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19/12/2017 | FRANCE | N°15/04861

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Ct0228, 19 décembre 2017, 15/04861


Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre C

ARRET DU 19 DECEMBRE 2017

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04861

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 AVRIL 2015

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS

No RG 14/00032

APPELANTE :

SCI JPM

inscrite au RCS BEZIERS sous le no 749 811 865 prise en la personne de son gérant en exercice domicilié [...]

représentée et assistée de Me Frédéric SIMON de la SCP SIMON, avocat au barreau de BEZIERS, avoca

t postulant et plaidant

INTIMES :

Monsieur P... T...

né le [...] à BEZIERS

de nationalité Française

Restaurant "T... COQUILLAGE ET CRUSTACES...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre C

ARRET DU 19 DECEMBRE 2017

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04861

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 AVRIL 2015

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS

No RG 14/00032

APPELANTE :

SCI JPM

inscrite au RCS BEZIERS sous le no 749 811 865 prise en la personne de son gérant en exercice domicilié [...]

représentée et assistée de Me Frédéric SIMON de la SCP SIMON, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant

INTIMES :

Monsieur P... T...

né le [...] à BEZIERS

de nationalité Française

Restaurant "T... COQUILLAGE ET CRUSTACES"

[...]

[...]

[...]

représenté par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assisté de Me DARTIER, avocat au barreau de BEZIERS,avocat plaidant

Syndicat des copropriétaires PORT AMBONNE

représenté par son syndic en exercice, la SAS FONCIA AKTYS immatriculé au RCS BEZIERS sous le no 350 049 060 pris en la personne de son représentant légal domicilié de droit au dit siège

[...]

[...]

représenté et assisté de Me Alain COHEN BOULAKIA de la SELARL JURIPOLE, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant substitué par Me Ludivine TAMANI, de la SELARL JURIPOLE, avocats au barreau de MONTPELLIER

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 18 Octobre 2017

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 NOVEMBRE 2017, en audience publique, madame Nathalie AZOUARD, conseillère ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseillère

Madame Leïla REMILI, Vice-présidente placée

auprès du Premier président de la cour d'appel de Montpellier par ordonnance no 5/2017 du 2 janvier 2017

qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Lys MAUNIER

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Marie-Lys MAUNIER, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

La résidence [...] est un ensemble immobilier en copropriété situé au CAP D'AGDE composé d'appartements sur les étages supérieurs et de locaux commerciaux au rez-de-chaussée.

Le 31 décembre 2009 un bail commercial relatif à une partie du lot no37 a été signé entre P... T... et la SCI CAP AU SUD pour l'exercice d'une activité de snack et petite restauration.

De 2008 à 2012 un litige a opposé la SCI CAP AU SUD alors propriétaire du lot o 37 au syndicat des copropriétaires de la résidence sur l'activité commerciale exercée dans les locaux du lot no37 en regard notamment du règlement de copropriété et par un arrêt en date du 10 novembre 2010 la cour d'appel de MONTPELLIER a notamment constaté que le règlement de copropriété s'imposait à la SCI CAP AU SUD.

Dans le cadre de ce litige, l'assemblée générale de la copropriété a le 28 août 2012, donné mandat au syndic pour engager une action contre P... T... et son bailleur pour parvenir à la résiliation du bail.

Toutefois le 10 novembre 2012 un protocole d'accord est intervenu entre le syndicat des copropriétaires d'une part et les SCI CAP AU SUD et JPM d'autre part portant sur la cession par la SCI CAP AU SUD à la SCI JPM du lot no 37 et sur une modification de la destination dudit lot.

Ce protocole a été entériné par l'assemblée générale extraordinaire du 10 novembre 2012.

Par acte en date du 17 décembre 2013, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble a assigné devant le tribunal de grande instance de BEZIERS P... T... et la SCI JPM pour obtenir notamment la résiliation du bail commercial par exercice de l'action oblique et l'expulsion du preneur.

La SCI JPM n'a pas comparu ni ne s'est faite représenter en première instance.

