Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2° chambre
ARRET DU 12 JUIN 2018
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04899
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 MARS 2015
TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEZIERS
N° RG 14/04887
APPELANT :
Monsieur Jacques X...
né le [...] à PARIS (75008)
de nationalité Française
Gang Damai N99 JALAN BRAWA BANJAR TANDEG
[...]
INDONESIE
représenté par la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assisté de Me Ketty LEROUX - Cabinet NAIM, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
INTIMES :
Monsieur Gilbert Y...
[...]
Assigné par procès-verbal de recherches infructueuses le 30/9/2015
Monsieur Yann Z...
C/O Mme Monique Z...
[...]
Assigné par procès-verbal de recherches infructueuses le 4/8/2015
SA CM-CIC FACTOR prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...]
représentée par Me Alexandre A..., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assistée de Me Jérémy NAPPEY, de la SELARL ROULOT, DROUOT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
S.A. DUMEZ SUD prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]
[...]
représentée par Me Arnaud B... de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER
Maître D... C... ès qualités de mandataire-liquidateur de la Société GROUPE AZUR ARMATURES
[...]
caducité partielle prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 17/09/2015
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 24 Avril 2018
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 MAI 2018, en audience publique, Madame Patricia GONZALEZ, conseiller ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :
Madame Laure BOURREL, président de chambre
Madame Brigitte OLIVE, conseiller
Madame Patricia GONZALEZ, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Hélène ALBESA
ARRET :
- par défaut
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Madame Laure BOURREL, Président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSE DU LITIGE
La SA CM-CIC Factor, anciennement dénommée Factotic, fait valoir qu'elle a été subrogée dans les droits de la société Groupe Azur Armatures au titre d'une créance cédée d'un montant global de 420.047,37 euros qui correspondrait à 31 factures émises entre le 14 juin 2010 et le 16 août 2010 à l'ordre de la SA Dumez Sud mais à leur échéance, cette dernière s'est opposée à leur paiement en soutenant que les factures étaient dépourvues de cause faute de livraison des marchandises vendues. Elle soutenait que des justificatifs produits étaient des faux, un tampon commercial lui ayant été dérobé fin juin 2010 et utilisé ensuite, et que des signatures étaient inconnues.
Par acte d'huissier du 7 février 2013, la société CM-CIC Factor a en conséquence fait assigner la société Dumez Sud devant le tribunal de commerce de Montpellier pour obtenir le paiement de sa quittance subrogatoire de 420.047,37 euros outre intérêts au taux légal ; cette juridiction s'est déclarée incompétente territorialement au profit du tribunal de commerce de Béziers par jugement du 12 juillet 2013.
Par ailleurs, des prestations surfacturées ont été mises en exergue dans le cadre d'une procédure pénale et ont conduit à la condamnation de plusieurs personnes dont M. Jacques X..., gérant de la société Donzère Armatures et détenant 50 % du capital social, M. Yann Z... et M. Gilbert Y..., par jugement du tribunal correctionnel de Valence du 22 octobre 2013, devenu définitif.
La société Dumez Sud qui s'était portée partie civile a obtenu l'indemnisation de son préjudice moral par MM. Z... et Y... mais sa demande en réparation du préjudice matériel à hauteur de 420.047,37 euros correspondant à la somme réclamée par la société CM-CIC Factor a été rejetée.
Cette dernière société a fait assigner devant le tribunal de commerce de Béziers MM. Y..., Z... et X..., aux fins de condamnation solidaire au paiement de fausses factures tout en maintenant sa demande contre la société Dumez Sud. Elle a également fait assigner Maître C... de Carrière pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Groupe Azur Armatures.
