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19/09/2018 | FRANCE | N°17/01662

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1° chambre b, 19 septembre 2018, 17/01662


Grosse + copie


délivrées le


à











COUR D'APPEL DE MONTPELLIER





1° Chambre B





ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2018





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/01662











Décision déférée à la Cour de renvoi par Arrêt du 15 MARS 2017


de la COUR DE CASSATION - N° P 16-12.97 - Arrêt 366- f-d qui a cassé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le


07 janvier 2016 par la COUR D'APPEL D

E NIMES sur appel du jugement rendu par le tribunal de grande instance de NIMES en date du 28 juillet 2014








APPELANT et (DEMANDEUR A LA SAISINE)





Monsieur Michel X...


né le [...] à LA TRONCHE (38701)


de nationalit...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1° Chambre B

ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/01662

Décision déférée à la Cour de renvoi par Arrêt du 15 MARS 2017

de la COUR DE CASSATION - N° P 16-12.97 - Arrêt 366- f-d qui a cassé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le

07 janvier 2016 par la COUR D'APPEL DE NIMES sur appel du jugement rendu par le tribunal de grande instance de NIMES en date du 28 juillet 2014

APPELANT et (DEMANDEUR A LA SAISINE)

Monsieur Michel X...

né le [...] à LA TRONCHE (38701)

de nationalité Française

[...]

comparant

représentée par Me Marie-Laure Y..., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assistée de Me Jean Faustin KAMDEN, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

INTIMEE et (DEFENDERESSE A LA SAISINE)

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC inscrite au RCS de MONTPELLIER sous le n° 492826417 agissant par son représentant légal en exercice domicilié ès qualité audit siège

[...]

[...]

représentée par Me Pascal Z... de la A... , avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assistée par Me Stéphane B... de la C... , avocats au barreau de NIMES, avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 13 Juin 2018

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 JUILLET 2018, en audience publique, monsieur Georges TORREGROSA, président de chambre ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :

Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre

M. Christian COMBES, Conseiller

Madame Chantal RODIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Lys MAUNIER

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre, et par Madame Marie-Lys MAUNIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

Les Faits, la procédure et les prétentions :

Vu le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nîmes en date du 28 juillet 2014 ;

Vu l'appel de M. X..., et l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nîmes en date du 7 janvier 2016 ;

Vu le pourvoi de X..., et l'arrêt rendu par la Cour de Cassation en date du 15 mars 2017, qui a désigné comme cour de renvoi la cour de Montpellier ;

Vu la déclaration de saisine après cassation de M. X..., en date du 22 mars 2017 ;

Vu les conclusions de ce dernier en date du 5 mai 2017 ;

Vu les conclusions de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc en date du 17 juillet 2007 ;

Vu l'article 455 du code de procédure civile et l'ordonnance de clôture en date du 13 juin 2018 ;

SUR CE:

Attendu que la cour est saisie par les demandes de Monsieur Michel X... au dispositif de ses conclusions, par application de l'article 954 du code de procédure civile ;

Attendu que ce dernier soutient dans ce dispositif que la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer, et qu'en l'espèce il n'existe aucune renonciation en ce sens de ses parents à l'adhésion à l'assurance groupe souscrite par le crédit agricole ;

Attendu qu'il soutient qu'au regard de la solidarité qui liait les co-emprunteurs, il n'a pas été informé sur les conséquences pour lui du défaut d'assurance des autres co- emprunteurs, ce qui a entraîné une absence de proposition de répartition du risque décès sur tous ces emprunteurs ;

Attendu qu'enfin, en l'absence de démonstration de l'accomplissement de l'obligation d'information à son égard, laquelle ne pouvait se déduire de l'absence de souscription par ces co-emprunteurs d'une assurance décès, il y a lieu de retenir selon lui une faute de la banque ;

Attendu qu'il convient tout d'abord de relever que l'on cherchera vainement aux conclusions de la banque, ou dans l'examen de ses pièces régulièrement communiquées, la prétention ou la démonstration qu'une obligation d'information telle que définie supra ait été remplie à l'égard de M . X... Michel ;