Le jugement rendu le 29 avril 2015 par le tribunal de grande instance de BEZIERS énonce dans son dispositif :

• Déboute P... T... de l'intégralité de ses demandes.

• Constate que P... T... exploite une activité de restaurant bar en violation du règlement de copropriété.

• Prononce la résiliation du bail consenti à P... T... par la SCI JPM le 31 décembre 2009.

• Ordonne son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef.

• Dit qu'à défaut d'exécution immédiate une astreinte de 1 000 € par jour de retard sera due à l'expiration d'un délai de un mois à compter de la signification du présent jugement pendant une durée de 2 mois.

• Condamne P... T... à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 5 000 € en réparation de son préjudice.

• Déclare le présent jugement opposable au bailleur.

• Rejette le surplus des demandes contraires ou plus amples des parties.

• Condamne P... T... aux dépens.

• Ordonne l'exécution provisoire.

Le jugement considère sur la demande de résiliation du bail tout d'abord que l'action oblique du syndicat est fondée en raison de la négligence du bailleur à faire respecter le règlement de copropriété et en raison du changement illicite d'affectation des locaux loués.

Ainsi le premier juge retient qu'il est largement démontré notamment par procès-verbal d'huissier que l'activité exercée est contraire au règlement de copropriété en ce qu'il ressort que le commerce exploité par P... T... propose des plats complets, organise des soirées animées comme du karaoké alors que le règlement de copropriété même après la modification adoptée par l'assemblée générale suite au protocole d'accord exclut les activités de bar, restaurant, boîte de nuit, club lounge, bodega, supérette de plus de 50 m², ainsi que toute activité malodorante ou incommodante pour le voisinage.

Il ajoute qu'en outre il est amplement démontré que les bailleurs successifs n'ont pris aucune mesure effective pour contraindre le preneur à respecter le règlement de copropriété et qu'il n'est pas nécessaire de démontrer l'existence effective des nuisances dès lors que l'activité réellement exercée et celle visée dans le bail sont contraires au règlement de copropriété.

Le premier juge écarte également le moyen tiré du défaut de capacité à agir du syndicat considérant que le syndic a été autorisé à agir en justice par l'assemblée générale du 28 août 2012 contre P... T... en résiliation du bail et en demande de dommages et intérêts, l'expulsion n'étant que la conséquence directe du caractère non conforme du bail.

Sur la demande en dommages et intérêts du syndicat des copropriétaires, le premier juge retient qu'il est établi que les nuisances sonores liées à l'activité du commerce de P... T... sont avérées même si elles ne sont pas connues dans leur ampleur et constituent un trouble de jouissance qui touche collectivement l'ensemble des copropriétaires.

Sur le protocole d'accord et son aspect indemnitaire le tribunal considère que ce moyen n'est pas pertinent dans la mesure où le protocole concerne une période antérieure à celle aujourd'hui en litige et que ce protocole énumère plusieurs conditions pour son entrée en application.

La SCI JPM a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 29 juin 2015.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 octobre 2017.

Les dernières écritures pour la SCI JPM ont été déposées le

21 septembre 2017.

Les dernières écritures pour P... T... qui a formé appel incident ont été déposées le 11 juillet 2016.

Les dernières écritures pour le syndicat des copropriétaires de la résidence [...] ont été déposées le 3 octobre 2017.

Le dispositif des écritures de la SCI JPM énonce :

• Débouter la copropriété de ses demandes d'action oblique et de résiliation du bail pour violation de la clause d'interdiction d'activité de restaurant alors que cette clause est illicite.

• Condamner la copropriété à la somme de 15 000 € de dommages et intérêts pour le préjudice causé à la SCI JPM quant à sa liberté de commerce et de location.

• Rejeter comme irrecevables et infondées les demandes nouvelles de P... T... en dommages et intérêts en l'absence de faute de la SCI JPM et faute de justifier d'un préjudice.