Un jugement réputé contradictoire du tribunal de commerce de Béziers du 23 mars 2015 a principalement :
- pris acte de ce que la SA CM-CIC Factor était subrogée dans les droits de créance détenus par la société Groupe Azur Armatures à l'encontre de la SA Dumez Sud à hauteur de la somme de 420.047,37 euros,
- relevé que ces factures ne pouvaient permettre de justifier une créance certaine, liquide et exigible, même pour un créancier subrogé,
- arrêté la somme due par la société Dumez Sud au titre des prestations dûment réalisées par la société par la société Groupe Azur Armatures à la somme de 34.122,97 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2012,
- débouté la société Dumez Sud de son exception de compensation,
- condamné la société Dumez Sud au paiement des prestations réellement effectuées par la société Groupe Azur Armatures à la somme de 34.122,97 euros TTC outre intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2012,
- condamné solidairement MM. X..., Z... et Y... à payer à la société CM-CIC Factor la somme de 385.924,40 euros au titre de la surfacturation outre intérêts au taux légal à compter du 16 août 2010 à titre de dommages intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné les défendeurs solidairement aux dépens,
- rejeté les autres demandes des parties.
M. X... a relevé appel total de cette décision par déclaration du 30 juin 2015.
M. X... s'est désisté de son appel à l'encontre du seul mandataire judiciaire liquidateur de la société Groupe Azur Armatures selon ordonnance du 17 septembre 2015.
Par arrêt du 13 juin 2017, la cour d'appel de Montpellier, statuant par défaut, a :
- Vu l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme, les articles 6, 8, 9, 13, 16, 478, 643, 659 du code de procédure civile, 1134, 1250-1°, 1315 et 1382 du code civil,
- rejeté la demande de M. X... tendant à voir déclarer non avenu le jugement du tribunal de commerce de Béziers rendu le 23 mars 2015, à voir annuler ce jugement, l'assignation lui ayant été délivrée le 30 juin 2014 comme la signification lui a été délivrée le 4 mai 2015,
- déclaré recevable l'appel diligenté le 30 juin 2015 par M. X...,
- avant dire droit sur les demandes de la société CM-CIC Factor,
- renvoyé l'affaire à la mise en état,
- enjoint aux parties de conclure sur les conséquences juridiques à tirer du défaut d'indication de date de subrogation sur 26 des 28 quittances subrogatives produites par la société CM-CIC Factor à l'appui de ses demandes de condamnation (pièces 5 à 32 sauf les numéros 25 et 31) et sur l'absence de signature et de tampon commercial du subrogeant sur les autres quittances (pièces 25 et 31) dans le délai de deux mois de la présente décision,
- dit qu'à défaut de conclure dans le délai imparti, l'affaire pourra être radiée d'office par le magistrat de la mise en état,
- réservé tous autres droits et moyens des parties ainsi que les dépens en fin d'instance.
La procédure a été clôturée le 24 avril 2018.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 août 2017 reprenant en intégralité les écritures du 16 mars 2017, auxquelles il est référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, M. X... demande à la Cour de :
- dire qu'il a été privé du droit au double degré de juridiction, n'ayant pas été valablement touché par l'assignation à comparaître devant le tribunal de commerce,
- à titre principal,
- constater que le jugement du tribunal de commerce de Béziers du 23 mars 2015 est non avenu faute d'avoir été signifié dans les six mois de sa date,
- déclarer nulles les quittances subrogatives ne comportant pas de signature,
- déclarer nulles les quittances subrogatives ne comportant pas de date,
- à titre subsidiaire,
- constater que le jugement du tribunal de commerce de Béziers du 23 mars 2015 est nul du fait de l'irrégularité du processus de signification de l'assignation et du jugement,
- à titre plus subsidiaire,
- constater qu'il habite en Indonésie depuis 2012 et qu'il bénéficie du délai de distance prévu par l'article 643 alinéa 3 du code de procédure civile,
- à titre infiniment subsidiaire,
- infirmer le jugement,
- constater qu'il n'était ni dirigeant de droit et de fait, ni associé de la société Groupe Azur Armatures avec qui CM-CIC-Factor avait contracté,
- constater qu'il a été relaxé des chefs d'escroquerie concernant la société Groupe Azur Armatures,
- constater l'absence de faute commise par lui,
- constater l'autorité de la chose jugée sur les faits en lien avec le préjudice de CM-CIC-Factor, la relaxe du concluant n'étant pas fondée sur une faute non intentionnelle,
- en tout état de cause,
- débouter les intimés de l'intégralité de leurs demandes,
- condamner la société CM-CIC-Factor à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur la validité des quittances subrogatives, il fait valoir que la signature du subrogeant est déterminante et obligatoire, qu'elle doit être consentie en même temps que le paiement et non postérieurement, qu'elle est nulle sinon, ce qui est le cas des quittances ne comportant pas de date.
