La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/05/2018 | FRANCE | N°18/00126

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 30 mai 2018, 18/00126


JONCTION AVEC RG 18/00126












SD/GLCOUR D'APPEL DE MONTPELLIER4ème A chambre sociale


ARRÊT DU 30 Mai 2018




Numéro d'inscription au répertoire général : 17/05078


ARRÊT no


Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 FEVRIER 2015 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEZIERS
No RGF13/00050




APPELANT :


Monsieur [N] [C]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentant : Me Anne BIALEK, avocat au barreau de BEZIERS






INTIMEE

:


SA LA REGALADE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentant : Me Gérald ENSENAT substituant Me Aziza BATAL-GROSCLAUDE, avocat au barreau de BEZIERS




COMPOSITION DE LA COUR :


En applica...

JONCTION AVEC RG 18/00126

SD/GLCOUR D'APPEL DE MONTPELLIER4ème A chambre sociale

ARRÊT DU 30 Mai 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/05078

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 FEVRIER 2015 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEZIERS
No RGF13/00050

APPELANT :

Monsieur [N] [C]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentant : Me Anne BIALEK, avocat au barreau de BEZIERS

INTIMEE :

SA LA REGALADE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentant : Me Gérald ENSENAT substituant Me Aziza BATAL-GROSCLAUDE, avocat au barreau de BEZIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 AVRIL 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Georges LEROUX, Président de chambre, chargé(e) d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Georges LEROUX, Président de chambre
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller
Madame Sylvie ARMANDET, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRÊT :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure civile ;

- signé par M. Georges LEROUX, Président de chambre, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*
**

EXPOSE DU LITIGE:

Le 17 juillet 1974, Messieurs [C], [B] et [O] créaient la SA LA REGALADE qui exploitait un fonds de commerce de brasserie viennoiserie.

En 1981, les trois associés possédaient chacun 164 actions sur 1002.

M. [C] avait comme activité, celle de garçon de café salarié, suivant des bulletins de salaire de 1981, puis de directeur salarié, selon bulletins de salaire de 1982 et 1983.

En 1983, M. [C] et M. [B] possédaient 331 actions chacun tandis que M. [O] en avait 327.

Le 27 avril 1983, M. [C] et M. [O] étaient nommés administrateurs de la SA LA REGALADE.

Au 29 septembre 1984, M. [C] et M. [B] détenaient 829 actions chacun tandis que M. [O] avait 816 actions sur 2500.

En avril 1986, la brasserie de la SA LA REGALADE était donnée en location gérance à la SARL LE COCKTAIL dont M. [C] était le gérant. Chacun des trois associés détenaient 170 parts dans cette SARL.

En janvier 1988, un bulletin de salaire de la SA LA REGALADE était délivré à M. [C] en qualité de responsable commercial. Puis, des bulletins de salaire étaient établis en qualité de directeur général de la SA LA REGALADE pour la période de juillet à décembre 1990, pour la période de janvier 2011 à juin 2012 et pour la période de août à octobre 2012.

La location-gérance prenait en fin en juin 2010.

Par courrier du 17 septembre 2012, la SA LA REGALADE notifiait à M. [C] sa mise à pied conservatoire et le convoquait à un entretien préalable fixé au 26 septembre 2012.

Le 25 octobre 2012, la SA LA REGALADE notifiait à M. [C] son licenciement pour faute lourde.

Le 21 janvier 2013, M. [C] saisissait le Conseil des Prud'hommes de Béziers.

Dans le dispositif de son jugement du 16 février 2015, le Conseil des prud'hommes de Béziers "déboutait M. [C] de l'ensemble de ses demandes et l'invitait à mieux se pourvoir", la motivation du jugement visant l'incompétence du conseil

Le 27 février 2015, M. [C] interjetait appel de la décision.

Le 19 septembre 2017, M. [C] formait un contredit contre la même décision.

