur égale, si elle repose sur des raisons objectives et matériellement vérifiables, est licite.

Sur la demande de prime de 13ème mois :

La société Elior Service Propreté et Santé soutient que la salariée intimée ne se trouve pas dans une situation identique aux salariés qui sont affectés sur le site de la clinique Axium à Aix en Provence, sur le site de la clinique des Cédres à Echirolles, sur le site de la polyclinique de Narbonne, et sur le site de la clinique La Casamance à Aubagne, car ces établissements sont des établissements de santé, alors qu'un EHPAD est un établissement qui accueille des personnes âgées ou qui leur apporte à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale.

Elle soutient que les prestations de soins évoquées, ne peuvent être confondues avec celles d'un établissement de santé, et que les spécificités des missions de ces deux sortes d'établissements ont des conséquences pratiques pour l'activité de nettoyage, seuls les établissements de soins étant soumis à l'obligation de certification.

Toutefois le seul fait de travailler dans des établissements qui eux-mêmes sont soumis à certification ne démontre pas en quoi les agents d'entretien qui travaillent sur ces sites ont des missions spécifiques.

La société Elior Service Propreté et Santé affirme que les exigences de normes de qualité relatives au bio-nettoyage sont différentes entre les EHPAD et les établissements de soins et produit pour en justifier une liste des protocoles qui seraient appliqués aux établissements de soins. Elle n'explique toutefois pas en quoi les agents de propreté travaillant en EHPAD ne sont pas soumis aux mêmes règles que ceux travaillant en clinique notamment lorsqu'il s'agit du nettoyage de chambres, d'escaliers, d'ascenseurs, de sanitaires, locaux qui se trouvent indifféremment dans des cliniques ou dans des EHPAD.

Mais surtout elle n'explique pas en quoi eu égard à l'avantage octroyé, les agents d'entretien de l'EHPAD n'auraient pas droit à percevoir le même complément de salaire que ceux des établissements de soins, dès lors que l'attribution de cet avantage, ainsi que cela ressort des contrats de travail produits aux débats ne fait référence à aucun critère spécifique et n'est pas relié à une mission spécifique des agents.

Il est donc inexact d'affirmer que Mme Y... ne se trouve pas dans une situation identique à celle des salariés de la polyclinique de Narbonne, ou de la clinique des Cèdres d'Echirolles, qui perçoivent cette prime de 13ème mois.

La société Elior Service Propreté et Santé soutient que le transfert des salariés affectés sur le site de la clinique des Cèdres s'est fait en application de l'article L 1224'1 du code du travail.

Pour en justifier elle produit les décisions administratives rendues par la Direccte dans le cadre du transfert des contrats de travail des salariés de la clinique l'Amandier, à Chatenay Malabry en juillet 2015, qui ont autorisé le transfert des contrats de travail sur la base des dispositions de l'article L1224-1 code du travail dès lors que les 17 salariés de la clinique affectés à l'activité de nettoyage, étaient transférés à la société Elior Service Propreté et Santé avec l'ensemble des équipements propres à l'activité de bio-nettoyage (les chariots, les autos-laveuses, les machines à laver, les kärchers et le sèche-linge) , et qu'il était ainsi justifié du transfert d'une entité économique autonome.

Il n'est toutefois produit aux débats aucun document justifiant que lors de la reprise par la société Hôpital Service, du personnel affecté à l'activité de nettoyage de la clinique des Cèdres, le 1er juillet 2010, du matériel avait de même été transféré.

Mme Y... produit aux débats les contrats de travail signés entre la société Hôpital Service et les salariés de la clinique des Cèdres qui mentionnent expressément : « suite à la reprise de la prestation de bio-nettoyage et services hôteliers par la société Hôpital Service, les dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail ne pouvant recevoir application de droit en l'espèce, il a été proposé à Mme X de bénéficier d'un transfert de son contrat de travail au sein de la société Hôpital Service à compter du 1er juillet 2010, ce transfert valant rupture d'un commun accord du contrat de travail d'origine de Mme X avec Sodexo et conclusion d'un nouveau contrat de travail à durée indéterminée sans période d'essai avec la société hôpital service, Mme X ayant accepté cette proposition, la présente a pour objet de formaliser l'accord ainsi intervenu entre les parties. »

Il ressort de ce document que les anciens salariés n'étaient pas agents hospitaliers mais travaillaient pour une autre société de nettoyage, et que le transfert s'est effectué sans aucun transfert de matériel. En l'absence de tout élément corporel et contrairement à la reprise des salariés de la clinique de l'Amandier, il n'est pas justifié du transfert d'une entité économique autonome lors de la reprise du marché de la clinique des Cèdres à Echirolles, les dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail n'ont donc pas reçu application.