Il soutient que :
- il s'est laissé convaincre par M. Z... pour créer Donzère Armatures,
- il ne connaissait rien à la fabrication et à la commercialisation d'armatures, M. Z... était gérant de fait, qui effectuait les démarches et était l'interlocuteur de la banque, qu'il imitait la signature du concluant sur des chèques,
- il est rapidement sorti de la société le 19 mars 2010 au bout de trois mois et n'a perçu aucune rémunération, ni distribution de dividende, la société a finalement été liquidée en juin 2012,
- son rôle dans la société Groupe Azur Armatures s'est limité à rédiger les statuts, préparer un prévisionnel d'exploitation, assister au premier rendez-vous chez Factor et effectuer des démarches d'ouverture de ligne téléphonique,
- il n'a pas connu les bons de commande falsifiés, il a été relaxé du chef d'escroqueries, l'existence du découvert bancaire était insuffisant à caractériser une infraction, il n'était ni gérant de droit ni de fait, les bons n'ont été falsifiés qu'à compter de juillet 2010,
- il a été condamné pour avoir dilapidé les fonds et la trésorerie de Donzère Armatures, et en remettant à M. Z... des chèques en blanc, il n'a pas commis d'abus de biens sociaux contre Groupe Azur Armatures,
- la condamnation pour abus de biens sociaux n'est pas en relation avec le préjudice de l'affactureur,
- seule Groupe Azur Armatures a reçu des fonds de l'affactureur, il n'a pas été condamné par le tribunal correctionnel à réparer le préjudice de Dumez Sud, il y a autorité de la chose jugée, il n'y a pas de lien de causalité entre sa prétendue faute et le préjudice allégué.
* * *
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 octobre 2017, auxquelles il est référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la société Dumez Sud demande à la Cour, au visa des articles de :
- à titre principal,
- relever que 26 quittances subrogatives produites par la société CM-CIC Factor ne sont pas datées ni signées par le Groupe Azur Armatures,
- relever que la société CM-CIC Factor est défaillante dans la preuve d'une manifestation de l'intention du Groupe Azur Armatures de la subroger dans ses droits, préalablement aux paiements intervenus,
- dire qu'en conséquence la preuve de la concomitance entre les quittances subrogatives et les paiements effectués par CM-CIC Factor n'est pas rapportée,
- dire que la subrogation conventionnelle alléguée par CM-CIC Factor est inopposable à la concluante,
- dire que CM-CIC Factor est dépourvue de qualité à agir et la débouter intégralement de ses demandes,
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Béziers en ce qu'il a reconnu la subrogation intervenue entre le Groupe Azur Armatures et CM-CIC Factor,
- à titre subsidiaire,
- relever que l'ensemble des factures produites par la société CM-CIC Factor sont des faux et ne correspondent nullement à la réalité des prestations fournies par Groupe Azur Armatures à la concluante,
- relever en conséquence que ces factures ne peuvent permettre de justifier une créance liquide, exigible et exigible même pour un créancier subrogé,
- relever que la concluante a recalculé les droits de la société Groupe Azur Armatures à partir des lettres de voiture et des bons de livraison non falsifiés en lien avec les fournitures d'acier,
- confirmer en conséquence la décision dont appel en ce qu'elle a reconnu que la créance de CM-CIC-Factor à l'encontre de la concluante ne pouvait être limitée qu'à la somme de 34.122,97 euros TTC,
- relever que la société Groupe Azur Armatures n'a pas rempli ses obligations, qu'après compensation des créances connexes la concluante justifie ne devoir aucune somme à Groupe Azur Armatures et donc au créancier subrogé,
- rejeter en conséquence toute prétention de CM-CIC-Factor à son encontre,
- infirmer en conséquence la décision dont appel pour avoir rejeté les exceptions d'inexécution opposées par la concluante à son cocontractant,