M. [C] sollicite la réformation du jugement et se prévalant d'une ancienneté depuis le 1er juillet 1981 soit 31 ans, qu'il soit jugé que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, que soit prononcée l'annulation de la mise à pied conservatoire ainsi que la condamnation de la SA LA REGALADE au paiement des sommes de :

- 128.376 ? à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
- 6 660,00 ? bruts
- 8 781,64 ? à titre d'arriérés de salaire pour la période de Juin à Décembre 2011.
- 6 205,30 ? à titre d'arriérés de salaire pour la période de Janvier à Mai 2012.
- 7 111,02 ? à titre d'arriérés de salaire pour la période de Juin, Juillet et Août 2012.
- 8 880 ? à titre d'indemnité compensatrice de préavis.
- 888 ? à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.

Il demande la remise des bulletins de salaire de Juin à Décembre 2011, et de Janvier à Août 2012, dûment rectifiés en conformité avec les termes de l'arrêt à intervenir dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt sous peine d'une astreinte de 150,00 ? par jour de retard pendant 3 mois passé ce délai.

Il demande que la Cour d'appel se réservera de liquider l'astreinte sur première requête du créancier.

et la somme de 2 000 ? au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.

In limine litis, M. [C] dit que le contredit formé le 19 septembre 2017 est recevable au motif que par notification du 17 février 2015, le greffe avait mentionné que la voie de recours ouverte à l'encontre du jugement attaqué était celle de l'appel.

M. [C] affirme la validité du cumul de son mandat social et de son contrat de travail au regard de l'antériorité de son contrat de travail, du caractère effectif de son emploi ainsi que de l'existence d'un lien de subordination.

Il produit notamment ses fiches de paie. M. [C] se base sur des attestations et la lettre de licenciement qui fait état d'heures de travail précis, de la mise en place d'une procédure disciplinaire à son encontre (mise à pied et licenciement).

Il fait également état de contrats de travail, de procédure d'embauche ou de chèques signés par M. [O] qu'il décrit comme être le seul à exercer la direction de l'entreprise.

M. [C] précise qu'il appartient à la société de prouver qu'elle avait mis fin à son contrat de travail lors de sa nomination en qualité de directeur général.

Il indique que la société n'apporte pas la preuve qu'il avait consenti à la réduction de sa rémunération.

Sur le caractère abusif du licenciement, M. [C] dit que la société ne caractérise pas l'intention de nuire qui découle d'une faute lourde et qu'en tout état de cause, elle ne produit aucun élément permettant de prouver l'existence des faits fautifs reprochés. Il indique également que la société ne produit pas les attestations dont elle fait pourtant mention dans la lettre de licenciement.

La SA LA REGALADE dans ses conclusions sur appel et sur contredit demande, sur la recevabilité des voies de recours, que :

- Soit prononcée l'irrecevabilité du contredit pour non-respect du délai de quinzaine et constaté que le contredit ne respecte pas les exigences de l'article 82 du Code de procédure civile en ce qu'il est dépourvu de toute motivation en fait et en droit,

- Soit déclaré irrecevable l'appel dans la mesure où le jugement ne s'est prononcé que sur la compétence sans statuer sur le fond du litige

- Si par impossible, la cour déclarait recevable l'appel, que le jugement déféré soit confirmé et le rejet des demandes adverses au motif que le conseil de prud'hommes et la cour d'appel ne sont compétents qu'en matière de litiges entre salariés et employeurs, et le renvoi de M. [C] à mieux se pourvoir devant le tribunal de commerce s'il le souhaite

A titre infiniment subsidiaire, qu'il soit dit n'y avoir lieu d'évoquer le fond et si la cour se déclarait compétente pour évoquer le fond du litige, le mettre en demeure de conclure au fond

En tout état de cause, elle demande la condamnation de M. [C] au paiement de la somme de 3000 ? sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

In limine litis, la société dit que le contredit de M. [C] a été formé hors délai, ce dernier devant être fait dans les 15 jours de la date de délibéré ou, dans le cas d'une notification du jugement erronée quant à la voie de recours, dans les 15 jours suivants les conclusions soulevant l'irrecevabilité de l'appel. A titre subsidiaire, la SA LA REGALADE dit que le contredit est irrecevable pour défaut de motivation suffisante.