Les contrats de travail signés entre le 28 juin et le 2 juillet 2010, avec trois des salariés de la société Elior Service Propreté et Santé affectés sur le site de la clinique des Cèdres à Echirolles, produits aux débats mentionnent bien expressément au titre de la rémunération l'attribution d'une prime de 13éme mois versée en décembre.

Cet avantage a été octroyé unilatéralement par l'employeur, et non en application du transfert légal provenant de l'application des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail.

De plus, Mme Y... produit aux débats les bulletins de salaire de Mme C... des mois de novembre 2012, novembre 2013 et novembre 2014, de Mmes E..., D... et G... pour les mois de novembre 2012 et novembre 2013, de M. F... pour le mois de novembre 2013 qui démontrent qu'à compter de 2012 pour la première et 2013 pour les autres, ces salariés affectés sur le site de la clinique de Narbonne ont perçu la prime de treizième mois.

La société Elior Service Propreté et Santé soutient que ces paiements ne sont pas spontanés dès lors que ces salariés avaient sollicité auprès du conseil de prud'hommes de Narbonne, le versement de la prime de 13emois, et obtenu gain de cause en première instance et appel, que le versement de la prime n'est donc intervenu qu'en exécution de ces décisions, qui ont été finalement annulées par la cour de cassation le 13 décembre 2017, et que ces paiements résultent d'une erreur provenant de la confusion entre les différentes procédures engagées par des groupes distincts de salariés.

Toutefois ces litiges concernaient des demandes de versement de complément de prime et non d'attribution de primes et ne concernaient ni Mme C..., ni Mme E..., ni Mme M. D..., ni Mrs G... et Brazzy.

Ce n'est que le 4 décembre 2012 que ces salariés ont introduit une action devant le conseil de prud'hommes de Narbonne sollicitant le versement de la prime de 13e mois qu'ils ne percevaient pas. Ces instances ont abouti à un jugement du conseil de prud'hommes de Narbonne le 5 janvier 2015, faisant droit aux demandes des salariés et leur accordant la prime du 13emois. Ces jugements ont été confirmés par la cour d'appel de Montpellier le 20 janvier 2016, dont les arrêts ont été cassés par la Cour de cassation le 13 décembre 2017.

Il est donc exact qu'aucune décision judiciaire même provisoire n'avait condamné la société Elior Service Propreté et Santé à verser la prime du 13emois à ces cinq salariés avant le mois de janvier 2015, la société Elior Service Propreté et Santé ne peut donc s'abriter derrière les décisions rendues par le conseil de prud'hommes de Narbonne pour expliquer le versement de la prime qu'elle a effectué dès novembre 2012 pour Mme C... et à partir de 2013 pour les autres salariés.

En outre la société Elior Service Propreté et Santé se réfère dans ses conclusions à l'attestation sur l'honneur, non datée de M. H... (pièce n° 21), son directeur des ressources humaines qui déclare « après enquête interne nous avons pu constater que les sommes litigieuses avaient été versées par erreur à quelques salariés ayant saisi le conseil de prud'hommes et ce sans attendre l'issue de la procédure ayant conduit à un jugement de condamnation. Cette erreur du service de paye est consécutive à un changement de programmes informatiques, passage du système de Parcole à Pléiade le 1er décembre 2011 et le nouveau système ne comportait pas la ligne PFA mais une ligne 13e mois. ».

Cette déclaration est étonnante dès lors qu'il ressort des bulletins de paye produits par Mme Y... (pièces n° 4-5-6) que les primes mentionnées sur les bulletins de décembre 2013, décembre 2014 et décembre 2015 des salariés du site d'Échirolles, portent la mention prime de fin d'année (PFA), et non la mention prime de 13e mois, qui d'après le directeur des ressources humaines ne figurait plus parmi les lignes informatiques à cette période.

