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04/07/2018 | FRANCE | N°18/00341

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1° chambre b, 04 juillet 2018, 18/00341


Grosse + copie


délivrées le


à











COUR D'APPEL DE MONTPELLIER





1° Chambre B





ARRET DU 4 JUILLET 2018





Numéro d'inscription au répertoire général : 18/00341











Décision déférée à la Cour de renvoi par Arrêt du 10 JANVIER 2018 de la COUR DE CASSATION - N° RG 3 f-d qui a cassé partiellement l'arrêt rendu par la COUR D'APPEL DE NIMES


en date du 7 JUILLET 2016 sur appel d'un jugement rendu par le T

RIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NIMES en date du 19 MARS 2015











APPELANTS :





Madame Colette X... épouse Y...


née le [...] à Marguerittes (30)


de nationalité Française


[...]


représentée par Me Alex...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1° Chambre B

ARRET DU 4 JUILLET 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : 18/00341

Décision déférée à la Cour de renvoi par Arrêt du 10 JANVIER 2018 de la COUR DE CASSATION - N° RG 3 f-d qui a cassé partiellement l'arrêt rendu par la COUR D'APPEL DE NIMES

en date du 7 JUILLET 2016 sur appel d'un jugement rendu par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NIMES en date du 19 MARS 2015

APPELANTS :

Madame Colette X... épouse Y...

née le [...] à Marguerittes (30)

de nationalité Française

[...]

représentée par Me Alexandre Z..., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant substitué par Me Lola A..., avocat au barreau de MONTPELLIER et assistée de Me PION, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

Monsieur Patrice Y...

né le [...] à Aigues-Mortes (30)

de nationalité Française

[...]

représenté par Me Alexandre Z..., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant substitué par Me Lola A..., avocat au barreau de MONTPELLIER et assisté de Me PION, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

INTIMEE :

SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE - CIFD

[...]

représentée par Me Yvan B... de la SELARL MBA & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assistée de Me SAINT-CENE substituant ME Jean François C..., avocats au barreau de PARIS, avocat plaidant

REVOCATION DE L'ORDONNANCE DE CLOTURE DU

29 MAI 2018 AVEC NOUVELLE CLOTURE PRONONCEE LE 05 JUIN 2018

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 JUIN 2018, en audience publique, monsieur Georges D... ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :

Monsieur Georges D..., Président de chambre

Madame Chantal RODIER, Conseiller

M. Christian COMBES, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Lys MAUNIER

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Georges D..., Président de chambre, et par Madame Marie-Lys MAUNIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

Les Faits, la procédure et les prétentions:

Vu le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nîmes, en date du 19 mars 2015 ;

Vu l'appel relevé par les époux Y..., dont la cour a vérifié la régularité ;

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes en date du 7 juillet 2016 ;

Vu le pourvoi du Crédit immobilier France développement ;

Vu l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 10 janvier 2018 ;

Vu la déclaration de saisine en date du 22 janvier 2018, à l'initiative des appelants les époux Y... ;

Vu les conclusions devant la cour de renvoi du Crédit immobilier de France développement ( CIFD), en date du 1er juin 2018 ;

Vu les conclusions des époux Y... en date du 20 mars 2018;

Vu l'ordonnance de clôture initiale en date du 29 mai 2018 ;

Vu la cause grave tenant au respect de la règle du contradictoire, dont les parties ont convenu avant l'ouverture des débats, et l'ordonnance rapportant au 5 juin 2018 l'ordonnance de clôture, pour admettre aux débats les conclusions du Crédit immobilier ;

SUR CE:

Attendu que s'agissant de la demande de sursis à statuer, elle a été rejetée par le premier juge, et les appelants l'ont soulevée devant la cour d'appelde Nîmes ;

Attendu que par des motifs exhaustifs, sur une argumentation qui est la même que celle soulevée devant la cour de renvoi, la cour d'appel a rejeté la demande de sursis à statuer ;

Attendu que la cour d'appel a donc confirmé sur ce point le rejet de la demande de sursis à statuer prononcée par le premier juge;