Attendu que l'examen exhaustif de l'argumentation du crédit agricole ne permet pas en effet de retenir qu'il se prévaut d'une telle information, à l'égard de ce dernier, puisque la discussion entreprise et qu'il convient d'examiner est la suivante :

Attendu qu'il est d'abord soutenu l'irrecevabilité de l'action de M. Michel X... au titre de l'assurance groupe, dans la mesure où le procès mis en oeuvre par ce dernier ne concerne pas l'assurance groupe à laquelle il a adhéré à son profit en cas de sinistre décès, mais celle de ses parents ;

Mais attendu que M. Michel X... n'a pas entamé une action en qualité d'héritier de ses parents, mais bien en qualité de co-emprunteur, la lecture de ses conclusions et de son dispositif ne laissant planer aucune ambiguïté sur ce point, d'où il suit que son action visant à tirer les conséquences d'une absence d'information à son égard stricto sensu est parfaitement recevable, ce qui n'aurait pas été le cas effectivement si, en sa seule qualité d'emprunteur, il avait exercé une action visant à sanctionner le défaut d'information de ses parents;

Attendu qu'il est ensuite soutenu l'absence totale d'exigence d'adhésion à une assurance groupe par l'ensemble des co emprunteurs, ce qui est effectivement le cas au vu du paragraphe de l'offre de prêt, en page neuf, concernant l'assurance décès invalidité ;

Attendu qu'il convient cependant de préciser que cette stipulation prévoit le cas de la remise d'un exemplaire des conditions générales d'assurance, « lorsqu'une ou plusieurs personnes ont sollicité leur admission dans ce contrat », sachant que tel a été le cas pour M. Michel X..., identifié en page deux comme candidat à l'assurance, sans que l'on sache pour autant dans quelles conditions ses parents n'ont pas été candidats;

Attendu qu'en effet, la demande d'adhésion de M. X... Michel est en date du 23 mars 2007 pour l'assurance, tandis que l'offre de prêt immobilier pour les trois co- emprunteurs est du 30 mars, sans que l'on sache dans quelles circonstances exactes il a été oui ou non proposé aux parents comme au fils, le 23 mars, une adhésion à l'assurance ;

Attendu qu'au surplus, la même stipulation en page neuf de l'offre de prêt précise bien que si l'emprunteur le souhaite, il peut souscrire une assurance auprès de l'assureur de son choix, « équivalente soumise à vérification du prêteur » ;

Attendu qu'il s'en déduit que le prêteur a souhaité connaître l'existence et la consistance d'une autre garantie décès notamment, se réservait de pointer l'absence d'équivalence, et ne pouvait donc ignorer, en termes d'obligation d'information, l'importance des conséquences pour les emprunteurs de l'existence ou de la non-existence d'une garantie, notamment décès, dont il se réservait de vérifier l'équivalence avec celle qu'il proposait lui-même ;

Attendu que sur ce volet, l'absence d'exigence d'une adhésion à une assurance groupe ne modifie en rien l'analyse juridique concernant le respect de l'obligation d'information qui pèse sur le prêteur ;

Attendu qu'à cet égard, ce prêteur rappelle lui-même en page six de ses conclusions les principes de droit, et il reconnaît qu'il est tenu d'éclairer l'emprunteur sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle et sur les risques d'un défaut d'assurance, la remise de la notice n'y suffisant pas ;

Attendu que si le prêteur considère qu'il ne s'agit pas là d'une obligation d'information et de conseil, il n'en demeure pas moins que reste la question de l'information sur les risques d'un défaut d'assurance, en l'espèce décès, et plus précisément sur l'information prodiguée à M. X... sur le fait que, dans la mesure où ses parents n'avaient pas souscrit l'assurance décès, la survenance de ce risque était de nature à rendre impossible sur ses propres revenus le respect des échéances mensuelles, dont il n'est pas contesté qu'il reposait sur le cumul des revenus des trois co-emprunteurs ;