En outre l'attribution de la prime du 13e mois à des salariés qui n'en étaient pas bénéficiaires auparavant (ni sous la dénomination de prime de fin d'année ni sous la dénomination de prime de 13e mois), ne peut en aucun cas être reliée au fait que le nouveau programme informatique ne comportait pas de ligne « prime de fin d'année », et cette explication ne correspond pas à celle donnée par Mme I..., responsable du site de Narbonne, qui atteste le 15 février 2018 que c'est du fait d'une erreur comptable que la société Elior Service Propreté et Santé a versé la prime à certains salariés sans attendre le jugement de condamnation.

La société Elior Service Propreté et Santé ne démontre pas que c'est par erreur qu'elle a versé la prime de 13e mois, dès novembre 2012 à Mme C... puis à partir de novembre 2013 à Mmes D... et E..., et Mrs F... et G..., il y a donc lieu de considérer que ces paiements sont intervenus volontairement au profit des salariés du site de Narbonne.

Mme Y... qui, eu égard à cet avantage, se trouve dans une situation similaire aux salariés affectés sur la clinique des Cèdres à Echirolles et à la polyclinique de Narbonne est donc fondée à solliciter le versement de la prime de 13ème mois.

Sur la demande de majoration des dimanches travaillés à hauteur de 80 % :

Il ne peut être contesté que Mme Y... se trouve dans une situation identique aux salariés qui sont affectés sur le site de la maison de retraite médicalisée de Saint-Jean de Dieu à Marseille dans la mesure où cet établissement est aussi un EHPAD.

La société Elior Service Propreté et Santé soutient que les contrats de travail des salariés de l'AGOH Saint-Jean de Dieu ont été transférés par application légale de l'article L1224-1 du code du travail et que ce transfert constitue une cause objective qui permet de justifier une inégalité de rémunération.

La société Elior Service Propreté et Santé ne produit toutefois aucune pièce et ne fait valoir aucun argument justifiant que lorsque le 1er mai 2006, la maison de retraite médicalisée de Saint-Jean de Dieu a décidé d'externaliser ses services de bio-nettoyage et services hôteliers à la société Hôpital service, il y a eu transfert d'une entité économique autonome conservant son identité, au sens d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité qui poursuit un objectif propre. En effet il n'est justifié lors de cette externalisation d'aucun transfert d'éléments corporels ou incorporels, mais seulement d'un transfert de personnel.

En outre les contrats de travail qui ont été conclus entre les salariés du site de Saint-Jean de Dieu repris par la société Hôpital Service, et leur nouvel employeur le 28 mars 2006 ne font aucune référence à l'application de l'article L 1224-1 du code du travail.

Il n'est donc pas justifié du transfert d'une entité économique autonome lors de la reprise du marché du site de Saint-Jean de Dieu à Marseille, les dispositions de l'article L 1224'1 du code du travail n'ont pas reçu application, c'est donc unilatéralement que la société Hôpital Service devenue Elior Service Propreté et Santé a accordé à ces salariés la majoration des dimanches travaillés à hauteur de 80 %.

Mme Y... salariée de l'EHPAD « les romarins » se trouvant dans une situation similaire aux salariés affectés à la maison de retraite médicalisée de Saint-Jean de Dieu à Marseille est donc fondée à solliciter le bénéfice de cet avantage, il sera fait droit à sa demande, le jugement sera infirmé de ce chef.

S'agissant d'une majoration de salaire, Mme Y... est fondée à solliciter le versement de l'indemnité correspondant aux congés payés.

Sur la demande de rappel au titre de la prime d'assiduité :

Sur la prime d'assiduité versée aux salariés de la clinique de la Casamance:

Comme cela a déjà été développé supra la société Elior Service Propreté et Santé n'explique pas en quoi eu égard à l'avantage octroyé (une prime d'assiduité), les agents d'entretien de l'EHPAD n'auraient pas droit à percevoir le même complément de salaire que ceux des établissements de soins, dès lors que l'attribution de cet avantage, ainsi que cela ressort des contrats de travail produits aux débats ne fait référence à aucun critère spécifique et n'est pas relié à une mission spécifique des agents.