Sur la compétence, la société fait valoir que M. [C] n'avait pas de contrat de travail en sus de son mandat social. Elle soutient que M. [C] ne justifie pas qu'il était salarié au 27 avril 1983, date de sa nomination.

Elle rappelle qu'un contrat de travail perd son caractère effectif au moment du cumul par suite de l'absorption de la totalité des activités par le mandat social.

Sur les contrats de travail à compter du 1er juillet 1987, la société rappelle que la brasserie avait été donnée en location-gérance à la SARL LE COKTAIL et qu'en conséquence, un poste de responsable commercial ou de directeur général dans une société dont le fonds est loué ne peut être que nul car fictif.

Elle précise également que les contrats de travail ne sont pas liés à des fonctions techniques distinctes, qu'ils sont postérieurs à la nomination d'administrateur et qu'ils n'ont pas été autorisés par le conseil d'administration.

Pour cela elle produit notamment des chèques signés par M. [C], des attestations de salariés, d'un fournisseur, de la banque ou encore les procès-verbaux du conseil d'administration et les rapports du commissaire aux comptes qui ne font pas état du contrat de travail de M. [C].

Sur les rappels de salaires, la société déclare que les sommes perçues n'étaient pas des salaires et que le Conseil d'administration était souverain pour varier les rétributions des dirigeants.

La SA LA REGALADE dit que M. [C] n'a subi aucun préjudice et mentionne notamment le fait que ce dernier est toujours administrateur de la société.

Enfin, la SA LA REGALADE dit n'y avoir pas lieu d'évoquer le fond au regard d'une bonne administration de la justice qui ne saurait priver les parties du double degré de juridiction.

Vu l'article 455 du Code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions respectives des parties, la Cour se réfère aux conclusions écrites des parties et plaidées à l'audience du 4 avril 2018, conclusions auxquelles les parties ont déclaré se référer.

MOTIFS

Il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de juger ensemble les procédures résultant de l'appel et du contredit, ces recours concernant un même jugement.

Vu l'article 367 du Code de procédure civile, il sera procédé à la jonction des procédures

Sur la recevabilité des recours

L'article 455 du Code de procédure civile précise que le jugement énonce la décision sous forme de dispositif.

L'article 480 du même code précise que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.

Ainsi, l'autorité de la chose jugée est limitée aux seules énonciations du dispositif et seul celui-ci doit être pris en compte : les énonciations des motifs ne peuvent ouvrir des voies de recours.

En l'espèce, le dispositif du jugement déféré est ainsi libellé : " Déboute Monsieur [N] [C] de l'ensemble de ses demandes et l'invite à mieux se pourvoir"

Ainsi, le jugement a rejeté l'ensemble des prétentions de M. [C] et a statué au fond.

Au vu de ce qui a été rappelé ci-dessus, il est indifférent que les motifs du jugement traitent seulement de la question de la compétence : il ne peut qu'être constaté qu'ils sont en discordance avec le dispositif qui seul a autorité de chose jugée et était susceptible d'être déféré devant la juridiction d'appel.

Dès lors, l'appel interjeté le 27 février 2015 était recevable.

Le contredit en l'état des dispositions alors applicables, ne pouvait être déposé qu'à l'encontre d'un jugement statuant sur la seule compétence: le contredit du 19 septembre 2017 est irrecevable

Sur la compétence et l'existence d'un contrat de travail

M. [C] produit ses bulletins de salaire émanant de la société LA REGALADE sur la période de juillet à décembre 1981, où il apparaît occuper un emploi de garçon limonadier, et ses bulletins de novembre 1982 à février 1983 où il apparaît occuper un emploi de directeur.

L'établissement des bulletins de salaire caractérise l'existence d'un contrat de travail apparent.

