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09/11/2017 | FRANCE | N°16/06284

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Ct0146, 09 novembre 2017, 16/06284


Grosse + copie
délivrées le
à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre A

ARRET DU 09 NOVEMBRE 2017

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/ 06284
auquel est joint le no 16/ 06660

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 JUIN 2016
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS
No RG 13/ 01755

APPELANTS :

Madame Annick X... épouse Y...
née le 25 Février 1947 à Le Mans (72100)
de nationalité Française
...
...

Madame Georgette Z... épouse A...
née le 12 Avril 1942 à Lyon 6

ème (69000)
de nationalité Française
...
...

Monsieur Michel B...
né le 16 Janvier 1948 à Tours (37100)
de nationalité Française
...
...

Mad...

Grosse + copie
délivrées le
à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre A

ARRET DU 09 NOVEMBRE 2017

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/ 06284
auquel est joint le no 16/ 06660

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 JUIN 2016
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS
No RG 13/ 01755

APPELANTS :

Madame Annick X... épouse Y...
née le 25 Février 1947 à Le Mans (72100)
de nationalité Française
...
...

Madame Georgette Z... épouse A...
née le 12 Avril 1942 à Lyon 6ème (69000)
de nationalité Française
...
...

Monsieur Michel B...
né le 16 Janvier 1948 à Tours (37100)
de nationalité Française
...
...

Madame Suzanne C... épouse B...
née le 28 Juin 1942 à Tours (37100)
de nationalité Française
...
...

Monsieur Georges D...
né le 27 Octobre 1943 à Brive la Gaillarde (19100)
de nationalité Française
...
...

Monsieur Jean-Pierre E...
né le 19 Juin 1947 à Orleans (45000)
de nationalité Française
......
...

Madame Jacqueline F... épouse E...
née le 11 Décembre 1950 à Oran (Algérie)
de nationalité Française
...
...

Monsieur Henri G...
né le 04 Janvier 1945 à Bourbon Lancy (71140)
de nationalité Française
...
...

Monsieur Michel H...
né le 03 Décembre 1950 à Montreal la Cluse (01460)
de nationalité Française
...
...

Madame Colette I... épouse H...
née le 24 Mars 1953 à Montreal la Cluse (01460)
de nationalité Française
...
...

Monsieur Jérémy J...
de nationalité Française
...
...

Monsieur Christian K...
né le 05 Janvier 1948 à Vitry Le Croise (10110)
de nationalité Française
...
...

Monsieur Jacques L...
né le 21 Avril 1945 à Le Muy (83490)
de nationalité Française
...
...

Madame Roselyne M... épouse N...
née le 04 Juillet 1946 À Strasbourg (67000)
de nationalité Française
...
...

Monsieur Elie P...
né le 08 Février 1934 à Montpellier (34000)
de nationalité Française
...
...

Madame Annik O... épouse K...
appelante dans dossier 16/ 06660
née le 09 Octobre 1951 à Vouziers (08400)
de nationalité Française
...
...

tous représentés par Me Charles ZWILLER substituant la SELARL CHATEL et Associés, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES :

SA ALLIANZ IARD
RCS de PARIS no 542 110 291 et pour elle son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège
87 rue de Richelieu
75002 PARIS
représentée par Me Christel DAUDE de la SCP COSTE BERGER DAUDE VALLET, avocat au barreau de MONTPELLIER

SCP R... S... T...
et pour elle ses représentants légaux en exercice domiciliés es qualité audit siège
Parc d'Activité Jean Mermoz, 235 rue Hélène Boucher
34173 CASTELNAU LE LEZ
représentée par Me Christel DAUDE de la SCP COSTE BERGER DAUDE VALLET, avocat au barreau de MONTPELLIER

SELARL MBA et ASSOCIES, locataire gestionnaire de la clientèle de la société civile particulière MBA et pour elle son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège
Parc d'activité Jean Mermoz, 235 rue Hélène Boucher
34173 CASTELNAU LE LEZ
représentée par Me Christel DAUDE de la SCP COSTE BERGER DAUDE VALLET, avocat au barreau de MONTPELLIER