Attendu qu'ainsi, et si en page neuf le prêteur se défend d'un irrespect de son obligation de mise en garde propre au prêt, en soutenant qu'il n'avait à s'assurer que de l'ensemble des ressources des emprunteurs, il n'en demeure pas moins que la survenance du décès de deux emprunteurs sur trois était bien évidemment de nature à rompre cet équilibre, le fait que ce risque soit évident et de nature à sauter aux yeux, de même qu'il n'était pas prévisible au regard de l'âge des parents (58, 57 ans à l'offre de prêt), laissant entière la question de l'information prodiguée par le prêteur, qui ne pouvait ignorer que seul un emprunteur, au demeurant le plus jeune, était assuré d'un risque décès ;

Attendu que la question peut d'autant moins être éludée en droit que la banque ne soutient pas qu'elle s'était renseignée sur la situation en termes d'hérédité des parents X... (à tout le moins le nombre d'héritiers), et que la cour demeure dans l'ignorance sur ce point, alors même que l'on aurait pu concevoir que M. X... Michel, informé du risque en cas de décès prématuré de ses deux parents, compte tenu d'une couverture partielle du risque décès , ne se soit pas inquiété d'une absence de couverture décès de ses parents, en anticipant dans ce cas sur la masse active nette lui revenant ;

Attendu que le prêteur soutient enfin qu'en l'état des termes clairs et précis, tant pour l'offre de prêt que pour l'adhésion à l'assurance, il n'existait aucune équivoque sur l'absence de souscription d'assurance par les parents, et qu'il n'existait aucune confusion possible qui résulte notamment des simulations de financement ou du montant des cotisations d'assurance ;

Attendu qu'en réalité, et s'il est vrai que les deux dossiers sont également vides en termes d'éléments probatoires concrets , il n'en demeure pas moins que les éléments de l'espèce sont établis dont il résulte que l'emprunt a été souscrit par trois co-emprunteurs solidaires, dont l'équilibre reposait sur le cumul des revenus de ces trois personnes, dont au demeurant il n'est pas contesté que deux d'entre elles devaient au départ être simplement cautions;

Attendu qu'il n'est pas contesté et qu'il est justifié aux stipulations contractuelles que si l'emprunteur souscrivait une assurance autre que celle proposée, elle devait être équivalente et soumise à la vérification du prêteur, ce qui manifeste si besoin était la conscience par le prêteur de l'importance de ce type d'assurance, en termes de montant et de périmètre, a fortiori dans le cas où seul l'emprunteur solidaire le plus jeune a souhaité garantir le risque décès ;

Attendu que la cour estime donc que nonobstant le fait que tous les emprunteurs auraient disposé de tous les éléments d'information, et ont fait le choix pour deux d'entre eux de ne pas adhérer à une assurance décès invalidité, il n'en demeure pas moins que le prêteur ne démontre pas avoir satisfait à son obligation d'éclairer M. Michel X... fils sur les risques d'un défaut d'assurance décès de ses parents, dans le cadre d'un emprunt solidaire reposant quant à sa faisabilité sur le cumul des revenus des co-emprunteurs .

Attendu qu'au vu des pièces régulièrement communiquées, il est en réalité suffisamment démontré qu'après la prise en compte de son propre risque décès par le fils, le [...] , le prêteur ne s'est plus préoccupé de cette question alors même qu'il proposait le 30 mars une offre de prêt à trois co- emprunteurs solidaires, faisant subir ainsi à M. Michel X... fils la perte de chance de voir répartir la couverture de ce risque décès sur chaque co-emprunteur;

Attendu qu'il s'agit là en effet de l'exacte mesure du préjudice indemnisable, à savoir la perte de chance de ne pas avoir été averti des conséquences d'une couverture partielle du risque décès, et d'avoir ainsi accepté de s'engager alors que seul son risque décès était couvert, rien ne démontrant avec certitude certes qu'il aurait convaincu facilement ses parents de souscrire l'assurance (à admettre qu'ils ne le souhaitaient pas ), mais rien ne démontrant le contraire, ce qui permet au vu du dossier d'évaluer la perte de chance subie à 80 %;