Il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption de contrat de travail, de prouver le caractère inexistant ou fictif de ce contrat.

La société LA REGALADE soutient que M. [C] ne justifie pas avoir été salarié en 1982 et en mars-avril 1983.

Il convient de constater que M. [C] produit deux bulletins de salaire pour l'année 1982.

Le fait que M. [C] ne produit pas des bulletins de salaire pour l'intégralité de la période qu'il revendique en tant que salarié, dont la période postérieure à février 1983 ne vaut pas preuve de la rupture du contrat de travail.

La société invoque ensuite la nomination de M. [C] comme administrateur de la SA le 27 avril 1983 et président directeur général à compter de cette même date jusqu'au 1er juillet 1987. Elle se prévaut de l'article 93 de la loi sur les sociétés commerciales selon lesquelles un salarié de la société ne peut être nommé administrateur que si son contrat de travail est antérieur de deux années à sa nomination et correspond à un emploi effectif, et affirme que le contrat de travail avait perdu son caractère effectif par suite de l'absorption de la totalité des activités par le mandat social et n'avait plus d'existence à partir de ce moment.

M. [C] affirme que le premier mandat social qui lui a été conféré remonte à juin 1990 en qualité de directeur général de la SA.

Or, il résulte du procès-verbal d'assemblée générale du 27 avril 1983 que M. [C] a bien été désigné administrateur à compter de cette date.

Son mandat était renouvelé lors de l'assemblée générale du 30 septembre 1983.

Il était renouvelé pour une période de six années lors de l'assemblée générale du 25 septembre 1989, puis pour de nouvelles périodes identiques lors des assemblées du 30 septembre 1995, du 28 septembre 2001 et du 24 septembre 2007.

La cour ne peut que constater que la société ne produit pas la délibération du conseil d'administration qui aurait nommé M. [C] en qualité de président directeur général le 27 avril 1983.

Cette qualité ressort toutefois du procès-verbal d'assemblée générale du 30 septembre 1983 et il ressort qu'il avait perdu cette qualité lors de l'assemblée générale du 30 septembre 1987.

L'article 93 de la loi no 66-537 du 26 juillet 1966 sur les sociétés commerciales en ses dispositions applicables à la date du 27 avril 1983 disposait : « Un salarié de la société ne peut être nommé administrateur que si son contrat de travail est antérieur de deux années au moins à sa nomination et correspond à un emploi effectif ; il ne perd pas le bénéfice de ce contrat de travail. Toute nomination intervenue en violation des dispositions du présent alinéa est nulle. Cette nullité n'entraîne pas celle des délibérations auxquelles a pris part l'administrateur irrégulièrement nommé. »

M. [C] qui n'était salarié de la SA que depuis le 1er juillet 1981 ne remplissait pas la règle d'antériorité des deux ans.

Toutefois, les dispositions ci-dessus rappelées mentionnent les conséquences d'une nomination irrégulière sur le mandat social mais pas sur le contrat de travail.

Le contrat de travail restant antérieur à la nomination comme mandataire social, il incombe à la partie qui soutient qu'il a été mis fin au contrat de travail par la nomination du salarié à des fonctions de mandataire social, d'en rapporter la preuve. Cette preuve n'est pas rapportée par la société.

En avril 2006, la SA LA REGALADE donnait son fonds de commerce en location-gérance à la SARL LE COCKTAIL dont M. [C] était le gérant minoritaire.

Cette location-gérance entraînait de plein droit transfert du contrat de travail de M. [C] à la SARL LE COCKTAIL.

Cette mise en location-gérance n'entraînait pas de plein droit la disparition du contrat de travail : le gérant minoritaire pouvait cumuler cette qualité avec un contrat de travail dès lors qu'il réalisait un travail effectif dans la société, ce qui n'est pas remis en cause, et qu'il existait un lien de subordination envers la société : M. [C] ne détenait qu'un tiers du capital social.