Et attendu que la cour de cassation n'a cassé que partiellement, uniquement sur le manquement à l'obligation de contrôle de la société Apollonia, sans atteindre donc le surplus de l'arrêt de la cour d'appel ;

Attendu que le rejet de la demande de sursis à statuer est donc définitif ;

Attendu qu'en toute hypothèse, les motifs de la cour d'appel de Nîmes restent d'actualité, et aucun élément nouveau n'est intervenu puisque il n'est pas contesté que l'établissement de crédit ne fait pas l'objet d'une mise en examen, que la présente cour n'est saisie d'aucun incident de faux, d'aucune demande de nullité du contrat de prêt, et que les manquements au devoir de conseil et de mise en garde allégués sont des fautes purement civiles ;

Attendu qu'à poursuivre l'examen des argumentations respectives, il est soutenu par les appelants tout d'abord un manquement du Crédit immobilier à ses obligations issues de sa convention avec Apollonia, ensuite une violation du statut d'intermédiaires en opérations de banque, avec violation de son obligation de contrôle par le Crédit immobilier, violation de son obligation d'être le seul décideur d'octroyer des prêts, et violation de son obligation d'envoyer lui-même des offres de prêt aux clients;

Attendu qu'il est absolument remarquable de constater, après une lecture exhaustive des conclusions du Crédit immobilier, qu'il n'est fait absolument aucune réponse à cet argumentaire, les seules mentions d'Apollonia dans les conclusions du Crédit immobilier étant en page quatre sa qualification de «partenaire avec différents groupes bancaires dont CIFFRAA », et sa qualification page 18 de « conseillère en gestion de patrimoine », ce qui objectivement est assez pauvre au niveau juridique ;

Attendu que même s'il appartient aux appelants de démontrer les manquements de la banque invoqués, dans ses rapports avec Apollonia, il n'en demeure pas moins qu'il n'est pas sérieusement contesté et il est justifié que cette société a été le seul intermédiaire dans l'octroi du crédit litigieux, et qu'il est pour le moins inattendu que le rôle de cette société soit évoqué de manière aussi succincte, sans aucune contestation des manquements soulevés ;

Attendu que la surprise n'est pas moindre, à la lecture du bordereau des pièces du Crédit immobilier, et à l'examen de ses pièces puisque celles en rapport avec l'affaire litigieuse se résument dans la copie exécutoire du prêt litigieux (pièce numéro un), dans la mise en demeure du 27 avril 2009 (pièce numéro deux), dans l'assignation initiale (pièce numéro quatre), dans l'extrait K/ bis de M. Y... (pièce numéro 19) et dans la fiche de renseignements bancaires du couple au moment de l'octroi du prêt (pièce numéro 20) ;

Attendu que le reste consiste dans une accumulation de jurisprudence, sans rapport direct avec l'espèce, sauf à oublier que la cour est saisie de la question des manquements de la banque dans ses rapports avec la société Apollonia, et de la violation de son obligation d'information et de mise en garde, et qu'elle ne peut trouver la réponse dans ces jurisprudences;

Attendu que s'agissant du prêt, sa teneur n'est pas contestée, pas plus que la matérialité de la mise en demeure ;

Attendu qu'en réalité, les deux seules pièces en rapport direct avec le litige sont les pièces numéro 19 et numéro 20, à savoir l'extrait K/ bis et la fiche de renseignements ;

Attendu que l'extrait K/bis est en réalité la seule pièce fournie à l'appui de l'argumentation selon laquelle les emprunteurs étaient avertis;

Mais attendu que ces emprunteurs travaillaient dans un laboratoire d'analyse biologique, sans aucun rapport avec le monde de l'investissement immobilier ou de la finance, et n'avaient aucune responsabilité dans une quelconque société civile immobilière, société civile ou commerciale ;

Attendu que l'inscription de M. Y..., concomitamment à la régularisation du prêt litigieux par acte authentique, en qualité de loueur en meublé professionnel démontre précisément que cette inscription a été faite pour les besoins de la cause, et dans le cadre d'une défiscalisation que les intéressés ne contestent pas avoir souhaitée, avec une date de commencement d'activité au 3 avril 2006, mais aussi précisément qu'auparavant, il n'avait aucune qualité permettant de le qualifier d'emprunteur averti, étant évident qu'il n'avait pas cette qualité lors de l'offre de prêt du 26 septembre 2005, acceptée le 10 octobre 2005 et lors de la réitération par acte authentique du 22 mars 2006;