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 06 Septembre 2017

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 SEPTEMBRE 2017, en audience publique, Madame Nadia BERGOUNIOU-GOURNAY, Présidente, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :

Madame Nadia BERGOUNIOU-GOURNAY, Présidente
Madame Caroline CHICLET, Conseiller
Madame Brigitte DEVILLE, Conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Elisabeth RAMON

Ministère public :

L'affaire a été communiquée au ministère public le 25 août 2016, qui a déclaré s'en rapporter ;

ARRET :

- Contradictoire
-prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Madame Nadia BERGOUNIOU-GOURNAY, Présidente, et par Madame Elisabeth RAMON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

**********

EXPOSE DU LITIGE   :

La SCPI de placements immobiliers locatifs «   Eco Invest 1   » a été créée le 19 octobre 1987 à l'initiative de la SA Q... et avait pour objet exclusif l'acquisition et la gestion d'un patrimoine immobilier locatif. La SA Q..., dont le PDG est M. Jean-Claude Q..., a été désignée comme gérant.

Par une convention conclue le 12 janvier1988 entre la société Réassurance et Finance SA, dite REAFIN, et la société Q..., la société REAFIN s'est engagée, moyennant une rémunération de 0, 75 % des montants effectivement placés, à délivrer aux préposés ou mandataires de la société Q..., des cartes de démarchage en vue de la souscription de parts de la SCPI Eco-Invest 1.

Un certain nombre de porteurs de parts, dont M. Henri G..., Mme Georgette Z..., épouse A..., les époux Michel B..., M. Georges D..., les époux Jean-Pierre E..., les époux Michel H..., M. Jérémy J..., les époux Christian K..., Mme Annick X... épouse Y..., M. Jacques L..., Mme Roselyne M..., épouse N... et M. Elie P... ont souscrit à l'augmentation du capital de la SCPI Eco Invest 1 en 1988, 1989 et 1990.

A la suite d'un contrôle effectué par la commission des opérations de bourse démontrant l'existence de diverses infractions en août 1992, le visa de la SCPI a été suspendu et un rapport transmis au procureur de la République prés le TGI de Montpellier. Une information judiciaire a été ouverte pour abus de biens sociaux.

La SA Q... a démissionné de ses fonctions de gérant et elle a été mise en redressement judiciaire le 16 février 1993 puis en liquidation le 30 mars 1993.

La SCPI Eco Invest 1 a fait l'objet d'une dissolution anticipée et la société PGS a été nommée liquidateur amiable.

Des expertises ont démontré que les actifs de la SCPI avaient été surévalués. Il est apparu aussi que le taux d'occupation des immeubles n'était que de 20 %. En conséquence, la valeur des parts acquises par les souscripteurs avait considérablement diminué et aucun bénéfice ne leur a été distribué depuis 1992.

Plusieurs procédures judiciaires ont opposé les souscripteurs de parts à la SA REAFIN, puis à la société SCOR Gestion Financière, nouvelle dénomination de REAFIN :
- une procédure engagée en septembre 1993 devant le tribunal de grande instance de Nanterre, aux fins d'annulation des souscriptions de parts de SCPI, qui s'est soldée par un débouté des souscripteurs (arrêt définitif rendu par la cour d'appel de Versailles le 13 avril 1995) ;
- une procédure engagée en janvier 1998 devant le tribunal de grande instance de Nanterre, aux fins de voir engager la responsabilité de la société défenderesse sur le fondement de l'article 1384 du code civil et en paiement de dommages-intérêts, qui s'est soldée par un débouté des requérants (arrêt définitif rendu par la cour d'appel de Paris le 2 juillet 2003 statuant sur renvoi après cassation d'un arrêt rendu le 20 janvier 2000 par la cour d'appel de Versailles) ;