- vu la décision rendue par le juge pénal, relever la confusion entretenue du patrimoine de Groupe Azur Armatures et de Donzère Armatures par MM. X..., Y... et Z..., qu'ils ont participé à l'escroquerie consistant en la falsification des quantités d'acier produits et livrés à la concluante comme en leur surfacturation, que ces manquements sont à l'origine des réclamations infondées diligentées par CM-CIC-Factor et des préjudices subis par la concluante en lien avec la non terminaison du contrat et des ruptures d'approvisionnement,
- constater qu'ils sont à l'origine non seulement des frais de transport non assumés par la concluante mais également des conséquences des ruptures d'approvisionnement en acier du chantier en terme d'immobilisation des moyens comme aux conséquences de la reprise du contrat de fourniture par un nouveau prestataire à des conditions distinctes,
- infirmer la décision dont appel en ce qu'elle a rejeté ses recours contre MM. X..., Y... et Z... et les condamner solidairement à la garantir de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre au bénéfice de la société CM-CIC-Factor,
- condamner les mêmes au paiement de la somme résiduelle de 34.446 euros HT TVA en sus, en lien avec le préjudice découlant de la non terminaison du contrat de fourniture par Groupe Azur Armatures au bénéfice de la concluante,
- condamner la société CM-CIC-Facor au paiement de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.
Sur les quittances subrogatives, elle fait valoir que :
- le garant de Groupe Azur Armatures lui a dérobé un tampon encreur pour établir de fausses factures et de faux bons de livraison, ces éléments ont été établis lors de l'enquête pénale,
- elle a toujours tenu au courant la société d'affacturage de la procédure pénale, et lui a transmis les pièces permettant d'établir la réalité des créances cédées,
- CM-CIC-Factor est dépourvue de qualité à agir à son encontre faute de concomitance entre paiement et subrogation, à défaut de date,
- il n'existe aucune preuve d'une subrogation antérieure préalable au paiement, les bordereaux de remise de factures ne sont pas datés et il n'existe aucune convention d'affacturage,
- les quittances sont nulles et la subrogation conventionnelle inopposable,
- deux quittances n'ont en outre pas de signature du subrogeant, alors que la subrogation doit être expresse,
- les prétentions sont fantaisistes, l'affactureur ne peut recevoir plus de droits que ceux connus par son auteur à l'encontre du débiteur cédé, les exceptions inhérentes à la dette sont toujours opposables ; or, la procédure pénale révèle le caractère fantaisiste des tonnages inscrits sur les bordereaux de livraison sans lien avec les matériaux fournis, la capacité de l'entreprise et les besoins des clients, les tonnages facturés sont aberrants,
- elle a été de bonne foi et a entrepris un travail fastidieux pour établir la créance en lien avec les prestations effectuées et non encore réglées, mais cette créance n'est pas mobilisable en raison de la compensation,
- le calcul de la société CM-CIC-Factor ne peut être reçu,
- elle détient une créance de dommages intérêts envers Groupe Azur Armatures, du fait de manquements contractuels, ces créances comportent un lien de connexité puisqu'elles découlent toutes les deux de l'exécution de la convention de fourniture de matériel,
- la prestation de transport ne lui incombait pas, elle peut opposer la refacturation des frais de transport, soit 6.600 euros HT,
- elle a subi un préjudice d'immobilisation en lien avec l'absence de livraison, soit une perte de productivité de deux personnes à hauteur de 50 % et une partie du matériel en lien avec les personnes en cause, soit un total de 12.075 euros HT, et pour les retard de livraison 17.950 euros HT,
- elle a subi un surcoût du fait de la fabrication par un concurrent à un prix non négocié pour 24.531,91 euros HT,
- la somme des préjudices est supérieure à sa créance, la créance déclarée n'a pas été contestée par le liquidateur.
