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19/09/2018 | FRANCE | N°18/00465

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4ème a chambre sociale, 19 septembre 2018, 18/00465


SD/VD



















































4ème A chambre sociale



ARRÊT DU 19 Septembre 2018





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00465



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Arrêt du 30 NOVEMBRE 2017 COUR DE CASSATION DE PARIS

N° RG16-18.684





APPELANTE :



EURL LES NUANCES DU MIDI


[...]

Représentant : Me Jérôme X..., avocat au barreau de MONTPELLIER





INTIME :



Monsieur Y... Z...

[...]

Représentant : Me Luc A..., avocat au barreau de MONTPELLIER











COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 20 JUIN 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:



M...

SD/VD

4ème A chambre sociale

ARRÊT DU 19 Septembre 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00465

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Arrêt du 30 NOVEMBRE 2017 COUR DE CASSATION DE PARIS

N° RG16-18.684

APPELANTE :

EURL LES NUANCES DU MIDI

[...]

Représentant : Me Jérôme X..., avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

Monsieur Y... Z...

[...]

Représentant : Me Luc A..., avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 JUIN 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

M. Georges LEROUX, Président de chambre

M. Olivier THOMAS, Conseiller

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRÊT :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Georges LEROUX, Président de chambre, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

**

EXPOSÉ DU LITIGE

M. Abderrahman Z... a été engagé en qualité de peintre en bâtiment niveau II par M. B... selon contrat de travail à durée indéterminée du 7 avril 2008.

Par contrat de travail à durée indéterminée du 1er avril 2011, l'EURL Les Nuances du Midi constituée par M. B..., a repris la relation de travail avec reprise de l'ancienneté du salarié, moyennant un salaire mensuel brut de 1.516,70 €.

Par lettre du 22 mars 2012, l'EURL Les Nuances du Midi a informé le salarié que, du fait de très sérieuses difficultés économiques, son contrat de travail serait modifié à compter du 1er mai 2012, le temps complet devenant un temps partiel à raison de 20 heures par semaine ;

Par lettre du 13 avril 2012, le salarié a refusé cette modification substantielle de son contrat de travail.

Par lettre du 13 avril 2012 remise en main propre contre signature le 14 avril 2012, l'EURL Les Nuances du Midi a rappelé au salarié sa proposition de modification du contrat de travail pour motif économique;

Par lettre du 21 avril 2012, le salarié a confirmé son refus d'accepter la modification de son temps de travail.

Par lettre du 4 mai 2012 remise en main propre contre signature le 7 mai 2012, l'EURL Les Nuances du Midi a convoqué M. Abderrahman Z... à un entretien préalable à licenciement pour motif économique, fixé le 16 mai 2012.

Le 16 mai 2012, M. Abderrahman Z... a signé le récépissé du document de présentation du contrat de sécurisation professionnelle mentionnant le délai de 21 jours pour faire connaître sa réponse.

Le 23 mai 2012, M. Abderrahman Z... a accepté le contrat de sécurisation professionnelle, avant l'expiration du délai de 21 jours.

Faisant valoir que la rupture de son contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse après refus de modification d'un élément essentiel de son contrat, M. Abderrahman Z... a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier le 12 juillet 2012 aux fins d'obtenir la condamnation de l'EURL Les Nuances du Midi à lui payer des indemnités de rupture et des dommages et intérêts liés à la rupture abusive de la relation de travail.

Par jugement du 11 juin 2013, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement de M. Abderrahman Z... était sans cause réelle et sérieuse,

- condamné l'EURL Les Nuances du Midi à payer à M. Abderrahman Z... les sommes suivantes :

' 12.133 € nets de CSG et de RDS au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 3.033,40 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

' 303,34 € bruts au titre des congés payés y afférents,

' 750 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté M. Abderrahman Z... du surplus de ses demandes,

- débouté l'EURL Les Nuances du Midi de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- mis les dépens à la charge de l'EURL Les Nuances du Midi.

Par arrêt du 28 octobre 2015, la présente juridiction a :

- infirmé le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande en indemnité de licenciement de M. Abderrahman Z... et la demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile de l'EURL Les Nuances du Midi,

statuant à nouveau, a :

- déclaré fondée la rupture du contrat de travail de M. Abderrahman Z... par adhésion au contrat de sécurisation professionnelle,

-débouté M. Abderrahman Z... de l'ensemble de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou de l'autre des parties,

- condamné M. Abderrahman Z... aux entiers dépens de première instance et d'appel.