Attendu que le prêteur oublie de qualifier le rôle de Mme Y..., pourtant co-emprunteuse ;

Attendu qu'au surplus, la logique est indivisible qui ne permet pas au Crédit immobilier de soutenir à la fois qu'il n'était pas au courant de l'empilement des crédits obtenus par les emprunteurs auprès d'autres banques, par le biais d'Apollonia, et aussi que les époux Y..., simples emprunteurs à leurs yeux d'un prêt immobilier, étaient nonobstant avertis, au simple motif qu'ils avaient les capacités intellectuelles « d'appréhender la situation et de mesurer la portée de leurs engagements », dans le cadre de la recherche d'un rapport locatif et de défiscalisation « s'adressant à une clientèle spécifique sur un marché restreint » , ce qui relève de la pure et simple affirmation et ne résulte certainement pas de l'ampleur et du nombre des opérations proposées par la société Apollonia, simple « partenaire avec différents groupes bancaires » toujours selon le Crédit immobilier;

Attendu qu'il suffit de se livrer à une lecture attentive des auditions des responsables du Crédit immobilier, dans le cadre de l'instruction pénale, pour établir que le Crédit immobilier s'intéressait avant tout aux capacités de remboursement des emprunteurs, ce qui est parfaitement logique mais ce qui n'a strictement aucun rapport avec la qualité d'emprunteur averti en matière de défiscalisation ;

Attendu que cette analyse s'impose d'autant plus que le crédit immobilier ne produit en réalité que la fiche de renseignements bancaires, en date du 15 septembre 2005, soit bien avant l'inscription précitée au K/bis, et que la question se pose par conséquent du dossier constitué à l'époque ;

Attendu qu'en effet, la cour imagine difficilement qu'il ne subsiste que cette pièce du dossier constitué par la banque, et qu'ainsi, sur la simple production de cette pièce, sans qu'il soit jugé utile de produire les éléments justificatifs recueillis à l'époque nécessairement par Apollonia, puisqu'il n'est pas contesté qu'aucun contact n'a eu lieu entre les emprunteurs et la banque, l'accord pour accorder le prêt a pu être obtenu ;

Attendu qu'à l'évidence, cette simple constatation objective oblige à retenir non seulement que le rôle prêté à Apollonia par les emprunteurs , avec défaillance du contrôle devant être exercé par la banque, n'est pas véritablement contesté au vu des conclusions du Crédit immobilier, mais surtout que toutes les pièces nécessairement fournies par Apollonia au Crédit immobilier, à l'appui de la demande de prêt, ne sont pas communiquées dans le présent débat, pour des raisons que la cour ignore mais qui ne laissent pas d'interroger;

Et attendu que les époux Y... produisent en pièce numéro deux la « convention 2001 » ayant lié de fait le Crédit immobilier et Apollonia, qui n'est pas commentée, et qui définit à tout le moins les modalités de présentation par cette dernière des clients demandeurs de financement immobilier, pour un montant minimum de 100000 fr., le Crédit immobilier restant seul juge en matière de décision d'octroi des crédits ;

Attendu qu'il est bien spécifié à l' article quatre que simultanément à l'envoi de l'offre de prêt aux clients, le Crédit immobilier adressera à Apollonia, un exemplaire des conditions particulières de chaque offre, le reste du contrat prévoyant les rémunérations prévues pour l'apporteur de clientèle, et le montant des frais de dossier ;

Attendu que cette convention est signée pour Apollonia par Viviane E..., directeur administratif et financier, et elle a été exécutée par le Crédit immobilier qui ne conteste pas que sur la période litigieuse de 2002 à 2007, un montant de commission avoisinante 2500000 € a été payé (pièce numéro trois non commentée) ;