Sur la condamnation civile de M. X..., elle fait valoir que :
- S'il n'a pas été condamné pour escroquerie, il s'est rendu coupable d'une faute détachable de ses fonctions de gérant justifiant sa mise en cause,
- il était associé fondateur et gérant des sociétés Donzère Armatures et Groupe Azur Armatures et il a transmis à la société d'affacturage les factures qu'il a éditées lui-même après réception de bons de livraison qu'il savait frauduleux ; il ne s'est pas opposé aux pratiques de M. Z... et il en a profité, prêtant son concours à des pratiques très éloignées de ce que l'on peut attendre d'un dirigeant d'entreprise,
- il s'est chargé des démarches administratives et juridiques de ces deux sociétés ; il ne pouvait connaître les démarches délictueuses de M. Z... pour en reporter les termes à la société d'affacturage malgré la discordance entre l'activité annoncée et l'activité réelle des sociétés qu'il dirigeait,
- le tribunal de Valence a déjà reconnu la création de Groupe Azur Armatures par MM. X... et Z... associés de Donzère Armatures, pour assurer les fournisseurs impayés, le rôle clé de M. Z..., dirigeant des deux structures, a été souligné, il a mis en oeuvre tous les moyens nécessaires à la confusion d'un lien juridique entre les deux sociétés pour détourner les actifs de Donzère Armatures, M. Y... connaissait le caractère fictif des quantités portées sur les bons de livraison,
- M. X... a reconnu avoir rédigé les statuts de Groupe Azur Armatures, établi le provisionnel de la société, avoir participé à la mise en place de la relation d'affacturage et avoir su les falsifications, il a été condamné pour abus de biens sociaux,
- M. Z... a été le principal instigateur, principal animateur de l'escroquerie, associé fondateur de Donzère Armatures dirigeant de fait des deux sociétés.
* * *
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 novembre 2017, auxquelles il est référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la société CM-CIC-Factor demande à la Cour, au visa des articles de :
- déclarer M. X... irrecevable et à défaut infondé en son appel,
- débouter M. X... de l'ensemble de ses prétentions,
- débouter la société Dumez Sud de l'ensemble de ses prétentions,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception de compensation soulevée par la société Dumez Sud,
- confirmer le jugement entrepris quant au principe, mais non au quantum, d'une condamnation solidaire de MM. X..., Y... et Z... à régler à titre de dommages intérêts les sommes non mises à la charge de la société Dumez Sud,
- sur appel incident,
- infirmer la répartition des condamnations intervenues à l'encontre de la société Dumez Sud et de MM. X..., Z... et Y...,
- statuant à nouveau,
- prendre acte de ce que la concluante a été subrogée dans les droits de créance détenus par la société Groupe Azur Armatures à l'encontre de la société Dumez Sud à hauteur de 420.047,37 euros,
- condamner la société Dumez Sud à lui payer la somme en principal de 300.047,37 euros correspondant à la partie des prestations effectivement réalisées par Groupe Azur Armatures au titre des factures objet de la présente procédure (en cumul 420.047,37 euros) majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2012 (dernière date d'échéance des créances objet de la subrogation intervenue au profit du factor) et jusqu'à complet paiement,
- condamner solidairement MM. X..., Y... et Z... à lui payer à titre de dommages intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil en vigueur au moment des faits et depuis 1240 du code civil les sommes non mises à la charge de la société Dumez Sud par l'arrêt à intervenir, s'agissant de surfacturations, majorées des intérêts au taux légal à compter du 16 août 2010 (dernière date d'émission des créances objets des subrogations intervenues au profit du factor) et jusqu'à complet paiement,
- en tout état de cause, condamner solidairement la société Dumez, MM. X..., Y... et Z... à lui payer la somme de 14.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre tous dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile.