Il est donc inexact d'affirmer que Mme Y... ne se trouve pas dans une situation identique à celle des salariés de la clinique de la Casamance.

Il n'est pas contesté que le site de la clinique de la Casamance a fait l'objet d'une reprise de marché le 1er mars 2000, et que les salariés affectés sur ce site ont bénéficié lors de leur transfert, du transfert conventionnel de leur contrat de travail avec maintien du bénéfice des avantages acquis et notamment de la prime d'assiduité de 200 €.

Toutefois Mme Y... ne compare pas sa situation avec les salariés qui ont bénéficié en 2000 de ce transfert conventionnel mais avec la situation de deux salariées qui ont été recrutées par la société Elior Service Propreté et Santé le 2 janvier 2012 (Mme A...) et le 1er mars 2007 (Mme B...).

Elle justifie qu'alors que les contrats de travail ne font aucune référence au versement de cette prime, Mme A... a perçu ladite prime en janvier 2014 et juillet 2014 pour un total de 200 €, et Mme B... l'a perçue en juillet 2012, janvier 2013, juillet 2013 et janvier 2014.

Il ne peut être contesté que le versement de cette prime d'assiduité à Mmes A... et B... résulte bien d'un engagement unilatéral de la société Elior Service Propreté et Santé, et celle-ci ne fait valoir aucun argument justifiant que le non versement de cette prime à Mme Y... repose sur des raisons objectives, celle-ci effectuant le même travail que les agents d'entretien de la clinique de la Casamance et se trouvant dans une situation identique.

Il sera donc fait droit à la demande de Mme Y... sollicitant le versement de cette prime d'assiduité égale à la somme de 0,12 € multiplié par le nombre d'heures travaillées.

Sur la prime d'assiduité versée aux salariés de la clinique Axium :

Comme cela a déjà été développé supra la société Elior Service Propreté et Santé n'explique pas en quoi eu égard à l'avantage octroyé : une prime d'assiduité, les agents d'entretien de l'EHPAD n'auraient pas droit à percevoir le même complément de salaire que ceux des établissements de soins, dès lors que l'attribution de cet avantage, ainsi que cela ressort des contrats de travail produits aux débats ne fait référence à aucun critère spécifique et n'est pas relié à une mission spécifique des agents.

Il est donc inexact d'affirmer que Mme Y... ne se trouve pas dans une situation identique à celle des salariés de la clinique Axium d'Aix en Provence.

Mme Y... compare sa situation avec celle des salariées Boméa, Ravaute, Sarli, Girardi, Kainou et Pelissier, qui ont signé chacune le 31 mai 2014 un contrat de travail avec la société Elior Service Propreté et Santé, qui mentionne expressément : « suite à la reprise des prestations de bio-nettoyage et services hôteliers par la société Elior Service Propreté et Santé, dans le cadre de l'article L 1224-1 du code du travail, il a été proposé à Mme X de bénéficier d'un transfert de son contrat de travail au sein de la société Elior Service Propreté et Santé à compter du 1er juin 2014, ce transfert valant rupture d'un commun accord du contrat de travail d'origine de Mme X avec la clinique action et conclusion d'un nouveau contrat de travail à durée indéterminée sans période d'essai avec la société Elior Service Propreté et Santé. ».

À la différence des contrats signés avec les salariés de la clinique des Cèdres qui mentionnaient expressément que les dispositions de l'article L1224-1 du code du travail ne pouvaient recevoir application , et ceux signés avec les anciens salariés de l'établissement Saint Jean de Dieu qui ne font aucune référence à l'article L1224'1 du code du travail , il était bien dans l'intention commune des parties de faire application des dispositions de l'article L 1224'1 du code du travail lors de la signature des nouveaux contrats avec les salariées de la clinique Axium.

Mme Y... ne produit aux débats aucune pièce justifiant que les conditions d'application de l'article L 1224-1 n'étaient pas réunies lors de la prise en charge par la société Elior Service Propreté et Santé des prestations de bio-nettoyage de la clinique Axium. Il en résulte que l'atteinte au principe d'égalité de traitement entre les anciens salariés de la clinique Axium, et les autres salariés de la société Elior Service Propreté et Santé est justifiée, Mme Y... sera donc déboutée de sa demande, il ne lui sera octroyé sur cette période que la prime d'assiduité perçue par les salariés de la clinique de la Casamance.