Attendu que l'assiette du préjudice indemnisable ne saurait bien entendu être constituée par les conséquences patrimoniales alléguées, au demeurant non véritablement démontrées, de l'impossibilité de satisfaire aux échéances mensuelles à partir du décès des parents ;

Attendu qu'en réalité, et si les parents avaient souscrit l'assurance, l'assiette maximale est constituée par la prise en charge du prêt jusqu'au 65e anniversaire de chacun des parents, soit novembre 2014 pour la mère et février 2015 pour le père;

Attendu que les décès étant survenus pendant la période différée de 24 mois, il y a lieu de considérer que le prêt aurait été pris en charge à hauteur des deux tiers jusqu'en novembre 2014, et à hauteur d'un tiers jusqu'en février 2015 ;

Attendu que si on se réfère au tableau d'amortissement théorique (pièce six de l'appelant), sachant que la première échéance (même différée) est logiquement en avril 2007, immédiatement postérieurement au prêt du 30 mars 2007, l'on parvient à une assiette maximale de 117090 €, en prenant en compte 66 mensualités depuis la 25e, après l'écoulement du différé de 24 mois, soit au total 91 mensualités jusqu'au décès de Mme (sept ans et sept mois après la première échéance [..]), à hauteur de deux tiers, et trois mensualités supplémentaires jusqu'au décès de Monsieur , à hauteur d'un tiers;

Attendu que la cour applique donc le coefficient de perte de chance sur cette assiette maximale, pour estimer le préjudice subi à 93672 euros ;

Attendu que tout autre analyse, notamment les préjudices allégués subis à cause de la vente des lots, par suite des frais d'acquisition des immeubles, ou par le fait d'un lien avec la perte d'habitation principale, tiennent pour acquis que l'opération aurait nécessairement réussi sur la durée, alors même que si les parents s'étaient assurés, rien ne démontre avec certitude que la prise en charge au prorata des échéances du prêt jusqu'au 65e anniversaire de chacun d'entre eux, aurait évité l'ensemble des conséquences aujourd'hui décrites comme préjudiciables, sur un échéancier prévoyant 300 échéances mensuelles;

Attendu qu'en d'autres termes M. Michel X... fils ne peut reprocher à la banque que les conséquences, en termes de perte de chance, de l'absence de prise en charge par l'assurance, au prorata, des conséquences contractuelles du décès de ses parents;

Attendu que le préjudice moral est décrit comme celui résultant, dans un contexte familial très douloureux, du refus du prêteur de souscrire aux multiples tentatives de règlement amiable, alors que ces tentatives ne sont pas justifiées au vu des pièces régulièrement communiquées, et qu'aucun abus de droit du prêteur n'est caractérisé qui résulterait de sa mauvaise foi ou d'une erreur grossière ;

Attendu qu'en revanche une somme de 8000 € est parfaitement justifiée au titre des frais inéquitablement exposés en premier ressort, en appel et devant la cour de renvoi ;

PAR CES MOTIFS, LA COUR statuant contradictoirement sur renvoi de la Cour de Cassation:

Déclare l'appel fondé ;

Infirme le jugement de premier ressort dans toutes ses dispositions ;

Dit et juge que le Crédit agricole mutuel du Languedoc a manqué à son obligation d'éclairer l'emprunteur Michel X... fils sur les conséquences de l'absence de souscription d'une assurance décès par ses deux co-emprunteurs solidaires ;

Condamne en conséquence le Crédit agricole mutuel du Languedoc à payer à M. Michel X... la somme de 93 672 €;

Condamne le Crédit agricole mutuel du Languedoc à supporter les entiers dépens, qui seront recouvrés au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile, outre le paiement à M. Michel X... d'une somme de 8000 € titre des frais inéquitablement exposés.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

MM/GT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1° chambre b
Numéro d'arrêt : 17/01662
Date de la décision : 19/09/2018

Références :

Cour d'appel de Montpellier 1B, arrêt n°17/01662 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-19;17.01662 ?
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