Sur les quittances subrogatives, elle fait valoir que :
- de droit constant, la production de la quittance subrogative et du relevé de compte courant suffit à démontrer l'existence de la subrogation conventionnelle, laquelle a opéré un transfert immédiat de créance ; en l'espèce, la quittance subrogative démontre la volonté de Groupe Azur Armatures de la subroger et les relevés de compte prouvent les paiements,
- aucune règle légale n'impose que les créances soient datées, il n'y a pas à satisfaire aux conditions de l'article 1328 ancien du code civil et la date peut être établie par tout moyen de preuve,
- pour la Cour de cassation, la condition de concomitance est remplie lorsque le subrogeant a manifesté expressément fût-ce dans un document antérieur, sa volonté de subrogation, à l'instant même du paiement,
- le subrogeant a reconnu en première page de chaque quittance recevoir paiement par inscription au crédit du compte, chaque facture comporte une mention subrogatoire, 'pour être libératoire, le règlement de cette facture doit être effectué à l'ordre de Factocic qui le reçoit par subrogation devra être avisé de toute réclamation relative à cette créance',
- le subrogeant a complété la liste des créances annexées à chaque quittance en y détaillant les caractéristiques essentielles de chaque créance transférée, complété la première page de la quittance grâce aux informations contenues dans la liste des créances annexées et annexé à la quittance l'ensemble des factures correspondant aux créances qu'il souhaitait transférer, les paiements subrogatoires ont été effectués sur la foi de ces éléments ; les paiements n'auraient pu être effectués sans les éléments des quittances,
- sur les quittances 25 et 31, il n'est pas nécessaire, de droit constant, que la quittance soit signée ou tamponnée par le subrogeant, la preuve de l'intention du subrogeant peut être rapportée par tout moyen, et en l'espèce, il y a la mention subrogatoire sur les factures et la chronologie des faits confirme que le subrogeant a nécessairement exprimé son intention de subrogation et le transfert de créance est porté à la connaissance du débiteur cédé.
Sur les arguments de la société Dumez Sud, elle fait valoir que :
- elle a été avisée tardivement du caractère frauduleux des créances en cause, et la société Dumez Sud s'est d'abord prévalue de factures non causées alors qu'elle avait payé des sous-traitants, et qu'elle a fait valoir ensuite des surfacturations partielles ; elle se prévaut de sa propre turpitude,
- le procès-verbal d'investigations (pièce 7 adverse) fait apparaître que 4 factures sont exclues de la liste des surfacturations pour 41.348,58 euros, et pour les autres factures, la surfacturation doit être quantifiée,
- le quantum avancé par la société Dumez Sud est discutable, elle concerne 1320 tonnes d'armatures, soit un total de 120.000 euros sur des factures de 378.698,79 euros,
- sur la compensation, celle-ci ne peut se produire au préjudice des droits acquis d'un tiers et ces créances doivent être certaines, liquides et exigibles et réciproques avant subrogation,
- la production de créance n'établit pas son bien fondé ni son opposabilité, la société Dumez Sud excipe d'un contrat non signé avec Donzère Armatures, concernant le transport, des créances sont inopposables ; l'immobilisation des ouvriers n'est pas justifiée et ses factures sont fantaisistes, les surcoûts ne sont pas justifiés alors que la société a été en liquidation judiciaire le 6 octobre 2010.
Sur son préjudice, elle affirme que :
- les deux sociétés en cause étaient intimement liées, et M. X... était associé fondateur et gérant de droit de Donzère Armatures, il a avoué lors de l'instruction avoir effectué certaines tâches pour l'autre société, dont la convention d'affacturage, il savait que les quantités étaient falsifiées mais il a accepté le paiement, il a remis des chèques en blanc et par son attitude, il a contribué au préjudice de la concluante, il ne communique pas ses interrogatoires, il a profité des surfacturations.
MM. Y... et Z... n'ont pas constitué avocat.
Les conclusions des autres parties leur ont été notifiées en vertu de l'article 659 du code de procédure civile respectivement les 23 novembre 2015 et 12 novembre 2015 par CM-CIC-Factor, les 30 septembre 2015 et 22 septembre 2015 par l'appelant et le 6 février 2018 pour la société Dumez Sud.
MOTIFS DE LA DECISION
De manière liminaire, la cour relève que malgré l'arrêt du 13 juin 2017 ayant tranché les exceptions de procédure, les parties qui n'ont pas totalement réactualisé leurs dernières écritures reprennent leurs prétentions à ce titre.
Compte tenu de la décision précédente, la cour n'est plus saisie que du fond du litige qui est seul examiné dans le cadre du présent arrêt.