• Condamner la copropriété au paiement de la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Sur le rejet de l'action oblique la SCI JPM soutient tout d'abord que le syndicat des copropriétaires ne justifie pas de demande préalable à l'égard de la SCI pour lui demander de faire cesser un trouble dans le cadre d'une obligation dont elle serait redevable.

Elle soutient ensuite qu'il n'existe aucune interdiction valable dans la mesure où la destination de station-service du lot no37 n'est pas imposée par le règlement de copropriété mais par l'état descriptif de division qui n'est pas contractuel et ou la décision de l'assemblée générale du 10 novembre 2012 qui fixe une destination interdisant l'activité de restaurant est illicite.

La SCI ajoute que les décisions judiciaires précédentes et en particulier l'arrêt du 10 novembre 2010 prises dans un litige concernant P... T..., la SCI CAP AU SUD et la copropriété n'ont pas à son égard autorité de la chose jugée puisqu'elle n'était pas partie à ces procédures.

Elle soutient par ailleurs sur ce point que ces décisions judiciaires sont antérieures à la résolution votée par la copropriété le

10 novembre 2012 modifiant la destination du lot 37 pour autoriser un local commercial à l'exclusion des activités de « bar, restaurant, boîte de nuit, club longe, bodega ... » au motif du caractère de nuisance de ces activités, et qu'il faut en outre pour qu'une telle clause soit licite apprécier si l'activité est ou non gênante à l'égard de la destination de l'immeuble ce qui n'est pas rapporté en l'espèce puisque dans l'immeuble il existe en particulier une galerie marchande avec de nombreux bars, restaurants et des boîtes de nuit, et que l'on ne peut sous peine de discrimination d'un lot interdire pour l'un ( lot 37) une activité alors que le même type de clientèle ou de nuisances est autorisé pour d'autres lots.

La SCI ajoute qu'en outre il n'est pas justifié in concreto d'un préjudice des copropriétaires en lien direct avec les nuisances causées par le lot 37 et supplémentaires à celles causées par les autres lots, et ce d'autant qu'en raison de la configuration des lieux le lot 37 est à l'écart de l'immeuble principal et ne comprend pas d'habitations.

Sur les demandes de P... T... à son égard la SCI JPM considère qu'elles sont irrecevables car formées pour la première fois en appel et qu'elles sont par ailleurs infondées aux motifs en particulier que :

-la SCI JPM n'est pas le signataire du bail,

-il n'y a pas de violation du règlement de copropriété,

-la SCI JPM n'a commis aucune faute,

-il s'agissait d'un bail tout commerce même si les lieux sont au moment de la location à usage exclusif de snack bar ou de petite restauration,

-il n'est pas justifié de la valeur du fonds de commerce, du chiffre d'affaires et du bénéfice.

Le dispositif des écritures de P... T... énonce :

• Infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions.

• Déclarer l'action oblique du syndicat des copropriétaires irrecevable en l'absence de faute de la SCI JPM.

• Condamner le syndicat des copropriétaires au paiement de la somme de 15 000 € de dommages et intérêts pour le préjudice moral causé en raison d'une procédure abusive et discriminatoire.

• Condamner le syndicat des copropriétaires au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

• En tout état de cause en cas de confirmation du jugement entrepris et donc de résiliation du bail,

• Débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande au titre des frais irrépétibles et des dépens.

• Condamner la SCI JPM au paiement des sommes suivantes :

-20 000€ au titre du remboursement du pas de porte,

-200 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices matériels et financiers subis du fait de la perte de fonds de commerce et du droit au bail,

-50 000€ en réparation du préjudice moral.

Sur l'action oblique, P... T... rappelle que son exercice par un syndicat des copropriétaires est conditionné à la constatation de la carence du copropriétaire-bailleur, ce qui n'est pas démontré en l'espèce.

En effet P... T... soutient que par la signature du protocole d'accord du 10 novembre 2012, les parties ont mis fin aux instances relatives au contentieux sur la destination du lot 37 et la SCI JPM a indemnisé le syndicat pour le préjudice subi et s'est engagée à effectuer des travaux d'isolation phonique des locaux.