Les requérants ont ensuite recherché la responsabilité de la SA SGF, venant aux droits de la société SCOR Gestion Financière et de la SCPI Eco Invest 1, prise en la personne de son liquidateur amiable, la société BNP PARIBAS REIM et ont subi un nouveau débouté (arrêt définitif rendu par la cour d'appel de Versailles le 7 octobre 2010, qui a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 9 avril 2009 déclarant prescrite l'action en annulation de parts engagée plus de 5 ans après la découverte de faits qualifiés de dol) ;

Par acte du 13 juin 2013, M. Henri G..., Mme Georgette Z..., épouse A..., les époux Michel B..., M. Georges D..., les époux Jean-Pierre E..., les époux Michel H..., M. Jérémy J..., les époux Christian K..., Mme Annick X... épouse Y..., M. Jacques L..., Mme Roselyne M..., épouse N... et M. Elie P... ont fait citer devant le tribunal de grande instance de Béziers la société Allianz IARD, la SCP d'avocats R...- T... devenue la SCP MBDA elle même devenue la société civile particulière R...- S...- T... et la Selarl MBA et associés, locataire gestionnaire de la clientèle de la société civile particulière MBA, en déclaration de responsabilité et aux fins d'indemnisation du préjudice résultant de leur perte de chance d'obtenir un profit lié à leur prise de participation au capital de la SCPI Eco Invest 1 ;

Par jugement du 20 juin 2016, le tribunal de grande instance de Béziers a :
- jugé que Maître R... a commis des fautes dans l'exécution de son mandat par manquement à son obligation de moyen de conseil et de diligence ;
- a condamné in solidum la société Allianz IARD, la SEP R...- S...- T... et la Selarl MBA et associés à payer à chaque demandeur les sommes suivantes au titre de leur perte de chance :
* M. Henri G... : 44 384, 84 euros ;
* Mme Georgette Z..., épouse A... : 22 844, 13 euros
* les époux Michel B... : 34300 euros ;
* M. Georges D... : 86780, 26 euros ;
* les époux Jean-Pierre E... : 11 456, 36 euros ;
* Michel H... : 14 749, 21 euros ;
* M. Jérémy J..., héritier d Alain J... : 19 208, 28 euros
*Mme Annick X... épouse Y... : 10 290, 15 euros ;
* M. Jacques L... : 4 596, 26 euros.
- a condamné in solidum la société Allianz IARD, la SEP R...- S...- T... et la Selarl MBA et associés à payer à chacun des demandeurs susvisés une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, il a débouté M. P... et Mme Roselyne M..., épouse N... de l'intégralité de leurs demandes, faute de justifier de la détention de parts sociales de la SCPI Eco Invest 1.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 8 août 2016, Mme Annick X... épouse Y..., Mme Georgette Z..., épouse A..., M. Michel B..., Mme Suzanne C..., épouse B..., M. Georges D..., M. Jean-Pierre E..., Mme Jacqueline F..., épouse V..., M. Henri G..., M. Michel H..., Mme Colette I..., épouse H..., M. Jérémy J..., M. Christian K..., M. Jacques L..., Mme Roselyne M..., épouse N... et M. Elie P... ont relevé appel de ce jugement.

Par déclaration reçue au greffe le 31 août 2016, Mme Annick U..., épouse K..., omise dans le jugement de première instance, a également relevé appel de ce jugement.

Vu les conclusions récapitulatives des appelants, remises au greffe le 21 février 2017,

Vu les conclusions récapitulatives des intimés, remises au greffe le 18 août 2017,

Vu la communication des deux procédures au Ministère Public en date du 25 août 2016, qui a déclaré s'en rapporter ;

Vu les ordonnances de clôture du 6 septembre 2017,

MOTIFS   :

- Sur la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 16/ 6284 et 16/ 6660 :

Les deux procédures susvisées sont dirigées contre le même jugement ; il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice qu'elles fassent l'objet d'un seul et même arrêt ; il y a lieu d'ordonner leur jonction.