Sur la prescription :

Mme Y... a saisi le conseil de prud'hommes de ses demandes de rappel de primes le 7 mai 2014.

Il est de jurisprudence constante que toutes les primes ont un caractère de salaire à l'exception de celles qui compensent une sujétion particulière ou qui représentent le remboursement de frais. En l'espèce, tant la prime de 13e mois, que la prime d'assiduité, que la majoration des dimanches travaillés à 80%, ne compensent aucune sujétion particulière et ne représentent pas un remboursement de frais, elles ont donc un caractère de salaire.

Si l'article L 1471-1 du code du travail prévoit en son premier alinéa que toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent d'exercer son droit, il indique dans son deuxième alinéa que le premier n'est pas applicable aux actions en paiement ou en répétition du salaire.

C'est donc bien l'article L 3245-1 du code du travail, issu de la loi 2013-504 du 14 juin 2013, et qui prévoit que les actions en paiement ou en répétition de salaire se prescrivent par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, qui a vocation à s'appliquer en l'espèce.

La présente action ne tend pas à la création d'un droit mais à la constatation de son existence, il en résulte que le point de départ de la prescription est le jour où Mme Y... a connu ou pouvait connaître l'existence des primes versées aux autres salariés.

Il en résulte que Mme Y... est fondée à solliciter le versement des primes à partir du 7 mai 2011, les demandes concernant les périodes antérieures étant prescrites.

Sur le montant des sommes sollicitées :

La société Elior Service Propreté et Santé affirme que les quantums des sommes ne sont pas justifiés au vu des bulletins de salaire disparates et incomplets fournis aux débats.

Mme Y... produit toutefois un récapitulatif précis des heures travaillées annuellement, avec le calcul de chacune des primes sur chaque année et la totalité de ses bulletins de salaire du 3 mai 2011 au 31 décembre 2017.

Il est donc inexact d'affirmer que les demandes ne sont pas justifiées dans leur quantum et dans la limite de la prescription sus évoquée, il sera fait droit à ses demandes comme suit :

prime de treizième mois :

2017 : 1157,95€

2016 : 1367,21 €

2015 : 1264,33€

2014 : 1270,04€

2013 : 1180,29€

2012 : 1 316,14€

07/05/2011 au 31/12/2011 :1413,84 x 239/365 = 925,77 €

Total :8481,73€

majoration des dimanches :

2017 : 1420,02€

2016 : 1107,72€

2015 : 204,93€

Total : 2732,67€

prime d'assiduité :

2017 : 1469 x 0,12 = 176,28 €

2016 : 1 727,30 x 0,12 =207,27€

2015 : 1 548,71 x 0,12 = 185,84€

2014 : 1521 x 0,12 = 182,52€

2013 : 1435 x 0,12 = 172,20€

2012 : 1666 x 0,12 =199,92€

07/05/2011 au 31/12/2011 : 214,76 x 239/365 = 140,62 €

Total : 1264,65 €

Sur les autres demandes :

La société Elior Service Propreté et Santé qui succombe sera tenue aux dépens d'appel et condamnée en équité à verser à Mme Y... la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Réforme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Sète le 15 février 2016 (RG F 14/00101), sauf en ce qui concerne la condamnation aux dépens et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et le débouté de la demande au titre de l'indemnité de transport,

Constate que Mme Y... se désiste de sa demande au titre des congés payés sur la prime du 13e mois , de sa demande de prime de salissure et de congés payés y afférente, et de sa demande de dommages-intérêts,

Statuant à nouveau,

Condamne la société Elior Service Propreté et Santé à verser à Mme Y... les sommes suivantes :

- 8481,73€ au titre de la prime du 13ème mois sur la période du 7/5/2011 au 31 décembre 2017,

- 2732,67€ au titre de la majoration des dimanches travaillés à 80 % du taux horaire sur la période du 7/5/2011 au 31 décembre 2017, et la somme de 273,26 € au titre des congés payés correspondants,

- 1264,65 € au titre de la prime d'assiduité sur la période du 7/5/2011 au 31 décembre 2017,

- 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Elior Service Propreté et Santé aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4ème a chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16/02215
Date de la décision : 24/10/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-24;16.02215 ?
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