Sur les prétentions de la société CM-CIC-Factor
Il résulte des éléments du dossier que :
- la Sarl Donzère Armatures dont le gérant était M. Z... a été chargée de fournir à la société Dumez Sud agence du Gard à Nîmes un lot d'armatures BA destinées à la reconstruction d'un hôpital de soins au Grau du Roi suivant commande acceptée n° 6629-001 du 15 avril 2010. Les prix unitaires étaient fixés mais pas la quantité exacte de produits devant être livrés entre le 26 avril 2010 et le 28 février 2011 selon une cadence de 75 tonnes par mois les premiers mois (pièce 1 page 7).
- la relation commerciale a été étendue de fait à la société Groupe Azur Armatures constituée entre certains mêmes associés que Donzère Armatures et qui a participé à l'exécution de la convention de fourniture d'armatures métalliques en étant substituée à Donzère Armatures, mais sans rédaction d'un avenant écrit,
- la société Groupe Azur Armatures a en conséquence facturé seule la fourniture des armatures métalliques et a signé des quittances subrogatives se rapportant à ses créances à la société d'affacturage Factotic, aujourd'hui CM-CIC-Factor,
- la société Groupe Azur Armatures a été placée en liquidation judiciaire de biens par jugement du tribunal de commerce de Marseille du 6 octobre 2010 et la société Dumez Sud a formé une déclaration de créance entre les mains du liquidateur Maître C... de Carrière à hauteur de 73.263,64 euros correspondant à des refacturations de coûts de transport des armatures par l'entreprise Jardel entre le 14 mai et le 27 août 2010 et des dommages intérêts indemnisant des retards de livraison des armatures sur le chantier du Grau du Roi puis l'abandon de la fourniture de ce chantier. Il était indiqué que sur 250.000 kg d'armatures commandées, il n'avait été livré que 61.293 kg à la date du 24 septembre 2010,
- les facturations de vente ont été établies par la société Groupe Azur Armatures au nom de la société Dumez Sud et les factures ont fait l'objet de cessions de créances auprès de la société Factotic qui a produit la liste détaillée de 31 factures émises entre
le 14 juin 2010 et le 16 août 2010 venant à échéance entre le 30 juillet 2010 et le 30 octobre 2010 pour un total de 420.047,37 euros TTC.
La société CM-CIC-Factor a produit aux débats 28 documents dénommés quittances subrogatives (pièces 5 à 32).
26 quittances subrogatives ont été signées par Groupe Azur Armatures lors de la cession de créance mais n'ont pas été datées.
Les deux dernières quittances (quittances 13 et 28, pièces 25 et 31) n'ont pas été remplies, datées et signées mais la société CM-CIC-Factor les associait cependant à des factures de Groupe Azur Armatures (facture F280710 du 28 juillet 2010 de 31.385,67 euros et facture F130810 du 13 août 2010 de 25.804,54 euros).
La cour rappelle que la subrogation conventionnelle prévue par l'article 1250-1° ancien du code civil et applicable à la cause compte tenu de la date de la convention des parties, intervient lorsque le créancier recevant son paiement d'une tierce personne la subroge dans ses droits contre le débiteur, ladite subrogation devant être expresse et concomitante au paiement. La subrogation opère alors sans que n'intervienne le débiteur cédé et lui est opposable.
La quittance subrogative ne fait pas la preuve par elle-même de la concomitance de la subrogation et du paiement, la preuve en incombant au subrogé.
C'est donc à tort que la société CM-CIC-Factor prétend que la production de la quittance subrogative et du relevé de compte courant suffit à démontrer l'existence de la subrogation conventionnelle, ce qui ne répond pas aux conditions du texte susvisé.
Les quittances produites par la société CM-CIC-Factor ne donnent pas la date à laquelle elle ont été établies ; seul le paiement de la somme concernée est connu au vu de la production d'un relevé d'un compte courant spécial sans numéro bancaire ouvert dans les livres de la société d'affacturage qui indiquent les dates des virements effectués au créancier subrogeant pour les montants correspondants aux diverses factures cédées.