Il ajoute qu'ainsi toutes les décisions intervenues précédemment audit protocole sont inopérantes pour avoir été rendues sous l'empire de l'ancien règlement de copropriété et leur inexécution ne pouvant s'analyser en une inertie du copropriétaire-bailleur.

P... T... expose également que le syndicat des copropriétaires ne produit aucun élément démontrant qu'il a effectué des démarches amiables.

P... T... soutient par ailleurs qu'il n'y a aucune violation du règlement de copropriété le lot 37 faisant bien partie des lots à destination commerciale et donc de l'activité de snack et petite restauration qu'il exerce.

Il ajoute qu'en outre l'affectation du lot est indiquée non pas dans le règlement de copropriété mais dans l'état descriptif de division qui n'a pas de valeur contractuelle même quand il est inclus dans le règlement de copropriété.

P... T... considère par ailleurs que le syndicat des copropriétaires ne justifie pas en quoi l'activité qu'il exerce serait contraire au règlement de copropriété dans la mesure où il n'est pas démontré qu'il exerce une activité de restauration traditionnelle ou de bar, le seul constat d'huissier produit ayant été établi à une période où le commerce était fermé.

P... T... soutient également qu'en tout état de cause les clauses restrictives sont nulles dès lors que la destination de l'immeuble est respectée et qu'en l'espèce :

-le règlement de copropriété n'interdit pas spécifiquement l'activité de restauration au sein de la résidence,

-il existe au sein de la résidence de nombreux autres établissements de bars, restaurants, night-club

-son commerce ne présente pas de désagréments supérieurs aux autres commerces de la résidence.

Enfin, P... T... critique le jugement dont appel en ce qu'il n'aurait pas qualifié le préjudice subi par le syndicat et soutient que celui-ci n'en justifie pas dans la mesure où :

-la résidence est d'une taille importante et de nature mixte avec de nombreux commerces y compris des activités de nuit,

-son établissement se situe à l'extrémité de la résidence dans des locaux excentrés,

-il n'y a aucune habitation au-dessus du lot qu'il n'occupe que partiellement,

-la résidence se trouve au cœur d'une station balnéaire très animée de jour comme de nuit.

Sur ses demandes à l'encontre du bailleur si le bail devait être résilié P... T... expose que la SCI JPM est venue aux droits du précédent bailleur alors qu'il était déjà bénéficiaire du bail commercial et en parfaite connaissance des difficultés rencontrées pour l'exercice de l'activité.

Il considère qu'il appartenait donc à la SCI JPM à l'issue du protocole d'accord de mettre le local en conformité.

Le dispositif des écritures du syndicat des copropriétaires la résidence [...] énonce :

• Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

• Condamner in solidum la SCI JPM et P... T... au paiement de la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Le syndicat expose sur la recevabilité de l'action oblique que la carence du bailleur est établie dans la mesure où :

-le bail a été conclu en violation du règlement de copropriété et de l'état descriptif de division qui prévoient que le lot 37 est à usage de station service alors que P... T... y exerce une activité de restauration de type rapide mais aussi traditionnelle ainsi qu'une activité dansante et nocturne,

-des précédentes décisions de justice rappellent que la destination initiale du lot s'impose et doit être respectée, notamment l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER en date du 10 novembre 2010 et ces décisions comme attachées à la nature de l'activité exercée dans le lot 37 sont opposables à la SCI JPM et à P... T...,

-l'assemblée générale du 4 juin 2011 a refusé de modifier la destination du lot comme demandée par la SCI CAP AU SUD,

-l'accord intervenu et l'assemblée générale du 10 novembre 2012 ont exclu toute possibilité d'exploiter dans le lot 37 une activité de restaurant, bar, bodega... et plus généralement toute activité nocturne,

-il est évident que la SCI JPM bailleur n'entend pas poursuivre la résiliation du bail,

-le preneur, P... T... est tenu en application du bail commercial de respecter le règlement de copropriété,

-la destination du lot telle que figurant à l'état descriptif de division s'impose au preneur.