Attendu qu'Apollonia était donc un intermédiaire habituel du banquier CIFFRA (le Crédit immobilier France développement vient aux droits du CIFRAA qui vient au droit du CIFFRA) , et il n'est pas répondu à la réglementation s'appliquant aux activités externalisés en vertu du règlement CRBF numéro 97-02 relatif au contrôle interne des établissements de crédit, avec ses articles 37-un et 37-deux;

Attendu que le Crédit immobilier ne pouvait confier l'externalisation de ces opérations de crédit vis-à-vis de sa clientèle qu'à une entité agréée par l'autorité des marchés financiers, dès lors qu'il n'est pas contesté qu'il s'agissait de prestations participant de façon substantielle à des décisions engageant l'entreprise vis-à-vis de sa clientèle;

Attendu que tel n'était pas le cas de la société Apollonia , puisque le Crédit immobilier s'est contenté de sa qualité de partenaire et de conseil en gestion de patrimoine, sans autre précision à ses conclusions ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que la société Apollonia était en contact avec les promoteurs des projets proposés aux futurs emprunteurs, et avait donc vocation à percevoir des commissions à la fois de ces promoteurs et du banquier prêteur de deniers , avec un conflit d'intérêts évident et parfaitement prévisible qui s'est traduit par un empilement de crédits pour de nombreux emprunteurs ;

Attendu qu'à l'évidence, l'article 10 de la convention précitée est restée lettre morte, par lequel Apollonia déclare avoir une parfaite connaissance de toutes les lois qui régissent sa mission et s'engage à les respecter scrupuleusement sans que la responsabilité du banquier puisse être engagée ;

Attendu qu'en toute hypothèse, l'établissement de crédit reste responsable des obligations qui lui incombent vis-à-vis des emprunteurs, même en cas d'externalisation, et doit par conséquent vérifier les demandes de financement transmises par son intermédiaire, et exercer un contrôle effectif sur son intermédiaire ;

Attendu qu'en l'espèce, et sauf à éluder le caractère unique de la pièce transmise par le Crédit immobilier, à savoir la fiche de renseignements, et le détail des auditions dans le cadre de l'instruction pénale, il est suffisamment démontré que l'établissement de crédit n'a pas eu de contact direct avec les emprunteurs pour vérifier les informations transmises, et n'a donc procédé à aucune information et aucune mise en garde, y compris par le biais de son intermédiaire dont elle ne détaille pas les éléments transmis (à moins qu'il ne s'agisse que de la seule fiche de renseignements, ce dont on conviendra que c'est très peu ') ou les diligences en la matière ;

Attendu qu'au surplus, il n'est pas contesté et il résulte de l'information pénale et des auditions régulièrement communiquées dans le présent débat, que le Crédit immobilier a confié à Apollonia la transmission des offres de prêt ;

Attendu que la cour, sans avoir la cruauté de se référer aux déclarations des lampiste, à savoir les employés de la banque, constate que n'est pas commenté l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 6 décembre 2012, où il est noté que Joseph G... , « directeur financier jusqu'en 2003 chargé notamment du contrôle de gestion, puis directeur jusqu'en juillet 2008 de l'agence régionale CIFFRA de Lyon, admettait qu'au nom de la performance et compte tenu de l'importance de l'apporteur d'affaires qu'était Apollonia, CIFFRA n'avait exercé qu'un contrôle insuffisant sur les dossiers traités avec cette société. Il admettait que le contrôle financier était difficile dans la mesure où les relevés de compte des clients n'étaient pas produits dans les dossiers, ou manifestement volontairement tronqués ou falsifiés, et qu'il se limitait donc aux avis d'imposition et à un bilan à partir de la fiche de