La cour a souligné dans sa décision précédente que la date à laquelle les quittances ont été signées par le représentant de la société Groupe Azur Armatures ne résultait pas de ces éléments, de sorte que la concomitance n'était pas établie, ce qui était de nature à entraîner la nullité des subrogations en cause. Elle a également relevé qu'il n'était pas démontré qu'il existait entre les deux sociétés une convention d'affacturage antérieure aux paiements constatés et prévoyant que la subrogation conventionnelle opérerait pour une ou plusieurs des factures lors
de leur paiement par le factor. Elle a ajouté que la date de chaque subrogation était un élément d'appréciation du bien fondé de la compensation de créances invoqué par Dumez Sud.
Force est de constater que malgré la réouverture des débats, aucune pièce nouvelle et déterminante n'est produite par la société CM-CIC-Factor pour démontrer tant la concomitance susvisée que l'existence d'une convention d'affacturage antérieure aux paiements et prévoyant la subrogation conventionnelle pour une ou plusieurs factures.
La seule mention sur certaines des factures ne comportant aucune signature de ce que le règlement est effectué au factor qui reçoit paiement par subrogation ne constitue pas la convention susvisée.
La société CM-CIC-Factor est dès lors défaillante à démontrer être subrogée dans les droits de la société Groupe Azur Armatures.
Elle n'a donc pas qualité pour demander paiement des factures, ne serait ce que pour la partie des travaux non contestés par la société Dumez Sud. Elle ne peut non plus pour les mêmes motifs arguer d'une préjudice né d'une surfacturation fautive à l'encontre de M. X....
En conséquence, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a constaté cette subrogation, condamné la société Dumez Sud au paiement de la somme de 34.122,97 euros outre intérêts et M. X... au paiement de la somme de 385.924,40 euros à titre de dommages intérêts, in solidum avec MM. Z... et Y....
La société CM-CIC-Factor est donc déboutée de ses prétentions à l'encontre de la société Dumez Sud et de M. X....
Seuls MM. Z... et Y... qui n'ont pas fait appel de la décision déférée restent condamnés à paiement envers la société CM-CIC-Factor pour les sommes mises à leur charge par le jugement de première instance.
La société CM-CIC-Factor est par contre déboutée du surplus de sa demande à leur encontre (pour les sommes non mises à la charge de la société Dumez Sud) faute de subrogation.
Compte tenu de la décision rendue, la demande de compensation présentée par la société Dumez Sud est sans objet.
Sur les actions en garantie
La société CM-CIC Factor n'ayant pas justifié de sa subrogation dans les droits de la société Groupe Azur Armatures et ayant été déboutée de ses demandes en paiement à l'encontre de la société Dumez Sud et M. X..., les appels en garantie de la société Dumez Sud sont dès lors sans objet.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société CM-CIC-Factor qui succombe sur l'ensemble de ses prétentions en appel supportera les dépens d'appel. Elle versera à chacun de ses adversaires constitués la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens de première instance restent à la seule charge de MM. Z... et Y....
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par décision par défaut, en dernier ressort,
Constate que la cour n'est plus saisie des exceptions de procédure tranchées par l'arrêt du 13 juin 2017.
Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Béziers le 23 mars 2015 sauf en ce qu'il a condamné solidairement MM. Z... et Y... à payer à la société CIC-CM-Factor la somme de 385.924,40 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 août 2010 et aux dépens.
Statuant à nouveau sur les autres chefs,
Dit que la société CM-CIC-Factor ne justifie pas de la subrogation conventionnelle qu'elle allègue.
Déboute la société CM-CIC-Factor de l'ensemble de ses prétentions à l'encontre de la société Dumez Sud et de M. X....
Déboute la société CM-CIC-Factor de sa demande en paiement à l'encontre de MM. Z... et Y... au titre des sommes non mises à la charge de la société Dumez Sud.
Dit que les appels en garantie de la société Dumez Sud sont sans objet.
Condamne la SA CM-CIC-Factor à payer à la société Dumez Sud et à M. X..., chacun, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la Sa CM-CIC-Factor aux dépens d'appel.
Le GREFFIERLe PRESIDENT
PG