Sur l'activité exercée par P... T... dans le lot 37 le syndicat des copropriétaires soutient que le constat d'huissier du 20 mars 2013 rapporte des éléments objectifs permettant d'établir la nature de l'activité comme :

-l'enseigne mentionnant pizzeria, bar, tapas,

-une carte des menus avec des plats de restauration traditionnelle.

Il ajoute que la consultation sur internet permet de se convaincre de l'exercice d'une activité nocturne animée.

Sur son préjudice le syndicat des copropriétaires expose qu'il existe un préjudice collectif dans la mesure où l'acte fondateur de la copropriété, soit le règlement de copropriété, a été violé et que le syndicat a pour vocation de faire respecter la tranquillité des copropriétaires relativement aux nuisances sonores et olfactives.

Il ajoute que la procédure qu'il a diligentée ne peut être qualifiée d'abusive ni par la SCI JPM ni par P... T..., le syndicat désirant seulement s'ériger en gardien du respect des règles définies.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'action oblique exercée par le syndicat des copropriétaires de la résidence [...] :

En application de l'article 1166 du code civil, devenu l'article 1341-1, le syndicat des copropriétaires est fondé à solliciter par le biais de l'action oblique la résiliation d'un bail dans l'hypothèse où le bailleur-copropriétaire négligerait de faire respecter par le preneur le règlement de copropriété et n'entend pas poursuivre lui-même la résiliation du bail.

L'exercice de l'action oblique par le syndicat des copropriétaires suppose donc que ce dernier rapporte la preuve de la carence du copropriétaire-bailleur.

En l'espèce il n'est pas sans intérêt dans un premier temps de revenir sur la chronologie des faits et sur des éléments constants afférant au lot 37.

Il ne peut être contesté valablement que dans le règlement de copropriété de la résidence [...] en date du

11 février 1971 le lot de copropriété no37 est à usage de station service.

Il est également constant que par contrat en date du

31 décembre 2009, la SCI CAP AU SUD alors propriétaire du lot 37 l'a donné à bail commercial à P... T... et que ce bail mentionne expressément que les locaux sont à usage exclusif de snack et petite restauration.

Il ne peut être utilement contesté que l'usage prévu dans le bail de décembre 2009 correspond à un changement de destination du lot 37 et qu'il a été définitivement jugé par un arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER en date du 10 novembre 2010 que ce changement de destination sans une autorisation quelconque de l'assemblée générale constituait une violation délibérée des obligations résultant du règlement de copropriété.

Toutefois il ressort des pièces produites et de l'état actuel du litige que le syndicat des copropriétaires d'une part et la SCI CAP AU SUD et la SCI JPM d'autre part ont entendu régler le litige les opposants relativement au lot 37 par un protocole d'accord, protocole d'accord qui a été approuvé par l'assemblée générale extraordinaire de la copropriété [...] en date du

10 novembre 2012 dans la résolution no5 adoptée à la majorité.

Ce protocole prévoit en particulier que :

-la SCI JPM achète à la SCI CAP AU SUD le lot 37,

-le syndicat des copropriétaires crée à partir des parties communes les lots 425, 426 et 427 qu'il vend à la SCI JPM moyennant la somme globale de 224 362,60 €,

-les lots 37, 425, 426 et 427 sont supprimés pour former le lot 428,

-il est mis un terme aux différentes actions en justice et le syndicat des copropriétaires renonce à se prévaloir des décisions de justice dont il est bénéficiaire.

L'assemblée générale a par ailleurs validé les modificatifs du règlement de copropriété et de l'état de division en disposant notamment que suite à une modification du règlement de copropriété le lot 428 est un local à usage commercial toutefois il ne pourra en aucune manière être affecté à des activités de bar, restaurant, boîte de nuit, bar musical, night-club, dancing, club lounge, bodega, supérette de plus de 50 m² ainsi que toute activité malodorante ou incommodante pour le voisinage et aucune activité commerciale ne pourra être exercée entre 02h00 et 08h00.