- Sur la recevabilité des demandes de Mme Annick U..., épouse K..., de Mme Roselyne M..., épouse N... et de M. Elie P... :

Mme Annick U..., épouse K..., a été omise dans le jugement de première instance, et il n'a pas été statué sur ses demandes. Concernant Mme Roselyne M..., épouse N... et de M. Elie P..., ils n'ont pas produit, à l'inverse des autres requérants, de certificat de propriété de parts à leur nom : ils versent néanmoins aux débats, en ce qui concerne Mme N..., un bordereau de distribution de revenus du 4ème trimestre 1990 qui fait état de la détention de 579 parts, et, en ce qui concerne M. P..., une attestation de Partenaires Gérance Soprofinance (PGS), liquidateur amiable de la SCPI Eco Invest 1 en date du 30 mars 2007, qui atteste qu'il a souscrit dès l'origine 2 000 parts de la SCPI Eco Invest 1.

Il y a lieu en conséquence de déclarer recevables les appels interjetés par Mme Annick U..., épouse K..., de Mme Roselyne M..., épouse N... et de M. Elie P....

- Sur la mise hors de cause de la Selarl MBA et associés :

La Selarl MBA et associés, été immatriculée au registre du commerce le 23 juin 2008, exploite en location gérance la clientèle de la société civile particulière MBA et associés, venant aux droits de la société civile professionnelle R...- S...- T...,

elle-même issue de la fusion, intervenue le 1er janvier 1994 entre les SCP S...- De Pins et R...- T....

Le contrat de location gérance, qui est versé aux débats, ne comporte pas d'engagement de reprise du passif, de sorte que la responsabilité du locataire gérant ne peut être engagée pour des actes accomplis avant sa création le 1er juillet 2008 ;

Il est constant en l'espèce que la mission de Maître R... a pris fin avec le prononcé de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 2 juillet 2003, les appelants ayant fait le choix d'un nouvel avocat, en la personne de Maître Gilles De Pins De Caucalières en 2007.

Il convient en conséquence d'infirmer sur ce point le jugement déféré et de prononcer la mise hors de cause de la Selarl MBA et associés.

- Sur la responsabilité de la SCP R...- S...- T...
Les appelants reprochent à la SCP R...- S...- T..., qui les a assistés de 1993 à 2003, en premier lieu, de n'avoir pas appelé dans la cause la SCPI Eco Invest 1 dans la première procédure initiée en 1993, alors que cette dernière se trouvait toujours in bonis ; en deuxième lieu, d'avoir plaidé que REAFIN n'avait pas la qualité de banquier ou d'établissement financier, sans faire de subsidiaire sur l'obligation de conseil de l'établissement financier ; en troisième lieu, de n'avoir pas incité ses clients à déposer plainte ou à se joindre à la procédure pénale ouverte à l'encontre du PDG de la société Q.... Ils lui font également grief de n'avoir pas, dans la seconde procédure initiée en 1998, soutenu le moyen de la responsabilité de la société SCOR Gestion Financière pour manquement à son obligation de conseil quant à la qualité du produit financier commercialisé.

L'avocat est naturellement tenu d'une obligation d'information et de conseil dont la preuve ou l'exécution lui incombe. Il lui appartient de recueillir de sa propre initiative auprès de ses clients l'ensemble des éléments d'information et les documents propres à lui permettre d'assurer, au mieux, la défense de leurs intérêts.

Il n'est pas contesté en l'espèce que Maître R... n'a ni en 1993 ni en 1998, attrait devant les juridictions la SCPI Eco Invest 1, dont les appelants sont détenteurs de parts, et ce malgré les énonciations du jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 24 novembre 1993 qui relevait l'absence de mise en cause de la SCPI.

L'engagement de la responsabilité d'un avocat par l'un de ses clients déçu suppose que ce dernier justifie d'un préjudice direct et certain résultant d'une perte d'une chance raisonnable de succès de ses prétentions.

En l'espèce, les prétentions des requérants à l'encontre de la SCPI Eco Invest 1 n'auraient eu une chance de prospérer qu'à condition que fut rapportée la preuve d'un dol au moment de la souscription des parts.