Le contrat de location-gérance prenait fin le 25 juin 2010.

La cour constate que M. [C] entend fonder sa demande sur un contrat de travail résultant d'un bulletin de salaire de la SA LA REGALADE de janvier 1988 où il apparaît en qualité de responsable commercial. Il produit également ses bulletins de salaire en qualité de directeur général de la SA LA REGALADE pour la période de juillet à décembre 1990, pour la période de janvier 2011 à juin 2012, pour la période d'août à octobre 2012.

En janvier 1988, le fonds de commerce où travaillait M. [C] était donné en location-gérance à la SARL LE COCKTAIL, de telle sorte que le contrat de travail initial de juillet 1981 aurait dû se poursuivre avec cette dernière société.

A défaut de fourniture de tout élément à cet égard notamment de bulletin de salaire entre la SARL LE COCKTAIL et M. [C], il convient de considérer que M. [C], gérant de cette société, n' a pas entendu poursuivre l'exécution du contrat de travail le concernant et le liant à la société qu'il gérait.

En tout état de cause, ce contrat de travail le liait à la SARL LE COCKTAIL pendant la période de location-gérance et ne pouvait se confondre avec un contrat de travail liant M. [C] à la SA LA REGALADE comme directeur commercial en janvier 1988 puis comme directeur général (suivant bulletins de salaires produits à compter de 1990).

A cet égard, il doit être relevé que le bulletin de salaire de janvier 1988 mentionne une date d'entrée au 1er janvier 1988 et que les bulletins de salaire ultérieurs de 1990 et 1991 produits reprennent cette donnée. Quant aux bulletins de salaire de 2011 et 2012 émanant de la SA LA REGALADE, ils font curieusement mention d'une ancienneté au 1er avril 1986, date qui apparait correspondre à la mise en location-gérance alors qu'à cette date, le contrat était transféré de plein droit à la SARL LE COCKTAIL.

La société intimée fait valoir sans être contredite, que M. [C] a quitté le poste de président directeur général de la SA le 1er juillet 1987. Il restait administrateur.

L'intimée soutient que « pour continuer à sortir de l'argent à M. [C] sur la société LA -REGALADE, les parties ne vont pas avoir d'autre choix que de créer un poste fictif de salarié cadre pour M. [C] » et que « M. [C] était alors nommé salarié « responsable commercial » puis « directeur général » de la société LA REGALADE ». Elle fait valoir un « habillage juridique ».

Il est constant, ainsi que l'a rappelé la cour de cassation dans un arrêt du 27 février 2013, que lorsque celui qui prétend avoir été salarié exerçait un mandat social, la production d'un écrit ne suffit pas à créer une apparence de contrat de travail et qu'il appartient à l'intéressé de rapporter la preuve du lien de subordination dont il invoque l'existence parallèlement à son mandat social.

De même, ainsi que le rappelait cette même Cour dans son arrêt du 8 juin 2011, s'agissant d'un mandataire social, la production de documents tels que des bulletins de paie et une lettre de licenciement ne suffisent pas établir la preuve de l'existence d'un contrat de travail et qu'il convient de rechercher si celui qui se prétend salarié avait effectivement exercé, dans un lien de subordination par rapport à la société, des fonctions techniques distinctes du mandat social.

En l'espèce, à l'appui de son allégation, la société intimée fait pertinemment valoir que la SA LA REGALADE n'avait aucun salarié et que son fonds de commerce était donné en location-gérance : il en résultait que l'unique activité de la société consistait en la perception de redevances payées en application du contrat de location-gérance.

Elle fait également valoir sans être contredite, que les revenus cumulés de M. [C] sur la société LA REGALADE et la SARL LE COCKTAIL correspondait à la rétribution de M. [O] sur la seule société LA REGALADE avec une différence fixe qu'ils avaient convenu entre eux : il apparaît ainsi que ce prétendu contrat de travail s'inscrivait dans un partage de rémunération d'associés.