Il est donc constant que par ce protocole d'accord approuvé par l'assemblée générale du 10 novembre 2012 il y a eu une modification du règlement de copropriété et une novation de la destination du lot 37 devenu une partie du lot 428 et qu'il n'est plus à usage de station service mais à usage commercial sauf pour les activités expressément exclues.

Par ailleurs il ne peut être contesté que par ce protocole les parties en présence avaient comme volonté de mettre un terme aux différentes actions en justice, le syndicat renonçant même à se prévaloir des décisions judiciaires dont il est le bénéficiaire.

Par conséquent le syndicat des copropriétaires pour démontrer la carence du bailleur copropriétaire, la SCI JPM, ne peut raisonnablement se fonder sur la destination initiale du lot 37 dont il vient d'être démontré qu'elle avait été modifiée ni sur les précédentes décisions judiciaires comme l'arrêt du 10 novembre 2010 alors qu'il y a expressément renoncé par le protocole d'accord approuvé par l'assemblée générale

S'il est exact que dans le cadre des modifications intervenues il a été expressément convenu que l'ancien lot 37 désormais partie du lot 428 ne pourra en aucune manière être affecté à des activités de bar, restaurant, boîte de nuit, bar musical, night-club, dancing, club lounge, bodega, supérette de plus de 50 m² ainsi que toute activité malodorante ou incommodante pour le voisinage et qu'aucune activité commerciale ne pourra être exercée entre 02h00 et 08h00, il appartient au syndicat des copropriétaires pour pouvoir demander la résiliation du bail commercial par le biais de l'action oblique de démontrer que le bailleur avait connaissance postérieurement au protocole et à l'assemblée générale de novembre 2012 que son preneur ne respectait pas les nouvelles dispositions du règlement de copropriété, la carence du bailleur supposant au préalable qu'il ait connaissance de la violation du règlement par son locataire.

En l'espèce si le syndicat des copropriétaires verse au débat un procès-verbal de constat en date du 20 mars 2013 pouvant permettre de retenir l'existence d'activités prohibées au vu d'éléments comme des enseignes avec la mention CHEZ R... BAR TAPAS sur le local litigieux ainsi que des copies de consultation de sites internet faisant référence à l'existence d'animations nocturnes dans ledit local, il ne justifie pas que le bailleur la SCI JPM en avait connaissance et que par conséquent il a été défaillant dans son obligation de faire respecter à son preneur le réglement de copropriété et dans son action à poursuivre la résiliation du bail.

Par conséquent la preuve de la carence du copropriétaire bailleur n'apparaît pas rapportée par le syndicat des copropriétaires qui ne peut donc être recevable à solliciter la résolution du bail commercial du 31 décembre 2009 par le biais de l'action oblique et la décision dont appel sera infirmée sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts du syndicat des copropriétaires à l'encontre du locataire P... T... :

Si le contrat de bail commercial est étranger à la copropriété, liant seulement le bailleur au preneur, cela ne prive pas cependant le syndicat des copropriétaires du droit d'agir contre le preneur lorsque ce dernier viole le règlement de copropriété et en particulier en cas de troubles du voisinage.

En l'espèce suite à la modification du règlement de copropriété le local litigieux est désormais à usage commercial seules certaines activités énumérées précédemment étant exclues.

L'activité portée au bail commercial du 31 décembre 2009 est celle de snack et petite restauration qui n'apparaît pas en tant que telle contrevenir aux dispositions du règlement de copropriété.

Il convient donc de voir rapporter la preuve que P... T... exerce d'autres activités que celles portées à son bail commercial, activités prohibées par le règlement de copropriété modifié et qu'il en est résulté un préjudice pour la copropriété.

Le syndicat des copropriétaires produit dans ce sens un procès- verbal de constat d'huissier en date du 20 mars 2013 et la copie écran de la consultation de sites internet.