Selon l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Le dol ne se présume pas, et doit être prouvé.

Les appelants fondent leurs prétentions sur des expertises, postérieures au contrôle effectué en 1992 par la commission des opérations de bourse qui a abouti à la suspension du visa de la SCPI. Ces expertises ne sont pas versées aux débats.

Ils ne fournissent pas davantage le document d'information qui leur aurait été remis au moment de la souscription des parts de SCPI leur garantissant un rendement minimum de leur investissement. La cour d'appel de Versailles, elle même, dans son arrêt du 13 avril 2015, relève que la révélation des faits ayant conduit à la situation critique actuelle n'a été faite qu'à la suite de l'intervention de la Commission des Opérations de Bourse en 1992 ; qu'il existait, depuis la création de la SCPI, conformément aux dispositions légales, un conseil de surveillance de huit membres et un commissaire aux comptes, chargé du contrôle de la société ; que chaque année, les comptes ont été approuvés, et il a été donné quitus à la société Q... de sa gestion.

En l'espèce, il n'est pas démontré, ni même allégué, que la valeur réelle des parts de la SCPI, au jour de leur souscription, était notablement inférieure au prix d'émission, ni que l'ensemble des immeubles composant le capital était surévalué de manière manifeste. La preuve d'un vice du consentement des souscripteurs au moment de la conclusion des contrats n'étant pas rapportée, le moyen tiré du dol n'aurait pu valablement prospérer.

Les appelants reprochent également à Maître R... de n'avoir pas conclu au subsidiaire sur la responsabilité de REAFIN, puis de SCOR Gestion Financière pour manquement à son obligation de conseil en sa qualité d'établissement financier.

La cour d'appel de Versailles, dans son arrêt du 13 avril 1995, a estimé, d'une part, que REAFIN était un établissement financier soumis à l'article 99 de la loi du 24 juillet 1984, mais qu'elle n'était pas un établissement de crédit au sens de l'article 11 de la loi du 28 décembre 1966 et ne relevait pas de la catégorie des auxiliaires de la profession bancaire, et, d'autre part, que la révélation des faits ayant conduit à la situation critique actuelle n'a été faite qu'à la suite de l'intervention de la COB en 1992 ; ce faisant, à l'époque de la souscription des parts, la situation réelle de la SCPI Eco Invest 1 n'était pas obérée, de sorte que le moyen tiré du manquement de

REAFIN, puis de la SCO Gestion Financière à son obligation de conseil eut été inopérant.

Or, un avocat n'engage pas sa responsabilité professionnelle en ne soulevant pas un moyen de défense inopérant.

Il résulte de l'ensemble des décisions définitives versées aux débats que le préjudice subi par les appelants résulte pour partie de la mauvaise gestion de la société Eco Invest 1 par son gérant, la société Q..., découverte au cours de l'année 1992. La SCPI Eco Invest 1, dont les appelants étaient associés, s'est constituée partie civile dans la procédure engagée à l'encontre de Jean-Claude Q..., laquelle ne visait qu'un seul fait, celui d'avoir acquis le 29 juin 1989 de la SARL Cinergy un immeuble commercial à Albi au prix de 10 000 000 francs, et de l'avoir revendu le lendemain en l'état à la SCPI Eco Invest 1 au prix de 13 000 000 francs. Cet immeuble représentait moins d'un cinquième du patrimoine immobilier de la SCPI Eco Invest 1, également constitué d'immeubles sis à Bordeaux et à Toulouse. De surcroit, Jean-Claude Q... a été condamné à payer à la la SCPI Eco Invest 1 une somme de 457 34705 euros dans le cadre de l'action civile, somme qui, à supposer qu'elle ait été réglée, est entrée dans le patrimoine de la SCPI et a été reversée aux associés sous forme de dividendes.