M. Abderrahman Z... a formé un pourvoi en cassation contre cette décision.

Par arrêt du 30 novembre 2017, la Cour de cassation a :

- cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel en ce qu'il a déclaré fondée la rupture du contrat de travail de M. Abderrahman Z... par adhésion au contrat de sécurisation professionnelle et l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts de ce chef,

- remis, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée,

- condamné l'EURL Les Nuances du Midi aux dépens et à payer à la SCP Lesourd la somme de 3.000 €.

Le 26 janvier 2018, l'EURL Les Nuances du Midi a déposé, par voie de RPVA, une déclaration de saisine de la présente juridiction.

L'EURL Les Nuances du Midi demande à la Cour :

- de dire et juger que M. Abderrahman Z... a bien été destinataire de l'information des motifs économiques antérieurement à son adhésion au CSP ;

En tant que de besoin, de :

- dire et juger que la rupture du contrat de travail de M. Abderrahman Z... par le biais de l'acceptation de la convention de sécurisation professionnelle est régulière et légitime ;

- dire et juger que la rupture du lien contractuel relève d'un motif économique avéré en l'absence d'une capacité de reclassement ;

- confirmer l'arrêt de la Cour d'Appel de Montpellier du 28 octobre 2015 en toutes ses dispositions non atteintes par la cassation partielle ;

- infirmer le jugement du 11 juin 2013 rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier en ses dispositions relatives à l'octroi de dommages et intérêts au titre de la rupture et objet de la cassation partielle;

- débouter M. Abderrahman Z... de ses entières demandes injustes et injustifiées ;

- lui allouer la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- mettre les dépens de première instance et d'appel à la charge de M. Abderrahman Z....

Au soutien de ses demandes, l'EURL Les Nuances du Midi expose pour l'essentiel que :

- l'énonciation des motifs économiques a été donnée au salarié avant son adhésion au CSP, soit dans les courriers des 22 mars, 13 avril et 4 mai 2012, et également au cours de l'entretien préalable du 16 mai 2012,

- le salarié a expressément accepté le CSP le 23 mai 2012, au cours du délai de réflexion de 21 jours qui expirait le 6 juin 2012,

- la rupture du contrat de travail résulte de cette acceptation,

- aucune lettre de licenciement, même conservatoire, n'a été adressée au salarié,

- elle a entériné la rupture du contrat de travail par acceptation du CSP en adressant au salarié un courrier du 30 mai 2012,

- contrairement à ce que le conseil de prud'hommes a retenu, elle n'avait pas à notifier au salarié l'incidence sur son emploi lors de la rupture du contrat par acceptation du salarié du CSP.

M. Y... demande à la Cour de :

- condamner l'EURL Les Nuances du Midi à lui verser la somme de 25.000 € de dommages et intérêts au titre des préjudices subi par lui ;

- condamner l'EURL Les Nuances du Midi à lui verser la somme de 3.033,40€ bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, plus 303 € au titre des congés payés y afférent ;

- condamner l'EURL Les Nuances du Midi à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, M. Abderrahman Z... expose pour l'essentiel que la rupture de son contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que :

- la proposition de modification du contrat de travail n'était pas accompagnée d'un argumentaire et n'alertait pas le salarié sur le risque de licenciement,

- la répartition des horaires proposée dans le cadre de la réduction du temps de travail était provisoire puisqu'elle pouvait être modifiée avec un délai de prévenance de 7 jours,

- 'l'employeur a prétendu pouvoir organiser une consultation a posteriori, nécessairement biaisée par les effets dissuasifs de sa première présentation des choses',

- le courrier du 30 mai 2012 visait certes les difficultés économiques de l'entreprise, mais ne répondait pas, contrairement à la circulaire UNEDIC n°2011-36 du 9 décembre 2011, aux exigences de la motivation légale du licenciement car il ne précisait pas l'incidence sur l'emploi ou sur le contrat de travail du salarié,

- la cour de cassation a relevé dans son arrêt que l'explication donnée au salarié a été adressée au salarié postérieurement à son acceptation du CSP.

Il en déduit qu'il doit être fait droit à sa demande en paiement de dommages et intérêts à hauteur de 25.000 €.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la Cour se réfère aux conclusions écrites auxquelles les parties ont expressément déclaré se rapporter lors des débats.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat de travail par adhésion au contrat de sécurisation professionnelle.

Il résulte des dispositions combinées des articles L 1233-66, L 1233-15 et L 1233-39 du Code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce, que l'employeur doit énoncer le motif économique et la mention du bénéfice de la priorité de réembauche

- soit dans le document écrit d'information sur le dispositif du contrat de sécurisation professionnelle (CSP) remis notamment lors de l'entretien préalable au licenciement,

- soit dans la lettre que l'employeur est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de 21 jours imparti à ce dernier pour répondre à la proposition du CSP expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement,

- soit, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié du CSP, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation.