renseignements bancaires. De même, comme il le reconnaissait, il n'y avait pas du tout de contrôle effectué sur le retour des pièces, et notamment sur les dates et les enveloppes toutes compostées à la machine (ce qui exclut que les clients aient pu envoyer eux-mêmes les offres de prêt) qui aurait dû conduire à s'interroger sur la pratique d'Apollonia. La situation de l'apporteur d'affaires était dérogatoire par rapport à celle des autres apporteurs, en ce que, au contraire des pratiques d'ailleurs normales avec d'autres apporteurs d'affaires, l'original de l'offre de prêt n'était jamais envoyé au client, avec lequel il n'y avait aucun contact téléphonique, mais à Apollonia qui constituait les dossiers, se comportant comme un intermédiaire en opérations de banque, situation qui n'avait pas échappé à CIFFRA qui avait envisagé en 2006 de faire une convention d'intermédiaire en opérations de banque, mais devant la lourdeur de la mise en place du système y avait renoncé, préférant laisser perdurer le système. Joseph G... expliquait que tout le monde avait laissé faire alors que cette pratique avait été soulevée à plusieurs reprises au sein du CIFFRA, mais devant le volume d'affaires qu'Apollonia représentait, la décision collective avait été prise de continuer de cette façon d'autant que 74 % des biens et 79 % des clients d'Apollonia se trouvaient dans des départements qui n'appartenaient pas au périmètre de l'agence régionale concernée, créant pour celle-ci un volume d'activité conséquent ' » ;

Attendu que l'ensemble de ces éléments , corroborés à chaque fois lors des auditions pénales des employés de la banque, et obtenus à partir de la présentation de pièces dûment rassemblées par les officiers de police judiciaire, suffisent à établir, même en l'absence de mise en examen de la banque , qu'au plan civil cette dernière a manqué à ses obligations en matière d'externalisation de ses services de prêt immobilier , d'une part en ne faisant pas appel à un intermédiaire agréé par l'autorité des marchés financiers, d'autre part en ne se préoccupant pas des rapports d'Apollonia et des promoteurs , ensuite en n'ayant aucun rapport direct avec les emprunteurs à aucun stade, enfin en ne contrôlant en aucune manière les diligences de son apporteur d'affaires ;

Attendu que ce comportement fautif, auquel il n'est nullement contesté que les emprunteurs aient pu échapper à l'occasion du prêt litigieux, leur a fait perdre une chance d'un contrôle réel par le banquier des éléments fournis par l'apporteur d'affaires Apollonia, à l'occasion de la mise en oeuvre de son obligation d'information et de son obligation de mise en garde qui restait entière et dont le banquier était débiteur en toute hypothèse ;

Et attendu qu'à se référer à la seule pièce communiquée, à savoir la fiche de renseignements en pièce numéro 20, force est de constater que les seuls éléments indiqués sont des revenus mensuels du couple de 3007 €, avec un patrimoine d'une valeur estimée de 228673 €, et des placements de 14258 €;

Attendu qu'en présence de cette unique pièce, il faudrait admettre que le banquier a été convaincu que cela suffisait à supporter une charge d'emprunt que le banquier estime à 1529,77 euros par mois, et les emprunteurs à 1538 € par mois (page 35 de leurs conclusions : 18456 € par an ) ;

Attendu qu'à l'évidence, il s'agissait d'un engagement au titre du prêt représentant plus de 50 % des revenus, ce qui n'était envisageable qu'en fonction de revenus locatifs escomptés nets permettant d'envisager raisonnablement une telle charge ;

Attendu qu'à cet égard, le Crédit immobilier ne verse aucune pièce, et se contente de conclure qu'il « prend pour hypothèse, de manière conservatrice, des revenus locatifs à 50 % du montant des mensualités,[ qui] pouvaient être estimés à tout le moins à 764 € avant toute augmentation contractuelle de loyer» ;

Attendu que la cour ne discerne pas le rapport entre les mensualités du prêt et le revenu locatif escompté, même affecté d'une décote ;

Attendu que les emprunteurs estiment ce revenu locatif à 439 € par mois, soit 80 % des revenus escomptés de 6596 € par an, pour tenir compte des impôts fonciers et des charges de copropriété (page 35 de leurs conclusions) ;

Attendu que dans les deux cas, et à admettre que cette fiche de renseignements ne comporte aucune anomalie apparente, alors qu'elle mentionne des charges égales à zéro, et que par ailleurs la fiche d'imposition des intéressés (que l'apporteur d'affaires aurait dû recueillir et transmettre, la cour ignorant si cela a été le cas) mentionnait une pension alimentaire de 2439 € par an , la cour relève que la charge de remboursement du prêt pouvait être évaluée de façon optimale à 40 % des revenus réels et escomptés, et dans l'hypothèse des emprunteurs à 44 % ;