Dès lors que la SCPI Eco Invest 1 était présente à l'instance, il ne peut dès lors être sérieusement reproché à Maître R... de n'avoir pas invité les requérants à se constituer partie civile dans l'instance pénale engagée à l'encontre de Jean-Claude Q....

Il n'est pas contesté que la SCPI Eco Invest 1 a continué, après 1992, à distribuer, jusqu'à la liquidation de la SCPI en 2013, des dividendes aux porteurs de parts. Les apports des associés leur ont été remboursés sur la base de 33, 64 euros par part sociale.

La souscription de parts de SCPI est une opération spéculative, qui comporte des risques liés aux variations du marché immobilier, lequel a connu un effondrement au début des années 1990, s'agissant notamment de l'immobilier de bureaux. Le fait que les requérants aient reçu des sommes inférieures aux bénéfices escomptés lors de la souscription de parts ne constitue pas à lui seul un préjudice indemnisable.

C'est donc par une appréciation inexacte des circonstances de l'espèce que le tribunal de grande instance de Montpellier a jugé que les requérants subissaient, du fait d'une mauvaise défense de Maître R..., une perte de chance de réaliser des bénéfices substantiels.

Les requérants, qui ne justifient pas d'un préjudice direct et certain résultant d'une perte d'une chance raisonnable de succès de leurs prétentions, seront en conséquence déboutés de l'ensemble de leurs demandes.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il serait en l'espèce inéquitable de laisser à la charge des intimés les frais exposés non compris dans les dépens ; il y a lieu de condamner solidairement les appelants à payer à chacune des sociétés intimées (la compagnie Allianz IARD, la société civile particulière MBA et associés et la Selarl MBA et associés) une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par arrêt rendu par mise à disposition au greffe en application de l'article 451, alinéa 2 du code de procédure civile,

Ordonne la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 16/ 6284 et 16/ 6660.

Déclare recevable l'appel formé par Mme Annick U..., épouse K..., omise dans le jugement de première instance.

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Béziers.

Et, statuant de nouveau :

Prononce la mise hors de cause de la Selarl MBA et associés.

Déboute les appelants de l'ensemble de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société civile particulière MBA et associés et de la SA Allianz IARD.

Condamne solidairement Mme Annick X... épouse Y..., Mme Georgette Z..., épouse A..., M. Michel B..., Mme Suzanne C..., épouse B..., M. Georges D..., M. Jean-Pierre E..., Mme Jacqueline F..., épouse V..., M. Henri G..., M. Michel H..., Mme Colette I..., épouse H..., M. Jérémy J..., M. Christian K..., M. Jacques L..., Mme Roselyne M..., épouse N..., M. Elie P... et Mme Annick U..., épouse K... les appelants à payer à chacune des intimées (la compagnie Allianz IARD, la société civile particulière MBA et associés et la Selarl MBA et associés) une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne solidairement Mme Annick X... épouse Y..., Mme Georgette Z..., épouse A..., M. Michel B..., Mme Suzanne C..., épouse B..., M. Georges D..., M. Jean-Pierre E..., Mme Jacqueline F..., épouse V..., M. Henri G...,

M. Michel H..., Mme Colette I..., épouse H...,
M. Jérémy J..., M. Christian K..., M. Jacques L..., Mme Roselyne M..., épouse N..., M. Elie P... et Mme Annick U..., épouse K... aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLA PRESIDENTE

NB


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Ct0146
Numéro d'arrêt : 16/06284
Date de la décision : 09/11/2017

Analyses

La souscription de parts de SCPI étant une opération spéculative comportant des risques liés aux variations du marché immobilier, lequel s'est effondré au début des années 1990, le fait que des souscripteurs aient reçu des sommes inférieures aux bénéfices escomptés l ne constitue pas à lui seul un préjudice indemnisable. De ce fait, ils ne justifient pas d'un préjudice direct et certain résultant d'une perte d'une chance raisonnable de succès de leurs prétentions en raison d'une mauvaise défense de leur avocat.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Béziers, 20 juin 2016


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2017-11-09;16.06284 ?
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