A défaut d'information du salarié sur le motif économique, au plus tard lors de l'acceptation du CSP, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Le document remis au salarié doit contenir notamment le motif économique précisément décrit, le priorité de réembauche, mais également l'impact du motif économique sur son poste.

En l'espèce, la lettre du 4 mai 2012 remise en main propre contre décharge le 7 mai 2012 par l'employeur au salarié précisait notamment que, 'pour les raisons économiques suivantes, pertes financières très importantes (notamment en raison de charges sociales excessives), et absence d'ouverture de nouveaux chantiers traduisant de très sérieuses difficultés économiques', son licenciement pour motif économique était envisagé, qu'il était convoqué à un entretien préalable fixé le 16 mai 2012, qu'il avait la possibilité 'd'adhérer à un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) conformément aux articles L.1233-65 et suivants du Code du travail', que 'le dossier établi par Pôle Emploi concernant le contrat de sécurisation professionnelle (CSP)' lui serait remis 'lors de l'entretien préalable du 16 mai 2012" et qu'il devrait 'faire connaître sa décision dans les 21 jours qui suivent l'entretien préalable, sur cette proposition' étant précisé que 'ce délai court à compter du 17 mai 2012 et jusqu'au 6 juin 2012 inclus'.

Il résulte

- de la copie du récépissé du document de présentation du CSP que M.Abderrahman Z... a effectivement reçu le dossier de présentation du CSP avec notification du délai de 21 jours pré-cité le 16 mai 2012, jour de l'entretien préalable au licenciement.

- de la copie du bulletin d'acceptation du CSP qu'il a accepté celui-ci le 23 mai 2012, soit avant l'expiration du délai de 21 jours.

Il s'en suit que si l'employeur a informé le salarié des motifs économiques affectant l'activité de l'entreprise, il n'a pas précisé en quoi ces motifs économiques avaient une incidence sur son poste.

Si M. Abderrahman Z... s'est vu remettre lors de l'entretien préalable du 16 mai 2013 le document relatif au CSP, il n'avait pas reçu toutes les informations obligatoires avant son acceptation du CSP le 23 mai 2012.

La lettre du 30 mai 2012 de l'employeur a, par la suite, constaté la rupture du contrat de travail par l'effet de l'acceptation du CSP, après avoir :

- rappelé, dans des termes identiques à ceux utilisés dans la lettre du 4 mai 2012, le motif économique ayant conduit à envisager le licenciement pour motif économique de M.Abderrahman Z... ;

- et ajouté l'incidence de ce motif économique sur son emploi consistant en une modification de la durée du travail, refusée par le salarié ;

Toutefois, ce courrier est postérieur à l'acceptation par celui-ci du CSP.

La rupture du contrat de travail s'analyse en conséquence en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il y aura lieu de confirmer le jugement.

Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de l'âge du salarié (né le [...]), de son ancienneté à la date du licenciement (plus de 4 ans), du nombre de salariés habituellement employés (présomption d'au moins 11 salariés), de sa rémunération mensuelle brute (1.516,70 €) et de sa situation postérieure au licenciement ( contrats de mission temporaire en juin et juillet 2015), il convient de fixer l'indemnisation du préjudice lié au licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme nette de 12.000 €.

Sur les demandes accessoires.

L'employeur devra rembourser à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à M. Abderrahman Z... dans la limite de deux mois.

Les dépens seront supportés par l'EURL Les Nuances du Midi.

Il est équitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe ;

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 28 octobre 2015,

Vu l'arrêt de la cour de cassation du 30 novembre 2017,

CONFIRME le jugement du 11 juin 2013 du conseil de prud'hommes de Montpellier en ce qu'il a dit que le licenciement de M. Abderrahman Z... était sans cause réelle et sérieuse ;

Le RÉFORME s'agissant du montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE l'EURL Les Nuances du Midi à payer à M. Abderrahman Z... la somme de 12.000 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Y ajoutant,

ORDONNE le remboursement par l'EURL Les Nuances du Midi à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à M. Abderrahman Z... dans la limite de deux mois ;

DIT que conformément aux dispositions des articles L 1235-4 et R 1235-2 du Code du travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe au Pôle Emploi du lieu où demeure le salarié ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE l'EURL Les Nuances du Midi aux entiers dépens de l'instance ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4ème a chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18/00465
Date de la décision : 19/09/2018

Références :

Cour d'appel de Montpellier 04, arrêt n°18/00465 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-19;18.00465 ?
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