Si le constat d'huissier a été établi alors que le commerce de P... T... à l'enseigne chez R... était fermé et si la lecture du porte-menu ne permet pas de discerner si les plats proposés peuvent être qualifiés de snack et petite restauration ou de restauration classique, en revanche il apparaît sur les deux enseignes du commerce la mention BAR.

De même la consultation de site internet comprenant l'avis de plusieurs clients vient démontrer que dans ce commerce se déroulent des animations nocturnes et ce d'autant que P... T... qui conteste ces éléments ne produit toutefois aucune pièce en sens contraire, les pétitions pour le maintien de son activité comme l'avis favorable du maire de la commune n'apportant rien sur ce point.

Il convient toutefois par ailleurs que le syndicat des copropriétaires démontre l'existence d'un préjudice dans la mesure où aucune relation contractuelle n'existe entre la copropriété et le preneur.

En l'espèce les premiers juges ont considéré que l'existence de soirées de karaoké animées établie par les avis de clients faits sur internet suffisait à caractériser l'existence de nuisances sonores même sans connaître précisément leur ampleur.

Toutefois il est constant que même en cas de violation d'un règlement à la supposer avérée, l'existence de nuisances en l'occurrence des nuisances sonores doit être démontrée et appréciée en tenant compte des circonstances de l'espèce, et qu'elle ne peut se déduire du seul fait que des soirées sont organisées.

En l'espèce le syndicat des copropriétaires ne produit aucun élément permettant de caractériser et d'apprécier l'existence, l'ampleur et la fréquence, des nuisances sonores et donc de caractériser l'existence d'un préjudice et d'en évaluer son indemnisation.

Par conséquent le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné P... T... au paiement de dommages et intérêts en faveur du syndicat.

Sur les autres demandes :

Les demandes présentées par P... T... contre son bailleur la SCI JPM étant liée à une résiliation du bail commercial dont il est titulaire s'avèrent sans objet en l'absence de résiliation dudit bail.

Sur sa demande en dommages et intérêts contre le syndicat des copropriétaires pour procédure abusive il n'est pas rapportée la preuve d'un abus du droit d'agir en justice.

La demande en dommages et intérêts présentée par la SCI JPM contre le syndicat des copropriétaires n'apparaît pas plus justifiée et ce d'autant que la SCI ne rapporte en l'état la preuve d'aucun préjudice.

Sur les demandes accessoires :

En l'espèce l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel et de dire que chaque partie conservera la charge des dépens exposés dans le cadre de la présente instance comme devant le tribunal de grande instance.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe.

Infirme le jugement rendu le 29 avril 2015, par le tribunal de grande instance de BEZIERS en toutes ses dispositions.

S' y substituant et y ajoutant,

Déclare irrecevable l'action oblique exercée par le syndicat des copropriétaires de la résidence [...] et le déboute de sa demande de résiliation du bail commercial du 31 décembre 2009.

Déboute le syndicat des copropriétaires de la résidence [...] de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de P... T....

Déboute P... T... de l'ensemble de ses demandes tant à l'encontre du syndicat des copropriétaires de la résidence [...] que de la SCI JPM.

Déboute la SCI JPM de l'ensemble de ses demandes.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel.

Dit que chaque partie conservera les dépens qu'elle a exposés tant dans le cadre de la première instance que devant la cour d'appel.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

MM/NA


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Ct0228
Numéro d'arrêt : 15/04861
Date de la décision : 19/12/2017

Analyses

Même en cas de violation d'un règlement, l'existence de nuisances sonores provenant d'un bar doit être démontrée et appréciée en tenant compte des circonstances de l'espèce et ne peut se déduire du seul fait de l'organisation de soirées Karaoké établie par les avis de clients faits sur internet. Doit donc être rejetée la demande de dommages et intérêts formée à l'encontre d'un locataire par un syndicat des copropriétaires qui ne produit aucun élément permettant de caractériser et d'apprécier l'existence, l'ampleur et la fréquence, des nuisances sonores alléguées et donc de caractériser l'existence d'un préjudice et de l'évaluer.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Béziers, 29 avril 2015


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2017-12-19;15.04861 ?
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