Cette constatation est étayée par le fait que la rétribution de M. [C] va être fixée non pas sur la base d'une classification et de dispositions conventionnelles, mais va fluctuer en fonction des disponibilités de trésorerie de la société : ainsi le salaire de base de janvier 2011 était de 4440 ? puis en juin 2011 de 3185,48 ? puis en juin 2012 de 2052,34 ?.

La rémunération de M. [J] [O], président du conseil d'administration va varier de la même façon à quelques euros près.

Enfin, l'intimée souligne que suivant les bulletins de salaire, la société ne cotisait pas à l'assurance-chômage, sachant que le statut de salarié de M. [C] ne serait pas reconnu par les ASSEDIC, compte tenu de ses mandats sociaux.

Mme [S] atteste que M. [C] « travaillait au bar de la régalade au centre commercial AUCHAN [Localité 2] un jour de 9h à 15h et le lendemain de 12 h à 20h » et qu'il « avait comme fonction de servir les clients au bar et de faire la plonge durant le service de restauration ». Mme [A] atteste qu'il « servait la clientèle et faisait également la plonge... entre midi et quatorze heures durant le service restauration » et qu'il '' avait également des heures de présence un jour le matin de 9 heures à 15 heures et le lendemain de 12 h à 20heures »

Force est de constater que ces deux attestations ne comportent aucun élément quant à la période à laquelle elles se rapportent : elles ne permettent ainsi notamment pas de déterminer si elles se réfèrent à la période de location-gérance ou à la période postérieure.

Elles n'établissent pas, en tout état de cause, que M. [C] était dans le cadre d'un lien de subordination avec des horaires qui lui auraient été imposés par la SA LA REGALADE.

Ainsi qu'il a été dit, dans le cas d'un mandataire social, l'existence d'une lettre de licenciement ne suffit pas à établir la preuve de l'existence d'un contrat de travail. Il en est de même d'une mesure de mise à pied conservatoire et de toute mesure à caractère disciplinaire liée à une procédure de licenciement pour faute.

Dès lors, le fait que la lettre de licenciement fait état « des jours où vous étiez de permanence » est indifférent.

En tout état de cause, la mise en place d'un système de permanence (et non d'astreinte) n'est pas significatif d'un lien de subordination dès lors qu'un tel système pouvait parfaitement être mis en oeuvre entre les dirigeants et mandataires sociaux.

De l'ensemble de ces éléments, il ressort que les rémunérations perçues par M. [C] à compter de 1988 en qualité de responsable commercial puis à compter de juillet 1990, en qualité de directeur général, ne correspondaient pas à des fonctions techniques exercées dans le cadre d'un lien de subordination vis-à-vis de la société et distinctes de son mandat social.

Dès lors, il convient de dire que M. [C] et la SA LA REGALADE n'étaient pas liés par un contrat de travail et que la rupture intervenue par lettre du 25 octobre 2012 consiste en la révocation d'un mandat social de directeur général dans le cadre d'une société anonyme.

En conséquence, en l'absence de contrat de travail dont l'exécution et la rupture relèveraient de la compétence de la juridiction prud'homale, il convient de dire que celle-ci est incompétente pour connaître du litige et de renvoyer l'affaire et les parties devant le tribunal de commerce de Béziers, juridiction compétente compte tenu de la nature du litige.

Le présent arrêt statue sur la compétence et ne met pas fin au litige : il n'y a pas lieu de statuer sur la demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ni sur les dépens.

PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe :

- Prononce la jonction des procédures 17/05078 et 18/00126 sous le numéro17/05078,

- Déclare M. [C] irrecevable en son contredit,

- Déclare M. [C] recevable en son appel,

- Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau :
Se déclare incompétente pour connaître du litige et ordonne le renvoi de l'affaire et des parties devant le tribunal de commerce de Béziers

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe de la chambre sociale le 30 mai 2018.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 18/00126
Date de la décision : 30/05/2018

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Béziers


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-30;18.00126 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award