Attendu qu'il s'agit d'un taux dépassant les deux cas les taux habituellement admis de 30 %, sachant que le calcul du banquier tient pour acquis une rentabilité sans aléas pendant 20 ans, dont il est dit lui-même qu'elle n'arrivera qu'à compenser 50 % de la charge de l'emprunt ;

Attendu que la vacuité de son dossier, tel que communiqué dans le présent débat, interdit de retenir qu'il ait informé les emprunteurs sur les avantages de l'opération projetée, en termes de défiscalisation notamment, par rapport à l'aléa grevant les revenus escomptés de la location, sur une aussi longue période ;

Attendu que le ratio d'endettement, qu'il estime même dans le meilleur des cas 40 %, l'obligeait au-delà de cette information à une mise en garde ;

Attendu que la cour estime enfin que les fautes relevées ci-dessus dans la gestion des dossiers transmis par l'apporteur d'affaires ne

permettaient pas d'estimer comme suffisamment fiable la simple fiche de renseignements aujourd'hui transmise, la meilleure preuve en étant par exemple l'existence d'une pension alimentaire non négligeable, incompatible avec la mention de charges égales à zéro, alors même que le minimum de contrôle du banquier aurait dû l'amener à exiger, pour contrôler le montant des revenus déclarés, les feuilles d'imposition qui comportent la mention de cette pension, et que si tel a été le cas, il n'en a pas été tenu compte ;

Attendu que la cour estime en conclusion sur ce volet que l'absence totale d'information et de mise en garde à l'égard d'emprunteurs non avertis , est constitutive d'une faute qui s'ajoute à celle constituée par le recours à un apporteur d'affaires non agréé, n'ayant fait l'objet d'aucun contrôle de la part du banquier ;

Attendu que le dommage est constitué par la perte de chance de ne pas contracter, qui ne peut être relativisée par la situation actuelle des emprunteurs qui devraient démontrer qu'ils peuvent faire face au paiement de la créance (page 23 des conclusions du Crédit immobilier), ni par la frénésie immobilière reprochée aux emprunteurs;

Attendu qu'en effet, l'argumentation du Crédit immobilier est indivisible dont il résulte qu'il ne connaissait pas l'empilement des crédits, étant précisé qu'en toute hypothèse cette situation est d'abord la conséquence directe des agissements de l'apporteur d'affaires, facilitée par l'absence de contrôle du Crédit immobilier ci-dessus motivée ;

Attendu que cette perte de chance peut donc être estimée à 75 %, soit 166830 € (222440 × 75 % ), les emprunteurs opérant eux-mêmes la déduction de la valeur actuelle du bien acheté, qui n'est pas contestée à hauteur de 65000 € ;

Attendu que c'est donc une somme de 101830 € qui peut être allouée à titre de dommages-intérêts réparant cette perte de chance;

PAR CES MOTIFS, LA COUR statuant contradictoirement sur renvoi de cassation:

Tenant l'arrêt de la Cour de Cassation ;

Tenant le dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes qui n'a pas été cassé ;

Vidant l'assignation initiale ;

Réforme le jugement de premier ressort du tribunal de grande instance de Nîmes en date du 19 mars 2015 ;

Statuant à nouveau,

Déclare bien fondée la demande reconventionnelle des époux Y... ;

Condamne en conséquence le Crédit immobilier de France développement à leur payer à titre de dommages-intérêts la somme de 101830 €, avec intérêts au taux légal depuis l'assignation initiale ;

Condamne le Crédit immobilier de France développement aux dépens exposés devant la cour de renvoi, qui seront recouvrés au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile, outre le paiement aux époux Y... d'une somme de 5000 € au titre des frais inéquitablement exposés devant la cour de renvoi ;

Dit que les dépens exposés en premier ressort et en appel devant la cour de Nîmes seront partagés entre les parties, avec bénéfice pour chacune d'elles des dispositions de l'article 699 un du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

MM/GT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1° chambre b
Numéro d'arrêt : 18/00341
Date de la décision : 04/07/2018

Références :

Cour d'appel de Montpellier 1B, arrêt n°18/00341 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-07-04;18.00341 ?
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